Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, je veux, en ce début de discussion, saluer l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale d’un projet de loi sur le vieillissement de la population, dont les enjeux financiers et sociétaux n’échappent à personne.
Les Français en sont d’ailleurs bien conscients : un récent sondage montre que 63 % d’entre eux se sentent personnellement concernés par la prise en charge du vieillissement et de la dépendance et près de huit sur dix craignent de devenir dépendants. Nous le savons, le vieillissement s’amplifiera – et c’est tant mieux. Cela dit, le défi est aussi financier. En effet, le vieillissement devrait engendrer des dépenses supplémentaires de l’ordre de deux à trois points de PIB d’ici à 2025. C’est également un défi en matière de pouvoir d’achat : les ménages acquittent plus de 7 milliards d’euros d’impôts par an pour la couverture des frais liés à la dépendance. Si je comprends la nécessité de trouver de nouvelles ressources, ce sont, une fois encore, les ménages et les retraités eux-mêmes qui en seront les principales victimes, alors que vous avez déjà depuis deux ans fortement dégradé leur pouvoir d’achat.
Face à ces enjeux, je suis bien sûr convaincu que le maintien à domicile, chaque fois qu’il est possible, reste la meilleure solution pour les personnes âgées. Je reconnais les efforts proposés dans votre projet de loi pour y parvenir : 40 millions d’euros seront consacrés à l’adaptation et à l’amélioration des logements, ce qui est indispensable quand on connaît l’état d’insalubrité dans lequel se trouve un certain nombre de logements. À ce sujet, je souhaite, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, pour avoir expérimenté dans ma collectivité de nombreuses politiques d’aide à la mise aux normes des logements, que les procédures soient simplifiées afin que les personnes âgées puissent souscrire à cette politique.
Pour atteindre cet objectif de maintenir à domicile les personnes âgées, il faut aussi pérenniser le secteur des services à la personne, qui joue un rôle important dans ce domaine. Or, à ce jour, il existe un paradoxe : c’est un secteur en plein essor, porté par une demande croissante, mais il connaît dans le même temps une situation financière très fragile.
Cette situation trouve malheureusement son explication dans les décisions successives de votre Gouvernement, qui ont fragilisé l’aide à domicile et entraîné une hausse du travail au noir : suppression des 15 points d’allégement de cotisations patronales accordés aux particuliers employant un salarié à domicile, diminutions des aides fiscales aux services à la personne, ou encore suppression de la déclaration au forfait. Je regrette donc qu’aucune véritable mesure de refonte de l’aide à domicile n’ait été proposée pour un secteur qui représente pourtant un vivier d’emploi inespéré en cette période de crise et d’aggravation du chômage.
En créant deux obligations pour les entreprises privées agréées par l’État – celle de signer un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec le conseil général et celle d’être autorisée par celui-ci –, votre projet de loi exclut de fait ces entreprises, au profit des structures autorisées par le conseil général. Je demande qu’elles puissent préserver leur capacité à s’engager auprès des publics concernés et qu’elles bénéficient, de la part des conseils généraux, de la garantie d’être traitées de la même manière que les structures autorisées.
Je veux également vous faire part de mes regrets concernant la question de la prise en charge des personnes dépendantes en établissement. C’est là, à mon avis, la principale défaillance de votre projet, lequel ne répond en rien à cette question. Le manque de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, le manque de personnel, souvent aussi le fait que certains établissements ne sont pas adaptés à la dépendance et leur coût rendent aujourd’hui impossible leur accès aux personnes âgées, et ce malgré la compétence et le dévouement du personnel. C’est d’autant plus vrai dans les zones littorales, où de nombreuses personnes âgées prennent leur retraite.
Les conséquences de cette situation sont dramatiques. Les personnes dépendantes restent hospitalisées beaucoup plus longtemps qu’il ne le faudrait, ce qui entraîne des coûts très importants pour la Sécurité sociale, faute de solutions d’hébergement adaptées. Souvent aussi, les personnes concernées sont renvoyées dans leur famille, à domicile, certes avec un grand nombre d’aides médico-sociaux dans la journée, mais, la nuit, ils se retrouvent seuls avec leur conjoint.
Nous sommes tous confrontés, dans nos circonscriptions, à ces situations : le conjoint vient nous faire part de sa très grande souffrance face à sa solitude pour gérer les situations compliquées. De fait, malheureusement, c’est souvent sur celui qui se porte bien que pèse la prise en charge du conjoint.
J’ai bien noté, madame la ministre, votre souhait de permettre à ces aidants de prendre quelques périodes de répit. J’ai bien noté également les sommes financières que vous prévoyez dans votre projet de loi pour cela. Mais à quoi sert-il de prévoir des sommes d’argent si, pendant la période de « répit », la personne dépendante ne trouve aucune solution d’accueil ? Or tel est exactement notre quotidien, celui des responsables d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ce n’est pas là le « bien vieillir ». Je souhaite donc que nous concentrions nos efforts sur le développement des structures adaptées là où le besoin s’en fait sentir.
Vous nous avez annoncé, madame la ministre, un nouveau volet de la loi sur les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes, hélas ! reporté sine die. Alors qu’il s’agit là du véritable problème, je crains que nous en restions au projet de loi a minima que vous nous présentez aujourd’hui. Même s’il présente quelques avancées, ce ne résout en rien les problèmes liés au vieillissement de la population.