Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, à quelques jours de la journée internationale des personnes âgées, notre assemblée va, durant plusieurs jours, débattre de l’adaptation de notre société au vieillissement.
Les chiffres concernant l’évolution de la population et son avancée en âge sont significatifs – je n’y reviendrai pas. Je rappellerai simplement les faits suivants : toutes les quarante minutes, une personne âgée meurt aux urgences ; un suicide sur trois concerne une personne âgée ; 75 % des personnes âgées qui finissent leur vie en EHPAD n’ont pas choisi d’y entrer et leur entrée s’explique d’abord par leur impossibilité de rester à domicile ; 15 % seulement des maisons de retraite disposent d’une infirmière de nuit ; les aides à domicile sont les personnels les plus exposés et souvent, aussi, les moins formés.
Fort heureusement, vieillir n’implique pas toujours cela. On peut aussi vivre bien son avancée en âge, entouré de ces proches, et mourir dans la tendresse, y compris à l’hôpital. En ce domaine, beaucoup d’inégalités sont liées aux inégalités sociales et territoriales.
Face à cette réalité, il était nécessaire de fixer des objectifs politiques clairs de progrès et d’équité. Je remercie Mme Touraine et Mme Rossignol, sans oublier naturellement Mme Delaunay, pour l’humanité et la passion avec lesquelles elles abordent ce projet de loi, qui est novateur et ambitieux à de nombreux égards. Il s’agit certes d’un premier pas, mais encore fallait-il le franchir.
De plus en plus de personnes âgées vivent plus longtemps, mais trop souvent en situation de grande vulnérabilité et de grande solitude, avec plusieurs maladies ou handicaps qui se superposent les uns aux autres. Il fallait faire du respect des droits des personnes âgées une priorité : droit de choisir leur lieu de vie ; droit d’aller et venir dans les maisons où elles sont accueillies ; droit de choisir les conditions de leur fin de vie ; droit d’exprimer leur souhait par avance, en particulier lorsqu’elles sont atteintes de maladies dégénératives ; droit de rester à domicile le plus longtemps possible. Le projet de loi reconnaît ces droits, ce qui représente à mes yeux une avancée majeure.
Notre vision du grand âge et de la fin de vie doit évoluer. Par méconnaissance de la réalité, notre société entretient des angoisses profondes autour de ces questions et suscite une forme de dénégation pour tenter de s’en protéger. Il est de la responsabilité des hommes et femmes politiques de profiter des débats sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement pour informer tous les citoyens et faire de la pédagogie autour de ces questions.
Chers collègues, n’est-il pas temps de quitter les habits d’opposants systématiques pour défendre positivement ce texte qui, s’il ne représente qu’une étape, n’en mérite pas moins qu’on s’y engage résolument pour nos aînés ? Au prétexte qu’elle n’embrasse pas toutes les questions, faudrait-il passer sous silence les avancées permises par cette réforme ? Celles-ci sont pourtant majeures : des financements sanctuarisés à travers la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie ; le relèvement du plafond de l’APA ; des mesures pour anticiper, repérer et combattre les premiers facteurs de risques de la perte d’autonomie ; un plan sur le logement qui favorise le maintien à domicile ; l’adaptation des politiques publiques au vieillissement ; l’instauration d’un aide au répit ; les résidences autonomies.
Le texte initial a été amélioré en commission. Celle-ci a pleinement rempli son rôle en adoptant soixante-dix-neuf amendements qui ont permis de renforcer le droit des personnes : la « bien traitance » et le droit des majeurs protégés ont été garantis, le rôle des proches aidants et de l’aide à domicile a été reconnu et conforté, la situation des immigrés âgés a été prise en compte – cela ne nous éloigne pas du sujet, comme certains voudraient nous le faire croire.
Vieillir, « ce n’est pas ajouter des années à la vie, mais de la vie aux années », comme l’a écrit le psychosociologue et écrivain Jacques Salomé. Tel est bien l’enjeu auquel nous devons faire face.
Vieillir bien, c’est certes retarder les effets du vieillissement physique, conserver ses facultés mentales et favoriser l’autonomie, mais c’est aussi rester actif dans la cité, dans la vie associative, se sentir utile, non pas seulement pour ses proches ; c’est vieillir entouré, aimé et accepté de ses proches comme de la société.
Combien de personnes âgées nous disent-elles, aujourd’hui, se sentir rejetées ? Notre regard doit donc évoluer ; nos politiques aussi. Ce texte est une première étape. Nous le devons à nos aînés, à leur famille et à ceux qui les accompagnent au quotidien, car les professionnels l’attendent eux aussi. Soyons à la hauteur de leurs attentes et de leurs espérances en conduisant un débat constructif, pragmatique, ouvert aux propositions susceptibles d’enrichir le texte et qui, je l’espère, dépassera les clivages traditionnels.