Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames les rapporteures, chers collègues, notre pays est confronté au vieillissement de sa population et se doit de mettre en place un cadre pérenne de prise en charge de la dépendance.
Toutes les familles sont ou seront concernées par la dépendance d’un proche, et le diagnostic est clair : la prise en charge et l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie sont difficiles et les moyens mis en place s’avèrent insuffisants.
Le défi qui est le nôtre est de faire face, non seulement aux insuffisances présentes, mais aussi à celles de demain, avec l’accroissement des besoins liés, tout en veillant scrupuleusement à l’équité sociale et territoriale, ainsi qu’au financement du système.
La crise que nous traversons nous contraint à trouver un équilibre plus ajusté entre les prises en charge publique, privée et familiale.
Je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur la dépendance des femmes. Sous la précédente législature, en 2011, j’ai été l’auteure d’un rapport sur ce sujet, au titre déjà évocateur : Femmes et dépendance : la double peine.
Au fil des auditions, l’importance de l’impact de la dépendance sur les femmes a été, malheureusement, clairement dénoncée. Elle touche en effet majoritairement les femmes pour elles-mêmes et, dans la prise en charge de la dépendance de leurs proches, elles sont en très grande majorité les seules à assumer. Les femmes se voient trop souvent, hélas, assigner un rôle qui est délaissé par les hommes.
Les services à la personne âgée sont assurés aussi et surtout par les femmes. La difficulté de cet engagement au quotidien, le manque de reconnaissance de ces métiers d’aide à la personne ainsi que les faibles salaires associés ne sont pas assez dénoncés, alors que ces métiers constituent un des rares secteurs porteurs en cette période de crise.
Les inégalités et les discriminations dont souffrent de nombreuses femmes tout au long de leur vie familiale et professionnelle ont, bien sûr, des répercussions néfastes qui les accompagneront, dans un sens défavorable, jusqu’à la fin de leur vie.
Ainsi, un grand nombre de « travailleuses pauvres », de salariées des classes moyennes, de femmes ayant interrompu leur carrière pour élever leurs enfants ou accompagner un conjoint ou un parent malade, se retrouvent avec une très faible retraite, moins de 1 000 euros par mois. Parfois dans la précarité, elles ne peuvent pas supporter, au moment du grand âge et de la solitude, la prise en charge financière d’une future perte d’autonomie.
Ce projet de loi, très attendu, ne répond pourtant pas à ce défi, ni à la question du reste à charge supporté par les familles pour leurs proches dépendants accueillis en établissement. Cette question est même repoussée à un hypothétique futur texte.
La véritable question est celle du financement de la prise en charge de la dépendance, alors que le poids financier supporté par les départements va s’accroître inévitablement, et que les finances de ces collectivités locales sont déjà extrêmement tendues.
II y a donc urgence à répondre aux vraies questions.
Favoriser le maintien à domicile correspond aux souhaits des personnes concernées. Retisser les liens intergénérationnels doit être un grand défi de notre société. Trouvons les moyens appropriés d’encourager les familles qui souhaitent accueillir chez elles leurs parents âgés ! Cette immense responsabilité de coeur pose la question des mesures incitatives qui méritent d’être étudiées indépendamment de l’état exsangue de nos finances publiques.
Si j’ai intitulé mon rapport Femmes et dépendance : la double peine, il faut dire que pour nous aussi, législateurs, c’est la double peine : nous sommes chaque jour sollicités par nos concitoyens qui attendent des réponses concrètes, pérennes, et rapides ; or nous devons examiner un texte dont nous savons qu’il ne répondra pas à cet enjeu majeur de notre société.