Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, il semble bien que le sujet des personnes âgées soit une affaire de femmes...
Trop longtemps, le vieillissement de la population française a été occulté. Plusieurs raisons, objectives mais aussi subjectives, expliquent cet état de choses.
En premier lieu, les politiques publiques qui lui sont consacrées sont techniquement complexes. Elles doivent en effet organiser l’articulation de nombreux acteurs institutionnels, qui peinent parfois à dialoguer entre eux. Le vieillissement soulève aussi la question toujours prégnante du financement. Mais il faut aussi admettre que cet enjeu a longtemps souffert du regard souvent négatif que notre société jette sur le grand âge, voire de l’absence de regard, c’est-à-dire cette volonté de ne pas voir la réalité en face. Il est vrai que le dynamisme de la démographie française, qui, depuis une quinzaine d’années, tranche avec celle de ses voisins européens, à l’exception de l’Irlande, masque sensiblement cette autre réalité.
Il faut donc sincèrement saluer l’initiative du Gouvernement, qui pose un acte fort.
Au-delà de nos différences politiques, mes chers collègues, nous avons le devoir de travailler ensemble à trouver des solutions pérennes aux difficultés du jour, qui seront demain insurmontables si nous ne nous en saisissons pas avec détermination car, au coeur de notre réflexion, il n’y a finalement qu’une seule question, celle du bien vieillir, du bien-être de nos âgés, du respect que nous leur devons.
L’une des solutions qui permettront à la France de faire face demain au vieillissement de sa population sera naturellement la préservation de l’autonomie des âgés par le développement de services adaptés, et donc celle du maintien à domicile, domaine dans lequel de grands efforts sont à faire.
L’exemple donné par le Danemark fait à ce titre figure de véritable modèle. Aujourd’hui, 5 % des Danois âgés de plus de soixante-quinze ans vivent en maison de retraite, selon un rapport du Centre d’analyse stratégique, alors qu’ils étaient 16 % en 1982. En France, ce sont 10 % des plus de soixante-quinze ans qui vivent en établissement.
Dans ce pays, des logements pour les personnes âgées ayant besoin d’un habitat spécifique ont été bâtis, avec possibilité d’accéder facilement à des locaux adaptés et des services spécifiques. Ces logements sont situés dans des zones où les services de maintien à domicile accèdent facilement. Depuis 1987, le Danemark a ainsi décidé d’arrêter toute construction de maison de retraite nouvelle et a engagé une politique de réhabilitation et construction de logements adaptés pour répondre aux besoins des personnes dépendantes. C’est donc non pas seulement une réforme purement technique mais aussi tout un regard porté sur l’âge par les institutions et la société danoises qui ont permis cette véritable révolution.
Pour réaliser ce tour de force, le Danemark s’est appuyé essentiellement sur la collectivité la plus proche de la population, à savoir la commune. L’organisation de la prise en charge des personnes âgées au Danemark a donc été simplifiée pour éviter la multiplication des acteurs et permettre une meilleure cohérence.
La France peut et doit trouver son propre modèle, et elle est en train de le faire.
Quoi qu’il en soit, la place et le rôle des collectivités sont essentiels et doivent être renforcés. C’est bien ce qu’envisage ce projet de loi. Il faut s’en féliciter. La réflexion devra toutefois se poursuivre. La réforme territoriale doit ainsi être un levier dont il serait intéressant de se saisir à cette occasion.
Dans ce cadre, la refondation de l’aide à domicile est un impératif. Nous faisons le choix d’appuyer mieux et plus les aidants et de soutenir l’accueil familial. Ce n’est pas seulement une question de coût, il s’agit aussi de renforcer un lien intergénérationnel souvent abîmé, voire rompu dans notre pays. Travailler en ce sens, c’est aussi une manière de réinventer le lien social, de permettre à une société de faire sens.
Vous connaissez tous la magnifique chanson de Jacques Brel, Les Vieux, mais également l’image qu’elle renvoie du vieillissement. Avec ce texte, au-delà des actions proposées, il s’agit aussi de rompre avec ce regard, cette pendule en argent qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, qui dit : « je vous attends ».