Sept groupes de travail ont été constitués pour démultiplier l'action de la commission. Le premier étudie le contexte stratégique, le deuxième réfléchit aux cadres de l'action, le troisième est centré sur la sécurité nationale, notion qui doit être clarifiée. Le quatrième, fermé, traite du renseignement. Le cinquième examine les contrats opérationnels ; le séminaire que nous organisons samedi prochain contribuera à préciser cette question. Le sixième groupe analyse les enjeux des industries de défense ; il se penche sur l'évolution technologique et réfléchit à ce que doit être le rôle de l'État pour maintenir une base industrielle et technologique de défense qui, outre qu'elle a une forte incidence pour notre économie et nos exportations, irrigue par la recherche, au-delà de la défense, la technologie civile. Le septième groupe, co-présidé par un amiral et un préfet, traite des ressources humaines ; alors que les armées sont soumises à des changements en profondeur qui suscitent des inquiétudes, il faut emporter l'adhésion des hommes et des femmes qui devront appliquer le projet dont les orientations seront tracées dans le Livre blanc. Lorsque j'étais chargé des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, je voulais être sûr que les personnels étaient fiers des missions qui leur étaient confiées. Pour leur part, les militaires français ont accompli des tâches remarquables, difficiles et périlleuses en Afghanistan. Alors que ces opérations viennent à leur terme, il est nécessaire qu'ils sachent l'existence d'un projet réaffirmant leur rôle au sein de la Nation. C'est ainsi que nous attirerons les meilleurs, ceux dont nous avons besoin.
S'agissant du calendrier, un séminaire d'étape se tiendra à la fin de cette semaine. Au cours de la deuxième moitié du mois de novembre, un rapport intermédiaire validera les hypothèses probables d'engagement, les évolutions à apporter à notre stratégie et les éventuels abandons ou réductions de capacité. Ce travail nous permettra de disposer, mi-décembre, d'un texte en phase d'achèvement afin que le rapport préparatoire au Livre blanc puisse être remis aux autorités de la République dans le courant du mois de janvier. Le Livre blanc pourra ainsi être approuvé par le Conseil de défense et de sécurité nationale puis publié au cours du mois de février.
La question principale qui émerge des réflexions des groupes de travail est la détermination de nos zones d'engagement prioritaires, qu'elles soient immatérielles – la cyberdéfense - ou géographiques. Dans leur dimension territoriale, cela conduit à définir différents degrés d'implication dans les crises selon les régions où elles adviennent. La France ne jouera pas un rôle de leader dans le règlement d'incidents comme ceux qui ont eu lieu récemment entre la Chine et le Japon ; cela ne signifie pas que nous ne devions pas participer à la recherche de solutions. Il nous faut réfléchir au calibrage de notre action, ce qui nous aidera à définir la nature et le volume des capacités militaires que nous pouvons mettre en oeuvre de manière autonome.
Cette question en nourrit d'autres : quelles seront les conséquences d'éventuelles réductions de formats ? Comment assurer une relance pragmatique de l'Europe de la défense ? Quelles sont les mutualisations possibles ? Quelle méthode graduelle peut contribuer à forger une culture de défense commune quand l'histoire et la géographie expliquent le tropisme de la Pologne vers l'Est, celui de l'Espagne, de l'Italie et de la France vers la Méditerranée ? La prise de conscience se fait progressivement que la sécurité ne s'arrête pas aux frontières nationales et que la proximité géographique immédiate n'est pas le seul enjeu ; il faut être pédagogue pour convaincre nos partenaires que la dimension civilo-militaire est un élément possible de la relance européenne.
La dernière décennie a montré que la stratégie militaire ne constitue qu'un élément de la résolution des conflits, les autres étant les opérations de maintien de la paix et de stabilisation ; sous peine d'échec, une articulation est nécessaire avec la dimension civile pour bâtir la confiance en un État. Le défi est difficile à relever, comme le montre la situation en Afghanistan, mais il se présentera à chaque fois que nous serons conduits à nous engager sur des théâtres d'opération où la menace est due à la faiblesse d'un État et non à sa force. Or, il est parfois difficile de convaincre certains de nos partenaires que les deux volets sont complémentaires, et le fonctionnement incertain des institutions européennes en ce domaine entrave la nécessaire pédagogie.