Intervention de Yann Galut

Réunion du 10 septembre 2014 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYann Galut, rapporteur pour avis :

En ce début de session extraordinaire, nous devons nous réjouir de l'examen pour avis par notre Commission de ce projet de loi extrêmement novateur. L'examen de ce texte intervient dans un contexte national et international de cristallisation des consciences sur les enjeux de la lutte contre la fraude fiscale. Depuis 2008, cette large prise de conscience vaut aussi bien pour les États que pour les contribuables ou les institutions financières.

Les affaires UBS – aux États-Unis ou en France – ont déclenché une série de sanctions et de menaces particulièrement dures traduisant une volonté de contrer les agissements illégaux de l'institution financière dans un contexte de crise économique mondiale.

Sur le plan national comme européen, la lutte contre la fraude fiscale est une priorité clairement affichée de la majorité. En partenariat avec l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni, c'est ainsi la France qui, par la voix de M. Pierre Moscovici, a demandé à la Commission européenne de préparer un projet de directive, révisant le droit européen en matière de coopération administrative.

L'adoption de la directive proposée par la Commission européenne le 12 juin 2013 ferait ainsi de l'Union européenne la région proposant le système d'échange automatique d'informations le plus étendu au monde.

Il en va de même sur plan national : en 2013, le contrôle fiscal a permis à l'administration française de procéder à des redressements à hauteur de 18 milliards d'euros. Par ailleurs, plus de 24 000 dossiers de repentis ayant des comptes bancaires dissimulés à l'étranger ont été déposés depuis juin 2013. Et en mai 2014, l'administration a traité 1 372 dossiers, qui ont rapporté 856 millions d'euros à l'État. La loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et le service de traitement des déclarations rectificatives y sont pour beaucoup.

Sur ce point, je tiens à souligner que le niveau d'imposition d'un pays et son volume d'évadés fiscaux ne sont absolument pas liés. On peut affirmer que tout pays est un « enfer fiscal » aux yeux des uns, alors qu'il représente un « paradis fiscal » pour les autres. Certains Français désirent s'exiler en Belgique ou en Russie ? Mais ces pays luttent également contre la fraude fiscale de leurs propres ressortissants ! Pour faire face à ce fléau mondial, l'intérêt politique s'est de plus en plus concentré sur les possibilités qu'offre l'échange automatique de renseignements.

C'est tout l'objet du projet de loi dont nous discutons ce matin. Ce texte vise à approuver l'accord signé le 14 novembre 2013 entre le gouvernement français et le gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et d'appliquer la loi dite « FATCA » – Foreign Account Tax Compliance Act. Il s'agit du premier texte signé par la France avec un autre État afin de mettre en place un échange automatique d'informations à des fins fiscales, et ce sur un très large panel de données bancaires.

La loi FATCA a été adoptée par les États-Unis en 2010 afin de renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales, en imposant à tous les établissements financiers du monde de transmettre automatiquement aux États-Unis des informations sur les revenus et les actifs de leurs contribuables, personnes physiques ou entités. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une retenue à la source de 30 %, appliquée aux revenus financiers versés depuis les États-Unis vers les comptes récalcitrants tenus par l'établissement concerné.

Le dispositif voté en 2010 est donc fortement extraterritorial, et unilatéral. Cette méthode, pour le moins cavalière, fut le point de départ d'un cycle d'intenses négociations, menées en premier lieu par la France et ses partenaires européens afin d'organiser la mise en application de ce dispositif dans le cadre d'accords bilatéraux. La plupart des partenaires des États-Unis ont entrepris ces dernières années de telles négociations. Ainsi, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, mais également le Canada, le Mexique, le Japon et la Suisse, ont signé de tels accords au cours de l'année 2013.

L'accord annexé au projet de loi est conforme dans ses grandes lignes au modèle publié par le Trésor américain : il fixe un cadre juridique sécurisé, permettant l'échange automatique d'informations avec les États-Unis, et précise l'ensemble des définitions et procédures pour que les deux États appliquent le dispositif de manière homogène. Il décrit précisément les éléments qui doivent être obtenus et échangés, ainsi que le calendrier et les modalités pratiques. Les premiers échanges d'informations, qui porteront sur des données collectées à partir du 1er juillet 2014, auront lieu à compter du 30 septembre 2015.

Les autorités françaises collecteront des informations sur les citoyens et résidents des États-Unis : identification, soldes des comptes, valeurs de rachat des contrats d'assurance vie, revenus financiers.

La France a su s'entourer de nombreuses garanties : l'accord qu'elle a signé lui permet une application centralisée de l'accord FATCA. Les données transiteront ainsi par l'administration fiscale française, la direction générale des finances publiques, et non pas directement par les institutions financières. La clause de la nation la plus favorisée permet à la France de bénéficier de toute stipulation plus favorable que les États-Unis accorderaient à un autre pays. Enfin, notre pays pourra toujours invoquer les dispositions du code fiscal américain si celles-ci lui sont plus favorables que les termes de l'accord.

Les États-Unis ont accepté un principe général de réciprocité dans tous les domaines où leur législation le permet. Ils se sont expressément engagés à promouvoir des réformes pour parvenir à une réciprocité complète. Cet engagement figure à l'article 6 de l'accord mais fait également l'objet de la déclaration d'intention qui l'accompagne. Pour l'heure, l'identification des comptes nous permettra de demander des informations, au cas par cas, dans le cadre de la convention fiscale bilatérale existante.

Cette question de la réciprocité ne doit pas masquer les avancées considérables que favorise cet accord. Sur le plan multilatéral, l'échange automatique d'informations à des fins fiscales tend à s'affirmer comme un standard mondial. La loi FATCA ayant été l'élément déclencheur de progrès considérables dans la lutte contre l'évasion fiscale internationale, elle doit être vue comme une chance, et non plus comme une contrainte venue d'outre-Atlantique.

Si la loi FATCA est une chance, c'est avant tout parce qu'elle a forcé nombre de pays, y compris européens, d'ordinaire réticents à toute coopération administrative en la matière, à réviser leurs positions. Or, il ne fait aucun doute que l'accord entre la Suisse et les États-Unis, qui a lui-même provoqué le ralliement du Luxembourg et de l'Autriche à la procédure d'échange automatique, a été le facteur déclencheur des avancées enregistrées au niveau européen, que je soulignais précédemment.

Sous l'impulsion du G20 notamment, l'OCDE a élaboré un standard mondial d'échange automatique d'informations, inspiré de FATCA, destiné à permettre aux États d'adopter un tel dispositif avec leurs partenaires. Le 21 juillet dernier, l'OCDE a diffusé la version complète de cette norme, qui sera présentée aux ministres des Finances des pays du G20 lors de leur prochaine rencontre les 20 et 21 septembre prochains.

Toutes les difficultés ne sont pas encore levées, et la mise en place de ce standard nécessite encore du travail et de la concertation. Les réticences de certains pays européens, l'essor des paradis fiscaux asiatiques et la superposition des standards sont autant de défis à relever. Mais le sursaut qu'a entraîné l'adoption de FATCA est réel et la voie vers une plus grande transparence fiscale internationale semble bel et bien ouverte.

Le 6 avril 2009, le secrétaire général de l'OCDE, M. Angel Gurría, avait prédit dans un entretien au journal Le Monde que « celui qui veut frauder n'aura bientôt nulle part où se cacher ». Si les fraudeurs ne manquent pas d'imagination ni de conseils pour se soustraire toujours plus aux regards des administrations fiscales nationales, le texte présenté par le Gouvernement est certainement un pas de plus en direction d'une meilleure efficacité de cette bataille contre l'évasion fiscale internationale.

Pour toutes ces raisons, je recommande l'adoption sans modification du projet portant approbation de l'accord FATCA.

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