Intervention de Carlos Ghosn

Réunion du 10 septembre 2014 à 9h00
Commission des affaires économiques

Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault :

Merci de vos questions.

Nous entretenons des relations très ouvertes avec Vincent Bolloré et son groupe depuis plusieurs années – vous savez qu'il a beaucoup investi dans le domaine des batteries. Nous les considérons comme des partenaires potentiels depuis le lancement de notre offensive sur l'électrique, c'est-à-dire 2007 environ ; à notre sens, nous partageons la même vision en matière de transport écologique. Mais c'est effectivement aujourd'hui que nous formons une alliance industrielle. Une partie de l'assemblage de sa voiture électrique se fera désormais dans notre usine de Dieppe. Vincent Bolloré a développé une solution unique au niveau mondial – Paris est une vitrine, que je cite souvent aux responsables politiques du monde entier – et il a maintenant une quinzaine de projets similaires. La liste des villes concernées, je vous l'assure, est impressionnante. Nous sommes donc désormais partenaires. Renault contribue par son savoir-faire – nous savons construire des voitures – et, à nos yeux, tout ce qui familiarise les conducteurs avec le véhicule électrique est bon pour nous. Ce partenariat permettra aussi de faire mieux reconnaître le savoir-faire français.

Nous ne sommes plus actionnaires de Volvo, qui possède Renault Trucks. Nos relations restent amicales.

La profitabilité des marchés peut varier énormément d'une année sur l'autre. Ainsi, l'Argentine était l'un de nos marchés les plus profitables avant la crise : nous y sommes aujourd'hui dans le rouge. De façon similaire, notre situation au Brésil a connu une forte dégradation. Le marché russe demeure très profitable pour nous, malgré la récente baisse. Sur certains marchés, qui évoluent beaucoup, la profitabilité dépend énormément du taux de croissance du marché ; nous sommes donc heureux de pouvoir compter sur quelques piliers solides – dont la France, qui demeure pour nous un marché très important.

Le plan Women@Renault est essentiel. Pour nous, la diversité est une force, et il est essentiel de renforcer la présence des femmes, notamment au sein des instances de commandement. C'est notre conviction, mais c'est tout simplement la réalité de notre marché : aujourd'hui, 60 % en moyenne des décisions d'achat sont prises, directement ou indirectement, par les femmes. Or celles-ci ne regardent pas l'objet automobile de la même façon que les hommes – elles s'intéressent peu aux performances du moteur et plus au positionnement dans la voiture, à la sécurité, à la fiabilité, à la qualité des matériaux, aux rangements… Si les hommes prennent seuls les décisions, l'entreprise passe à côté de nombreuses chances !

La présence féminine doit donc se renforcer, et dans tous les domaines : production, design, mais aussi marketing et vente. Au niveau mondial, 80 % des femmes nous disent qu'elles préfèrent avoir affaire à une vendeuse plutôt qu'à un vendeur, quand 50 % seulement des hommes préfèrent un vendeur. Il serait donc logique que nous ayons beaucoup de femmes, mais celles-ci ne représentent aujourd'hui que 10 % de notre force de vente ! Vous voyez que notre marge de manoeuvre est importante. Les statistiques sont criantes : notre engagement en faveur de la diversité – je pourrais vous parler aussi de l'âge et de l'origine ethnique de nos collaborateurs – correspond à nos convictions, mais c'est tout simplement une question de respect de nos marchés et des demandes de nos clients. Bien gérée, elle constitue une vraie force.

S'agissant des lois votées récemment par le Parlement, notamment sur l'implantation de bornes de recharge de véhicules électriques, elles vont dans le bon sens. L'industrie a toujours tendance à voir le verre à moitié vide. Mais nous applaudissons quand l'État répond présent, car nous avons vraiment besoin de son soutien pour innover en matière de transport – pour développer le véhicule à zéro émission, la connectivité des voitures, les voitures autonomes…

Le dispositif de bonus-malus pour l'électrique va également dans le bon sens ; nous souhaitons qu'il dure aussi longtemps que possible afin de faciliter le basculement des marchés.

Sur la question sociale, je veux souligner que même les syndicats qui n'ont pas signé l'accord se sont montrés très coopératifs, ont travaillé avec nous, émis des suggestions qui ont enrichi le plan. Celui-ci est aujourd'hui, je crois, soutenu par tout le monde chez Renault. Nous disposons d'un observatoire interne de suivi, qui vérifie que nous tenons nos engagements sur les effectifs, sur le temps de travail… Les organisations syndicales sont partie prenante de ce travail d'accompagnement.

Notre temps de travail est aujourd'hui à trente-cinq heures, ce qui veut dire que dans certains secteurs, il a augmenté : nous étions auparavant en dessous. La modération salariale est comprise de tous, et globalement acceptée, même tout ce n'est pas toujours facile : il n'y a eu gel des salaires que la première année, mais nous négocions les hausses sur des bases très modérées. Tout se passe dans la plus grande transparence et tout est expliqué. Nous nous sommes engagés à maintenir nos sites en France, et les contrats que nous obtenons montrent que nous y travaillons. Je n'ai aucune inquiétude sur les 200 000 rapatriements que vous citiez : les trois quarts du chemin sont d'ailleurs déjà faits, grâce aux 132 000 Micra de Nissan et aux véhicules utilitaires Fiat. Parcourir le reste sera d'autant plus aisé que le marché européen se développe plus que prévu. Et si nous pouvons aller au-delà de ce que nous avons prévu, nous le ferons.

S'agissant des nouvelles mobilités, elles resteront, je crois, marginales, même si ce marché devrait s'accroître très fortement. La voiture n'est pas qu'un objet rationnel, c'est une marque de statut social, un objet auquel on est sentimentalement attaché : qui ne se souvient pas des voitures qu'il a possédées ? Si l'on utilisait la voiture de façon rationnelle, il y aurait infiniment moins de 4x4 dans les rues, et les puissances des voitures diminueraient fortement ! L'autopartage restera donc, je pense, limité.

Vous m'interrogez aussi sur la situation en Russie. Nous la suivons de très près, car nous sommes en train de devenir majoritaires dans le capital d'Avtovaz. Nous déplorons bien sûr la compression du marché russe, mais aujourd'hui, nous ne constatons pas de gêne particulière à notre activité en Russie – ce qui pourrait changer si la situation se détériorait encore.

S'agissant de l'État actionnaire, il ne me revient pas de me prononcer. Je constate que nous avons reçu de l'État le même soutien que PSA Peugeot Citroën, dont l'État n'est pas actionnaire : je pense par exemple aux emprunts accordés pendant la crise. L'État nous soutient d'abord parce que nous sommes une grande entreprise, qui crée beaucoup d'emplois en France, qui investit énormément, et pas parce qu'il est actionnaire. Mais compter l'État parmi nos actionnaires est pour nous une bonne chose : c'est en effet un investisseur de long terme, stable et prévisible.

Nous sommes effectivement des acteurs de plusieurs plans de reconquête industrielle, qui marchent très bien. Je suis moi-même chef du projet « véhicule à pilotage autonome », vous l'avez dit. Cela se passe très bien, les différents acteurs coopèrent étroitement. J'ai déjà évoqué la voiture à deux litres aux 100 kilomètres, et même moins, que nous vous présenterons bientôt. Tout cela, c'est de la technologie de pointe, de l'innovation à l'état brut, essentiellement issue de Renault, mais aussi de nos partenaires. Ces plans marchent, parce qu'ils correspondent à des besoins, à des marchés.

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