La commission a auditionné M. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault.
Je vous remercie, monsieur le président-directeur général, d'avoir accepté notre invitation. Vous vous êtes déjà exprimé devant cette commission, mais c'est la première fois sous ma présidence. Il est important que vous nous donniez des nouvelles de la maison Renault, à laquelle nous sommes tous très attachés. En lisant la presse, spécialisée ou non, nous avons le sentiment que le marché de l'automobile a tendance à reprendre en Europe – même si ce n'est pas encore flagrant en France – et qu'il progresse fortement dans les pays dits émergents.
Renault est le quatrième constructeur mondial, avec 10 % du parc automobile actuel. Son chiffre d'affaires en France s'élève à 8,25 milliards d'euros. C'est donc une entreprise qui compte dans le paysage mondial de l'industrie automobile. En termes de marketing, vous devez développer une stratégie multimarques : il faut des véhicules pour tous les budgets. En outre, la motorisation doit évoluer. En France, vous avez été parmi les premiers à croire à la voiture 100 % électrique. Vous avez des objectifs très ambitieux pour l'année prochaine, notamment revenir dans le trio de tête des constructeurs mondiaux, actuellement composé de Toyota, Volkswagen et General Motors. Est-ce un objectif crédible ?
Nous nous félicitons que vous ayez fait le choix de maintenir votre activité industrielle sur le territoire français. Je pense notamment à l'usine Renault de Dieppe, qui va assembler des véhicules. Vous avez conclu un certain nombre d'accords avec le groupe Bolloré en matière d'autopartage. Les constructeurs – c'est normal – doivent s'adapter aux nouveaux modes de consommation, faute de quoi leurs concurrents décideraient des évolutions du marché à leur place. Par ailleurs, vous êtes sur une logique de développement de petites voitures. Vous n'avez d'ailleurs pas de leçons à recevoir en la matière : nous avons tous en tête les modèles qui ont souvent été la première voiture des jeunes et qui ont fait la gloire de la marque. Autre particularité : vous formez les cadres de vos concurrents. Ainsi, M. Carlos Tavares, qui était venu nous parler de Renault il y a peu, est revenu récemment nous présenter la nouvelle stratégie de Peugeot. Y aurait-il donc une perspective de fusion entre Renault et Peugeot ? Je le dis pour alimenter la rumeur, aussi loufoque soit-elle !
J'espère en tout cas, monsieur le président-directeur général, que vous allez nous annoncer de bonnes nouvelles.
Merci de votre invitation, monsieur le président. Ce n'est en effet pas la première fois que je m'exprime devant la représentation nationale. Lorsque j'étais venu devant cette commission en 2008 et 2009, au début de la crise financière internationale, je m'étais dit confiant : le groupe Renault était armé pour traverser la crise dans de bonnes conditions et, si tout se déroulait bien et que nous menions bien notre affaire, devait sortir plus fort de la crise. Je suis très heureux de pouvoir vous le confirmer aujourd'hui, en l'illustrant par un certain nombre de faits. C'est en soi un message d'optimisme : dans la compétition mondiale, impitoyable dans le secteur automobile, il y a une place pour des entreprises françaises innovantes et compétitives.
Malgré les crises répétitives depuis 2008, l'engagement de chacun de ses 120 000 collaborateurs a permis au groupe Renault de se renforcer. Les résultats du premier semestre 2014 le montrent : nous sommes capables d'aborder l'avenir sereinement, avec des bases solides, non seulement en France – le marché français est un élément très important de notre stratégie, grâce au consensus social créé autour de l'accord de compétitivité signé en 2013 –, mais aussi partout dans le monde, notamment dans les pays émergents que vous avez mentionnés, monsieur le président, ainsi que dans les nouveaux pays émergents, où Renault se bat pour croître.
Nos ventes ont bien progressé depuis le début de l'année, de 4,7 %, alors que le marché mondial a cru dans le même temps de 4 %. Nous avons atteint cette performance grâce à la hausse du marché européen, qui a permis de compenser le recul d'autres marchés importants où Renault est très implanté, notamment la Russie – qui connaît une très forte récession –, le Brésil et l'Argentine. Ainsi, les marchés qui nous ont permis de tenir pendant la crise européenne sont en train de se retourner, et c'est aujourd'hui l'Europe qui nous aide à faire face à une situation plutôt précaire dans ces pays-là. La situation n'y est pas précaire pour Renault : ses parts de marché progressent. Mais, compte tenu de la contraction de ces marchés, nous n'avons pas atteint un certain nombre de nos objectifs commerciaux. S'agissant du marché européen, nous venons de relever à 3 ou 4 % notre prévision de hausse pour 2014, contre 2 % en début d'année.
En matière de profits, la situation de l'entreprise est saine : notre marge opérationnelle a continué à progresser. Notre équilibre financier est également très sain : l'entreprise a une trésorerie disponible – free cash flow – positive. En d'autres termes, elle ne brûle pas de trésorerie, mais en génère, et ce de manière ininterrompue depuis cinq ans. La gestion très rigoureuse que nous avons menée depuis le début de la crise nous a permis de ne pas nous retrouver dans une situation financière précarisée, bien au contraire. C'est très important : cela signifie que nous n'avons fait aucune concession, ni en matière d'investissements ni en matière de développement technologique. Nous n'avons remis en cause aucun de nos projets : l'avenir de Renault n'a pas été handicapé par les années de crise.
Même si nous restons prudents compte tenu d'un environnement turbulent, le groupe est dans une dynamique positive. Renault est aujourd'hui « plus global », mais n'en est pas, pour autant, « moins français » : il n'y a pas de contradiction entre ces deux aspects. Nous sommes en train de renforcer nos assises en France : treize de nos trente-sept sites de production s'y trouvent ; 40 % des collaborateurs du groupe y travaillent ; nous y réalisons 80 % de nos dépenses d'ingénierie. La France est non seulement notre premier marché, mais aussi un enjeu très important en matière de performance et de compétitivité.
À cet égard, je souligne l'importance de deux atouts qui favorisent le développement des activités de recherche en France : le crédit d'impôt recherche (CIR), qui est très apprécié par les entreprises et contribue à leur compétitivité ; la protection des pièces au titre des dessins et modèles. Ces deux éléments clés stimulent l'appétit des entreprises françaises pour investir et se développer en France.
Nous avons parfois un débat sur l'utilité du CIR. Confirmez-vous que Renault n'aurait pas ce volume de recherche dans notre pays sans ce dispositif ?
Le CIR n'est pas la seule raison pour laquelle Renault localise ses activités de développement en France, mais il y contribue : lorsque nous avons le choix, l'existence du CIR nous aide à faire « basculer » davantage de projets du côté de la France.
Comment le groupe s'est-il sorti des différentes crises et quelle est notre stratégie pour l'avenir ? J'aborderai d'abord la situation en Europe, principal sujet d'intérêt. Le marché européen était sous tension pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles. Structurelles, parce que l'Europe est un marché mature : nous ne pensons pas que le taux de motorisation, actuellement de l'ordre de 500 véhicules pour 1 000 résidents, va évoluer de manière significative à l'avenir. À titre de comparaison, le taux de motorisation s'établit à 20 voitures pour 1 000 habitants en Inde, à 100 en Chine, à 200 au Brésil et à 300 en Russie. À l'autre extrême, il atteint près de 800 aux États-Unis. L'industrie automobile a donc tendance à concentrer son attention sur les pays dans lesquels la population est élevée et le taux de motorisation faible, et qui réalisent des investissements en matière d'infrastructures. L'Europe reste néanmoins un continent très important : elle continue à représenter plus de la moitié des ventes du groupe Renault ; c'est aussi le continent sur lequel nous avons le plus de compétences.
Au cours de la crise qui a débuté en 2008, tous les constructeurs automobiles ont été confrontés à une crise de liquidités majeure. L'État a joué un rôle essentiel : il a permis aux deux constructeurs français d'éviter cette crise en leur donnant accès à 3 milliards d'euros de liquidités chacun en 2009, au plus fort de la crise. Une fois le pic de la crise passé, nous avons remboursé cet emprunt très rapidement, en 2010 et 2011, en trois tranches de 1 milliard d'euros. Nous avons payé les intérêts afférents, ce qui a rapporté 350 millions d'euros à l'État. Il s'est agi d'une mesure « gagnant-gagnant » : l'État est intervenu rapidement pour nous aider dans un moment difficile ; nous avons eu les moyens de lui verser une rémunération pour ce prêt.
Mais nous avons traversé la crise pour une autre raison : Renault a su anticiper, être novateur. Nous avons eu le courage de nous positionner plus tôt que d'autres sur un certain nombre de terrains stratégiques pour l'avenir, ce qui était loin de faire l'unanimité : nous avons été critiqués pendant de nombreuses années sur ce point et continuons à l'être.
Nous avons mené une action de redressement sur le marché européen dès 2009, qui s'est amplifiée en 2013. Les deux piliers ont été l'innovation – le renouvellement des produits et de la technologie – et le dialogue social, qui nous a été très utile pour renforcer notre compétitivité. Nous nous sommes appuyés sur la longue tradition d'innovation de Renault en la matière. Dès le début de la crise, en 2009, nous avons signé avec les organisations syndicales un « contrat social de crise », qui avait pour objectif de sauvegarder 8 000 à 10 000 emplois menacés en France. Malheureusement, contrairement à ce que nous pensions, le marché européen a poursuivi sa chute au-delà de 2009, jusqu'en 2013. En 2012, le volume des ventes sur le marché européen s'est établi à 14 millions de véhicules, chiffre nettement inférieur aux 20 millions de véhicules que nous avions atteints en 2007 et en 2008. Le marché se rétablit petit à petit, mais il est encore très loin de son niveau d'avant la crise. Aux États-Unis, le marché automobile a chuté mais s'est aussi rétabli beaucoup plus rapidement : le volume des ventes automobiles a retrouvé son niveau d'avant la crise.
Nos usines françaises travaillant surtout pour le marché européen, l'effondrement de ce marché a eu des conséquences sur notre outil industriel : le taux d'utilisation de notre capacité de production est tombé à 60 %. Face à une telle situation, intenable à long terme, deux options se présentaient : soit réduire notre capacité de production en fermant des sites, soit tenter d'améliorer notre compétitivité tout en augmentant l'activité de nos sites. Nous avons, bien sûr, choisi la seconde option. L'accord de compétitivité a été signé le 13 mars 2013 par trois organisations syndicales sur quatre – CFDT, CFE-CGC et FO –, représentant 70 % du personnel. Nous avons pris l'engagement de conserver tous les sites et d'augmenter la production en France, en échange d'une participation de tous à l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise. Nous nous sommes engagés, d'une part, à être sur une pente de production de 710 000 véhicules par an en France à la fin de l'année 2016 – soit une augmentation de 33 % par rapport à 2012 – et, d'autre part, à faire venir en France des productions de partenaires de Renault afin de garantir qu'il n'y ait pas de surprise, quels que soient les aléas du marché européen. Cela a été fait et l'accord fonctionne très bien : nous bénéficions d'une paix sociale qui nous permet de travailler de manière tout à fait constructive depuis sa signature. Les engagements pris par l'entreprise à moyen terme – jusqu'à la fin de l'année 2016 donc – donnent une visibilité à l'ensemble du personnel. Dans le même temps, cela permet à l'entreprise de renforcer sa compétitivité.
On nous attendait sur notre capacité à attirer des partenaires en France. Nissan a confié à l'usine Renault de Flins la production de sa nouvelle Micra, qui commencera à y être assemblée à la fin de l'année 2016. Il s'agissait à l'origine de 80 000 véhicules, devenus 132 000 après actualisation. Le site de Flins restera une usine Renault, mais il travaillera pour l'alliance : il produira à 50 % pour Renault et à 50 % pour Nissan. En juillet, nous avons annoncé la signature d'un projet avec un nouveau partenaire, Fiat, pour produire un véhicule utilitaire en France. En janvier, nous avons transféré à notre usine de Cléon la production de 65 000 boîtes de vitesses auparavant fabriquées au Portugal. Nous avons également investi 10 millions d'euros pour augmenter la capacité de production de l'usine de Batilly. Notre usine de Sandouville est prête à produire en série le véhicule utilitaire Trafic. Enfin, notre usine de Douai, elle aussi en pleine mutation, fabriquera bientôt le successeur de la Renault Espace, que vous aurez l'occasion de découvrir au Mondial de l'automobile à Paris.
Nous sommes entrés dans un cercle vertueux. Je le répète : nous avons pris des engagements pour rassurer l'ensemble de notre personnel – qui était, particulièrement en France, préoccupé par la question du maintien des sites et de l'activité – en échange d'un certain nombre d'engagements en matière d'amélioration de la compétitivité, qui ont été jugés tout à fait acceptables par des syndicats qui représentaient 70 % du personnel. Même si nous investissons massivement pour développer notre présence à l'étranger, notamment en Chine, nous réalisons 40 % de nos investissements industriels en France.
Nous nous sommes dotés d'un plan interne à l'entreprise, Drive the Change 2011-2016, qui est connu et partagé par l'ensemble du personnel. Nous nous y sommes fixé l'objectif d'atteindre un chiffre d'affaires de plus de 50 milliards d'euros en 2017 pour le groupe Renault stricto sensu, contre 41 milliards aujourd'hui, et une marge opérationnelle de 5 %, contre un peu plus de 3 % actuellement. Nous devons le faire en préservant l'équilibre financier : la trésorerie disponible – free cash flow – doit être positive chaque année, c'est-à-dire que nous nous interdisons de recourir à l'endettement pour développer l'entreprise.
Nous avons les moyens de tenir ces objectifs. La clé, ce sont les investissements en matière de produits. Vous connaissez déjà certains d'entre eux : la Clio IV, numéro un des ventes en France ; Captur, numéro un dans son segment non seulement en France mais en Europe ; Zoé, qui est produite à Flins, fer de lance de notre gamme « zéro émission ». Le développement de la voiture électrique n'en est qu'à ses débuts, mais il connaît une accélération partout dans le monde, notamment en Chine, où les autorités l'appuient massivement, mais aussi aux États-Unis, au Japon et en Europe du Nord, particulièrement en Norvège. Je remercie le gouvernement français de son appui sans faille en la matière et souhaite qu'il se poursuive. Il s'agit d'une technologique très prometteuse.
Le développement de la plate-forme « M0 », avec la Logan, la Sandero et le Duster – il s'agit de produits de technologie Renault, conçus dans notre Technocentre et fabriqués pour la plupart à Piteşti en Roumanie ; ils sont vendus sous la marque Dacia en Europe mais badgés Renault ailleurs dans le monde – nous permet de maintenir nos positions en Europe, mais constitue aussi le fer de lance de notre offensive à l'international. Nous sommes très fiers de cette gamme, que nous sommes les seuls à produire. Selon les statistiques du premier semestre de cette année, il s'agit de la gamme la plus profitable en Europe, devant toutes les gammes premium. Nous construisons des voitures à bas coûts – low cost – qui répondent aux besoins des clients. Ce sont des produits utiles et très profitables. En 2013, nous avons vendu plus d'un million de véhicules issus de la plate-forme « M0 », dans 111 pays.
Outre les produits et la technologie, le levier pour atteindre nos objectifs est l'extension géographique de notre gamme. En Russie, Renault est la première marque étrangère. L'alliance Avtovaz-Renault-Nissan y est le premier groupe automobile, avec une part de marché de 33 % actuellement, qui devrait atteindre plus de 40 % en 2016. Nous sommes à l'offensive au Brésil, où nous venons d'augmenter la capacité de notre usine, mais aussi en Inde et surtout en Chine, où nous avons annoncé un projet industriel : nous y construisons une usine d'une capacité de 150 000 voitures, à Wuhan. Si le groupe Renault conquiert en Chine une part de marché équivalente à celle qu'il détient à l'échelle mondiale, il y vendra 600 000 voitures. Nous nous sommes donc engagés dans une expansion très importante en Chine.
Le renouvellement et l'extension de notre gamme vont de pair avec une réduction des émissions de dioxyde de carbone. Selon les statistiques du secteur industriel, Renault a été le constructeur européen le plus performant de ce point de vue en 2013. Nous ne mettons donc pas tous nos oeufs dans le même panier : nous développons certes la voiture électrique, mais nous continuons aussi à améliorer les performances de nos moteurs diesel et à essence en matière de consommation de carburant et d'émissions de dioxyde de carbone.
La France est notre premier marché et continuera de l'être : nous y vendons plus de 550 000 voitures par an et y détenons une part de marché de 25 %. Nos marchés suivants sont, dans l'ordre, le Brésil – où notre part de marché s'établit à 6,6 % –, la Russie – où elle s'établit à 7,6 % –, l'Allemagne et l'Argentine. Si l'on considère nos dix principaux marchés, il existe un très bon équilibre entre les marchés européens, où Renault bénéficie d'une présence traditionnelle, et les marchés émergents, parmi lesquels nous pourrons bientôt compter, je l'espère, la Chine.
La stratégie d'alliance et de partenariat constitue le point fort de Renault. Nous avons réussi toutes les alliances et tous les partenariats que nous avons signés depuis 1999. Nous sommes le seul constructeur automobile dans ce cas, et c'est un motif de fierté. Pourtant, ces alliances et ces partenariats ont toujours été quelque peu critiqués : on a dit qu'ils étaient déséquilibrés, qu'ils ne fonctionneraient pas bien, qu'ils donneraient lieu à des conflits. Or, rien de tel ne s'est produit : quinze ans après, l'alliance Renault-Nissan est un modèle dans l'industrie automobile. Les deux entreprises travaillent en partenariat, sans s'inscrire dans un rapport de forces. Nous laissons de côté le fait que Nissan est un groupe de plus grande taille ou que la participation financière de Renault est plus élevée. Nous respectons les identités de chacun des deux groupes, qui sont très différentes : Renault est français et Nissan japonais. Les collaborateurs des deux entreprises sont très fiers de leur identité propre, mais cela ne les empêche nullement de travailler ensemble ni de développer des synergies. L'alliance Renault-Nissan est le quatrième constructeur mondial en volume de production, avec une pente très positive, et le troisième en chiffre d'affaires – sachant que Nissan, très présent en Chine, ne peut pas consolider les résultats de la joint venture qu'elle y a constitué et dont elle ne détient que 50 %, conformément aux règles imposées par les autorités chinoises.
Les partenariats de Renault ne se limitent pas à Nissan. Nous avons de plus en plus de coopérations avec le groupe Daimler : nous fabriquons des véhicules et des moteurs en commun ; Renault fournit à Daimler beaucoup de moteurs et de technologies, Daimler en fournissant de son côté aussi bien à Renault qu'à Nissan. Nous travaillons également avec Mitsubishi et avec Fiat. Nous continuons à développer des partenariats avec Avtovaz en Russie ou encore avec Ashok Leyland en Inde.
En conclusion, loin d'être une simple commodité, la voiture est un objet qui va se développer de plus en plus : les voitures « autonomes » et les voitures « connectées » arriveront sur le marché non pas dans quinze ans, mais dans un délai de deux à quatre ans. C'est un enjeu important pour nous. Même s'il convient évidemment d'être compétitif, tout n'est pas qu'une affaire de coût : il faut aussi imaginer la voiture de demain. Pour cela, nous avons besoin de beaucoup de technologie et d'ingénierie. La surface dont nous bénéficions grâce à notre alliance avec Nissan nous permet d'être présents sur toutes les technologies, de ne pas faire d'impasse et, souvent, d'être en avance ou en amont d'un certain nombre de développements importants. Ainsi, nous sommes très fiers d'être le leader mondial en matière de voiture « zéro émission ». De même, nous planifions d'être parmi les premiers à présenter des voitures connectées et autonomes, avant la fin de la décennie en cours.
Merci beaucoup pour votre analyse, monsieur le président-directeur général. Il est intéressant d'avoir affaire à un patron qui s'inscrit dans la durée : vous dirigez le groupe depuis près de dix ans et bénéficiez donc du recul nécessaire pour mesurer l'impact de vos propres décisions, ce qui revient parfois au successeur dans d'autres cas.
Lorsque j'ai visité votre usine à Moscou avec le Premier ministre, deux choses m'ont frappé : la fierté des salariés de travailler pour la marque Renault ; la féminisation du personnel, notamment des cadres.
Merci pour votre introduction, monsieur le président-directeur général. Compte tenu de l'actualité au premier semestre, notre commission a abordé la question très importante des champions nationaux. Comment ceux-ci doivent-ils se développer ? Quelles doivent être la part de la France et celle de l'étranger ? Ces champions doivent-ils faire appel à du capital français ou étranger ? Il a notamment été question du décret relatif aux investissements étrangers en France : quelle part de ces capitaux admet-on et à quelles conditions ? La question des alliances a aussi été au coeur du débat. Les entreprises françaises doivent-elles privilégier une alliance avec des champions européens ou hors d'Europe ? Quel est votre point de vue sur ces questions ? Renault, avez-vous indiqué, a fait son choix depuis longtemps. Au vu de votre expérience, quels conseils donneriez-vous aux décideurs qui ont des choix à faire en la matière pour le développement de leur entreprise ?
Merci d'avoir répondu à notre invitation et de nous avoir fait cet exposé très complet, monsieur le président-directeur général. Il est important que vous vous exprimiez régulièrement devant notre commission, comme vous le faites, car l'industrie automobile est un secteur d'activité majeur pour notre pays. Comme tous les élus du Nord-Pas-de-Calais, je suis très attaché à cette industrie.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique comprend des dispositions concernant le transport et les véhicules. Nous avons d'ailleurs assisté à une évolution sémantique qui n'est pas neutre : alors qu'il était question, à l'origine, de « véhicules électriques », on parle désormais plutôt de « véhicules propres ». Or, Renault a fait le pari des véhicules électrique. Les dispositions prévues dans le projet de loi vous semblent-elles suffisantes pour accompagner leur diffusion ?
D'autre part, quel regard portez-vous sur les moteurs diesel, qui ont fait l'objet de nombreux débats ? Les derniers modèles sont, semble-t-il, beaucoup moins polluants que les précédents, en tout cas pas plus polluants que les moteurs à essence. A-t-on raison de continuer à les condamner ? Notre commission a entendu la position de Peugeot à ce sujet au mois de juillet. Quelle est celle du groupe Renault ?
Il existe des alternatives au diesel, à tout le moins pour les transports collectifs. Si les moteurs électriques ne sont pas encore tout à fait au point pour les autobus, le gaz pourrait être une solution. Vous intéressez-vous à d'autres énergies que l'électricité ?
La question sensible du marché des pièces de rechange revient régulièrement devant notre commission : convient-il ou non, selon vous, de le libéraliser ?
Pourriez-vous nous dire quelques mots des véhicules utilitaires, industriels et militaires ?
Le groupe Renault a-t-il atteint une taille critique suffisante sur le marché automobile, désormais mondial ?
Nous sommes convaincus, comme vous, du caractère essentiel de l'innovation. Où en est la recherche sur les véhicules propres, en particulier sur les véhicules électriques ? Il s'agit d'une évolution importante, même si elle ne résoudra pas tous nos problèmes. Imaginez-vous un moteur qui consomme beaucoup moins d'hydrocarbures ? Il est parfois question d'une voiture qui consommerait deux litres aux 100 kilomètres. Qu'en est-il des études sur les moteurs à air comprimé, dont on parle de temps à autre ? Envisagez-vous d'utiliser des piles à combustible, par exemple à hydrogène ? Où en est la mise au point de nouvelles batteries ? Des recherches ont été engagées de longue date sur ce point, mais elles peinent à aboutir et leurs premiers résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs qu'elles ont suscités. Envisagez-vous de fabriquer des véhicules plus propres pour les transports collectifs, ce qui permettrait de réduire la pollution ? Lorsque vous créez vos modèles, vous posez-vous la question de l'obsolescence et de l'économie circulaire ? Réfléchissez-vous à la durée de vie de ces modèles et de leurs pièces détachées, ainsi qu'au délai pendant lequel il sera possible de se procurer ces pièces ? Que faites-vous en matière de recyclage et de la réutilisation des matériaux utilisés ?
Nous sommes également convaincus, comme vous, de l'importance du dialogue social. Quel est le contenu des accords signés en matière de temps de travail des salariés ? Appliquez-vous ou non des mesures de gel des salaires ? Quid des éventuelles suppressions d'emplois ? On entend dire qu'il y aurait plusieurs milliers de départs non remplacés chez Renault d'ici à 2016. Les travaux d'innovation sont-ils menés en interne ou bien en confiez-vous une partie importante à des prestataires d'ingénierie ? Est-il question de supprimer des postes d'ingénieurs ?
Les industriels affirment souvent que le niveau de l'euro est un facteur pénalisant pour les exportations. Qu'en pensez-vous ?
L'État est actionnaire de Renault. Vous nous avez dit le plus grand bien du CIR. Quel est votre point de vue sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ? Enfin, quelle mesure phare souhaiteriez-vous voir la France ou l'Union européenne adopter afin de favoriser votre développement en France ?
Pour ce qui est de la dimension sociale, pouvez-vous confirmer que les 7 500 suppressions d'emplois envisagées concernent des départs à la retraite non remplacés ? Avez-vous procédé à des licenciements ? Quel est le bilan de la politique de destruction d'emplois que vous menez dans votre entreprise ? Quelles sont les contreparties à l'accord signé, en particulier ce que l'ancien ministre Montebourg aurait appelé « l'effort de Renault sur le terrain patriotique » ? À cet égard, pouvez-vous faire le point sur l'engagement très important que vous avez pris de rapatrier en France la production de 200 000 véhicules d'ici à 2016, dont 80 000 sont actuellement fabriqués en Inde par votre allié Nissan ? Rappelons que, en dix ans, la production de Renault en France est passée de 1,3 million à 500 000 véhicules – vous avez vous-même mentionné le chiffre de 550 000.
S'agissant de vos choix industriels, vous valorisez la grande diffusion des produits low cost, avec des mots forts : « fer de lance », « produits utiles et très profitables ». Cependant, avez-vous dans le même temps une stratégie pour les véhicules milieu de gamme, voire haut de gamme, à forte valeur ajoutée, ou bien avez-vous abandonné ce terrain-là en laissant vieillir certaines gammes, notamment la Renault Espace ?
En matière de recherche, qu'en est-il de l'usage des nouveaux matériaux ? On entend dire que l'industrie automobile française serait beaucoup plus timide que l'industrie allemande en ce qui concerne le développement de la filière aluminium.
Lorsque vous avez évoqué votre stratégie pour la décennie à venir, vous avez parlé des volumes de production et de la voiture de demain, mais vous n'avez pas abordé la question de l'évolution de la mobilité à long terme, qu'il sera pourtant nécessaire de revoir non seulement en France, mais aussi en Europe et dans le monde. Afin de trouver des solutions innovantes aux problèmes de stationnement et de pollution, nous devons envisager une refonte totale de nos besoins et de nos modes de déplacements. Quelle est votre stratégie en la matière ? Réfléchissez-vous, par exemple, à ce que pourraient être les stations collectives en partage local ? Les constructeurs pourraient-ils rester propriétaires des véhicules et les mettre en location ? Pourraient-ils s'engager, dans ce cadre, à recycler les constituants ?
Merci, monsieur le président-directeur général, de nous avoir présenté clairement votre vision des marchés européen et mondial, ainsi que du positionnement de Renault sur ces différents marchés. Nous partageons votre vision : la compétitivité, l'innovation et la technologie sont essentiels dans le domaine industriel. Quels sont, selon vous, les éventuels freins à l'investissement et à l'innovation en France ? Quelles actions attendez-vous de la part du Gouvernement ou du législateur ?
Comme vous l'avez rappelée, la stratégie de Renault en matière de produits a été très innovante et menée très en amont, notamment avec le véhicule « zéro émission ». Néanmoins, l'introduction de la voiture électrique sur le marché est relativement lente. Votre stratégie évolue-t-elle de ce fait ? Envisagez-vous, par exemple, une complémentarité avec la gamme des véhicules hybrides ? Où en sont vos recherches sur les autres procédés, notamment sur l'hydrogène ?
Quelle vision le groupe Renault a-t-il de l'utilisation des véhicules à l'avenir ? La possession de la voiture comme bien matériel est-elle la seule possibilité ? Ou bien faut-il évoluer vers d'autres types d'usage ?
L'Allemagne est en tête du championnat du monde de Formule 1 cette année. Comment allez-vous réagir ? La France doit être plus compétitive dans ce domaine, qui compte pour l'image du groupe Renault.
Merci, monsieur le président-directeur général, de nous avoir éclairés sur la stratégie de votre entreprise.
Je souhaiterais connaître votre avis sur les effets positifs ou négatifs, à court ou moyen terme, de deux textes que nous avons adoptés récemment. D'une part, êtes-vous satisfait par le vote de la proposition de loi de notre collègue Frédérique Massat, qui vise à faciliter le déploiement sur notre territoire d'un réseau de bornes de recharge pour les véhicules électriques ? Dans quelle mesure et à quel horizon ce texte va-t-il influer sur la vente de ces voitures en France ? Plus largement, comment le marché de l'électromobilité va-t-il évoluer selon vous à l'horizon 2017 ou 2020 ?
D'autre part, lors de l'examen de la loi Hamon, beaucoup d'acteurs se sont mobilisés pour expliquer que l'encadrement du crédit renouvelable aurait des conséquences non négligeables en termes de consommation et de croissance. Au vu de l'expérience de votre filiale RCI Banque, la loi a-t-elle eu un impact sur la consommation des crédits et sur vos ventes ?
À la différence des petites entreprises ou des entrepreneurs qui démarrent, les grands groupes n'ont aucun problème de financement. Nous sommes même dans une situation plutôt privilégiée aujourd'hui : non seulement l'accès aux capitaux est facile, mais les taux d'intérêt sont très bas. Par ailleurs, la crise de 2008 – qui restera probablement présente dans les esprits pour quelques années encore – nous a appris que l'endettement pouvait constituer un sérieux problème. Par conséquent, aujourd'hui, les entreprises se désendettent et veillent à disposer d'une trésorerie beaucoup plus élevée qu'auparavant. Tel est notamment le cas du groupe Renault qui, historiquement, avait toujours été endetté.
Les alliances sont très importantes. Dans l'industrie, la base de la compétitivité est l'identité : vous êtes compétitif lorsque vous vous battez pour votre équipe, votre entreprise votre communauté, votre ville ou votre pays. Si, au contraire, vous travaillez dans une entité dans laquelle vous ne vous reconnaissez pas ou qui vous est indifférente, vous n'avez pas envie de vous battre. Renforcer l'identité d'un groupe est donc essentiel pour la compétitivité. C'est pourquoi nous voulons à tout prix que Renault, Nissan, Avtovaz ou Dongfeng restent ce qu'ils sont. Si l'on commence à dire aux collaborateurs qu'ils font partie d'un grand groupe qu'ils ne connaissent pas et dont les intérêts leur paraissent étrangers, ils n'auront pas envie de fournir l'effort nécessaire pour être compétitifs.
Cependant, lorsque vous renforcez les identités, vous avez tendance à morceler l'entreprise en petites entités ou équipes, ce qui nuit aux économies d'échelle, autre élément indispensable à la compétitivité. En effet, dans le secteur automobile notamment, la taille vous donne un certain nombre de leviers – capacité à investir, commandes plus importantes qui vous placent dans des conditions plus favorables vis-à-vis de vos fournisseurs – permettant de mieux répondre aux besoins des consommateurs. Il existe donc une contradiction entre le renforcement des identités et les économies d'échelle. Les alliances sont la seule manière de résoudre cette équation : elles permettent à un groupe de conserver son identité tout en ayant des partenaires qui jouent avec lui, sans se confondre avec lui.
Ainsi, Renault vend actuellement 2,7 millions de voitures dans le monde, mais bénéficie de la taille d'un groupe qui en vendrait 8,3 millions grâce à son alliance avec Nissan : nous négocions des contrats à une échelle plus grande que celle de Renault. Sur nos plates-formes, nous produisons des véhicules pour Nissan ou pour Mercedes. La nouvelle Smart de Mercedes et la Twingo ont été développées par la même équipe de Renault. Celle-ci a donc reçu des investissements à la fois de Renault et de Mercedes. Lorsqu'elle a négocié avec les fournisseurs, elle a pu commander des pièces en plus grande quantité, les volumes nécessaires à la fabrication de la Smart s'ajoutant à ceux de la Twingo. Mais chaque groupe commercialise son propre modèle et conserve son identité, et cela se passe très bien.
Certes, il n'est pas toujours facile de faire travailler ensemble des équipes sans tomber dans le rapport de forces, a fortiori dans la durée. Mais les alliances sont le seul moyen de réunir les deux facteurs de compétitivité que sont l'identité – l'appartenance est à la base de la motivation et de l'engagement – et les économies d'échelle. Le groupe Renault s'est engagé dans cette voie depuis quinze ans et cela fonctionne très bien. Si j'ai un conseil à donner, c'est donc de ne pas procéder à des fusions dans lesquelles les collaborateurs risquent de se sentir perdus. De nombreuses fusions se sont soldées par des échecs patents dans l'industrie automobile : ce que vous gagnez en économies d'échelle, vous le perdez en motivation et en engagement. Au bout du compte, vous êtes perdant.
S'agissant des véhicules propres, nous misons beaucoup sur la voiture électrique. Nous sommes très fiers d'avoir été pionniers et d'être aujourd'hui le leader mondial en la matière. Il s'agit d'ailleurs d'une technologie qui continue de se développer : les batteries vont devenir de plus en plus petites et durables, l'autonomie va augmenter. Nous avons programmé plusieurs versions successives de Renault Zoé et de Nissan Leaf, chacune plus performante que la précédente.
Nous faisons certes beaucoup de promotion sur la voiture électrique, mais nous n'en oublions pas pour autant les autres technologies : nous développons des véhicules hybrides et des piles à combustibles ; comme je l'ai déjà indiqué, nous améliorons aussi les performances de nos moteurs diesel et à essence. Compte tenu de notre taille et de la multiplicité de nos marques, il est nécessaire que nous disposions de toutes ces technologies. Grâce à notre alliance avec Nissan, nous sommes l'un des principaux investisseurs en matière de recherche et développement dans le secteur automobile. Nous travaillons aussi avec Daimler et Ford dans certains domaines, notamment sur les piles à combustible. Nous avons ainsi l'échelle qui nous permet de ne faire l'impasse sur aucune technologie.
En tout cas, nous croyons très fortement à la voiture électrique, en France comme dans le reste du monde. L'équation environnementale n'est pas près d'être résolue, et il n'y a pas d'autre solution pour concilier le développement de l'industrie automobile avec la lutte contre le réchauffement climatique. Compte tenu des réglementations imposées par la Chine, par les États-Unis et, bientôt, par l'Union européenne, le parc automobile devra nécessairement compter à terme 20 à 25 % de véhicules « zéro émission » ou très proches de cette performance.
Relèvent des technologies « zéro émission » le véhicule électrique, qui est prêt, et la pile à combustible, qui est techniquement prête, mais pour laquelle la question de l'alimentation est loin d'être réglée. Il n'est déjà pas simple d'implanter des bornes électriques sur le territoire national. Je vous laisse donc imaginer les difficultés que soulèvera l'installation d'un système d'alimentation en hydrogène pour 100 000 à 200 000 voitures équipées d'une pile à combustible, non seulement en termes d'investissements, mais aussi de sécurité. Parmi les « véhicules propres » figurent en outre les plug-in hybrids, qui sont non pas des véhicules hybrides, mais des voitures essentiellement électriques dotées d'un petit moteur à essence qui leur donne une autonomie supérieure à 100 ou 200 kilomètres. Nous sommes présents sur tous ces créneaux.
Cela étant, l'innovation concerne non seulement la motorisation – c'est-à-dire la réduction des émissions de dioxyde de carbone et de la dépendance à l'égard du pétrole –, mais aussi et surtout l'utilisation de la voiture. D'esclave, la voiture va devenir partenaire : si, aujourd'hui, l'utilisateur commande tout, à l'avenir, la voiture va anticiper certains besoins. Ainsi, lorsque vous n'aurez pas envie de conduire, vous mettrez la voiture en mode autonome, et elle vous amènera à destination sans que vous ayez besoin d'intervenir. Nous développons aussi des prototypes qui prennent le pouls du conducteur, examine ses yeux…
Non, et ce n'est pas du tout de la science-fiction !
Nous assistons à une désaffection assez compréhensible des jeunes à l'égard de la voiture : ils sont connectés en permanence, chez eux, à l'université, mais pas dans leur voiture. Lorsque vous conduisez, vous êtes supposé ne rien faire d'autre. Or, aujourd'hui, une personne passe en moyenne deux heures par jour dans sa voiture. En alliant autonomie et connectivité des véhicules, nous allons rendre une partie de ces deux heures à l'automobiliste : il pourra se détacher de sa voiture pour, par exemple, consulter son médecin, continuer la leçon qu'il donnait à son enfant qu'il emmène à l'école, ou écouter les nouvelles. De plus, l'enjeu est très important en termes de sécurité : 90 % des accidents de la route sont dus à des erreurs humaines. En diminuant l'interaction entre le conducteur et le véhicule, nous réduirons le nombre d'accidents. Les ordinateurs, les radars et les caméras que nous mettons en place à l'intérieur des voitures présentent des taux de défaillance minimes, en tout cas bien inférieurs à la fréquence des erreurs humaines.
Quant à la voiture qui consomme moins de deux litres aux 100 kilomètres, vous pourrez découvrir la solution que propose Renault dans les prochaines semaines. Encore une fois, nous ne misons pas tout sur la voiture électrique : nous travaillons aussi sur la diminution des consommations, notamment sur l'allègement des matériaux, ce qui nous amène à utiliser de l'aluminium et du magnésium. Si l'industrie automobile allemande consomme plus d'aluminium que l'industrie française, c'est parce qu'elle produit davantage de voitures haut de gamme, qui sont plus lourdes. Elle recourt donc plus que nous à l'allègement des matériaux. Ce n'est pas une question de savoir-faire : nous les maîtrisons aussi.
S'agissant de la Formule 1, je souhaite remettre les choses en perspective : Sebastian Vettel a été quatre années de suite champion du monde avec l'écurie Red Bull et les moteurs Renault. Pour autant, on n'a pas parlé de « domination » de la technologie française. Cette année, Mercedes est en tête pour la première fois, et de grands articles paraissent sur sa « domination » ! Au passage, cela ne nous incite guère à faire de la Formule 1 : lorsque Renault gagne, on considère que c'est normal, mais quand un autre motoriste l'emporte – dans une compétition, on ne peut pas gagner tous les ans ! – on dit que Renault a des problèmes. Nous reconnaissons la qualité du travail de Mercedes, mais nous restons dans la bataille et nous allons relever le défi.
Nous sommes décidément le seul pays où les médias mettent en avant avec gourmandise ce qui ne va pas, plutôt que ce qui va !
Monsieur le président-directeur général, comment êtes-vous parvenu à nouer avec Vincent Bolloré une alliance qui paraissait jusqu'ici inenvisageable ? Pouvez-vous nous parler de la société commune que vous comptez lancer pour imaginer de nouvelles solutions d'autopartage, société dont M. Bolloré détiendrait 70 % et Renault 30 % ?
Plusieurs des plans de reconquête industrielle lancés en 2013 par le Président de la République et le ministre de l'économie concernent l'automobile ; vous êtes vous-même le chef de projet du plan « véhicule à pilotage autonome ». Pouvez-vous nous en faire un bilan d'étape ?
Le Parlement a voté un texte qui doit faciliter le déploiement de bornes de recharge des véhicules électriques sur tout le territoire, notamment par la création d'un opérateur national. Vous avez participé aux concertations. Avez-vous des propositions à nous faire ? Le projet de loi sur la transition énergétique prévoit que 7 millions de bornes doivent être installées d'ici à 2030 : il va falloir mettre le turbo !
Sur le dispositif de bonus-malus, récemment modifié pour prendre en considération les véhicules électriques, avez-vous des suggestions ou des critiques ?
Vous avez souligné l'importance pour Renault du marché russe : quelles conséquences les relations difficiles entre l'Union européenne et la Russie pourraient-elles avoir pour vos activités ?
Vous travaillez sur l'intégration des technologies de communication embarquée : où en êtes-vous, par rapport à vos concurrents ?
Vous avez installé, en 2011, un bureau de recherche et de veille dans la Silicon Valley. Quels sont les enseignements que vous tirez de cette expérience, notamment pour le développement d'écosystèmes innovants en France et en Europe ?
Vous paraît-il utile que l'État continue d'être actionnaire de Renault – surtout quand, comme aujourd'hui, il a besoin d'argent ?
Quels sont vos objectifs en matière de développement de véhicules hybrides rechargeables ? Votre travail dans ce secteur d'avenir pour Renault aura-t-il des conséquences sur l'emploi ?
La Zoé se vend mal, ce qui n'est sans doute pas dû à son prix mais plutôt au manque d'infrastructures adaptées. La loi du 4 août 2014, déjà citée, suffira-t-elle à faire démarrer ce marché ?
Quels sont les effets du CICE sur les comptes de Renault ? Comment utilisez-vous les fonds reçus ?
Renault est-il encore actionnaire de Renault Trucks ? Où en êtes-vous de vos relations avec cette ancienne filiale ?
La Dacia se vend très bien en France : pensez-vous possible de construire, à terme, une voiture low cost sur notre territoire ?
Les profits de Renault, vous l'avez dit, augmentent, et sa trésorerie se porte bien : parmi les pays où Renault est implanté, qui sont les meilleurs élèves, et quels sont les plus mauvais ?
Enfin, je souligne qu'il existe vraiment un problème d'autonomie des véhicules électriques : l'Assemblée nationale possède des Renault Fluence Z.E., mais elles ne peuvent pas servir à accompagner les députés à l'aéroport de Roissy, car leur autonomie est insuffisante !
Vous avez connu une série d'incidents sur vos modèles, ce qui a pu freiner le marché chinois : où en êtes-vous ?
Comment évolue le plan Women@Renault ?
Merci de vos questions.
Nous entretenons des relations très ouvertes avec Vincent Bolloré et son groupe depuis plusieurs années – vous savez qu'il a beaucoup investi dans le domaine des batteries. Nous les considérons comme des partenaires potentiels depuis le lancement de notre offensive sur l'électrique, c'est-à-dire 2007 environ ; à notre sens, nous partageons la même vision en matière de transport écologique. Mais c'est effectivement aujourd'hui que nous formons une alliance industrielle. Une partie de l'assemblage de sa voiture électrique se fera désormais dans notre usine de Dieppe. Vincent Bolloré a développé une solution unique au niveau mondial – Paris est une vitrine, que je cite souvent aux responsables politiques du monde entier – et il a maintenant une quinzaine de projets similaires. La liste des villes concernées, je vous l'assure, est impressionnante. Nous sommes donc désormais partenaires. Renault contribue par son savoir-faire – nous savons construire des voitures – et, à nos yeux, tout ce qui familiarise les conducteurs avec le véhicule électrique est bon pour nous. Ce partenariat permettra aussi de faire mieux reconnaître le savoir-faire français.
Nous ne sommes plus actionnaires de Volvo, qui possède Renault Trucks. Nos relations restent amicales.
La profitabilité des marchés peut varier énormément d'une année sur l'autre. Ainsi, l'Argentine était l'un de nos marchés les plus profitables avant la crise : nous y sommes aujourd'hui dans le rouge. De façon similaire, notre situation au Brésil a connu une forte dégradation. Le marché russe demeure très profitable pour nous, malgré la récente baisse. Sur certains marchés, qui évoluent beaucoup, la profitabilité dépend énormément du taux de croissance du marché ; nous sommes donc heureux de pouvoir compter sur quelques piliers solides – dont la France, qui demeure pour nous un marché très important.
Le plan Women@Renault est essentiel. Pour nous, la diversité est une force, et il est essentiel de renforcer la présence des femmes, notamment au sein des instances de commandement. C'est notre conviction, mais c'est tout simplement la réalité de notre marché : aujourd'hui, 60 % en moyenne des décisions d'achat sont prises, directement ou indirectement, par les femmes. Or celles-ci ne regardent pas l'objet automobile de la même façon que les hommes – elles s'intéressent peu aux performances du moteur et plus au positionnement dans la voiture, à la sécurité, à la fiabilité, à la qualité des matériaux, aux rangements… Si les hommes prennent seuls les décisions, l'entreprise passe à côté de nombreuses chances !
La présence féminine doit donc se renforcer, et dans tous les domaines : production, design, mais aussi marketing et vente. Au niveau mondial, 80 % des femmes nous disent qu'elles préfèrent avoir affaire à une vendeuse plutôt qu'à un vendeur, quand 50 % seulement des hommes préfèrent un vendeur. Il serait donc logique que nous ayons beaucoup de femmes, mais celles-ci ne représentent aujourd'hui que 10 % de notre force de vente ! Vous voyez que notre marge de manoeuvre est importante. Les statistiques sont criantes : notre engagement en faveur de la diversité – je pourrais vous parler aussi de l'âge et de l'origine ethnique de nos collaborateurs – correspond à nos convictions, mais c'est tout simplement une question de respect de nos marchés et des demandes de nos clients. Bien gérée, elle constitue une vraie force.
S'agissant des lois votées récemment par le Parlement, notamment sur l'implantation de bornes de recharge de véhicules électriques, elles vont dans le bon sens. L'industrie a toujours tendance à voir le verre à moitié vide. Mais nous applaudissons quand l'État répond présent, car nous avons vraiment besoin de son soutien pour innover en matière de transport – pour développer le véhicule à zéro émission, la connectivité des voitures, les voitures autonomes…
Le dispositif de bonus-malus pour l'électrique va également dans le bon sens ; nous souhaitons qu'il dure aussi longtemps que possible afin de faciliter le basculement des marchés.
Sur la question sociale, je veux souligner que même les syndicats qui n'ont pas signé l'accord se sont montrés très coopératifs, ont travaillé avec nous, émis des suggestions qui ont enrichi le plan. Celui-ci est aujourd'hui, je crois, soutenu par tout le monde chez Renault. Nous disposons d'un observatoire interne de suivi, qui vérifie que nous tenons nos engagements sur les effectifs, sur le temps de travail… Les organisations syndicales sont partie prenante de ce travail d'accompagnement.
Notre temps de travail est aujourd'hui à trente-cinq heures, ce qui veut dire que dans certains secteurs, il a augmenté : nous étions auparavant en dessous. La modération salariale est comprise de tous, et globalement acceptée, même tout ce n'est pas toujours facile : il n'y a eu gel des salaires que la première année, mais nous négocions les hausses sur des bases très modérées. Tout se passe dans la plus grande transparence et tout est expliqué. Nous nous sommes engagés à maintenir nos sites en France, et les contrats que nous obtenons montrent que nous y travaillons. Je n'ai aucune inquiétude sur les 200 000 rapatriements que vous citiez : les trois quarts du chemin sont d'ailleurs déjà faits, grâce aux 132 000 Micra de Nissan et aux véhicules utilitaires Fiat. Parcourir le reste sera d'autant plus aisé que le marché européen se développe plus que prévu. Et si nous pouvons aller au-delà de ce que nous avons prévu, nous le ferons.
S'agissant des nouvelles mobilités, elles resteront, je crois, marginales, même si ce marché devrait s'accroître très fortement. La voiture n'est pas qu'un objet rationnel, c'est une marque de statut social, un objet auquel on est sentimentalement attaché : qui ne se souvient pas des voitures qu'il a possédées ? Si l'on utilisait la voiture de façon rationnelle, il y aurait infiniment moins de 4x4 dans les rues, et les puissances des voitures diminueraient fortement ! L'autopartage restera donc, je pense, limité.
Vous m'interrogez aussi sur la situation en Russie. Nous la suivons de très près, car nous sommes en train de devenir majoritaires dans le capital d'Avtovaz. Nous déplorons bien sûr la compression du marché russe, mais aujourd'hui, nous ne constatons pas de gêne particulière à notre activité en Russie – ce qui pourrait changer si la situation se détériorait encore.
S'agissant de l'État actionnaire, il ne me revient pas de me prononcer. Je constate que nous avons reçu de l'État le même soutien que PSA Peugeot Citroën, dont l'État n'est pas actionnaire : je pense par exemple aux emprunts accordés pendant la crise. L'État nous soutient d'abord parce que nous sommes une grande entreprise, qui crée beaucoup d'emplois en France, qui investit énormément, et pas parce qu'il est actionnaire. Mais compter l'État parmi nos actionnaires est pour nous une bonne chose : c'est en effet un investisseur de long terme, stable et prévisible.
Nous sommes effectivement des acteurs de plusieurs plans de reconquête industrielle, qui marchent très bien. Je suis moi-même chef du projet « véhicule à pilotage autonome », vous l'avez dit. Cela se passe très bien, les différents acteurs coopèrent étroitement. J'ai déjà évoqué la voiture à deux litres aux 100 kilomètres, et même moins, que nous vous présenterons bientôt. Tout cela, c'est de la technologie de pointe, de l'innovation à l'état brut, essentiellement issue de Renault, mais aussi de nos partenaires. Ces plans marchent, parce qu'ils correspondent à des besoins, à des marchés.
Le Comité des constructeurs français d'automobiles vient de publier les chiffres de vente du mois d'août, qui montrent un fort repli des constructeurs français et une augmentation de la part de marché des constructeurs étrangers. À quoi attribuez-vous la propension de nos concitoyens à acheter des voitures étrangères ?
Malgré les accords que vous avez cités, il demeure un écart de compétitivité entre vos sites étrangers et français. Quelles mesures urgentes faudrait-il prendre pour réduire cet écart et donc pour développer la production en France ?
Quelle est votre position sur la libéralisation des pièces détachées ?
Quelles ont été pour Renault et son personnel les conséquences de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ?
Au cours des dernières années, les restructurations chez vos sous-traitants ont été vastes, et se sont accompagnées de nombreuses suppressions d'emplois, ce qui a été rude pour de nombreux territoires. Quelle est votre stratégie en la matière ? Quels partenariats établissez-vous avec vos sous-traitants, et quelle lisibilité leur offrez-vous à court et à moyen terme ?
Pouvez-vous expliquer les raisons de l'échec de l'entreprise Better Place ? Cela semblait pourtant une très belle idée.
Les constructeurs exigent de leurs sous-traitants – par exemple, dans l'Aveyron, le groupe Arche – des baisses de prix de plus en plus importantes, de l'ordre de 30 % en cinq ans. Où en êtes-vous de vos relations avec vos sous-traitants ?
Comment utilisez-vous les crédits reçus grâce au CICE ?
En Formule 1, Mercedes court avec des voitures Mercedes ; les moteurs Renault équipent des voitures Red Bull. Peut-être un jour reverrons-nous des Renault ?
Votre entreprise réussit – je pense par exemple au lancement de la Capture. Mais il ne faut pas oublier la sécurité : la société Euro NCAP a ainsi assez mal noté la nouvelle Twingo, car les passagers y seraient en particulier mal protégés contre le « coup du lapin ». N'y a-t-il pas là un problème ?
Vous avez montré que le dialogue social est une dimension essentielle de la compétitivité, et vous avez souligné que l'entreprise n'est pas séparable de son écosystème. Depuis la crise, avez-vous modifié, peut-être modernisé vos relations avec vos sous-traitants ?
Pouvez-vous dire quelques mots supplémentaires de votre stratégie « zéro émission » ?
Une entreprise française qui marche bien, cela fait toujours plaisir ! L'automobile française souffre toujours, pourtant, d'un très fort déficit d'image par rapport aux voitures allemandes : comment l'expliquez-vous ? Quels efforts de promotion faites-vous pour mieux faire connaître la qualité française ?
S'agissant des véhicules électriques, c'est bien leur faible autonomie qui pose problème dans un grand pays comme le nôtre. On parle d'installer des bornes, mais mon expérience parlementaire me laisse soupçonner que ça ne se fera pas vite : il suffit de voir la situation du numérique en zone rurale, alors que c'est censé être une priorité depuis des années !
La stratégie française en matière de véhicules électriques me paraît confuse. Vous pensiez au départ à des voitures avec des batteries échangeables, c'est-à-dire à long rayon d'action ; vous vous rabattez aujourd'hui sur des voitures à très faible rayon d'action. J'ai assisté à la bataille de l'homologation des certifications entre Allemands et Français : j'ai découvert non seulement que la connectique est très coûteuse, mais aussi qu'elle n'est pas compatible avec la connectique domestique, ce qui me paraît tout à fait extravagant.
Les constructeurs français n'ont en revanche pas montré beaucoup d'enthousiasme pour les voitures hybrides.
Les innovations se multiplient : Toyota annonce pour les prochains mois la sortie d'une voiture qui utilise la pile à combustible. Enfin, les Américains vont prochainement commercialiser la Tesla, voiture électrique qui disposera de 500 kilomètres d'autonomie.
Avec le projet de loi sur la transition énergétique, nous allons beaucoup parler ici d'économie circulaire : quelle est la part des matières premières dans le coût d'une voiture ? Quels sont les enjeux en la matière ? Quels efforts d'écoconception et de réutilisation réalisez-vous ?
Vous aviez un projet, malheureusement abandonné, d'usine de démantèlement des véhicules hors d'usage (VHU) à Toul : est-ce un recul, ou une stratégie d'adaptation à la crise ?
L'euro cher représente un frein important pour votre compétitivité. Comment évaluez-vous les conséquences pour votre entreprise du cours élevé de l'euro ?
Comment allez-vous utiliser les crédits reçus grâce au CICE, ainsi que ceux qui résulteront de la baisse des charges en 2015 ? Allez-vous par exemple réviser les accords salariaux ? Moins d'emplois seront-ils menacés ?
La voiture demeure souvent indispensable, mais elle provoque aussi une asphyxie des villes, au point qu'il est parfois question de l'y interdire. Réfléchissez-vous à ces sujets, notamment à la question des trajets entre domicile et travail, par exemple avec les responsables des collectivités territoriales ?
Avec la montée en puissance des énergies renouvelables, la question de leur intermittence se pose plus fortement : il faut arriver à stocker de l'énergie, ce que l'on peut faire aujourd'hui avec des batteries, mais aussi grâce à l'hydrogène. Vous n'avez pas mentionné les voitures à pile à combustible : pouvez-vous en dire quelques mots ?
S'agissant des résultats du mois d'août que vous citez, ce sont des chiffres qu'il faut apprécier sur des périodes plus longues : il y a des cycles, certains constructeurs lancent de nouveaux véhicules, etc. Nous allons nous-même lancer une nouvelle Twingo : les carnets de commandes sont déjà très fournis et nous en attendons une hausse de nos parts de marché. Il faut donc plutôt regarder les chiffres à l'échelle d'une année entière.
Je ne nourris aucune inquiétude sur la pérennité de notre présence en France, qui se situe autour de 25 % des parts de marché : elle peut descendre à 22 %, remonter à 28 %. Je ne harcèle pas les commerciaux mois par mois, car il y a forcément des variations. La concurrence est forte, mais nous sommes très compétitifs, notamment grâce à notre très solide réseau de vente.
L'un des points essentiels pour réduire les écarts de compétitivité, c'est la diminution des charges qui pèsent sur les salaires : le mouvement est engagé, il va dans le bon sens, mais il faut continuer, car nous sommes loin du compte. Pour vous donner une idée des chiffres, le CICE rapportera 35 millions à Renault en 2013 ; l'accord de compétitivité que nous avons signé nous rapporte 500 millions en année pleine jusqu'en 2016 : il faut donc allier mesures globales et accords sociaux au sein de l'entreprise. Je souligne que cet accord de compétitivité avait été rendu possible par un accord national, à la suite duquel nous avions été les premiers à signer un accord d'entreprise : c'est bien un état d'esprit national favorable à la concertation qui nous avait permis de conclure cet accord.
La sous-traitance est essentielle pour un constructeur automobile : plus de 50 % du chiffre d'affaires est constitué d'achats ; une voiture est composée de 3 000 à 4 000 pièces, dont la plupart sont achetées. Nous prêtons donc une grande attention à nos sous-traitants, qui sont nombreux. Beaucoup de nos sous-traitants français rencontrent d'ailleurs un grand succès : ils sont forts en France, forts à l'étranger. Mais il faut, comme les grands groupes, qu'ils concluent des alliances ; nous essayons de les aider, notamment dans les secteurs très exposés à la concurrence internationale, à trouver des partenaires afin de développer la technologie et la compétitivité, tout en conservant l'identité de chacun. Bien sûr, c'est facile à dire, infiniment moins facile à faire. Nous consacrons, je vous l'assure, beaucoup de temps au développement de notre tissu de fournisseurs, notamment en France, qui reste pour nous une base de production essentielle.
Quant aux performances en matière de sécurité, la Twingo a reçu quatre étoiles : elle est donc très compétitive dans son segment. Je serai en essais avec les journalistes dès la semaine prochaine : elle semble déjà très appréciée, et sa sécurité n'a pas été considérée comme insuffisante. C'est une voiture très innovante, avec beaucoup de points forts.
Vous soulignez la grande réputation des voitures allemandes : en effet, les Allemands réussissent là où tous les autres – et pas seulement nous, mais aussi les Américains, les Japonais, les Coréens… – échouent jusqu'à maintenant ! Le segment premium est pour les Allemands une niche. Mais il ne faut pas voir cette situation comme un problème : c'est au contraire une formidable chance, puisque toute percée sur le très profitable segment du haut de gamme, où nous sommes peu présents, sera une très bonne nouvelle ! Nous allons ainsi présenter très prochainement, au salon de Paris, la nouvelle Espace, fruit d'une collaboration entre Renault, Nissan et Daimler. Jamais nous n'avions mis en commun nos savoir-faire de cette façon. Renault a créé le segment des monospaces, et je crois beaucoup à ce nouveau véhicule, qui sera de grande qualité. La nouvelle berline du segment D, pour laquelle nous avons beaucoup investi, arrivera bientôt également. Encore une fois, je suis très confiant : ce sont des opportunités à saisir.
La Tesla disposera certes de 500 kilomètres d'autonomie, mais à quel prix ! L'autonomie augmente avec la taille de la batterie, mais celle-ci pèse, et le confort de conduite finit par s'en ressentir : tout est question d'équilibre – et de marché. Nous voulons, nous, produire des voitures à des prix abordables : nous ne sommes pas les promoteurs de la voiture électrique dans l'absolu, mais les promoteurs de la voiture électrique populaire. Nos ingénieurs travaillent avec des très fortes contraintes de coûts : c'est pour cela que la Zoé est compétitive dans son segment. Bien sûr, ses performances pourraient être meilleures, mais elle serait beaucoup plus chère. La Tesla est donc un choix, qui n'est pas le nôtre.
L'euro est encore fort aujourd'hui, même s'il l'est moins que naguère. Toute baisse de son cours est plutôt une bonne nouvelle pour nous, naturellement, même si nous avons la chance de n'y être pas trop sensibles, puisque nous produisons et vendons en euros. Nissan dépend bien plus du cours du yen que Renault ne dépend du cours de l'euro. Nous sommes en fait beaucoup plus attentifs aux fluctuations des cours du rouble, de la livre turque, du peso argentin.
S'agissant des matières premières, cela dépend beaucoup de la taille de la voiture, mais elles représentent grosso modo 10 % à 20 % du coût d'un véhicule.
Nous sommes bien conscients que la voiture est parfois perçue comme une nuisance. C'est pourquoi nous développons notre stratégie « zéro émission ». Les voitures autonomes et connectées permettront en partie de répondre au problème de la congestion des villes : communiquant entre elles, elles pourront optimiser les trajets. Bien sûr, cela ne fait pas disparaître la nécessité de disposer d'infrastructures suffisantes, ce qui n'est pas le cas partout, par exemple en Amérique du Sud ou en Inde : il faut des routes de qualité, des périphériques autour des villes…
S'agissant des pièces détachées, nous sommes opposés à la libéralisation. Sans même mentionner les questions de qualité, de sécurité, l'enjeu économique est loin d'être négligeable pour les constructeurs – dont il ne faudrait pas oublier qu'ils ont financé, par leurs investissements, la conception de ces pièces.
Enfin, sur les voitures à hydrogène, nous nous intéressons bien sûr à cette technologie. Nous disposons de prototypes de voitures qui utilisent la pile à combustibles ; ils marchent très bien ; nous avons en ce domaine un accord avec Daimler et Ford. Mais les constructeurs ne se fixent pas tous le même calendrier. Voulons-nous commercialiser un modèle pour le vendre à deux cents, à mille exemplaires ? Quel sera le retour sur investissement ? L'Alliance compte vendre 80 000 voitures électriques par an : cela commence à être significatif, et nous sommes de loin les premiers en ce domaine.
La pile à combustible est une technologie très prometteuse, j'en suis convaincu. Mais où se fournir en hydrogène aujourd'hui en France ? L'installation des bornes électriques est lente, or elles ne coûtent que quelques milliers d'euros chacune ; une station d'hydrogène, c'est des centaines de milliers d'euros ! Il y aura des solutions, mais pas avant plusieurs années. D'autre part, ces voitures coûtent encore extrêmement cher. Nous sommes donc loin d'avoir atteint les conditions qui nous permettraient de les commercialiser en masse.
Merci beaucoup de ces bonnes nouvelles, de votre enthousiasme lucide et de la clarté de vos réponses.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 10 septembre 2014 à9 h 30
Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. Franck Reynier, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, Mme Clotilde Valter
Excusés. - Mme Ericka Bareigts, M. Joël Giraud, M. Razzy Hammadi, Mme Annick Le Loch, Mme Catherine Troallic
Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Bachelay, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Christophe Léonard, M. Rémi Pauvros, M. Gilles Savary