Intervention de Jean Gaubert

Réunion du 10 septembre 2014 à 17h30
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Jean Gaubert, médiateur de l'énergie :

Il faut assurément l'élargir. Comme vous le savez, les personnes utilisant le chauffage électrique sont souvent locataires. Les propriétaires leur ont installé des « grille-pains », moins onéreux. En milieu rural, notamment, ce type d'installation permet aux offices HLM de respecter les prix plafonds. Statistiquement, alors que la CSPE augmente tous les ans, ce sont de plus en plus les personnes les plus pauvres qui la paient.

Alors que l'on estime le coût du chèque énergie à 200 millions d'euros par an, la CSPE représente, elle, 6 milliards, dont 3,8 milliards pour les énergies renouvelables et 2 milliards pour les systèmes électriques insulaires – c'est-à-dire la péréquation appliquée aux îles et aux départements d'outre-mer. Le montant de 3,8 milliards doit être rapporté aux engagements déjà pris au titre des énergies renouvelables et dont l'estimation varie entre 70 milliards – selon la direction générale de l'énergie et du climat – et 110 milliards d'euros. Ces engagements ne sont pas couverts, alors que les contrats sont passés pour des périodes allant jusqu'à vingt-cinq ans. Le système a été mis en place en 2004 et l'on peut prédire son éclatement si l'on continue de faire reposer la CSPE sur une assiette aussi restreinte.

Notons au passage que certains énergéticiens ont bien tiré leur épingle du jeu et supportent des coûts qui n'ont rien à voir avec les montants de la CSPE. Le gaz, par exemple, n'est soumis qu'à une contribution destinée à la méthanisation et à une contribution au tarif social de solidarité qui représente 4 millions d'euros. Même chose pour le fioul, qui alimente un fonds destiné à financer les biocarburants.

Après le rapport que Jean Launay, ici présent, et Michel Diefenbacher consacrèrent en 2010 à la gouvernance de la CSPE, un rapport sur l'avenir de cette contribution semble nécessaire. Je suis évidemment favorable au financement des énergies renouvelables, mais je pense qu'il faudrait mieux ajuster certaines primes. Il y a des situations, vous le savez bien, qui sont très favorables. Jamais les démarcheurs n'utilisent l'argument de la démarche citoyenne pour vendre leurs panneaux photovoltaïques : ce qu'ils mettent en avant, c'est le gain d'argent !

Le deuxième sujet que je souhaite aborder a trait à la fois à ce projet de loi et à un autre texte, également en cours d'examen, habilitant le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance la directive européenne sur la médiation. Cette directive faisant obligation à chaque État de couvrir par la médiation l'ensemble des secteurs de la consommation d'ici à juillet 2015, il vous appartiendra de choisir entre l'élargissement des compétences des médiateurs existants et la création de nouveaux médiateurs. Nous pensons, pour notre part, que nous pourrions couvrir l'ensemble des secteurs énergétiques et traiter des litiges et des « arnaques » liés à la transition énergétique, qui, comme l'a dit M. Frédéric Blanc, sapent la confiance des consommateurs.

Je pense en particulier aux labels qui n'en sont pas, à commencer par le label « EDF Bleu ciel », octroyé sur simple déclaration et moyennant le paiement d'une certaine somme : dans de nombreux cas, l'entreprise disparaît tout simplement après avoir effectué quelques démarchages rapides. Commençons donc par responsabiliser ceux qui attribuent les labels !

Concernant maintenant la gouvernance d'ERDF, comme M. Blanc, j'observe que l'argent que le consommateur verse pour être servi par des réseaux théoriquement en excellent état ne va pas toujours auxdits réseaux. À cet égard, on doit s'interroger sur la différence de statut entre RTE (Réseau de transport d'électricité) et ERDF, pourtant tous deux filiales d'EDF.

Tout d'abord, le président de RTE est nommé en conseil des ministres, celui d'ERDF par le président-directeur général d'EDF. De plus, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) définit avec RTE la trajectoire d'investissement de l'entreprise et contrôle son exécution. Lorsqu'elle estime que RTE a réalisé des marges injustifiées, elle peut décider de les redistribuer. En mai dernier, elle a ainsi ordonné le reversement de 160 millions pour moitié aux consommateurs et pour moitié aux industries électro-intensives. En revanche, si la CRE peut approuver la trajectoire d'investissement d'ERDF, elle n'a aucun pouvoir sur sa réalisation. C'est ainsi que l'entreprise, en faisant des économies sur des investissements pourtant nécessaires, arrive à faire remonter du cash à EDF. Il conviendrait donc, je crois, d'aligner la gouvernance d'ERDF sur celle de RTE.

Nous souhaiterions également que le Parlement intervienne sur le délai de régularisation des factures, qui est aujourd'hui de deux ans alors que la loi oblige les opérateurs à réaliser un relevé complet tous les ans. La situation juridique étant contradictoire, il arrive que des abonnés reçoivent une demande de régularisation portant sur deux ans et n'arrivent pas à payer les montants demandés. Ayant à traiter de tels dossiers, nous répondons qu'il est anormal qu'aucune régularisation n'ait eu lieu au bout d'un an, à moins que le distributeur puisse justifier de l'impossibilité de relever le compteur en raison de l'opposition du consommateur – ce qui est souvent le cas.

Je voudrais aussi indiquer que l'imprécision du statut juridique des colonnes montantes pourrait coûter très cher dans les prochaines années. Installées par le promoteur mais pas toujours entretenues par ERDF, ces colonnes sont souvent dégradées et dangereuses et donnent lieu à des litiges – sachant que, légalement, le réseau s'arrête au disjoncteur du particulier, celui-ci se trouvant toujours après la colonne montante. Un plan à dix ans pour régler le problème serait le bienvenu. Rappelons que GDF se désintéressait du remplacement des canalisations en fonte grise jusqu'à ce que survienne l'explosion de Mulhouse…

Enfin, je crois que la rénovation thermique ne se fera pas seulement par des incitations. Dans les zones où le secteur du logement est sous tension, beaucoup de propriétaires bailleurs n'engageront jamais de tels travaux. Il faudra donc passer à une forme de coercition, par exemple en obligeant le propriétaire à prendre en charge une partie de la consommation du locataire s'il n'a pas réalisé la rénovation thermique dans un certain délai. L'enjeu sociétal est là au moins aussi important que celui de la mise en conformité aux normes de sécurité des ascenseurs, à laquelle les copropriétaires se sont pliés.

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