Intervention de François Brottes

Réunion du 10 septembre 2014 à 17h30
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président :

Familles rurales a évoqué la tarification incitative en matière de déchets, qui pénalise les familles nombreuses. Cette question rejoint celle de la responsabilisation. Lorsqu'une collectivité met en place une tarification incitative au poids ou au volume, ceux qui y contribuent le plus sont évidemment ceux qui produisent le plus de déchets. Comment conjuguer la responsabilisation et la volonté de ne pas pénaliser les familles nombreuses ? Les collectivités territoriales sont confrontées à ce problème, d'autant que l'eau ou les déchets sont des budgets propres qui ne peuvent pas être pris en compte dans le cadre du quotient familial.

UFC-Que Choisir a soulevé la question des nouveaux compteurs, notamment leur caractère intrusif, qui pose un problème d'ordre éthique, puisqu'ils permettent de savoir, par exemple, quand les occupants d'un logement sont chez eux. Ces compteurs ont un autre côté agaçant : ils servent surtout les intérêts du gestionnaire des réseaux et assez peu ceux des consommateurs. Le Gouvernement, après en avoir discuté avec ERDF et la CRE, a certes amélioré le texte mais les avancées sont encore insuffisantes. Le compteur devrait afficher la consommation non pas en kilowattheure mais en euros, une information plus parlante pour le consommateur. On nous rétorque qu'une telle exigence impliquerait de revoir les appels d'offre. C'est un prétexte. Les compteurs Linky offrent la possibilité d'une interface avec les consommateurs, qui doit être de droit et non payante. Elle devrait être obligatoire au moins pour ceux qui bénéficient du chèque énergie ou du tarif social de l'électricité, afin de les aider à mieux consommer. Il est important d'entendre les consommateurs sur le sujet. En effet, soit on est favorable à Linky parce qu'on est convaincu qu'il s'agit d'un outil utile, et on règle les problèmes éthiques avec la CNIL ; soit on fait de l'accès aux données une question prioritaire et on ne parle plus de Linky.

Il en est de même de l'obligation, pourtant inscrite dans la loi, d'installer des compteurs individuels dans les copropriétés. Or ils sont loin d'être installés partout, alors que la technologie, y compris pour le chauffage collectif, le permet pour un coût modeste. Quel est votre avis ? Il convient, à mes yeux, d'aller plus loin en la matière que le projet de loi. C'est en permettant aux consommateurs de mieux comprendre leur comportement qu'on les incitera à le modifier.

Je tiens également à évoquer, dans le cadre du texte, l'autoconsommation, qui est la capacité de produire, pour la consommer, sa propre énergie grâce à l'installation, chez soi, notamment d'une éolienne ou de panneaux photovoltaïques. La part autoconsommée, si elle devient massive, devra-t-elle faire l'objet d'une contribution au TURPE ? En effet, les autoconsommateurs auront toujours besoin du réseau en complément. Serait-il normal qu'ils ne paient qu'une faible contribution au réseau alors que celui-ci est le même pour tous ? La question se pose également pour la contribution aux réseaux d'acheminement d'eau pour les propriétaires de résidences secondaires : comme le réseau est amorti par la consommation, ce sont ceux qui consomment le plus qui paient la plus grande part de l'amortissement du réseau.

Le problème demeurera marginal tant que l'autoconsommation sera, elle aussi, marginale, mais pour le cas où elle se développerait, il faut d'ores et déjà veiller à ne pas trop resserrer l'assiette de ceux qui paient les frais fixes de gestion des réseaux, pour éviter que la facture ne finisse par devenir insupportable – c'est déjà tout le problème de la CSPE !

Je soutiens, par ailleurs, l'idée de rendre possible le financement à 100 % de la réhabilitation thermique des logements par un tiers investisseur, qui récupérerait la mise de capital et les frais financiers, avec l'accord du propriétaire, lors de la mutation du bien – sa vente ou sa transmission. Un tel dispositif n'entraînerait aucune spoliation puisque le bien aura été valorisé par les travaux et que l'occupant aura joui, sans avoir avancé l'argent, du confort engendré par la réhabilitation thermique – le dispositif pourrait également couvrir des travaux en matière d'accessibilité. Je me refuse à employer le mot « viager », qui a une très mauvaise connotation. Je travaille très sérieusement à faire aboutir ce projet, qui pourrait permettre à des propriétaires pauvres de réaliser des travaux qu'ils n'ont pas les moyens de financer, que ce soit en complétant les subventions auxquelles ils peuvent prétendre ou en signant un prêt. Quel est votre avis sur le sujet ?

Je suis de ceux qui pensent que la gouvernance d'ERDF doit être partagée avec les collectivités territoriales qui sont propriétaires des réseaux. La situation actuelle donne lieu à des négociations entre ERDF et les collectivités qui font perdre un temps précieux – le compteur Linky est un bon exemple –, d'autant que la maison mère ne joue pas toujours le jeu en matière d'investissement. Qui plus est, le démantèlement des réseaux risque de susciter des débats, avec le risque de fin de péréquation. Pour sauvegarder durablement le système, il faut impliquer les collectivités territoriales dans la gouvernance d'ERDF, en créant un organisme au sein duquel elles auraient le droit non seulement de s'exprimer mais également de voter. L'idée commence à faire son chemin : il est temps de la mettre en oeuvre.

Enfin, la loi portant sur la transition vers un système énergétique sobre, dite loi Brottes, a instauré la trêve hivernale. D'aucuns s'étaient alors inquiétés des abus que cette mesure pouvait engendrer. Monsieur le médiateur, les statistiques dont vous disposez sur la première année de mise en application de la mesure confirment-elles de possibles effets d'aubaine pour les consommateurs ?

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