Intervention de Jean Gaubert

Réunion du 10 septembre 2014 à 17h30
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Jean Gaubert, médiateur de l'énergie :

Madame Battistel, la CSPE est, comme un partenariat public-privé, un crédit dont on connaîtrait exactement à l'avance la facture. On peut toujours espérer qu'elle baisse, si les installations produisent moins que ce qui a été prévu. Il n'en reste pas moins que la dépense sera lourde. Pour le Fonds chaleur, un autre système a été mis en place : la subvention d'État. La CSPE, elle, est un chèque – encore un – tiré sur l'avenir.

Contrairement, bien sûr, aux opérateurs concernés, je suis favorable à l'élargissement de l'assiette de la CSPE. L'objectif n'est-il pas de ne plus avoir à recourir aux énergies carbonées ? Dans ces conditions, pourquoi la principale énergie carbonée n'abonde-t-elle pas le fonds qui finance l'alternative ? Les taxes supportées par le gaz, qui remplissent des fonctions analogues à celles de la CSPE, sont bien moins élevées ! Il serait plus logique de créer un fonds général destiné à financer l'ensemble des actions menées en matière de transition énergétique. Bravo à MM. Mestrallet et de Margerie, qui ont défendu l'idée qu'il appartient à chaque type d'énergie de payer son énergie renouvelable. Le gaz participe à hauteur de 4 millions d'euros quand l'électricité débourse 3,8 milliards ! Quant au pétrole, il n'est concerné que par les biocarburants. Tous ceux qui appellent à une refondation de la CSPE ont raison. Cela permettra d'aider à passer une période qui s'annonce très difficile.

Il convient également de se poser la question de la nature des projets financés par la CSPE. J'ai assisté au mois de juin, à Paris, à un colloque de l'Union française de l'électricité (UFE), qui portait notamment sur l'éolien offshore. Tous les opérateurs sont convenus qu'il est illusoire d'espérer en diminuer le prix de revient, qui devrait continuer de tourner autour de 200 euros le mégawatt, en raison de la situation des fonds marins français, qui n'a rien à voir avec celle de fonds de la Mer du Nord, qui ont été pris, à tort, pour modèle. Au nord de l'Allemagne et à l'ouest du Danemark, les fonds marins sont réguliers et font moins de quarante mètres de profondeur – ils sont le plus souvent à quinze mètres. Il n'en est pas de même de la baie de Saint-Brieuc. Comme il a fallu prévoir l'installation des éoliennes suffisamment loin pour qu'on ne puisse pas les voir des côtes, on a rapidement rencontré des fonds atteignant soixante-dix mètres. Le choix s'est arrêté sur des fonds de quarante mètres, ce qui augmente le coût de l'installation.

La baie de Saint-Brieuc est, de plus, caractérisée par de forts mouvements de vase – de l'ordre d'un mètre – à chaque marée, dont les supports devront subir la pression pendant six heures, quatre fois par jour, dans les deux sens. Inquiet, l'attributaire de l'appel d'offre a proposé de ne pas recourir à des jackets, c'est-à-dire des trépieds, mais à des embases en béton de trente-cinq mètres de diamètre, ce que les marins pêcheurs ont refusé. Le projet aboutira-t-il ? Rien n'est moins sûr, d'autant que l'importance du marnage nécessitera, pour poser les câbles le plus en profondeur possible, de s'attaquer à la roche. La maturité en matière d'éoliennes offshore se fera donc attendre puisqu'il y aura autant de prototypes que de nouveaux projets. L'éolien flottant est sans doute une technologie plus facile à maîtriser : qu'adviendra-t-il, toutefois, en cas de creux de dix mètres ?

On ne peut pas éluder la question des coûts. Prétendre qu'il ne faut pas regarder à la dépense lorsqu'il s'agit de développer les énergies renouvelables n'est plus acceptable, car cela a conduit à surpayer des installations. Une éolienne rapporte 150 000 euros net par an, de quoi vivre aisément sans travailler si vous convainquez une banque de subventionner votre investissement. Les consommateurs qui sont à l'autre bout de la chaîne comptent, eux !

Comment, par ailleurs, parler de convergence avec le marché alors que celui évolue quotidiennement ? Le prix de l'électricité était « baissier » jusqu'à la décision prise par les Belges d'arrêter trois centrales nucléaires ; maintenant, il est « haussier ». Une énergie qui subit de manière permanente le contrecoup de décisions répondant à d'autres nécessités que des enjeux économiques ne peut obéir à la seule loi du marché. En réalité, le prix de vente de l'électricité ne dépend pas du prix de revient mais de la loi de l'offre et de la demande.

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