Intervention de Gaby Charroux

Séance en hémicycle du 13 novembre 2012 à 21h45
Projet de loi de finances pour 2013 — Engagements financiers de l'État ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaby Charroux :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la dette publique devrait atteindre, l'an prochain, un niveau record, franchissant la barre des 90 % du produit intérieur brut. En revanche, la charge de la dette demeure relativement contenue grâce à des taux d'intérêt très bas. L'année 2012 a d'ailleurs été historiquement bonne pour la France, puisque notre pays a eu la possibilité d'emprunter à son plus bas taux historique sur l'échéance de référence de dix ans – 2,21 % en septembre – et qu'elle profite de taux négatifs à court terme depuis début juillet.

Même si le Gouvernement s'est attelé avec force et détermination à la réduction de la dette – ce que nous apprécions –, il faut remarquer que, pour la dette levée en 2012, la moitié des créanciers de la France se trouvent en Asie et au Moyen-Orient, contre à peine un tiers dans la zone euro. De fait, les détenteurs du stock de dette sont encore majoritairement hors de France, à 62,7 % fin juin 2012. Cette situation n'est pas satisfaisante. Elle renforce, selon nous, la dépendance de notre pays à l'égard des marchés.

En conséquence, nous souhaitons que des initiatives puissent être prises afin de « redomestiquer » une part plus importante de la dette française. Nous formulerons des propositions en ce sens lors de la réforme. L'enjeu central nous semble, en effet, d'opérer un rapprochement entre les banques et les pouvoirs publics. Ce rapprochement ne saurait se traduire principalement par l'octroi de garanties de l'État ; il doit également contribuer à une réduction des risques et à un réinvestissement de l'épargne domestique vers les pouvoirs publics, ce qui nous conduit tout naturellement à nous interroger sur les orientations de la réforme à venir de l'épargne réglementée.

Fin septembre, 232,6 milliards d'euros étaient placés sur le livret A, dont l'encours sert à financer des logements sociaux. Pour favoriser leur construction, son plafond a été relevé de 25 % le 1er octobre et le sera probablement encore de 25 % d'ici à la fin de l'année. Selon les estimations, le doublement du plafond du livret de développement durable et du livret A devrait rapporter entre 30 et 55 milliards d'euros dans les deux prochaines années. L'épargne réglementée, dont l'encours dépasse 300 milliards d'euros, est, croyons-nous, un outil majeur de financement et de redressement de l'économie.

Parmi les questions qui se posent, figure la formule de calcul du taux du livret A. Sur 100 euros collectés, 65 sont conservés et gérés pour le compte de l'État par la Caisse des dépôts, les 35 euros restant étant conservés par les banques, soit 100 milliards d'euros en 2011. Celles-ci font valoir les exigences de financement des PME. Nous sommes, pour notre part, favorables à ce que l'État conserve une part supérieure de la collecte pour permettre au livret A de financer autre chose que le logement social. Cette option nous semble d'autant plus pertinente que sera prochainement créée la Banque publique d'investissement.

Par ailleurs, le document budgétaire que nous examinons autorise le versement, en 2013, de deux des cinq tranches de la quote-part française de souscription au capital du Mécanisme européen de stabilité, soit une contribution d'un peu plus de 6,5 milliards l'an prochain, sachant que deux tranches ont été décaissées en 2012 et qu'une tranche d'un peu plus de 3 milliards le sera en 2014, pour une souscription totale de 16,3 milliards d'euros.

Si cet engagement de la France est conforme à la décision prise par les ministres des finances de la zone euro à Copenhague, en mars dernier, cela ne nous interdit toutefois pas de continuer à nous interroger sur la pertinence de cet outil. Les experts du FMI ont calculé que, depuis décembre 2009, les fonds publics engagés pour porter secours aux pays de la périphérie, situés généralement au sud de l'Europe, s'élèvent à plus de 1 100 milliards d'euros. Il s'agit des capitaux prêtés par le Fonds européen de stabilité financière – auquel succède aujourd'hui le MES – et surtout par la BCE. Ces aides, dont l'objet était de pallier le désengagement des banques, ont été assorties de conditions consistant dans la mise en oeuvre de politiques d'austérité qui n'ont en rien permis d'assurer une meilleure cohésion de la zone euro, bien au contraire. La faiblesse des taux d'emprunt de la France porte à sa manière témoignage de la persistance et de l'aggravation des déséquilibres entre le nord et le sud de l'Europe.

Monsieur le ministre, nous avions formulé, l'an passé, conjointement avec nos collègues allemands de Die Linke, une proposition qui demeure d'actualité, dont nous pensons qu'elle pourrait inspirer utilement l'action du Gouvernement. Je veux parler de la création, en lieu et place du MES, d'un fonds européen de développement ayant le statut de banque afin de se financer auprès de la BCE ainsi que, conjointement, auprès des organismes nationaux de collecte de l'épargne populaire. Son objet serait évidemment de couper court à la spéculation sur les dettes des États en permettant aux plus fragiles de ne plus dépendre des marchés financiers pour le financement de leurs investissements.

Vous connaissez notre opposition résolue au MES. En l'absence de tout signe d'inflexion des engagements financiers de l'État visant à desserrer l'étau de la contrainte extérieure, nous serons très probablement contraints de ne pas pouvoir approuver les crédits des présentes missions.

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