Mais nous avons aussi entendu les engagements pris sur la taxe sur les transactions financières ainsi que sur le plan d’investissements de 300 milliards, qui constitue des perspectives tout à fait intéressantes pour sortir l’économie européenne de l’ornière et éviter le spectre de la déflation.
Alors, une nouvelle donne européenne ? Pourquoi pas ? S’il s’agit de prendre en compte réellement l’harmonisation fiscale en Europe et la lutte contre l’évasion fiscale, c’est une bonne chose : l’Europe ne peut pas imposer une trajectoire de réduction des déficits aux États si elle ne contribue pas à consolider leurs recettes par une trajectoire crédible et volontariste d’extinction de l’évasion fiscale. S’il s’agit d’une nouvelle approche et, pour tout dire, d’une nouvelle lucidité et d’une nouvelle sincérité sur la question du rythme de désendettement et de rétablissement des comptes publics, cela va dans le bon sens.
Nous avons assez dénoncé ici, parfois au prix de remontrances d’une partie de nos partenaires de la majorité et de membres du Gouvernement, et ce dès le vote du traité budgétaire européen en 2012, le caractère irréaliste des objectifs budgétaires, pour ne pas saluer les récentes annonces du ministre de l’économie.
Nous avons toujours plaidé qu’afficher des objectifs irréalistes était non seulement un facteur mécanique de récession, mais également un facteur de démobilisation des acteurs économiques et de décrédibilisation de la parole politique. La défaite de la majorité précédente, qui n’avait jamais atteint les objectifs qu’elle avait fixés, doit nous servir de leçon.
Oui, nous saluons ce réalisme, qui reconnaît enfin aujourd’hui ce que nous disions lors du vote sur la trajectoire budgétaire : nous demandions « qu’on cesse enfin de faire semblant de croire à des mécanismes de convergence qui donnent toujours lieu, in fine, à de petits arrangements avec la vérité ». La vérité a depuis éclaté, avec les perspectives budgétaires, enfin réalistes à défaut d’être positives, annoncées il y a quelques jours par le ministre de l’économie.
Cette vérité, tirez-en les conséquences ! Tout d’abord, sur le plan intérieur, en n’ajoutant pas de la rigueur à la rigueur ; en veillant, comme l’a rappelé votre prédécesseur, à ce que les efforts des salariés s’accompagnent d’engagements des entreprises ; en vous assurant que les aides aux entreprises et les exonérations de charges n’arrosent pas le sable des banques et de la grande distribution, mais bénéficient réellement aux jeunes pousses et aux entreprises qui en ont cruellement besoin. Ensuite, sur le plan européen, en travaillant à ce que les investissements annoncés s’inscrivent dans une véritable stratégie industrielle, fondée sur une économie de la sobriété énergétique et de la transition écologique, ouvrant une perspective de création rapide d’emplois et apportant une réponse au défi que l’ensemble des pays s’apprête à aborder lors de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris l’an prochain.
Alors oui, dans ces conditions-là, vous aurez notre soutien. Monsieur le Premier ministre, vous avez fait un choix, que la Constitution ne vous imposait pas : celui de demander la confiance de l’Assemblée nationale. Je vous ai expliqué pourquoi, instruits par l’expérience et insuffisamment rassurés par la clarté de vos engagements, les écologistes ont jugé, en conscience, qu’il ne leur était pas possible de répondre positivement à cette question.
Je crois avoir décrit la cohérence d’une démarche qui, outre que nous nous refusons d’ajouter la crise à la crise, prend acte du desserrement de contraintes budgétaires absurdes ; une démarche qui entend votre volonté réitérée de respecter les engagements écologiques de notre contrat de majorité ; une démarche qui intègre pleinement la gravité sans précédent de la situation économique et sociale ; une démarche qui reconnaît la volonté qui est la vôtre de redonner du pouvoir d’achat aux plus démunis et de desserrer l’étau fiscal sur les classes moyennes.
Notre vote d’aujourd’hui sera à l’image des sentiments de celles et ceux qui nous ont fait confiance en juin 2012. Il s’agit donc d’un vote de doute, d’un vote de désappointement mais aussi d’un vote d’espoir incrédule qui ne demande qu’à être réveillé. Notre confiance, monsieur le Premier ministre, nous ne vous l’accorderons pas plus par principe que nous vous la refuserions par défiance.
À l’issue d’une délibération collective, les députés écologistes ont donc décidé de s’abstenir. À vous, monsieur le Premier ministre, à votre gouvernement, texte de loi après texte de loi, mesure réglementaire après mesure réglementaire, déclaration ministérielle après déclaration ministérielle – ce qui suppose de refuser les démonstrations d’autoritarisme comme les provocations inutiles – de renouer les fils de la confiance. Parce qu’il est un constat cruel et terrible, qui devrait nous réunir tous, dans cet hémicycle, quel que soit notre vote aujourd’hui : la classe politique n’a plus la confiance des Français.
Elle ne l’a plus collectivement et aucune des familles politiques qui siègent ici – pas plus que celle que l’on dit « aux portes du pouvoir » et qui prospère sur le désarroi et la défiance –, non, aucune famille politique ne peut prétendre décemment avoir la confiance de nos concitoyens.
Cette confiance, à nous de la reconquérir ! Par notre sens des responsabilités, par notre capacité à entendre, à écouter et à répondre aux attentes de nos concitoyens. Par notre capacité individuelle, aussi, à respecter scrupuleusement l’éthique, à nous soumettre, nous, élus, plus que tous autres, aux règles communes, et à nous respecter mutuellement. Oui, monsieur le Premier ministre, oui, mes chers collègues, la vraie confiance, la seule confiance qui vaille, c’est celle des Françaises et des Français qui, trop souvent, désespèrent de nous.