Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 16 septembre 2014 à 15h00
Déclaration de politique générale du gouvernement débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Mais, pour se prononcer sur votre déclaration, l’essentiel, c’est évidemment la ligne qui sera suivie, la politique qui sera mise en oeuvre.

En démocratie, l’arbitre véritable reste évidemment le suffrage universel. Et il faut être très attentif à ce qu’il exprime à travers les scrutins successifs. C’est ce que vous avez fait dans votre précédente déclaration de politique générale, le 8 avril dernier, en notant : « Par leur vote ou leur abstention lors des dernières élections municipales, les Français ont dit leur déception, leur doute, leur mécontentement et parfois leur colère… Ils ont exprimé leur soif de justice. Ce message est très clair. »

Depuis, le scrutin européen a confirmé ces résultats. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas oublier ce message des électeurs. Sinon, s’ils avaient le sentiment d’une indifférence à leur vote, voire d’un certain déni du suffrage universel, ils se tourneraient de plus en plus vers les partis extrémistes et leurs fausses solutions.

À côté du redressement des finances publiques, qui est évidemment nécessaire, il faut répondre aux préoccupations principales des Français : l’emploi, le pouvoir d’achat et les difficultés de la vie quotidienne.

Face à ces enjeux, vous menez une politique que certains qualifient de social-libérale. Mais, comme la plupart des mots composés, celui de social-libéralisme peut contenir une ambiguïté. S’agit-il d’un socialisme teinté d’un peu de libéralisme, ou bien s’agit-il d’un libéralisme ayant conservé certains traits socialistes ?

Quel élément domine dans cette formule mixte, dans cet oxymore, qui associe deux mots d’ordinaire antinomiques : socialisme et libéralisme ? Reste-t-on principalement dans la tradition de 1997, ou bien s’inspire-t-on davantage de Messieurs Blair et Schröder, qui seraient devenus les nouvelles figures de référence, les nouveaux totems à honorer ? Et ce même si Lionel Jospin, chef de gouvernement à ce moment-là, jugeait leur politique peu conforme aux attentes sociales.

Certes, en période de crise, il est normal de soutenir les entreprises. Vous avez rappelé les mesures prises dans ce but : le CICE et le pacte de responsabilité, soit au total, sur trois ans, 41 milliards d’euros d’allégements de charges pour les entreprises.

Le MEDEF formule maintenant d’autres demandes concernant la simplification du code du travail, les seuils sociaux, et, tout récemment, la possibilité de dérogations au SMIC ainsi qu’à la durée légale du travail, et la suppression de certains jours fériés. Tout cela fait beaucoup, et à coup sûr trop, pour une majorité comme la nôtre, attachée à la situation des salariés, ce que vous avez vous-même rappelé, monsieur le Premier ministre.

Il serait d’ailleurs très utile de préciser le dispositif du CICE. Certes, celui-ci doit continuer de s’appliquer, mais avec les « contreparties » prévues, alors que le MEDEF semble maintenant récuser ce terme.

M. Gattaz, qui continue de porter son pin’s « Un million d’emplois », doit jouer le jeu et respecter ses engagements, en partenaire de bonne foi.

Le CICE a été conçu avec un objectif précis : aider les entreprises à développer l’emploi et l’investissement. Il ne saurait être utilisé à d’autres fins comme celle d’augmenter les rémunérations des dirigeants ou les dividendes des actionnaires, vous l’avez également rappelé, monsieur le Premier ministre.

Ce crédit d’impôt n’est évidemment pas un chèque en blanc versé aux entreprises qui pourraient l’utiliser à leur gré, à leur convenance, sans guère embaucher ou investir davantage.

Le chef de l’État avait d’ailleurs insisté sur ce point dans sa conférence de presse du 14 janvier 2014, en déclarant : « Ces contreparties doivent être définies au plan national et déclinées par branches professionnelles. Elles porteront sur des objectifs chiffrés d’embauches, d’insertion des jeunes et de travail des seniors. Un observatoire des contreparties sera mis en place. »

Notre groupe a donc déposé un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2014, devenu l’article 29 de cette loi, qui dispose : « Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d’un observatoire des contreparties, dont le rôle sera de suivre l’utilisation par les entreprises des allégements de charges et d’impôts consentis à celles-ci au moyen du CICE et du pacte de responsabilité. »

Cette transparence s’impose car, comme vous l’avez rappelé, trop peu des cinquante principales branches ont commencé les négociations entre partenaires sociaux, pourtant décidées dès le 5 mars. Une seule les a conclues : la chimie. Trente-trois d’entre elles ont entamé ou vont entamer des négociations, tandis que dix-sept autres n’en ont encore engagé aucune. Cette lenteur extrême, voire cet immobilisme, ne sont pas acceptables. Quand il s’agit de combattre le chômage, il n’est pas possible de tarder, traîner ou temporiser.

Le CICE présente une seconde lacune, majeure : l’absence de sélectivité. Ce soutien s’adresse indistinctement à toutes les entreprises, quelles qu’elles soient, industrielles ou non, exportatrices et donc soumises à la concurrence ou non, qu’elles réalisent ou non des bénéfices, voire de larges bénéfices.

Ainsi, la grande distribution profite-t-elle amplement de ce crédit d’impôt. En 2013, Carrefour aurait-il ainsi reçu 70 millions d’euros et Auchan 45 millions d’euros. À l’évidence, il faudrait prévoir un certain ciblage du CICE, de façon à en concentrer les effets sur les secteurs ou les entreprises qui en ont réellement besoin, en portant une attention particulière aux PME-PMI.

Par ailleurs, à côté de l’offre, il faut aussi soutenir la demande. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, l’a souligné le 22 août dernier : « Une stratégie cohérente pour réduire le chômage doit s’appuyer à la fois sur des mesures d’offre et de demande. La demande a besoin d’un coup de fouet », encourageant les pays européens à prendre des mesures de relance. De même, le FMI s’inquiète de la faiblesse de la demande européenne et recommande une rigueur moins prononcée.

La France ne doit pas se polariser trop exclusivement sur une politique de l’offre : elle doit stimuler à la fois l’offre et la demande, en améliorant notamment le pouvoir d’achat des ménages modestes.

À cet égard, nous prenons note avec satisfaction de la décision de relever le niveau des petites retraites inférieures à 1 200 euros …

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