Monsieur le ministre, votre famille politique a toujours défendu les politiques publiques. De ce point de vue, je ne suis pas en total désaccord avec vous. S'agissant de la banque publique de développement que les socialistes souhaitent mettre en place aujourd'hui, les échos qui nous parviennent des banquiers français sont très intéressants. Ils applaudissent l'union bancaire pour une raison essentielle : les politiques nationaux n'auront plus barre sur eux. Au nom de la discipline commune, nous sommes en train, de manière subreptice et implicite, d'abandonner le pouvoir du gouvernement de la France sur les banques et de confier la mission de contrôle des ratios bancaires à la BCE. Ce transfert de souveraineté, nous allons le payer, car les banques vont échapper au contrôle politique des États. Mesdames et messieurs de la gauche et du parti socialiste, vous devriez y réfléchir à deux fois. Mon côté jacobin m'incline à penser que pour conduire des politiques, il faut s'en donner les moyens. Donc il ne faut pas s'entraver avec des ratios qui vont permettre à l'ensemble des banques de se dispenser de participer à ces politiques.
En matière de garantie des dépôts, il faut être sérieux. D'ailleurs, Mme Merkel s'y refuse catégoriquement, car, et vous le savez mieux que moi, les encours des banques, notamment d'Europe du Sud, représentent trois fois la somme des dettes souveraines des États. C'est gigantesque ! Les dispositions du traité de Maastricht sur les critères et les ratios prudentiels n'étaient pas complètement idiotes, à condition de savoir à quoi elles s'appliquent vraiment. Je suis très dubitatif sur la possibilité de mettre en place un système de garantie des dépôts de cette nature. Pardonnez ma franchise, vous rêvez et cela ne va pas marcher.
Quant à la politique industrielle que vous avez mise en avant, sur laquelle Jérôme Lambert et moi-même avons commis deux rapports, que je vous recommande, monsieur le ministre, vous nous dites de belles choses mais elles ne sont pas à la hauteur du défi. Le problème, c'est de savoir qui commande à la direction générale de la concurrence au sein de la Commission européenne. La dernière fois que j'ai posé cette question au commissaire italien, il a mis son doigt sur les lèvres et a levé les yeux au ciel. Chacun sait ce que cela signifie : on a abandonné toute politique industrielle en Europe. Pour les Allemands, c'est un gros mot, pour les autres, c'est inaudible, et on est en train de se goberger de concepts qui n'ont aucune effectivité. Quant au juste échange, taxons un peu aux frontières et cela ramènera rapidement certains États à la raison.
Je viens de lire dans un journal du soir que l'État allait apporter une garantie de 5 milliards à la banque d'un groupe industriel français. Je n'ai rien contre, mais comment allez-vous faire passer cela auprès de Bruxelles ? Jusqu'à présent, il me semblait que les garanties d'État de ce type posaient des problèmes au regard de la sacro-sainte concurrence.
Enfin, je n'ai pas compris que le Président de la République dise que la crise était dernière nous. Comment a-t-il pu, alors que nous savons que le pire est devant ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de répondre à ces quelques questions et vous souhaite bon courage à titre personnel.