Commission des affaires européennes

Réunion du 23 octobre 2012 à 17h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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ISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 23 octobre 2012

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission des affaires européennes

La séance est ouverte à 17 h 45

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Merci, monsieur le ministre, de venir à notre traditionnel débriefing des résultats du Conseil européen. Nous l'avons suivi par presse et médias interposés, et leurs analyses parfois extrêmement contradictoires rendent votre vision d'autant plus importante pour nous.

Comme d'habitude, je vous poserai d'abord quelques questions, puis je vous laisserai la parole pour nous brosser les plus grands traits du Conseil, dont l'objet était, semble-t-il, plutôt de préparer les dossiers qui doivent être tranchés au mois de décembre.

Le premier était consacré à la place de l'union bancaire – je dirais plus volontiers la reprise en main du monde de la finance. Un compromis a été trouvé sur le calendrier de la mise en place de la supervision bancaire commune sur tous les établissements financiers européens. Quelles seront les conséquences de ce calendrier sur la recapitalisation des banques espagnoles ? Si la mise en oeuvre doit être opérée tout au long de l'année 2013, ce n'est vraiment qu'en 2014 qu'elle concernera l'ensemble des 6 000 établissements de la zone euro. Ce délai ne risque-t-il pas d'être dangereux pour l'Espagne ?

Quel est l'état d'avancement de deux autres grands chantiers tout aussi indispensables : le mécanisme commun de résolution des crises bancaires et la perspective d'une garantie commune des dépôts ? Comment associer au mieux les pays non membres de la zone euro mais qui souhaitent participer à ces mécanismes ?

Le deuxième dossier a trait aux réflexions du Président Van Rompuy concernant la constitution d'une union budgétaire. Désormais est évoquée la création d'un budget de la zone euro : quelles modalités pourrait-il revêtir et quelles pourraient être ses conséquences sur la structuration de l'Europe ? Allons-nous vers un développement à plusieurs vitesses ou plutôt, comme l'a décrit le Président de la République, une Union qui s'organise autour d'un noyau dur, entouré de cercles aux diamètres plus ou moins étendus comme nous en connaissons déjà plusieurs ?

Trois aspects me semblent mériter une clarification. D'abord, je regrette que l'on persiste à ne pas aborder plus frontalement une évidence : il ne peut y avoir d'union économique viable et protectrice des citoyens tant que les partenaires se livrent à une concurrence fiscale, sociale et environnementale inacceptable. Quelles initiatives pourriez-vous prendre pour aller plus vite vers une harmonisation sur ces sujets ?

Ensuite, je comprends la nécessité d'une parfaite loyauté dans l'application des disciplines budgétaires, mais j'entends avec inquiétude les nouvelles demandes de certains de nos partenaires sur la fameuse « contractualisation » des politiques budgétaires ou, pire, de l'introduction d'un droit de veto sur les budgets. On l'a entendu un peu de la part de l'Allemagne et fort de la part de David Cameron. Votre opinion sur ce point nous sera précieuse.

Par ailleurs, je crains que, comme souvent en Europe, on ne prenne le problème du budget de la zone euro à l'envers, en privilégiant la mécanique sur le sens. Un budget, oui, mais pour quoi faire ? À cet égard, les choses ne sont toujours pas claires. L'approche n'est pas la même selon qu'il s'agit de créer un mécanisme d'assurance conjoncturelle ou de se donner les moyens de mener des politiques ambitieuses. De la réponse à cette question découle sa place à côté du budget de l'Union et, bien sûr, son financement. Comment pousser les eurobonds comme mécanisme de mutualisation de la dette, mais aussi des solutions plus audacieuses, comme la taxe carbone européenne, par exemple ?

Enfin, je veux insister sur la question démocratique, en particulier le contrôle de la zone euro par le Parlement européen ou par les parlements nationaux. Vous connaissez notre attachement à la concrétisation de la Conférence budgétaire, et il est bien normal que nous cherchions à savoir si les discussions progressent au sein du Conseil sur cette question décisive.

Je vous laisse maintenant la parole, monsieur le ministre, pour une première intervention sans doute très éclairante. Pour la suite, nos collègues fourbissent déjà leurs questions…

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Je vous remercie, madame la présidente, de votre invitation à rendre compte, devant la commission des affaires européennes, des conditions dans lesquelles le Conseil européen s'est déroulé et des conclusions auxquelles il a pu aboutir.

Votre sentiment que ce conseil constituait une transition entre le Conseil de réorientation de la politique de l'Union européenne des 28 et 29 juin derniers et le Conseil du mois de décembre prochain est juste. C'est ce dernier qui sera très décisif, puisque Herman Van Rompuy présentera véritablement sa feuille de route, le rapport présenté vendredi dernier n'étant qu'un rapport d'étape. Le Conseil européen de la fin de la semaine avait essentiellement trois objectifs : faire le point sur le plan de croissance arrêté lors du Conseil des 28 et 29 juin derniers ; faire le point également sur l'union bancaire et la supervision bancaire qui en est le premier pilier ; prendre connaissance des conclusions du rapport d'étape d'Herman Van Rompuy.

Premièrement, le plan de croissance de 120 milliards d'euros est composé de trois piliers : les fonds structurels non programmés, mobilisés pour 55 milliards ; la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement pour 10 milliards ; la mobilisation de la première génération d'obligations de projets ou project bonds. Le Conseil a vérifié que le calendrier de mise en oeuvre de ce plan était bien respecté ; il l'est. Les 55 milliards d'euros de la Commission sont aujourd'hui disponibles, et la plupart des États, y compris la France, ont sollicité leur administration pour examiner les conditions permettant de mobiliser les fonds qui restent disponibles. Les règlements concernant les obligations de projets ont été pris – une première tranche de 100 millions d'euros sur 230 millions a été mobilisée plus particulièrement pour les transports. Le conseil d'administration de la Banque européenne d'investissement, réuni au mois de juillet, a pris un ensemble de décisions garantissant que le conseil des gouverneurs sera en situation, au mois de décembre prochain, de libérer a priori en une seule fois la totalité des 10 milliards de recapitalisation pour déclencher 60 milliards d'euros de prêts.

Le plan de croissance n'est pas un solde de tout compte, il est une première étape qui en appelle d'autres, lesquelles ont été évoquées au cours du Conseil européen. Ce sont d'abord les perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2014-2020 : elles sont en cours de négociation et doivent faire l'objet d'un accord, normalement au mois de novembre prochain. Nous avons arrêté notre position sur ces perspectives financière et, quand la négociation sur les chiffres commencera, nous serons prêts. Nous nous sommes préparés de façon à nous mettre en situation d'obtenir ce que nous voulons : un équilibre entre un bon budget pour l'Union européenne et nos capacités à respecter nos engagements budgétaires. Ce que nous allons prélever sur le budget de l'État pour alimenter le budget de l'Union européenne représente des sommes non négligeables, et ce prélèvement peut obérer nos engagements en matière de déficit devant la Commission s'il est trop important. En même temps, nous voulons que l'Europe ait un bon budget pour pouvoir atteindre nos objectifs. La discussion interministérielle nous a permis de trouver cet équilibre.

En matière de volumes budgétaires, nos choix doivent nous permettre de maintenir un très haut niveau d'aides directes pour la politique agricole commune, dont nous ne souhaitons pas voir une nouvelle diminution des enveloppes. Nous avons indiqué notre disponibilité pour organiser, dans le cadre du premier pilier de la PAC, la convergence du dispositif d'aides directes, dans la progressivité pour éviter des effets de décrochage dont les agriculteurs auraient à subir les effets. Nous avons souhaité un bon niveau pour les fonds de cohésion, de manière à pouvoir faire reconnaître les régions en transition en France et faire des investissements structurants pour demain. Cela signifie que nous avons réaffirmé nos positions concernant le filet de sécurité allemand et le filet de sécurité inversé polonais. Le filet allemand, c'est la volonté des Allemands de bénéficier d'au moins deux tiers des sommes qu'ils recevaient dans le précédent cadre budgétaire pour les Länder est-allemands dont le PIB a progressé. Nous ne considérons pas cela comme très lisible. Nous avons affirmé notre préférence pour le filet de sécurité inversé, qui garantit que l'indexation des fonds de cohésion sur la progression du PIB dans un certain nombre de pays d'Europe de l'Est ne leur assurera pas une rente telle que notre propre capacité à bénéficier de fonds de cohésion en serait obérée.

Nous avons aussi indiqué, dans le cadre de cette négociation, notre souhait que les rabais consentis à certains États, dont un en particulier, soient contenus et maîtrisés, et que le budget de l'Union européenne puisse bénéficier de ressources propres. Dans cette perspective, le Conseil européen a acté la mise en place de la taxe sur les transactions financières dans le cadre d'une coopération renforcée à onze États. La lettre sera adressée à la Commission, ce qui devrait permettre, d'ici à la fin de l'année, de voir cette taxe sur les transactions financières suffisamment profilée pour avoir une chance d'être mise en oeuvre au début de l'année 2013. Nous souhaitons que cette TTF puisse alimenter, à terme et le plus vite possible, le budget de l'Union européenne.

L'ambition de croissance est relayée non seulement par les perspectives budgétaires, dont je viens d'indiquer quelle devait être l'équation aux yeux de la France, mais aussi par la politique industrielle. Nous avons la volonté de faire s'engager l'Union européenne dans une politique industrielle soutenant l'innovation, le transfert de technologies, la montée en gamme de nos produits. Nous avons engagé des discussions avec les Allemands pour mettre en oeuvre cette politique industrielle sur des filières d'excellence, en mobilisant les moyens de l'Union. C'est ainsi qu'a été constitué le groupe de travail sur l'électromobilité et que d'autres verront le jour demain. À cet effet, dans le cadre des cérémonies du cinquantième anniversaire du Traité de l'Élysée, nous travaillons à une déclaration commune définissant des sujets, notamment industriels et de politique énergétique, autour desquels nous pourrions renforcer notre coopération avec l'Allemagne.

Enfin, le Conseil européen a acté le principe du juste échange, qui n'est ni une remise en cause du libre-échange ni, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, la manifestation d'une tentation protectionniste de la France. Il s'agit simplement de faire en sorte que les pays dont les entreprises présentent leur candidature à nos marchés publics puissent ouvrir leurs marchés publics à nos propres entreprises. Cela signifie également que des critères de mieux-disant social et environnemental garantissent que des produits ne respectant pas nos normes ne viennent pas, sur son territoire, accentuer la désindustrialisation dont l'Union européenne est déjà la victime.

Deuxièmement, la remise en ordre de la finance. Certains d'entre vous s'étaient inquiétés, lors de séances précédentes, du risque de dissonance franco-allemande sur la question de la supervision bancaire et de l'union bancaire. Cette dissonance ne s'est pas faite entendre, un compromis a été trouvé sur des bases proches des propositions faites par la Commission et du souhait qu'avait exprimé la France d'une supervision des 6 000 banques de la zone euro par un superviseur européen adossé à la Banque centrale européenne. Je rappelle que la discussion avec les Allemands portait sur le point de savoir si nous allions procéder à la supervision de toutes les banques ou seulement à celle des banques systémiques, les caisses d'épargne et les banques populaires allemandes attachées aux Länder souhaitant échapper à la supervision intégrée.

Nous avons finalement trouvé un accord qui a fait l'objet d'un compromis au sein du Conseil européen : toutes les banques seront supervisées. Les textes législatifs mis en oeuvre par la Commission seront prêts et opérationnels avant la fin de l'année 2012 pour rendre cette supervision effective en 2013. Conformément aux propositions de la Commission, la mise en oeuvre de la supervision se fera en trois étapes : une première étape au premier semestre 2013, pour les banques des pays sous programme ou bénéficiant d'une assistance ; à partir du 1er juillet 2013 pour les banques systémiques ; à partir du 1er janvier 2014 pour toutes les banques de l'Union européenne. C'est ainsi qu'en quelques mois, nous rendrons opérationnelle la supervision de la totalité du système bancaire européen.

La mise en place de la supervision de toutes les banques est le préalable à deux autres dispositifs. D'une part, l'achèvement de l'union bancaire, qui appelle la mise en place de systèmes de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts. Deux textes ont été élaborés par la Commission en 2010 et en 2012, qui doivent permettre de mettre en oeuvre l'union bancaire dans son ensemble. Bien entendu, nous veillerons à ce que le calendrier soit respecté pour que l'union bancaire soit effective dans les meilleurs délais. D'autre part, la supervision bancaire est le préalable à la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité. La Chancelière a confirmé, hier, son interprétation de cette recapitalisation en indiquant que les banques irlandaises pourraient bénéficier de cette recapitalisation. Les banques des pays bénéficiant d'une assistance ou d'une aide étant supervisées au premier semestre 2013, nous devrons veiller à ce que les banques espagnoles, qui relèvent de ce dispositif d'assistance depuis que l'Eurogroupe de juillet a décidé de mobiliser 100 milliards d'euros pour assurer leur recapitalisation, pourront bien bénéficier de la recapitalisation directe par le MES à compter du premier semestre 2013.

Troisièmement, le rapport d'étape de la feuille de route d'Herman Van Rompuy. On y trouve cette idée d'un projet de budget de la zone euro, présenté, selon les interlocuteurs, comme un budget d'amortissement des chocs conjoncturels, un budget d'accompagnement des réformes structurelles ou un budget destiné à financer des politiques nouvelles. Vous avez raison, madame la présidente, d'insister sur la destination à donner à ce budget avant que de le doter. Nous, Français, sommes désireux d'accompagner cette démarche mais en même temps prudents vis-à-vis du calendrier. Si nous acceptons qu'il soit mis en oeuvre avant que les négociations sur les perspectives financières 2014-2020 aient abouti, nous risquons d'inciter certains pays tentés par des coupes très importantes dans le budget de l'Union européenne à accentuer leur pression sous prétexte qu'un budget de la zone euro permettrait d'en amortir les effets. Le Premier ministre de Grande-Bretagne a ainsi prétendu que diminuer de 200 milliards le budget de l'Union européenne pour 2014-2020 n'aurait pas d'incidence pour les pays de la zone euro puisque, souhaitant un budget pour eux-mêmes, ils pourront y mettre ce que les autres ne veulent pas donner. Ne courons pas le risque de donner à ceux qui veulent couper le budget des armes pour le faire en ayant bonne conscience.

Le budget de la zone euro ne peut pas être considéré comme le seul instrument de mutualisation dont l'Europe a besoin pour renforcer sa solidarité. Il ne pourrait pas se substituer à la mutualisation de la dette à terme, dès lors que l'intégration des politiques budgétaires aurait été accomplie. De ce point de vue, je me réjouis que, dans le rapport d'Herman Van Rompuy, les émissions communes de dette de court terme ouvrent une perspective sur la mise en place, à terme, d'eurobonds, comme nous l'avions souhaité lors du Conseil européen du mois de juin.

Pour terminer, la conférence budgétaire interparlementaire résulte de la mise en oeuvre de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. C'est une initiative parlementaire qui vous appartient désormais. Le Parlement européen et les parlements nationaux doivent parler ensemble pour mettre en oeuvre cette conférence interparlementaire. Si je vous disais comment procéder et à quelle date la tenir, vous pourriez légitimement me reprocher de vouloir remettre en cause les prérogatives souveraines du Parlement français et du Parlement européen, ce que je me garderai bien de faire par respect pour ces institutions.

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Nous allons passer à la première série de questions.

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Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur les 2,5 milliards de projets que la France a déjà identifiés dans le cadre du pacte de croissance ?

À l'approche du sommet européen des 22 et 23 novembre prochains, les tensions à propos du budget de l'Union se font de plus en plus sentir. Angela Merkel aurait même menacé David Cameron d'annuler le sommet si le Royaume-Uni campait sur ses positions. Avez-vous plus d'éléments à nous donner à ce sujet ?

Au-delà de la question des ressources de ce budget, je m'interroge sur sa dimension démocratique. Vous avez parlé de la conférence interparlementaire, mais quelle est la position du Gouvernement sur les conclusions du rapport Van Rompuy en matière de légitimité démocratique ?

Enfin, le Conseil a rappelé que l'Union européenne est déterminée à favoriser des échanges commerciaux libres, équitables et ouverts avec les pays tiers, en défendant ses intérêts dans un esprit de réciprocité et de bénéfice mutuels. D'ores et déjà, des conventions de libre-échange sont en voie d'aboutir avec Singapour, le Canada ou le Japon. Où en est précisément le règlement de la Commission sur l'accès aux marchés publics par les pays tiers ? Pensez-vous parvenir à convaincre les États, et plus particulièrement l'Allemagne, qui ne sont pas favorables à la notion de réciprocité de s'y rallier ?

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Monsieur le ministre, votre famille politique a toujours défendu les politiques publiques. De ce point de vue, je ne suis pas en total désaccord avec vous. S'agissant de la banque publique de développement que les socialistes souhaitent mettre en place aujourd'hui, les échos qui nous parviennent des banquiers français sont très intéressants. Ils applaudissent l'union bancaire pour une raison essentielle : les politiques nationaux n'auront plus barre sur eux. Au nom de la discipline commune, nous sommes en train, de manière subreptice et implicite, d'abandonner le pouvoir du gouvernement de la France sur les banques et de confier la mission de contrôle des ratios bancaires à la BCE. Ce transfert de souveraineté, nous allons le payer, car les banques vont échapper au contrôle politique des États. Mesdames et messieurs de la gauche et du parti socialiste, vous devriez y réfléchir à deux fois. Mon côté jacobin m'incline à penser que pour conduire des politiques, il faut s'en donner les moyens. Donc il ne faut pas s'entraver avec des ratios qui vont permettre à l'ensemble des banques de se dispenser de participer à ces politiques.

En matière de garantie des dépôts, il faut être sérieux. D'ailleurs, Mme Merkel s'y refuse catégoriquement, car, et vous le savez mieux que moi, les encours des banques, notamment d'Europe du Sud, représentent trois fois la somme des dettes souveraines des États. C'est gigantesque ! Les dispositions du traité de Maastricht sur les critères et les ratios prudentiels n'étaient pas complètement idiotes, à condition de savoir à quoi elles s'appliquent vraiment. Je suis très dubitatif sur la possibilité de mettre en place un système de garantie des dépôts de cette nature. Pardonnez ma franchise, vous rêvez et cela ne va pas marcher.

Quant à la politique industrielle que vous avez mise en avant, sur laquelle Jérôme Lambert et moi-même avons commis deux rapports, que je vous recommande, monsieur le ministre, vous nous dites de belles choses mais elles ne sont pas à la hauteur du défi. Le problème, c'est de savoir qui commande à la direction générale de la concurrence au sein de la Commission européenne. La dernière fois que j'ai posé cette question au commissaire italien, il a mis son doigt sur les lèvres et a levé les yeux au ciel. Chacun sait ce que cela signifie : on a abandonné toute politique industrielle en Europe. Pour les Allemands, c'est un gros mot, pour les autres, c'est inaudible, et on est en train de se goberger de concepts qui n'ont aucune effectivité. Quant au juste échange, taxons un peu aux frontières et cela ramènera rapidement certains États à la raison.

Je viens de lire dans un journal du soir que l'État allait apporter une garantie de 5 milliards à la banque d'un groupe industriel français. Je n'ai rien contre, mais comment allez-vous faire passer cela auprès de Bruxelles ? Jusqu'à présent, il me semblait que les garanties d'État de ce type posaient des problèmes au regard de la sacro-sainte concurrence.

Enfin, je n'ai pas compris que le Président de la République dise que la crise était dernière nous. Comment a-t-il pu, alors que nous savons que le pire est devant ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de répondre à ces quelques questions et vous souhaite bon courage à titre personnel.

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Les engagements de réorientation qui ont été pris avant l'élection présidentielle puis maintenus après témoignent, au contraire, d'une vision lucide de la situation sans pour autant considérer chaque sommet comme celui de la dernière chance. Celui-ci n'a d'ailleurs pas été présenté comme tel. Je crois avoir entendu, moi, que le pire, et non pas la crise, était derrière nous.

Le pacte de croissance doit prendre en compte des valeurs de grandeur adéquates. Les banques espagnoles, par exemple, ont des emprunts toxiques à hauteur de 180 milliards, soit 10 % de leurs actifs. On est bien loin du triple des encours que M. Myard évoquait. Du reste, la situation doit être examinée au cas par cas, pas du point de vue du volume global.

La question des participants mérite d'être posée. On sait, en effet, que la supervision bancaire comporte un volet régulation, avec la définition, notamment par l'Autorité bancaire européenne, de normes applicables à l'ensemble de l'Union européenne, et que cet aspect est contesté par les pays hors de la zone euro.

Deux semaines avant la tenue du Conseil, l'Allemagne a proposé que la représentation au sein de la supervision bancaire ainsi qu'à la BCE soit déterminée en fonction du PIB. Les conclusions du sommet mentionnent seulement une représentation équitable. Qu'en est-il exactement ?

Enfin, en matière de taxation financière, on parle de 0,1 % sur les actions et obligations et de 0,01 % sur les produits dérivés, ainsi que d'une assiette de 30 milliards. Comment avance l'idée, portée par le Président de la République et le Gouvernement, de consacrer les sommes collectées à la relance et à un agrément supplémentaire au pacte de croissance ?

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Monsieur le ministre, je vous propose de répondre à ces premières questions avant de passer à une autre série.

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Mme Dagoma, les 2,5 milliards constituent une enveloppe disponible dans les régions de fonds structurels budgétés non dépensés ou non encore budgétés et disponibles pour des actions nouvelles. Ils ne sont qu'une première enveloppe, un plancher et non pas un plafond. Les SGAR continuent d'étudier les possibilités et nous pensons pouvoir dépasser cette enveloppe d'au moins un milliard. Mais il ne s'agit là que des fonds structurels. Dans chaque région, en face des fonds disponibles, des projets sont en cours d'élaboration qui permettront de mobiliser très rapidement ces sommes pour des investissements de croissance dans les meilleurs délais. C'est ainsi que, à la faveur d'une tournée des régions françaises, j'ai pu prendre connaissance des projets immédiatement mobilisables dans les régions Picardie et Centre, et constater qu'il y avait déjà, sur des entreprises, du transfert de technologie ou des équipements de recherche, des moyens susceptibles d'être mobilisés rapidement.

S'agissant du budget de l'Union européenne, les Anglais ont une position assez claire : d'abord, on coupe significativement, ensuite, on répartit ce qu'il reste. La difficulté, c'est que les coupes et le rabais demandés sont si importants qu'il ne reste pas grand-chose à répartir. De leur côté, les Allemands considèrent que cette démarche n'est pas conforme aux besoins de l'Europe et s'inquiètent de voir les Anglais demander, sur de multiples sujets, des dérogations qui les éloignent de l'Union européenne. L'échange auquel vous avez fait référence a été dédramatisé par les deux parties dans les heures qui ont suivi. Le Conseil européen du mois de novembre se tiendra bien et portera sur le budget. Ce n'est pas pour autant qu'il sera conclusif ; tout dépendra de la dynamique de négociation. Pour notre part, nous ferons tout pour qu'il débouche sur un compromis parce que ce budget représente des moyens significatifs pour porter des projets de nature à amplifier la dynamique de croissance.

Notre position vis-à-vis des accords de libre-échange est extrêmement claire, et le Conseil européen est allé dans le sens que nous souhaitions en inscrivant dans la déclaration la notion de juste échange. Nous ne souhaitons pas que soient signés des accords de libre-échange avec des pays qui n'abaisseraient pas leurs barrières commerciales autant que nous le faisons nous-mêmes et n'ouvriraient pas leurs marchés publics à nos entreprises dès lors que nous-mêmes le faisons. Nous tiendrons cette position parce qu'elle nous paraît être à la fois de l'intérêt de l'Union européenne et de nature à éviter la désindustrialisation. Elle ne participe pas d'une démarche à visée protectionniste mais, au contraire, tend à rendre possible le libre-échange en prenant toutes dispositions qui garantiront le développement des échanges commerciaux dans un cadre équilibré.

Cela n'est pas exclusif, M. Myard, de toute disposition de mise en place aux frontières de l'Union européenne de dispositifs de nature à nous protéger de l'arrivée sur le sol européen de produits qui ne respectent pas les clauses sociales et environnementales prévalant en Europe. Quant au dumping monétaire, c'est un sujet plus compliqué à réguler. D'ailleurs, vous nous le proposez parce que vous savez qu'il nous sera difficile de le traiter, et vous pourrez, par conséquent, vous en plaindre.

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C'est très facile, à condition de dévaluer.

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

La mise en place de la supervision n'aboutit à aucun abandon de souveraineté supplémentaire puisque ce n'est rien d'autre que la prolongation à un autre niveau des règles de droit qui prévalent déjà. Actuellement, tous les États membres de l'Union européenne ont des autorités nationales de supervision totalement indépendantes. Ces autorités sont le plus souvent adossées aux banques centrales de chacun des États, qui appartiennent au système européen des banques centrales, lui-même indépendant et très contrôlé chapeauté par la Banque centrale européenne. Aucune couche supplémentaire n'est ajoutée, nous confions simplement la supervision bancaire à la Banque centrale européenne. Si la BCE est indépendante pour ce qui concerne ses prérogatives de défense de la monnaie et de lutte contre l'instabilité des prix, l'activité de supervision qui lui sera confiée ne relève pas de cette indépendance et elle pourra être contrôlée par le parlement européen. C'est le dispositif tel qu'il est arrêté.

Soyez tout à fait rassuré à ce sujet, monsieur Myard. Il sera possible aux parlementaires que vous êtes et à l'instance à laquelle vous appartenez de contrôler les conditions dans lesquelles la supervision bancaire sera effectuée au travers de la conférence interparlementaire. Quant à savoir si les parlements sont très efficaces en la matière, c'est un autre sujet.

M. Hammadi, s'agissant du périmètre de l'union bancaire, je rappelle qu'il n'y a pas de coopération renforcée sur la supervision bancaire, cette procédure ne concernant que la taxe sur les transactions financières. La supervision bancaire sera mise en place pour les pays qui en ont accepté le principe, notamment tous les pays de la zone euro, dès lors que la Commission européenne aura adopté les textes législatifs que j'évoquais plus haut. Ces textes seront prêts avant la fin de l'année, ce qui permettra à la supervision bancaire de se mettre en oeuvre en trois temps : banques des pays sous assistance au premier semestre 2013, banques systémiques au cours du second semestre, ensemble des banques à partir du 1er janvier 2014.

Vous avez raison, il y a un problème de vote lié à la mise en place de la supervision. Si toutes les banques de l'Union européenne sont supervisées, le superviseur intégré, du fait de son adossement à la Banque centrale européenne n'interviendra que pour les banques de la zone euro.Hors de cette zone, certains pays souhaitent voir leurs banques supervisées par ses soins et d'autres s'y refusent. Par conséquent, l'Autorité bancaire européenne, qui est le superviseur actuel, devra définir en son sein des modalités de vote qui garantiront la cohabitation entre les trois dispositifs de contrôle. Ce travail technique qui est en cours, il ne m'est pas possible de vous dire à quoi il aboutira, mais il aboutira.

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Nous passons à une deuxième série de questions.

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La question de la supervision est à la fois très sensible et très complexe. On ne voit pas bien encore les orientations qui seront données à cette supervision ni qui les décidera.

On a constaté que, avant la crise de 2008, des zones de dérégulation existaient à côté d'acteurs déjà régulés, des banques notamment, et que la crise n'était pas seulement liée à la dérégulation mais aussi à une régulation non respectueuse de règles. Je me demande s'il ne faudrait pas revenir à des systèmes plus cloisonnés, par activité – de dépôt ou d'investissement – ou par secteur d'intervention, comme l'immobilier.

S'agissant de l'Espagne, il ressort des commentaires de la presse sur le Conseil européen que Madrid commence à s'inquiéter du risque de voir les 100 milliards d'euros de recapitalisation lui échapper. Cette crainte est-elle fondée, sachant qu'on a entendu des responsables européens annoncer que l'opération prendrait du temps et que les banques espagnoles ne seraient pas recapitalisées avant la fin 2013, probablement 2014 ? La crise bancaire ne risque-t-elle pas de devenir une crise de la dette ?

La Commission devait travailler sur deux autres volets un peu plus délicats : la création d'un mécanisme de résolution des crises et la garantie pour les déposants. Où en est la réflexion ?

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Monsieur le ministre, face à votre devoir d'optimisme, je réclame un droit à l'inquiétude. Il semblerait qu'à l'heure où nous parlons, l'Espagne, dans la partie de bras de fer qu'elle a engagée avec Mme Merkel, soit sur le point de récuser son appel à l'aide aux fonds européens.

J'aimerais en savoir un peu plus sur les cercles que vous avez évoqués. Sans porter préjudice à la discrétion à laquelle vous êtes tenu, pouvez-vous nous dresser un état des divergences et des convergences de ces cercles européens ? Aujourd'hui, le dialogue a sans doute été plus ouvert, moins vertical, grâce à l'introduction dans le dialogue franco-allemand d'interlocuteurs de poids, comme Mario Monti.

Ma deuxième question concerne l'union bancaire. La supervision est un idéal qu'on ne peut que partager, mais il ne suffit pas de dire « supervision ! » pour l'appliquer aux 6 200 banques concernées. Il est intéressant de savoir que les Allemands ont accepté d'en étendre le champ à leurs banques régionales, pour autant je ne suis pas totalement rassuré sur sa faisabilité, même en prenant appui sur les parlements. Quand les modalités techniques de la supervision bancaire seront-elles précisées et à quelle échéance le système pourra-t-il être lancé ?

Ces informations me paraissent d'autant moins négligeables qu'une incertitude pèse sur une autre échéance. Les taux d'intérêt, même en ayant baissé, sont encore fort élevés et des divergences considérables existent au sein de l'Europe – l'Allemagne et l'Italie sont régulièrement mises sur le devant de la scène. Quand, d'un côté, certains empruntent à des taux négatifs à court terme pendant que d'autres sont à plus de 5 %, ce n'est pas tenable ! Combien de temps encore va durer cette négation du principe européen ?

Le temps des réponses ne peut pas être celui des annonces. Quand il faut reconstituer un État, comme en Grèce, quand il faut imposer l'État, comme en Italie du Sud, quand il faut faire des réformes structurelles qui ne peuvent en aucun cas donner de résultats à court terme, y compris en France, il faut fixer des échéances. Ces échéances de progression nécessaire dans le parcours menant aux convergences bancaires, financières, budgétaires, économiques vont-elles être précisées dans un agenda ?

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Monsieur le ministre, pourriez-vous redire la position de la France vis-à-vis des perspectives financières et à quel montant elle souhaite arriver ? Quels sont les pays en accord avec cette position ?

La taxe sur les transactions financières, que nous devons à Nicolas Sarkozy, devrait, selon vous, alimenter le budget de l'Union européenne. Viendrait-elle en remplacement des contributions des États ou en plus ? Sommes-nous suivis par d'autres pays ?

Je n'ai pas vu que les projets Galileo et ITER étaient financés dans le budget de l'Europe. Jusque-là, ils bénéficiaient de fonds non utilisés par d'autres budgets. Quelle est la position de la France à ce sujet ?

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Je reviens de Chypre, où j'ai assisté à la réunion de la COSAC au nom de notre commission. J'y ai senti des inquiétudes réelles de la part des parlementaires nationaux des pays les plus touchés par la crise, les Grecs notamment apportant des témoignages assez douloureux. Je veux souligner combien il est important d'intégrer les parlements nationaux au contrôle de la gouvernance économique européenne. Il est plus que temps d'agir. Quelles initiatives la France compte-t-elle prendre sur ce point ?

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Monsieur le ministre, je me réjouis de votre position sur la PAC. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « un bon niveau » pour la France ? Je crois savoir que les fonds de cohésion sont fortement sous-utilisés par les pays d'Europe de l'Est, ce qu'il convient de surveiller.

S'agissant du rapport intermédiaire de M. Van Rompuy, établi en étroite coopération avec MM. Barroso, Juncker et Draghi, qui doit être remis en décembre, quelle est la feuille de route ?

Je n'ai pas tout à fait la même lecture que vous de ce que doit être le bon équilibre : finalement, l'Allemagne a obtenu les délais qu'elle voulait, c'est-à-dire 2014.

Les crédits du programme Erasmus ne sont pas encore au rendez-vous, alors que, dans ce domaine, l'Europe devrait faire beaucoup plus, non seulement en faveur des étudiants, mais aussi des élèves en formation professionnelle et en apprentissage. C'est très inquiétant.

Que pensez-vous de la position exprimée par la Commission et M. De Gucht sur les exportations sud-coréennes et des récentes déclarations de M. Montebourg ?

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Mme Karamanli, comment assurer une bonne régulation de l'activité bancaire ? D'abord, avec les dispositions du dispositif Bâle 3, bientôt traduites par un ensemble de règles prudentielles auxquelles l'ensemble des banques européennes devra se conformer – le paquet législatif « CRD4 ». Ces règles prudentielles garantiront que les errements d'hier ne se reproduiront pas, en particulier s'agissant du niveau de capital dont doivent justifier les banques pour toute activité autre que de dépôt. Ce dispositif réglementaire CRD 4 est en cours de discussion au sein du trilogue : la Commission européenne a proposé, il y a maintenant une discussion entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen pour stabiliser définitivement cette réglementation. Elle permettra d'avoir les ratios prudentiels dont les banques ont besoin pour que, avec la supervision, d'une part, ces ratios prudentiels, d'autre part, l'union bancaire demain, nous puissions avoir un dispositif global efficace.

M. Myard, lorsqu'un dispositif de résolution des crises bancaires est envisagé, il est amorcé par des fonds publics mais a vocation à être assuré, en relais, par un mécanique assurantiel financé par les organismes bancaires eux-mêmes.. C'est assez logique, d'ailleurs. Pour le passé, il existe des dispositifs de recapitalisation qui doivent permettre d'éponger la situation.

Nous devons compléter l'ensemble de ces mécanismes par une disposition de séparation des activités de dépôt et spéculatives. Le rapport Liikanen, commandé par le commissaire Barnier, évoque cette perspective et pourrait inspirer, y compris au niveau national, des dispositions installant une cloison étanche entre ces activités.

Le Conseil européen a acté le principe que, dès lors que la supervision bancaire sera en oeuvre, la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité pourra intervenir. Cela permettra aux États de ne pas avoir à procéder à la recapitalisation de leurs banques en levant des capitaux à des taux d'intérêt prohibitifs sur les marchés. Sans attendre que cette décision soit appliquée, nous avons, conformément à la décision de l'Eurogroupe prise en juillet, mobilisé une enveloppe de 100 milliards d'euros qui permettra la recapitalisation des banques, nonobstant l'intervention du mécanisme européen de stabilité en recapitalisation directe. Sur ces 100 milliards d'euros, aujourd'hui 30 milliards sont disponibles, et nous savons que le solde est un peu supérieur aux besoins de l'Espagne pour éponger la recapitalisation résultant des difficultés passées. Il y a donc un tuilage possible entre les instruments arrêtés par l'Eurogroupe et les mécanismes européens de stabilité en recapitalisation directe des banques après mise en place de la supervision. Ces deux projets pourraient éviter les risques que redoutaient Mme Karamanli et M. Piron. D'ailleurs, l'Espagne n'a pas réagi négativement à la décision du Conseil européen de vendredi, ayant bien vu qu'elle était couverte par les moyens que nous avions mobilisés.

S'agissant du mécanisme de résolution des crises bancaires, deux textes préparés par la Commission en 2010 et 2012 doivent arriver au terme de la procédure législative classique. Il n'est pas exclu que la résolution des crises bancaires, appelant pour partie un dispositif de mutualisation, ne puisse se mettre en oeuvre qu'après une modification des traités existants. Nous ne pourrons donc peut-être pas aller au bout de l'union bancaire si cette condition n'est pas remplie.

Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la relation franco-allemande. Ce qui compte à la fin, c'est qu'il y ait un compromis. En général, le compromis entre la France et l'Allemagne s'établit au barycentre des positions respectives des deux pays, ce qui signifie que chacun a eu l'occasion de les exprimer. Dorénavant, la préparation des conseils européens obéit à une temporalité qui n'existait peut-être pas auparavant : d'abord, chacun affirme ce sur quoi il n'est pas d'accord, puis on recherche des points d'accord en faisant entrer l'Espagne, l'Italie ou d'autres pays dans la discussion – ce sont les cercles dont nous parlions. De cette manière, le compromis obtenu n'est pas le fait d'un directoire qui impose à tous sa volonté, ce qui est bien meilleur pour la dynamique européenne.

C'est ainsi que nous avons procédé pour la supervision bancaire. Nous voulions la supervision de toutes les banques sous l'autorité de la BCE ; les Allemands avaient une position différente. Nous avons obtenu ce que nous voulions dans le cadre d'un calendrier qui permet aux Allemands de se préparer. C'est un bon compromis.

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Ce n'est pas mentionné dans les actes du Conseil.

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Bien sûr que si. C'est le principal élément des conclusions, je peux vous le lire : « Nous devons avancer sur la voie de la mise en place d'un cadre financier intégré, ouvert dans la mesure du possible à tous les États membres qui souhaitent y participer. Dans ce contexte, le Conseil européen invite les législateurs à poursuivre en priorité les travaux sur les propositions législatives relatives au mécanisme de surveillance unique (MSU), l'objectif étant de parvenir à un accord sur le cadre législatif d'ici le 1er janvier 2013. Les travaux sur la mise en oeuvre opérationnelle seront réalisés dans le courant de l'année 2013. À cet égard, il est capital de respecter pleinement l'intégrité du marché unique ».

Cela veut dire que les Sparkassen et les banques populaires allemandes ne pourront pas être supervisées par le superviseur allemand puisque, désormais, le superviseur unique c'est, in fine, la BCE. C'est ce qui était en débat et que le Conseil européen a tranché dans le sens que nous voulions. La rédaction permet à chacun d'y trouver son compte, car il n'est pas nécessaire de formuler les choses de façon humiliante pour quiconque.

Les perspectives sont celles de la feuille de route d'Herman Van Rompuy : comment aller plus loin dans l'intégration des processus budgétaires, puisque nous avons maintenant le Six Pack, le Two Pack, le TSCG ; comment aller plus loin dans les processus de solidarité – par la mise en place à terme d'une capacité budgétaire de la zone euro et la mutualisation de la dette, le débat n'est pas tranché et les deux hypothèses figurent dans les conclusions possibles, ce qui nous va bien au stade où nous en sommes ; que faire pour renforcer l'exercice par le Parlement de ses prérogatives souveraines ? La balle est maintenant dans le camp des parlements. L'article 13 du TSCG met en place la conférence interparlementaire, il faut désormais que les Parlements se saisissent eux-mêmes. Si nous le faisions nous-mêmes, vous pourriez nous le reprocher. D'ailleurs, nous n'avons aucun levier institutionnel pour le faire.

M. Laffineur, ne m'en veuillez pas, je ne vous communiquerai pas le volume que nous voulons obtenir dans le cadre des perspectives financières pluriannuelles. Donner ce montant avant l'ouverture de la négociation et la mise sur la table des chiffres, c'est rendre impossible la conduite de la négociation dans l'intérêt du pays que l'on sert. Je peux seulement vous indiquer qu'il est très précis, hors FED et identique à celui des Allemands. Toutefois, je m'engage, dès que la négociation aura été ouverte par la présidence chypriote, à venir devant la commission donner les chiffres précis sur les MFF et à les expliquer dans le détail. Le précédent gouvernement avait arrêté, avec le ministère du budget, une position proche de la position britannique à moins 200 milliards ; nous ne sommes plus du tout dans cette approche. Nous ne voulons pas faire, par rapport à la proposition de la Commission, une coupe de 200 milliards.

Nous voulons être extrêmement fermes sur le niveau des aides directes de la politique agricole commune, sur les rabais et sur les ressources propres dont le budget de l'Union a besoin, sans avoir l'air d'être déconnectés des fonds de cohésion dont nous avons besoin nous-mêmes. Par conséquent, nous mettons autant de lisibilité, à travers la convergence, dans la politique agricole commune que nous en exigeons pour la politique de cohésion, ce qui nous conduit à dire des choses claires sur le filet de sécurité et le filet de sécurité inversé. Voilà, concrètement, quelles sont nos positions.

Nous souhaitons que la TTF soit affectée en ressources propres. Comme elle est mise en place dans un cadre de coopération renforcée, on ne va pas donner plus d'argent pour les autres alors que nous sommes déjà contributeurs nets. Si nous mettions la TTF en ressources propres, ce serait dans un premier temps, jusqu'à ce qu'un véritable dispositif de ressources propres fiscales vienne en substitution de la contribution RNB, pour éviter d'avoir à dégrader notre solde net.

Nous plaidons pour la réintégration, dans la boîte de négociation, du financement par le BCRD de l'Union européenne de Galileo et ITER, mais en le plafonnant pour éviter de se retrouver dans l'impossibilité de lancer d'autres projets de recherche.

Vous avez raison de dire que les pays de l'Est utilisent parfois mal les fonds de cohésion. D'ailleurs, certains d'entre eux ne peuvent plus les percevoir en raison des mauvaises conditions d'utilisation de ces fonds.

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Qu'entendez-vous par un « bon niveau » de montant souhaitable pour la France ?

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Je parlais du budget de l'Union par rapport à ce que nous demande la Commission. C'est précisément ce chiffre que j'ai des difficultés à donner.

S'agissant d'Erasmus, nous sommes dans l'attente d'un budget rectificatif pour 2012. Il manque aujourd'hui à Erasmus et au programme « Éducation tout au long de la vie » 156 millions d'euros de crédits de paiement dont nous souhaitons que le budget rectificatif tienne compte. Nous sommes très mobilisés et tout à fait vigilants sur ce point.

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Avant de passer à la dernière série de questions, je me permets de rappeler que, sur ces sujets, Mme Grelier et M. Marc Laffineur nous présenteront très bientôt leur rapport sur le cadre financier 2014-2020.

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Il me semblait qu'une partie de la TTF devait être réservée à l'aide au développement. Dans quelles proportions ?

Le Royaume-Uni n'a pas voulu participer au traité budgétaire, il mobilise moins l'attention. Comment sont les rapports lors des rencontres européennes ? On a cru comprendre que M. Cameron ne souhaitait pas voter le budget européen si celui-ci devait être augmenté.

J'ai lu, dans un article du Parisien ce matin, que l'Union européenne s'était ouverte à la contrefaçon par le biais d'une décision de la Cour de justice et d'une directive européenne. Dès lors qu'on justifierait de la réalité de certains achats, on pourrait transiter par l'Union européenne en toute légalité, même pour des produits contrefaits venus d'Asie ? J'ai cru comprendre que la France était très présente sur ce dossier. Pouvez-vous nous rassurer ?

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Des autorités danoises ont récemment parlé d'une nouvelle alliance au sein de l'Union européenne, avec, d'un côté, les Dix-sept qui auraient une coopération étroite et renforcée, et, d'un autre côté, ceux qui acceptent d'avoir moins d'influence. Quel est votre point de vue ?

En matière de finances, je m'intéresse surtout au Fonds social européen dont on parle pour les plus démunis. Apparemment, on prévoit 2,5 milliards sur sept ans, soit 360 millions par an, contre 500 auparavant, à répartir sur vingt-sept pays. Quid du bel objectif européen de réduire la pauvreté à 20 % d'ici à 2020 si on n'y met pas les moyens ?

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J'ai été extrêmement choqué par les déclarations de M. De Gucht. D'abord, sur la forme, je ne me souviens pas qu'un commissaire européen ait pu s'exprimer avec une telle désinvolture sur les déclarations d'un ministre français. Même Mme Reding, en son temps, n'était pas allée aussi loin. En tout cas, à l'époque, la France avait manifesté son mécontentement. Le Gouvernement entend-il protester aujourd'hui ? Sur le fond, je comprends que les voitures coréennes ne soient pas un problème pour Audi, BMW ou Mercedes. Je pense que c'en est un pour Peugeot, Citroën et Renault. À cet égard, quelle va être la réaction du gouvernement français ?

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Monsieur le ministre, vous avez affirmé votre intention de tenir bon sur les accords de libre-échange. Je me permets de revenir sur ceux de Singapour et du Canada, qui doivent être finalisés avant la fin de l'année. Pour avoir suivi celui du Canada de très près, je peux vous dire qu'il est le résultat de pressions exercées par de grands groupes français sous la présidence française, et que les études d'impact, quand elles existent, ont été bâclées. Pourtant, rien n'a été changé dans le mandat de négociation confié aux négociateurs. J'ai de vraies inquiétudes pour ces deux accords, ne voyant pas comment vous pourriez les réorienter en urgence. Les exigences sanitaires et environnementales du Canada me font doucement sourire et les ministres de gouvernements précédents avaient déjà parlé de compensations financières pour certaines filières françaises – l'agriculture, la pêche, l'automobile – ainsi que pour l'outre-mer, qui sera touché à travers Saint-Pierre-et-Miquelon. Je veux bien croire que, dans les futurs accords, la France aura un autre poids, mais comment fait-on pour ceux dont les derniers rounds de négociation sont achevés et dont la signature est prévue avant la fin de l'année ? Redonnez-moi un peu d'espoir, s'il vous plaît – ou alors, le juste échange, c'est pour les prochaines négociations ?

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

S'agissant de la taxe sur les transactions financières, l'idée était de l'affecter au financement de trois objectifs : la réduction des déficits, le financement des initiatives de croissance, le financement de l'aide au développement. Puisque les initiatives de croissance bénéficient de la contribution du budget européen à la croissance, ce schéma est maintenu.

Le Royaume-Uni a, sur l'Europe, une position qui se singularise de plus en plus, avec deux objectifs. Le premier, c'est de profiter au maximum du marché unique sans jamais se rapprocher de la zone euro, mais de ne pas empêcher la zone euro de se structurer parce que c'est bon pour le marché unique, tout en créant les conditions d'une non-minoration de la place de la Grande-Bretagne dans le dispositif européen. J'ai rencontré l'ambassadeur britannique à midi, et je n'ai pas senti, ni de sa part ni de celle de mon homologue David Lidington, de regret de voir la zone euro se structurer. Le second objectif, c'est d'obtenir des coupes maximales dans le budget de l'Union européenne et la sauvegarde, voire la maximisation, du rabais britannique. C'est une position très éloignée de la nôtre.

Les Britanniques menacent de faire blocage s'ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent. C'est souvent une manière de commencer une négociation, pas de la terminer. Dire que tout va s'arranger sans que des efforts soient faits, signifierait que nous sommes prêts à accepter le positionnement britannique, ce qui est très loin d'être le cas. Dire qu'on ne trouvera jamais d'issue, signifierait que nous ne voulons pas d'accord avec eux et pas de compromis sur le budget dont l'Union européenne a besoin en novembre. Je ne vous dirai ni l'un ni l'autre. La question reste ouverte, tout dépendra de la dynamique de négociation.

La décision de la Cour de justice européenne ne nous empêche pas du tout de lutter contre la contrefaçon, elle nous empêche de saisir des produits de contrefaçon en transit. C'est, en tout cas, ce que j'ai compris en prenant connaissance de son existence ce matin. Je lirai la décision elle-même dans les heures qui viennent. A priori, elle ne nous empêche pas de procéder à des vérifications, mais je vais m'en assurer et reviendrai vous en parler.

Mme Guittet, l'alliance à dix-sept au sein des Vingt-sept est l'un des enjeux fondamentaux des années qui viennent et pour lequel nous allons devoir faire preuve d'imagination : comment conforter la gouvernance de la zone euro sans remettre en cause l'intégrité du marché à vingt-sept ? Comment conforter le pilotage pour sortir de la crise et faire de la croissance sans casser l'Europe en deux ni remettre en cause la cohésion de l'ensemble que nous avons constitué ? Nous le voyons bien avec la supervision bancaire, qui est un dispositif à dix-sept mais qui pose la question des droits de vote, et par conséquent des minorités de blocage, au sein des instances décisionnelles de l'Autorité bancaire européenne. Sur de nombreux sujets, il va falloir trouver le bon équilibre et surtout veiller à ce que jamais les initiatives pour la zone euro ne se télescopent avec le marché intérieur dont nous avons besoin. Il ne faudrait pas que le progrès dans l'intégration de la zone euro soit une machine à reculer pour tout le reste de l'Union européenne. Compte tenu de l'importance de son enjeu, je suis convaincu que nous reviendrons souvent sur le sujet tout au long de la législature.

Plutôt que du Fonds social européen, je pense que vous voulez parler du PEAD, qui est doté de 2,5 milliards d'euros et que l'on parle d'adosser au FSE. Il avait été proposé de le faire vivre une année de plus dans le cadre d'un accord franco-allemand, au terme duquel il disparaîtrait. Nous ne nous résolvons pas à cette disparition et avons engagé une action pour que ce programme européen continue à vivre. Avec Mme Carlotti et M. Le Foll, nous serons, le 29 novembre, auprès des Restaurants du coeur pour engager une action forte de sensibilisation à l'occasion de laquelle nous ferons part de l'état d'avancement des négociations.

La déclaration du commissaire européen De Gucht est excessive au regard de ce que nous avons demandé, à savoir la mise en place d'une observation préalable à l'engagement d'une clause de sauvegarde sur un accord de libre-échange qui a produit, sur le secteur de l'automobile, des déséquilibres préjudiciables à notre industrie en même temps qu'il a donné des résultats globaux positifs. L'accord de libre-échange signé avec la Corée, portait, en effet, sur d'autres produits que l'automobile sur lesquels nous sommes excédentaires, ce qui permet d'afficher une balance globale positive pour l'Union européenne, y compris pour notre pays. Le contexte est donc compliqué, parce que la situation dans le secteur automobile impose de lancer des procédures d'observation sur un sujet indépendamment de tous les autres. Mais comme il peut y avoir un monitoring sur une question, il est légitime que nous l'ayons demandé, et nous demeurerons vigilants. C'est au même titre, d'ailleurs, que nous veillerons à prendre toutes les précautions dans la négociation des futurs accords de libre-échange.

Suite à la déclaration de M. De Gucht, le Gouvernement français a fait un communiqué, clair sur le fond et pondéré sur la forme, exprimant de manière élégante que nous ne sommes pas en adéquation avec la méthode et le ton. Quant au fond, il n'y en a pas : il a dit que nous étions protectionnistes, c'est faux ; que nous demandions la réciprocité parce que nous voulions ériger des barrières partout, c'est tout aussi faux ; que la position de la France ne tenait pas la route, c'est encore plus faux.

Enfin, Mme Girardin, nous souhaitons que l'accord avec le Canada puisse aboutir dans des conditions maîtrisées. La semaine dernière, avec Laurent Fabius, nous avons discuté avec le ministre des affaires étrangères de ce pays des points suivants : l'ouverture des marchés publics fédéraux et subfédéraux, la libéralisation des services financiers et de télécommunication, la protection des droits de propriété intellectuelle, le règlement de la question sensible des règles d'origine. Si nous obtenons ce paquet-là, étant entendu qu'est déjà acquise l'exclusion des services audiovisuels et autres services culturels au titre de la spécificité culturelle à laquelle nous tenons à manifester notre attachement, nous devons pouvoir arriver à un accord équilibré. Nous ne sommes pas dans un processus où l'unanimité est requise, aussi ne pouvons-nous pas faire blocage. Dans la mesure où il n'y a pas non plus de possibilité de veto, nous ne pouvons qu'amender, améliorer ou orienter.

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Merci, monsieur le ministre, nous n'avons pas épuisé tous les sujets mais nous aurons d'autres occasions de les aborder.

Sur proposition de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a nommé rapporteurs d'information :

– M. Arnaud Richard, co-rapporteur sur le suivi du pacte pour la croissance et l'emploi (en remplacement de M. Pierre Lequiller, M. Razzy Hammadi ayant déjà été nommé co-rapporteur) ;

– Mme Marietta Karamanli et M. Didier Quentin, co-rapporteurs sur l'intégration des populations roms.

La séance est levée à 19 h 20