Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 17 octobre 2012 à 16h45
Commission des affaires européennes

Stéphane le Foll, Ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

A Marietta Karamanli, je répondrai que le cycle de Doha est aujourd'hui en panne totale et, pour ce que nous en savons, aucun pays ne souhaite sa reprise. L'Union européenne a en conséquence engagé des négociations bilatérales, lesquelles ne sont pas nécessairement plus bénéfiques ni pour l'agriculture ni pour le développement mondial. C'est tout le paradoxe. Les altermondialistes ont longtemps contesté le principe même de négociations multilatérales mais les rapports de force jouent davantage dans les négociations bilatérales.

Il faudrait dans ces négociations bilatérales intégrer le respect de la réciprocité et de certaines normes sociales et environnementales, qui peuvent sembler annexes aux questions commerciales mais leur sont directement liées. Comment faire pour que dans le commerce mondial soient respectés les accords internationaux, comme ceux de l'Organisation internationale du travail (OIT) en matière de travail, ou bien encore le protocole de Nagoya sur la biodiversité et les protocoles relatifs à la lutte contre le réchauffement climatique ? Comme j'ai eu l'occasion d'en discuter avec mon homologue philippin, on pourrait, avant tout accord d'échange portant par exemple sur l'huile de palme, exiger que le pays exportateur s'engage à ne plus laisser détruire les forêts primaires au profit de palmeraies. Les Philippins y seraient disposés car ils commencent à s'inquiéter de ne plus pouvoir vendre leurs produits à l'étranger, les consommateurs européens risquant de les boycotter. Il faut rebattre les cartes au niveau de l'OMC. Le directeur général de l'organisation, Pascal Lamy, n'y est d'ailleurs pas opposé. L'objectif des négociations ne peut pas être seulement de faciliter l'accès aux marchés et d'abaisser les tarifs douaniers, d'autant que le niveau des monnaies a beaucoup plus d'impact que les protections tarifaires ou douanières. Le travail que vous avez mené avec Hervé Gaymard pourra servir de base à notre réflexion.

Vous souhaiteriez que l'emploi soit pris en compte pour l'attribution des aides. Ce sont justement les premiers hectares qui contribuent le plus à l'emploi. En les aidant davantage, on est aussi plus efficace en termes d'emplois. Il ne serait pas envisageable en revanche aujourd'hui de basculer des aides à l'hectare sur des aides aux actifs car c'est inatteignable en négociation.

William Dumas m'a interrogé sur les droits de plantation. Sur ce sujet, nous avons engagé la bataille depuis mon entrée en fonction. De quatre grands pays producteurs défendant le rétablissement des droits, on est passé à onze, qui ont d'ailleurs signé une plate-forme commune pour refuser une libéralisation totale. Sans le maintien d'une maîtrise des plantations de vigne, il n'y aurait plus aucun outil de régulation. Et nous voulons qu'il y ait des droits de plantation non seulement pour les vins d'AOC (appellation d'origine contrôlée) et d'IGP (indication géographique protégée) mais aussi pour les vins de table. En effet, contrairement à ce qui avait pu être dit lors du bilan de santé en 2008, on sait bien que toute production non maîtrisée, fût-ce pour les seuls vins de table, finit par se retourner contre l'ensemble du marché viticole. Onze pays sont d'accord sur ce point, y compris l'Allemagne. C'est avec la Commission qu'a lieu la bataille. Il a été convenu qu'au prochain conseil européen, une question diverse serait posée sur ce sujet, portée par les onze pays.

« Produisons autrement », c'est toute la problématique de la couverture des sols, de la rotation des cultures, de la préservation de la biodiversité, de l'intensification des processus écologiques, de l'utilisation maximale du soleil et de la photosynthèse… Je vous invite à venir nombreux le 18 décembre au Conseil économique, social et environnemental : quantité de nouvelles techniques et méthodes culturales y seront présentées. Vous verrez comment par exemple au lieu de labourer, on peut laisser agir les vers de terre, pour le plus grand bénéfice des sols et des rendements. Dans les rotations, il faudra bien sûr intercaler des cultures de protéines végétales ou de céréales comme le méteil. Les protéagineux peuvent permettre aux exploitations, laitières notamment, d'être quasiment autosuffisantes. Dans la future loi d'orientation, nous lierons cette question à celle des groupements d'intérêt économique environnementaux qui permettront des actions collectives en ce sens.

Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, je suis tout à fait d'accord pour que des actions de sensibilisation et d'éducation soient menées à l'échelle des collectivités. Votre idée mérite d'être creusée On n'aurait jamais autrefois dans nos campagnes jeté un quignon de pain ! Ces habitudes se sont perdues. Mais en la matière, je crois davantage à l'incitation et à l'éducation qu'à la coercition.

J'en viens à l'irrigation. Il est difficile de convaincre sur ce sujet car beaucoup pensent qu'irriguer, c'est gaspiller de l'eau. Dès que Mme Auroi entend le mot « irrigation », elle pense maïs…

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