Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 17 octobre 2012 à 16h45
Commission des affaires européennes

Stéphane le Foll, Ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Il ne s'agit plus du tout aujourd'hui d'irriguer pour maximiser la production. Dans le Sud-Ouest, et même jusqu'en Poitou-Charentes, les cultures souffrent désormais de la sécheresse. Même la production herbagère est sensible au manque d'eau. Nous avons confié une mission à votre collègue Philippe Martin, député du Gers, où des projets intéressants ont été conduits, pour réfléchir aux voies et moyens d'une irrigation responsable et économe de la ressource. On ne peut plus se permettre de gaspiller l'eau. Des critères d'aridité pourraient peut-être aussi être inclus dans la PAC.

Je dirais à M. Antoine Herth, que sur la question budgétaire, les communiqués de presse consécutifs ne se contredisent pas. Il y a un accord de base avec l'Allemagne sur le maintien du budget de la PAC à son niveau de 2013. Le texte du communiqué est disponible sur le site du ministère de l'agriculture allemand. Pas un iota n'en a été modifié. L'Espagne et l'Italie aussi sont d'accord : on a donc bien avancé. Cela remet-il en question le pourcentage de 1 % du PIB consacré au budget européen ? Non, car 970 milliards d'euros, c'est exactement ce qu'il faut pour obtenir 386 milliards d'euros pour la PAC. La seule chose qui a changé avec l'actuel Gouvernement est qu'il ne souhaite pas, lui, contrairement au gouvernement précédent, réduire drastiquement la contribution française.

Je cherche à mobiliser le maximum d'États favorables à la PAC car beaucoup défendent aujourd'hui plutôt la politique de cohésion. Il nous faut contrebalancer l'influence du Royaume-Uni qui milite pour une forte réduction du budget à la fois de la PAC et de l'Union européenne. A ceux qui pensent qu'une diminution des moyens de la PAC permettrait de dégager des crédits pour d'autres projets, je réponds que tel ne serait pas le cas, car les pays qui souhaitent voir réduit le budget de la PAC sont les plus eurosceptiques et les mêmes que ceux qui souhaiteraient voire réduit le budget de l'Union tout court.

En matière de convergence, on examine si une mesure spécifique de rattrapage, qui d'ailleurs ne coûterait pas très cher, ne serait pas possible pour les pays baltes. Je l'ai dit à leurs représentants lors de la réunion qui s'est tenue à Chypre.

La France n'est pas favorable à ce qu'on étende les aides à tous les hectares car seraient alors concernés aussi ceux plantés en vigne. S'il est des endroits où cela se justifierait sans doute, je me vois mal en défendre le principe pour les vignobles de Champagne ou du Bordelais, dont les viticulteurs vivent déjà très confortablement. Cela risquerait d'être mal compris. Nous en avons discuté avec la profession qui préfère que les mesures spécifiques à l'OCM viticole soient conservées.

Je suis favorable au maintien des aides couplées. Un découplage total serait catastrophique pour certaines productions, en particulier l'élevage. La Commission n'a d'ailleurs pas voulu prendre de risque : elle laisse les États libres de répartir comme ils le souhaitent l'enveloppe totale qui leur est allouée. Les sommes affectées aux aides couplées viendront en déduction des aides à l'hectare.

J'ai déjà répondu à Gilles Savary concernant les droits de plantation. J'ajoute, car cela concerne aussi la viticulture, que la France s'est mobilisée, seule au début, pour la défense de la dénomination « château », chère au Bordelais, que les viticulteurs américains demandent à pouvoir utiliser. Je ne suis pas radicalement opposé à ce qu'on autorise l'usage de cette appellation mais certainement pas sans contrepartie. N'importe quel vin ne doit pas pouvoir s'appeler « château » – même si les libertés parfois prises par le passé par certains viticulteurs bordelais ne nous facilite pas la tâche aujourd'hui ! Nous avons gagné une première bataille. Notre mobilisation n'y est pas étrangère. La Commission elle-même trouve maintenant à redire à la demande des Etats-Unis et a repoussé sa décision.

Pourquoi le niveau d'aides ne diminue-t-il pas, du moins en valeur absolue, en dépit des gains de productivité ? Au-delà de la productivité du travail, il faut tenir compte de toute la production non marchande de l'agriculture. Les conditions nouvelles dans lesquelles on demande aux agriculteurs de produire, et c'est légitime, apportent des exigences supplémentaires qu'il est tout aussi légitime de rémunérer. La politique agricole publique doit aujourd'hui concilier les attentes des producteurs, qui souhaitent des prix plutôt élevés, celles des consommateurs qui souhaitent des prix plutôt bas, et celles des citoyens qui souhaitent une nature préservée. Les aides à l'hectare sont le moyen de soutenir le revenu des agriculteurs qui ne pourrait être suffisant avec leurs seules productions. Si on intégrait le prix de tous les services que rend l'agriculture, le prix de vente des produits s'envolerait et le consommateur serait pénalisé. Donc, quelle que soit la productivité agricole, il y aura toujours besoin d'une politique publique de soutien aux agriculteurs.

Vous avez évoqué les difficultés d'installation pour les jeunes. Nous avons lancé des Assises de l'installation qui seront l'occasion de repenser les mécanismes d'aide. Des agriculteurs s'installent aujourd'hui hors du cadre traditionnel, certains d'ailleurs avec des projets économiques tout à fait viables, par exemple les circuits courts. L'objectif est que la réflexion aboutisse en septembre 2013, avant l'examen de la future loi d'orientation agricole.

S'agissant de l'emploi de travailleurs détachés, je partage la même préoccupation que vous. La directive en cause, qui autorise le détachement pour des durées de trois mois, ouvre des possibilités insensées. L'Allemagne en joue à fond avec les travailleurs des ex-pays de l'Est dans ses abattoirs et son industrie agro-alimentaire, ce qui pose de graves problèmes de compétitivité – qu'aucune diminution des charges sociales ne pourra résoudre, car nous ne pourrons jamais abaisser le coût du travail à un niveau aussi bas ! Les améliorations apportées à la fameuse directive « Services », dite directive Bolkestein, n'ont pas suffi.

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