Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 9h35
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, la crise des subprimes de 2008 a ébranlé notre système économique et a eu pour conséquences la mobilisation des États pour venir en aide aux banques, la faillite de certaines grandes banques américaines et anglaises, le ralentissement de l’économie, ainsi que des destructions d’emplois. Elle a mis en lumière les faiblesses et les dérives du système financier : face aux rendements mirobolants de la spéculation, la majorité des banques s’étaient en effet détournées du financement de l’économie pour parier sur des produits financiers complexes et risqués.

Assainir la finance, remettre l’économie au service des citoyens et ne pas laisser ces derniers à la merci des banques, tel était l’un des engagements de cette majorité. Nous pouvons donc nous féliciter des progrès accomplis au sein de la communauté des États européens concernant l’Union bancaire et le processus de résolution des crises. Sur ces sujets, comme sur beaucoup d’autres, l’Europe est l’échelon pertinent pour mener nos batailles.

Au-delà de l’Europe, c’est un mouvement général en faveur d’une plus grande responsabilité des entreprises et des banques qui s’engage dans le monde. En ce début de semaine, l’OCDE a fait des propositions d’actions ambitieuses en matière de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale agressive. De fait, les paradis fiscaux constituent non seulement des lieux où s’évaporent des milliards d’euros mais, de surcroît, ils donnent libre accès à des produits financiers risqués, voire toxiques. L’OCDE préconise ainsi que les multinationales transmettent aux administrations fiscales des pays où elles opèrent, des informations détaillées, pays par pays – pour l’évoquer souvent, nous en connaissons la liste – portant, entre autres, sur leurs profits, leurs actifs, leurs effectifs et les impôts acquittés. C’est un pas important en faveur d’une transparence effective au niveau mondial, qui permet de mesurer objectivement l’activité d’une entreprise et de ses filiales dans tous les pays. La France a joué un rôle pionnier en la matière. La crise de 2008 a montré comment la déstabilisation d’un système bancaire met en danger l’ensemble de nos économies. Les avancées en matière de réglementation financière, de lutte contre la fraude et la corruption doivent donc s’inscrire dans cette dynamique mondiale naissante.

Pour commencer les États européens doivent donc se partager la responsabilité du contrôle des activités bancaires. Nous pouvons donc nous satisfaire de la transposition du « paquet CRD IV », de la mise en place d’un cadre commun pour la surveillance, le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, ainsi que de la mise en oeuvre d’un système de garantie des dépôts.

Il faut mesurer le chemin parcouru depuis la crise chypriote et la faillite de la banque Laïki au printemps 2013, ainsi que depuis la récente crise portugaise et les difficultés rencontrées par la banque Esperito Santo. Vous vous souvenez sans doute du désordre et de la cacophonie qui avaient accompagné la crise chypriote. En revanche, cet été, les choses se sont non seulement déroulées en bon ordre pour la banque portugaise, mais la démonstration a été faite qu’il était possible de protéger et l’épargnant et le contribuable, en faisant porter la responsabilité principale sur les créanciers obligataires et les actionnaires.

Ainsi, ces derniers auront tout à la fois dû apporter des fonds à hauteur de 10 % du déficit, qui s’élevait à 5,4 milliards d’euros, et gérer les actifs toxiques concentrés au sein d’une bad bank, une structure de défaisance. Restera à vérifier à terme que les actifs sains rachetés par l’État portugais pourront être valorisés à leur prix de rachat pour ne pas peser in fine sur le contribuable. Il aura ainsi été démontré que le principe de bail in ou renflouement interne est efficace.

En commission, le rapporteur et un certain nombre de collègues se sont émus, à l’instar de Mme Lagarde à l’instant, du montant important de la contribution des banques française au fond de résolution. Il faut admettre que ce montant résulte de la spécificité de notre pays, qui concentre quatre banques de taille systémique – les actifs de chacune d’elles équivalent à peu près au PIB de notre pays –, lesquelles sont précisément responsables de la vulnérabilité du système financier. Il existe un bon moyen de réduire cette contribution : il suffirait de réduire la taille des banques. Pour autant, nous pouvons imaginer des ajustements, tels que la déduction de ce montant de la taxe pour risque systémique versée par les banques à l’État français.

En outre, nous pouvons particulièrement nous réjouir de la transposition des dispositions actant la transparence de l’utilisation des revenus issus des activités extractives, projet par projet et pays par pays. Dans ce domaine également, comme avec la loi bancaire, la France a été pionnière pour aller vers plus de transparence. L’obligation de transparence des activités bancaires pays par pays a fixé un standard non seulement pour les autres pays à l’échelle européenne, mais aussi pour les autres activités.

Nous avons donc la responsabilité de vérifier la portée effective de cette directive pour lutter contre la corruption, donc de nous assurer que la transparence est réelle, efficace, qu’elle permet d’éviter les contournements ou les ultimes dissimulations.

C’est la raison pour laquelle le groupe écologiste a déposé un certain nombre d’amendements sur ce thème inspirés, disons-le, par des associations fort respectables comme Oxfam ou le CCFD-Terre solidaire. Ce n’est pas le fétichisme des chiffres qui nous a poussés à le faire. C’est peut-être une obsession, mais qui ne fait pas preuve d’acharnement dans ce domaine peut renoncer à tout progrès. Ce que nous voulons, c’est l’efficacité, et c’est pourquoi nous voulons connaître en détail les activités des entreprises ou des banques. Nous agirons sans relâche en faveur de la transparence pour lutter contre l’évasion fiscale et la corruption.

Assurer une transparence efficace est tout à fait à notre portée. Nous devons tout d’abord nous assurer que les informations seront communiquées de manière gratuite et sous un format exploitable sur le site internet de l’entreprise. Il nous revient ensuite de légiférer sur la nature des données que devront diffuser les entreprises. Pour en avoir longuement discuté lors de la loi bancaire – vous vous en souvenez sans doute, chers collègues –, nous savons que cette question est très importante. Il est donc normal qu’il revienne à la représentation nationale de fixer les données qu’il nous est nécessaire de connaître. Enfin, les sanctions auxquelles seront soumises les entreprises récalcitrantes devront être réellement dissuasives, comme c’est le cas en Allemagne ou en Angleterre.

Une fois encore, c’est bien entendu la question de la concurrence qui pourrait compromettre notre objectif. Posons donc le problème. Au niveau européen, tout d’abord, le principe de publication étant inscrit dans la directive, chacun des pays de l’Union européenne le mettra en oeuvre. Tous les États membres seront donc soumis aux mêmes obligations. Quant à la question des pays hors Union européenne, qui a été débattue au sein de la Commission et du Parlement, elle n’a pas empêché l’adoption de la directive. Il nous revient donc de l’appliquer, et nous n’avons plus à en discuter.

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