Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi dont nous débattons ce jour modifie positivement et substantiellement un nombre important de dispositions fondamentales en matière économique et financière qui relèvent, cela a été rappelé, du domaine du droit bancaire, du droit boursier et du droit des assurances, mais aussi du droit de la consommation, du droit comptable et de l’open data. Il comprend également des dispositions diverses relatives notamment au secteur du nucléaire.
Les deux premiers articles, tout d’abord, visent à habiliter le Gouvernement, conformément à l’article 38 de la Constitution, à transposer par voie d’ordonnance les dispositions relevant du domaine de la loi de la directive 201459UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Ce mécanisme de résolution bancaire a été présenté le 6 juin 2012 par la Commission européenne. Les longues négociations qui ont suivi ont permis d’aboutir à un accord politique le 20 mars dernier qui a mené à l’adoption du texte par le Parlement européen le 15 avril ; les États membres sont tenus de le transposer avant le 31 décembre de cette année.
Le système conçu par la Commission a pour principal objectif d’éviter à l’avenir que ne se reproduisent les errements de la gestion de la crise financière de 2007 qui ont durablement installé la crise économique dans l’Union. En effet, en cas de liquidation, ce texte hautement négocié à Bruxelles – notamment par le commissaire Barnier, dont il faut saluer ici l’engagement – vise à faire porter la charge non plus sur les contribuables via des interventions de fonds publiques qui tendent à aggraver chaque fois un peu plus la crise de la dette dans le vieux continent, mais directement sur le secteur bancaire. Il s’agit donc enfin de découpler le risque bancaire du risque souverain, ce qui semble raisonnable.
Cet accord pour un nouveau mécanisme de résolution bancaire pour lequel nous allons autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance a été longuement commenté ces cinq derniers mois. Que propose-t-il ? La section 4 de la directive établit un système de renflouement interne, ou bail in, qui garantit que les contribuables, pour les dépôts non garantis de plus de 100 000 euros, ne soient sollicités qu’en dernier ressort pour assurer la trésorerie d’une banque en difficulté. En dernier recours, une mesure de « recapitalisation par mesure de précaution » restera possible. En effet, lors d’un renflouement interne, les règles voudront désormais que ce soient d’abord les actionnaires qui supportent les pertes et les créanciers qui assument ensuite les éventuelles pertes restantes en abandonnant tout ou partie de leurs avoirs. Ce renflouement s’appliquera jusqu’à 8 % de l’ensemble des avoirs perdus.
L’autorité de résolution bancaire proposera en outre à la banque l’accès au fonds de résolution, financé par les banques elles-mêmes, à hauteur de 5 % maximum des avoirs, si des ressources supplémentaires étaient nécessaires. En effet, le 21 mai dernier, outre la Suède et le Royaume-Uni, l’ensemble des États membres ont signé l’accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation dans les huit prochaines années, des contributions au fonds de résolution unique mis en place dans le cadre de l’Union bancaire. Ce fonds doit atteindre à terme 1 % du total des dépôts garantis dans l’Union, un montant actuellement estimé à 55 milliards d’euros.
Notre rapporteur a indiqué en commission que, à ce stade, les critères retenus semblaient défavoriser les banques universelles à la française, demeurées d’ailleurs assez universelles en dépit de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 portée par notre précédent ministre des finances. Selon notre rapporteur, la contribution du secteur bancaire français devrait se situer entre 20 et 30 milliards d’euros, du fait du risque systémique inhérent au modèle bancaire français évalué par la Commission, modèle réformé à la marge, selon l’aveu même des principaux protagonistes, lors des auditions médiatisées du printemps 2013. En effet, les nouvelles règles européennes relatives au bail in sont bien plus allantes que ce qui était prévu dans la loi bancaire française, ce que les radicaux de gauche n’avaient pas manqué de souligner à l’époque.
À ce sujet, le lien établi par notre rapporteur entre la pérennité de la taxe de risque systémique, dont le produit annuel s’élève désormais à 1 milliard d’euros, et qui alimente pour moitié le fonds de soutien créé à l’article 92 de la loi de finances 2014 destiné aux communes, départements, régions et groupements qui ont souscrit des emprunts dits « toxiques », et le niveau de la contribution en négociation du secteur bancaire français au Fonds de résolution unique semble un peu rapide.
En effet, la remise en cause, même partielle, de la pérennité de la taxe bancaire française sur le risque systémique, dont notre assemblée a pourtant doublé le taux en loi de finances 2014 et qui est également reversée pour partie au budget général de la France, ne doit ni fragiliser le dispositif de soutien de nos collectivités à peine voté par notre assemblée – désormais, l’ensemble des contrats de prêts structurés est légalement validé, ce que nous avons regretté – ni occasionner de pertes de recettes au budget général. La décision de préserver l’universalité de nos banques en 2013, largement commentée l’année dernière, ne doit en aucun cas engendrer à moyen terme de double peine pour le contribuable, au plan local comme aux plans national ou supranational ; nous serons particulièrement vigilants sur ce point.
Le projet de loi dont nous débattons ce jour sollicite aussi notre habilitation en vue de la transposition de la directive « Solvabilité II », qui tend à renforcer la solvabilité des assurances et leur résistance face au risque de défaut. Cette réforme s’inspire de celle du secteur bancaire contenue dans le paquet CRD 4, la directive européenne relative aux fonds propres réglementaires, ce dont nous nous félicitons. Nous saluons également le renforcement à l’article 9 des pouvoirs du président de l’Autorité des marchés financiers en matière d’interdiction des ventes à découvert.
Ce texte de loi transpose par ailleurs la directive relative à l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé, et permet aussi d’alléger certaines obligations qui pesaient sur les émetteurs de titres financiers, et plus particulièrement sur les petites et moyennes entreprises. Nous y sommes bien évidemment favorables.
De même, nous soutenons les modifications apportées en commission aux articles 5 et 21 : il est tout à fait essentiel de prévoir explicitement que le ministre chargé de l’économie et des finances contrôle le respect de l’obligation d’assurance par les exploitants nucléaires, de même qu’il paraît utile, au sujet de la réutilisation des données du secteur public, de permettre un débat parlementaire sur les mesures qui devront être transposées en droit français à l’occasion de la future loi sur le numérique.
Concernant la transposition de la directive comptable, qui impose notamment aux entreprises du secteur extractif et forestier la publication annuelle d’un rapport sur les sommes excédant 100 000 euros annuels qu’elles versent aux autorités locales des pays dans lesquels elles procèdent, ce dont il faut se féliciter, nous souhaitons que les députés socialistes aient trouvé un accord avec le Gouvernement depuis nos travaux en commission pour en effet rendre publiques et accessibles ces informations dans le contexte actuel du nombre croissant de contrats pétroliers et miniers dans certains pays, comme la Guinée.
Enfin, le groupe RRDP salue l’annonce par notre rapporteur, à la suite de celle de la secrétaire d’État chargée du commerce, de la création prochaine d’un comité de pilotage incluant parlementaires et représentants des associations de consommateurs, pour suivre la transposition de la directive relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation. En effet, l’article 11 du projet de loi tend à généraliser les procédures de médiation, qui sont très hétéroclites en France ; il existe des médiateurs d’entreprise, des médiateurs interentreprises, des médiateurs sectoriels, comme le médiateur national de l’énergie. Leur coexistence apparaissant difficile à terme, la création d’un comité de pilotage permettra d’opérer une clarification nécessaire sur le plan économique et budgétaire.
Vous l’aurez compris, le groupe RRDP votera ce texte avec, je vous le dis franchement, plus d’allant qu’il n’a voté la loi bancaire française.