Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Séance en hémicycle du 17 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel :

Comme l’ont souligné de nombreux orateurs dans la discussion générale, nous arrivons ici à un article important. J’ai déjà indiqué que, lorsque nous avions auditionné les juges antiterroristes, dans la préparation de ce qui allait devenir la loi du 21 décembre 2012, ceux-ci n’avaient pas estimé utile de définir un délit individuel de terrorisme, que j’appellerai ainsi pour aller vite.

Le fait que les juges – et notamment le juge Trévidic – aient changé radicalement d’opinion en moins de dix-huit mois prouve la justesse des propos du ministre, lorsqu’il a dit qu’il pouvait arriver des événements tels qu’il fallait changer l’état du droit et qu’un droit auquel on se serait opposé à un moment devenait raisonnable. C’est une illustration tout à fait frappante que cette évolution des juges qui voient passer dans leur cabinet un certain nombre d’affaires terroristes et qui estiment maintenant que le délit individuel de préparation d’acte terroriste doit figurer dans le droit positif.

Le deuxième point, c’est la manière dont cette nouvelle incrimination peut être définie. À cet égard, le rapporteur a accompli un lourd travail, en liaison avec le Gouvernement, travail que je veux saluer ici et qui, tout en précision, doit permettre de satisfaire à un certain nombre de principes.

Le premier étant bien entendu celui de la légalité des délits et des peines : lorsqu’un délit est créé, il doit être défini de manière assez précise, pour ne pas laisser de place au flou et à l’indétermination, faute de quoi les canons des libertés publiques ne seraient pas respectés.

Pour ces motifs, le rapporteur a souhaité et le Gouvernement a accepté qu’il soit exigé un faisceau d’indices, faisceau qui, comme on l’a dit tout à l’heure, comprendra la consultation habituelle de sites à caractère terroriste. Il ne suffit cependant pas qu’il y ait plusieurs indices convergents. L’articulation doit être telle qu’elle ne laisse pas place à l’arbitraire et cette articulation est la suivante : il doit y avoir d’abord l’intention, ce qu’on appelle parfois le « dol moral », puis l’élément matériel. Et au sein même des éléments matériels qui, ajoutés à l’intention, pourront permettre ensemble de caractériser la nouvelle incrimination, il y a aussi un effet en cascade.

Il existe d’abord un premier élément matériel « en facteur commun » – si je puis dire – qui est indispensable et correspond au deuxième critère : le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui.

Nous avons débattu, notamment en commission, sur le fait de savoir si cette notion n’est pas trop large. Pour ma part, je me suis inquiétée de la mention du verbe « détenir » : il est en effet possible d’avoir hérité d’un couteau de cuisine de sa grand-mère sans que cela justifie à soi seul une incrimination mais à juste titre, on m’a fait observer que cette détention s’ajoute à d’autres critères inclus dans le faisceau d’indices que j’ai évoqué.

Tout d’abord, donc, l’intention, qui peut être matérialisée par un message menaçant – ce sera au juge d’apprécier –, ensuite, et nécessairement, le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou substances de nature à créer un danger pour autrui – bref, une arme ou ce qui pourrait en tenir lieu.

Enfin, et c’est un troisième point « au choix », si j’ose dire : d’autres éléments matériels figurant parmi un ensemble d’indices.

Il existe donc bien trois éléments : l’élément intentionnel, un premier élément matériel constant – s’être procuré ou posséder des armes, pour aller vite – et, enfin, au choix, si j’ose dire, un certain nombre de faits matériels figurant dans le « panier d’indices » – auquel nous ajouterons la consultation habituelle de sites, à laquelle le rapporteur vient de faire allusion.

Le juge devra donc recueillir trois « items » afin de caractériser ce que j’appellerai rapidement le délit individuel de terrorisme.

Le groupe majoritaire a donc considéré que le texte ainsi défini est nécessaire – car il répond à une actualité difficile – et suffisamment sécurisé.

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