Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 17 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi :

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps le sous-amendement no 147 puisque tous deux concernent l’alinéa 3.

L’article 5 permet de matérialiser l’intention d’une entreprise terroriste individuelle par deux éléments : d’une part, la possession d’un objet ou d’une substance dangereuse ; d’autre part, l’un des éléments figurant dans la liste prévue par l’amendement n°109 , notamment la consultation de sites provoquant ou faisant l’apologie d’un acte de terrorisme, sauf lorsque cette consultation résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice.

Cet amendement élargit également la matérialisation de l’intention terroriste à la détention de documents provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie, pour inclure notamment les livres. Il revient, de fait, à sanctionner cette consultation habituelle de sites ou cette possession d’ouvrages, en considérant qu’il s’agit d’actes préparatoires à la commission d’un acte terroriste. Or il ne nous semble pas que posséder un livre faisant l’apologie d’actes de terrorisme soit un élément suffisant pour matérialiser une intention terroriste.

Ce débat a déjà eu lieu au moment de l’affaire de Tarnac et l’on a bien vu, à l’époque, les effets pervers que pouvait avoir une telle conception des choses. Parce que l’on a retrouvé l’ouvrage L’insurrection qui vient lors de la saisie d’une bibliothèque – ouvrage auquel ni mes collègues, ni moi-même n’adhérons en rien – on en a conclu que leur possesseur pouvait être un dangereux terroriste. Aujourd’hui, la baudruche s’est beaucoup dégonflée… Voilà un exemple concret des effets pervers que pourrait avoir cette disposition. Cet alinéa fait par ailleurs appel à des notions floues, incertaines, voire contraires au principe de légalité et de proportionnalité. Ainsi, les notions de « consultation habituelle » ou d’ « exercice normal » – ou anormal ! – d’une profession sont mal définies et renvoient à des situations trop vagues.

Actuellement, seule la consultation d’images pédopornographiques peut être punie de deux ans de prison. Pénaliser la consultation de contenus idéologiques ou la possession d’ouvrages est une innovation qui pose de nombreuses questions, notamment en matière de constitutionnalité et de conventionnalité.

Le sous-amendement no 146 vise donc à supprimer l’alinéa 3, et le sous-amendement no 147 à supprimer le seul passage relatif à l’« apologie », afin de la distinguer de la provocation au terrorisme, comme nous l’avons fait dans les amendements précédents.

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