Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui remonte à 2010, lorsque les États-Unis ont adopté une législation extraterritoriale et unilatérale dénommée FATCA. Cette loi fait obligation aux banques et établissements financiers du monde de transmettre à l’administration américaine les informations dont ils disposent sur les contribuables américains, sous peine d’une retenue à la source punitive de 30 %. Les différents pays n’avaient donc d’autre choix que de se soumettre à ce dispositif, sous peine de se priver du marché bancaire américain. La France et ses partenaires européens du G5 ont estimé que l’on ne pouvait laisser les établissements bancaires seuls face à l’administration fiscale américaine, l’IRS – Internal Revenue Service – et ont donc exigé la signature d’accords bilatéraux sur l’échange d’informations entre administrations fiscales.
Avec cet accord, la France a obtenu le principe de la réciprocité de la part des États-Unis, qui fourniront à l’administration fiscale française des informations sur des comptes bancaires détenus outre-Atlantique. Cet accord, dit « FATCA 1 », comporte quatre mesures principales. Tout d’abord, il centralise les données, qui transiteront par la DGFiP – la direction générale des finances publiques – au lieu d’être transmises directement par les banques, ce qui permettra de diminuer les surcoûts financiers et les incertitudes juridiques du dispositif d’origine. Deuxièmement, les échanges d’informations se feront d’administration à administration, ce qui offre des garanties en termes de confidentialité. Troisièmement, grâce à la clause de la nation la plus favorisée, la France et ses banques bénéficieront de toute stipulation plus favorable que les États-Unis accorderaient à un autre pays. Enfin, l’article 6 engage explicitement les États-Unis à mettre en oeuvre une réciprocité complète dès que leur droit interne les y autorisera.
Concrètement, les autorités françaises collecteront et transmettront, selon un calendrier progressif, des informations financières sur les citoyens et résidents des États-Unis : identification, comptes, soldes des comptes, valeur de rachat des contrats d’assurance, revenus financiers.
Dans le sillage de la loi FATCA, plusieurs initiatives de lutte contre l’évasion fiscale ont également été lancées et dans chacune, la France a pris une part majeure. L’OCDE est en train d’établir un standard mondial d’échange automatique d’informations bien plus efficace que l’actuel système d’échanges « à la carte ». Ce projet, soutenu par la France, sera présenté au prochain G20 des ministres des finances en Australie les 20 et 21 septembre. En Europe, la directive « épargne » de 2003 et la directive sur la coopération administrative de 2011 sont en cours de révision.
Mes chers collègues, grâce à l’échange automatique de données, il n’est plus possible de s’abriter derrière une demande mal formulée ou un quelconque vice de procédure. Cet accord permet à la France de s’inscrire dans une démarche multilatérale sur le sujet de l’évasion fiscale : nous nous en félicitons.
La première transmission de données par l’administration fiscale est prévue pour le 30 septembre 2015 au plus tard. Il y aura ensuite une transmission annuelle. Il devient donc nécessaire de ratifier cette loi dans un bref délai, car il s’agit de ne pas prendre de retard.
Ce dispositif laisse entrevoir la fin des paradis fiscaux : c’est un élément essentiel à prendre en considération et à mettre en balance avec d’éventuels doutes. Car des difficultés se nichent dans les détails : la mise en oeuvre de cet accord devra donc faire l’objet d’une vigilance particulière dans le cadre du contrôle parlementaire.
Tout d’abord, il existe une incertitude sur le principe de réciprocité, et notamment sur le solde des comptes et la valeur des actifs. Les États-Unis se sont formellement engagés à transmettre ces informations dès que leur droit interne le leur permettra – ce qui n’est pas le cas à ce jour. Les élus républicains du Congrès – Rand Paul, sénateur du Kentucky, et Bill Posey, représentant de l’État de Floride – bloquent actuellement la transmission de ces données dans le cadre du dispositif. Si ce blocage demeure, la France pourra néanmoins solliciter les informations manquantes par le biais du système d’échanges à la demande. Cette situation risque de durer jusqu’aux élections de mi-mandat aux États-Unis, qui auront lieu le 4 novembre prochain.
Il faudra également veiller à la cohérence entre la loi FATCA et le futur standard de l’OCDE. Les différences entre ces deux normes sont de trois ordres. La première différence tient à certains choix pratiques comme les seuils, qui sont nombreux dans la loi FATCA. La deuxième différence tient au régime des sanctions. La loi FATCA prévoit une retenue à la source ; ce problème ne peut se poser dans le standard de l’OCDE, fondé sur le principe de l’échange automatique. La troisième différence tient au régime de réciprocité : il est essentiel de pousser les Américains au même niveau d’ambition que l’OCDE.
Divers responsables ont également souhaité une harmonisation fiscale européenne, un « FATCA européen » comme l’ont baptisé certains. Une directive européenne de coopération administrative en matière de fiscalité est actuellement en chantier. Nous souhaitons que le gouvernement appuie de tout son poids les efforts de la présidence italienne pour la mener à son terme.
Mes chers collèges, je vous incite à manifester votre soutien à ce texte, qui est conforme au combat que nous menons depuis quelques années contre l’évasion fiscale. Monsieur le secrétaire d’État, à la demande de la présidente de la commission des affaires étrangères, Élisabeth Guigou, vous avez levé les interrogations qui s’étaient fait jour lors de l’examen du texte en commission. Je vous en remercie.