La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Nicolas Sansu.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, ce projet de loi contient une multitude de dispositions, dont certaines revêtent une importance considérable : je pense en particulier à celles visant à transposer les directives relatives à la mise en place des piliers 2 et 3 de l’Union bancaire ainsi que Solvabilité II.
Alors que ces textes sont censés redéfinir de manière durable l’environnement financier européen, le Gouvernement fait le choix de les transposer par voie d’ordonnances, privant ainsi la représentation nationale d’un débat qui semblait pourtant s’imposer. En dépit de vos assurances quant à votre volonté d’associer les parlementaires à ce travail, monsieur le secrétaire d’État, les députés du Front de gauche ne peuvent que déplorer ce choix du Gouvernement de court-circuiter le Parlement.
Tirant les leçons de la plus grande crise financière de notre époque, Bruxelles et Paris ont adopté depuis 2010 de nombreuses mesures, dont l’impact s’est révélé finalement limité, qu’il s’agisse des mesures relatives aux fonds propres des banques, de la régulation de certaines pratiques bancaires ou encore de la création d’un conseil européen du risque systémique.
Le Mécanisme de résolution unique rend possible une résolution ordonnée des banques à l’échelle européenne. Il définit un nouveau cadre limitant la contribution des États, et donc des contribuables, au renflouement de banques coupables de pratiques « court-termistes », aveugles et irresponsables.
A l’avenir, ce seront les actionnaires qui devront en premier lieu éponger les pertes de leur banque. Cela paraît un moindre mal. Il est en effet bien légitime que le principe de responsabilité s’applique aussi aux banques et que les gains ne soient pas les seuls à être privatisés.
Ainsi, la mise en place d’un filet de sécurité complémentaire, financé par les banques et venant pallier les insuffisances du bail in, apparaissait comme nécessaire pour couvrir les pertes additionnelles. Lorsqu’il sera complètement mutualisé, il permettra de faire face au défaut d’une banque de taille moyenne.
Enfin, la définition d’un cadre garantissant les dépôts inférieurs à 100 000 euros sur l’ensemble du territoire européen permettra de protéger les déposants, notamment les plus fragiles d’entre eux, qui ne risqueront plus de voir leurs économies s’évaporer au cas où leur banque rencontrerait des difficultés.
Mais, à l’image de l’ensemble des mesures de régulation du secteur financier élaborées depuis 2010, ce texte présente bien des lacunes et ne s’attaque pas aux véritables risques que font peser les banques sur notre économie.
C’est d’abord le calendrier de mise en place de l’Union bancaire qui pose problème. Le Fonds de résolution ne sera abondé que partiellement dans un proche avenir, tandis que le mécanisme de bail in ne sera pas opérationnel avant 2016. Or, les stress tests actuellement menés par la BCE, qui pourraient mettre en lumière les difficultés de certains établissements bancaires, font craindre que les États ne soient de nouveau mis à contribution dans un proche avenir pour maintenir à flot le système financier, et ce alors qu’on demande chaque jour davantage d’efforts et de sacrifices aux Français pour limiter le poids d’une dette qui a explosé du fait de la crise financière de 2008.
L’autre interrogation majeure porte sur l’efficacité du mécanisme en cas de survenance d’une crise bancaire d’importance. En effet, alors que l’expérience historique montre que les sauvetages bancaires s’effectuent en quarante-huit heures au maximum, le mécanisme de résolution apparaît excessivement complexe et lourd, impliquant une multitude d’acteurs.
Je m’interroge également sur l’absence du Parlement européen dans la procédure. Celui-ci aurait pu assurer un suivi démocratique de la résolution de la crise. À l’opposé, le rôle du Conseil est renforcé, ce qui laisse craindre le retour de logiques nationales, au détriment de la solidarité européenne.
Quant au montant du Fonds de résolution – 55 milliards d’euros à l’horizon 2024 –, il paraît bien dérisoire au regard de l’importance systémique des mastodontes financiers du système bancaire européen. Il suffit de comparer ce montant aux 1 600 milliards d’euros qui ont été requis des contribuables pour comprendre que ce fonds ne sera pas d’une grande utilité si une ou plusieurs banques majeures se trouve en difficulté. Il n’est pour s’en convaincre que de rappeler le total de bilan de la BNP Paribas, la Société Générale ou la Deutsche Bank par exemple.
Le PIB français apparaît bien léger à l’aune de ces montants et ce fonds de résolution semble une digue bien fragile pour nous protéger d’un futur tsunami bancaire.
Et c’est bien là l’un des problèmes majeurs que l’Union bancaire ne résout absolument pas : l’existence de banques trop grandes, « too big to fail ». Si l’on veut réformer durablement le système financier, il est plus que jamais nécessaire d’opérer la séparation effective des banques commerciales et des banques de marché. Nous l’avons dit et répété lors de l’examen du projet de loi sur la séparation bancaire : c’est à notre sens le seul moyen de mettre fin aux conflits d’intérêts susceptibles d’apparaître au sein des banques entre activités spéculatives et financement de l’économie. Il s’agirait également d’un remarquable outil pour lutter contre l’opacité des grands groupes financiers. Sur ce point, la loi bancaire a manqué son but.
La politique monétaire de la Banque centrale européenne permet aux banques de bénéficier d’un accès quasiment gratuit aux liquidités qui est interdit aux États : quelle ineptie !
Faute de demande et de bonne volonté des banques, cette injection massive de liquidités de la BCE ne se traduit malheureusement pas par l’octroi de prêts à taux réduit aux ménages et aux petites entreprises. Cette politique de taux bas de la Banque centrale favorise en revanche la reconstitution d’une bulle spéculative sur les marchés financiers, alimentée par le comportement des banques, et dont l’ampleur fait peser des risques considérables sur l’économie réelle.
Remettre la finance au service de l’économie réelle et contraindre les acteurs de marché à adopter une stratégie de long terme : voilà l’objectif que nous poursuivons et que nous continuerons à poursuivre lors des prochains chantiers législatifs.
À cet égard, une étude réalisée par un institut danois indépendant pour le compte du ministère allemand des finances vient de montrer que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières rapporterait au minimum 17,6 milliards d’euros par an à l’Allemagne, battant en brèche les estimations réalisées par la Commission européenne.
Ces chiffres montrent qu’il est plus qu’urgent de mettre en place un tel instrument, qui permettrait de limiter le nombre des transactions financières purement spéculatives. Ce n’est pas pour rien que le MEDEF s’oppose âprement à un tel projet. Le produit de cette taxe permettrait de financer les services et l’investissement publics, la transition écologique ou encore les grandes urgences internationales. Nous demandons qu’une étude similaire soit réalisée en France afin de relancer le débat sur la taxation des transactions financières en toute transparence.
L’objectif de Solvabilité II est juste puisqu’il s’agit d’adapter les fonds propres des compagnies d’assurance à tous les risques auxquels sont exposés les assureurs. Nous veillerons à ce que cet objectif soit respecté et que le coût de la mise en conformité ne soit pas répercuté sur les assurés.
Les amendements que nous défendrons portent sur les nouvelles obligations imposées aux grandes entreprises du secteur extractif. Ils visent à conforter la portée des obligations de transparence sur les paiements réalisés auprès d’autorités publiques, d’une part, en rendant le rapport sur les paiements accessibles à tous, d’autre part, en étendant le périmètre des sociétés concernées par ces nouvelles obligations et en faisant en sorte que les sanctions en cas de publication non conforme soient dissuasives.
Nous souhaitons élargir les nouvelles obligations imposées aux banques à ces entreprises du secteur extractif. De telles mesures apparaissent nécessaires dans le cadre d’une politique effective de lutte contre la corruption.
Plus que jamais, la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale doit être au coeur de l’action du Gouvernement.
C’est dans cet état d’esprit que nous serons attentifs, pendant la lecture de ce texte, à créer les conditions de son amélioration.
Pour l’heure, au regard de ce que nous considérons comme un recours contestable et excessif à la procédure des ordonnances, le groupe des députés du Front de gauche s’abstiendra. Nous sommes cependant disposés à participer à tout groupe de travail qui viserait à s’engager dans cette voie vertueuse.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est une succession d’habilitations à transposer par voie d’ordonnance de nombreuses dispositions relevant de directives européennes adoptées ces derniers mois et qui doivent s’appliquer d’ici à 2016.
Ces dispositions ont pour point commun de concerner, plus ou moins, le système financier européen et le fonctionnement du marché intérieur. Certaines en effet concernent les entreprises, d’autres les consommateurs. On trouve également des dispositions relevant à la fois du secteur bancaire et du secteur financier.
Il s’agit d’un texte fourre-tout, particulièrement dense, qui ne nous permettra probablement pas de débattre suffisamment de sujets dont certains mériteraient pourtant un texte spécifique.
Bien que ce type de projet de loi soit tout à fait habituel s’agissant de transposition de directives, on peut légitimement s’interroger sur la densité de ce texte et sur le nombre de sujets traités. Comme le rappelait le rapporteur lors de l’examen du texte en commission des finances, nous sommes face à des dispositions relevant du droit bancaire, du droit boursier, du droit des assurances, du droit de la consommation, du droit comptable et de la problématique de l’open data.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’émettre une critique, non sur le fond de chacune des mesures, mais sur la forme de ce qui nous est présenté.
Le Parlement se retrouve dépossédé d’une partie du débat sur des sujets pourtant majeurs, sans que l’action du Gouvernement soit strictement encadrée. Je pense que ce constat est partagé par une grande partie de mes collègues. Le Parlement doit encadrer le pouvoir qu’il délègue.
En commission des finances, le rapporteur nous a assuré que nous pourrions participer à un groupe de travail chargé d’élaborer certaines ordonnances. Vous avez vous-même évoqué, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un comité pour la mise en place d’une autorité de régulation de la médiation. Vous nous avez en outre rappelé que nous pourrons toujours intervenir lors de la ratification. Je crains que tout cela ne soit pas suffisant. Le Parlement doit exercer sa mission de contrôle.
Monsieur le rapporteur, le fait que des débats ont déjà eu lieu au niveau européen ne justifie pas que le Parlement se trouve privé de son pouvoir d’amender : on ne voit pas pourquoi les débats au sein des instances communautaires rendraient inutiles les débats nationaux.
Qu’il s’agisse de la directive du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, qui s’inspire des enseignements de la crise financière et vise à doter les Etats membres d’outils nouveaux permettant de faire face à la faillite désordonnée des établissements de crédits, de la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts ou encore de la directive Solvabilité II sur les assurances, ce sont autant de sujets qui ne peuvent en aucun cas être balayés d’un revers de la main.
Le fait que ces dispositions soient transposées en même temps que la directive du 22 octobre 2013 dite « Transparence », qui concerne les entreprises, ou la directive du 26 juin 2013 dite « Comptable », ou encore la directive relative au crédit immobilier, qui concerne plutôt les consommateurs, nous empêche de débattre de manière exhaustive de ces sujets.
Il ne s’agit pas en effet d’examiner l’opportunité d’une transposition globale de directives européennes ayant trait aux mêmes sujets : il s’agit d’une multitude de débats sur une multitude de sujets qui méritent pour la plupart d’être approfondis et examinés complètement et sereinement.
S’agissant du financement du Fonds de résolution unique, la situation est délicate, le maintien de la taxe de risque systémique revenant à appliquer aux banques françaises une double peine. D’ailleurs, le montant de la part française et la durée de contribution au Fonds de résolution sont toujours en cours de discussion au sein de la BCE. Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que, s’il était légitime que les banques françaises contribuent à ce dispositif, le niveau de leur contribution ne pouvait pas être celui qui avait été annoncé.
Comme le soulignait Charles de Courson en commission, il conviendrait d’encadrer une si large délégation de notre compétence au Gouvernement sur un sujet hautement important, voire stratégique.
J’en veux pour exemple la problématique l’open data.
Il ne s’agit en aucun cas d’un sujet mineur. Avec l’article 21, le Gouvernement nous demande l’autorisation de transposer par voie d’ordonnance la directive européenne du 26 juin 2013 relative à la réutilisation des données du secteur public. Cette habilitation n’encadre que très peu l’action future du Gouvernement et je le déplore.
Le rapporteur nous a d’ailleurs confié qu’il souhaitait la suppression de l’article 21, en vue d’avoir ce débat dans un futur projet de loi relatif au numérique. J’approuve évidemment la sagesse de notre rapporteur sur ce sujet.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP s’abstiendra sur ce texte, qui traite de tellement de sujets en occultant les débats qui sont l’essence même du Parlement.
Cette année 2014 a été marquée par un fort désintérêt de nos concitoyens pour l’élection de leurs législateurs français au Parlement européen ; c’est le moins que l’on puisse dire !
Nous est donnée ce jour une nouvelle occasion de montrer comment l’activité législative du Conseil de l’Union et des députés européens trouve régulièrement, et bien souvent naturellement, place dans nos lois avant de prendre place dans notre vie quotidienne.
Le rapporteur et nos collègues ont évoqué plusieurs points important de notre projet de loi, sur le droit bancaire, les assurances, le droit boursier et comptable ou la consommation.
Mon propos portera plus spécifiquement sur la mise à disposition et la réutilisation des informations du secteur public, plus communément appelées open data.
Il s’agit là de la directive du 26 juin 2013 qui vient compléter une première série de règles adoptées en 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public : plus de dix ans, durant lesquels la quantité de données accessibles s’est démultipliée. Nous venons de dépasser le milliard de sites internet ouverts et accessibles à tous et cela n’épargne pas la réalité des données du secteur public.
La croissance des supports technologiques, l’augmentation des capacités de calcul et d’élaboration d’algorithmes, la relative simplification de la création d’applications dédiées nous imposent de repenser la manière dont nous rendons nos données accessibles. Il faut non seulement prévoir leur réutilisation, mais aussi penser dès aujourd’hui à leur agrégation et à leur combinaison.
De plus, cette directive, monsieur le secrétaire d’État, prévoit assez intelligemment la mise à disposition dans des formats ouverts, lisibles par des machines, de données accompagnées de leurs métadonnées.
C’est pourquoi cette directive est particulièrement pertinente : rendant les données publiques comparables, elle permet ainsi d’envisager que nos start-up et entreprises technologiques s’investissent dans des applications paneuropéennes.
C’est non seulement un gage de transparence, mais aussi une nouvelle manière de penser notre démocratie, à travers la relation citoyens-élus et la relation entre les citoyens et l’administration.
Autant d’arguments qui plaident pour l’utilité de cette transposition et pour l’adoption de l’article 21. Pourtant, comme l’a dit le ministre de l’intérieur ce matin, nous ne pouvons pas organiser, au sein même de cet hémicycle, le désordre dans l’organisation de nos débats législatifs et l’incohérence de nos textes.
L’article 21 prévoit de donner au Gouvernement l’autorisation de transposer cette directive par ordonnance : Mme Dalloz vient de l’évoquer.
Je n’ai pas d’opposition de principe aux ordonnances : ce texte en prévoit d’autres. Pourtant, il y aurait une forme de contre-efficacité à ouvrir ce débat à l’occasion de ce texte. Nous avons prévu, au calendrier de 2015, la loi sur le numérique, défendue par Axelle Lemaire.
Ce sera pour nous l’occasion d’inverser complètement nos modes de penser, de réglementer et même de légiférer sur ces sujets. Ce sera aussi pour nous l’occasion de réaffirmer plusieurs principes essentiels qui, je l’espère, seront gravés dans le marbre législatif.
Ainsi, une donnée publique se doit d’être, par défaut, ouverte, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Toute fermeture doit être explicitement expliquée, justifiée et je souhaite même qu’elle soit réversible.
De plus, un débat existe encore entre le principe fondateur de la gratuité des données publiques et le fait que celles-ci fassent l’objet de redevances sur des motifs d’intérêt général.
C’est pourquoi, comme je l’ai évoqué en commission des finances, le Parlement se doit impérativement de se saisir de l’intégralité de ce sujet. Le débat législatif, dans le cadre d’une grande loi numérique, est indispensable : c’est lui qui nous permettra collectivement d’en finir avec les actions au coup par coup, les appréciations en pure opportunité et même des décisions arbitraires, qui sont à l’opposé de l’idée d’ouverture et de transparence.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’approuve totalement la suppression de l’article 21 à laquelle la commission a procédé à l’initiative de notre rapporteur.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Une loi d’habilitation peut paraître technique, car le coeur des mesures ne fait pas l’objet d’un débat parlementaire, comme l’a rappelé Mme Dalloz dont je partage d’ailleurs le sentiment s’agissant de l’importance de la discussion parlementaire.
Si le texte que nous examinons aujourd’hui est important, c’est parce qu’il va bouleverser – il n’y a pas d’autre terme – l’organisation financière et bancaire de notre pays, comme celle de tous les autres pays européens.
Même si ces questions sont complexes, les changements qui résulteront de cette loi d’habilitation auront un impact sur la vie quotidienne des Français et des entreprises.
Je voudrais donc mettre l’accent sur quelques éléments-clés des dispositions que vous, monsieur le secrétaire d’État, avez la très lourde tâche de transposer dans notre droit français quand nous vous en aurons donné la possibilité.
Toutes ces mesures de régulation – régulation du libéralisme financier, régulation du capitalisme – partent d’un constat extrêmement simple : le libéralisme économique et financier a échoué en 2008. Il a précipité la faillite non seulement de banques – c’est bien connu –, mais aussi de compagnies d’assurance, à travers la faillite d’AIG : cela est peut-être un peu moins connu.
D’une certaine façon, en 2008, le libéralisme économique et financier s’est auto-liquidé dans ses excès et malheureusement, il a entraîné dans ses déboires beaucoup de salariés et d’épargnants.
Dans son discours de politique générale, d’ailleurs, le Premier ministre a rappelé qu’il croyait à la « main visible de l’État », contre la main invisible du marché. Nous allons clairement vers une main visible de la Commission et de l’ensemble des pays européens.
Nous parlons d’abord d’un texte qui va transposer en droit français ce que l’on appelle « Solvency II ». Ce n’est pas rien : nous allons avoir la possibilité de vérifier que l’ensemble du système assurantiel européen, et particulièrement français, ne prend pas des risques tels qu’ils conduisent de nombreux Français à perdre leur épargne.
Quel est le principe de Solvency II tel que vous allez le transcrire ? C’est très simple : on ne peut pas, quand on est un assureur, avoir d’un côté l’argent des épargnants avec une certaine sécurité et, de l’autre, placer cet argent dans des actifs qui ne présentent aucune sécurité. On ne peut pas récupérer l’argent des épargnants qui doit être liquide à court terme si, dans le même temps, on place cet argent dans des actifs à vingt ou trente ans.
Pourquoi ces mesures de Solvency II qui, techniquement, s’appellent « ratio de liquidité », « ratio de solvabilité », sont-elles absolument déterminantes pour les épargnants français ? Parce que rien, aujourd’hui, n’assure dans le droit français que la situation que AIG a connue en 2008 ne puisse pas se reproduire. Pire : si nous allions, dans les mois qui viennent, vers une titrisation des avoirs bancaires et que celle-ci se traduise par l’arrivée dans les actifs des assureurs français de titres qui seraient nommés d’une certaines façon, mais recouvriraient un risque important, eh bien nous serions en train de recréer exactement les conditions qui ont mené à la faillite d’AIG en 2008.
Solvency II vise justement à éviter une telle situation. Je sais que certains assureurs ont eu du mal à accepter ces nouvelles règles, mais au nom des épargnants français, nous avions l’obligation, nous État et « main visible », d’imposer ces recommandations.
Quant à l’Union bancaire, c’est un domaine beaucoup plus technique, beaucoup plus abscons, mais qui nous révèle quelque chose de fantastique : la solidarité en matière financière, dans l’Union européenne, existe. Je crois, pour ma part, que c’est la première fois que nous parlons de « solidarité financière » au niveau de la zone euro. C’est une solidarité financière qui est en train de balbutier, puisque nous n’en avons encore que la promesse et le calendrier, mais toujours est-il qu’elle va être transcrite.
Je crois savoir, monsieur le secrétaire d’État, que vous allez nous proposer de transposer également la directive MiFID sur les marchés d’instruments financiers. Je souhaite que vous nous en disiez plus lorsque vous soutiendrez vos amendements car c’est encore un chantier énorme.
Ce texte prévoit de plus la mise en oeuvre d’un mécanisme de transparence financière non seulement pour lutter contre l’évasion fiscale de certaines grandes entreprises multinationales, mais aussi pour protéger les pays en voie de développement. Ces mesures-là vont faire l’objet d’un débat auquel nous allons évidemment participer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Dans le prolongement de l’intervention de Karine Berger, je veux insister auprès de vous, monsieur le secrétaire d’État, sur les dispositions de ce projet de loi concernant la transparence des entreprises.
Ces dernières années, l’Union européenne, ses différents États-membres et plus largement l’ensemble de la société internationale se sont positionnés en faveur de la transparence des activités des entreprises.
Cette prise de conscience internationale a abouti, en France, à l’adoption de la loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires, qui introduit notamment une obligation de transparence sur les activités des banques, ainsi que la publication de leurs activités pays par pays, dite reporting.
Cette loi a été un premier pas : elle a permis de mettre en place un outil réel et efficace qui peut et doit être reproduit dans d’autres secteurs économiques. Nous nous devons d’aller plus loin et de persévérer dans ce sens, qui est celui de la justice. Nous nous devons de répondre aux attentes, que l’on a encouragées au sein de la société civile, des acteurs économiques et associatifs ainsi que des ONG, avec l’adoption de cette loi.
C’est cette même loi qui a permis à la France de se retrouver en pointe, aux niveaux européen et mondial, dans la lutte contre l’évasion et la corruption.
Les directives européennes qui font aujourd’hui l’objet d’une transposition ont été adoptées en juin de l’année dernière, avec la volonté d’apporter toujours plus de transparence afin de lutter contre la fraude et la délinquance économique et financière à l’échelle internationale. Aussi, à l’instar de ce qui a été fait pour les banques, l’Union européenne a-t-elle obligé toutes les entreprises pétrolières, gazières, minières et forestières enregistrées ou cotées en bourse dans l’Union européenne, à publier tous les paiements, projet par projet, faits aux gouvernements des pays dans lesquels elles ont des activités d’extraction et d’exploitation.
Si les avancées que représentent ces directives sont réelles, elles semblent dépassées par les événements et les positions prises lors des derniers sommets internationaux, au cours desquels la société internationale a confirmé son objectif d’une plus grande transparence ainsi que son combat contre la corruption et l’évasion fiscale.
La France fait partie des premiers pays à transcrire ces directives dans son droit national. Elle est également en pointe en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. C’est donc à nous qu’il revient de définir un projet ambitieux, permettant de dessiner les contours des obligations qui pèseront sur ces entreprises et qui pourra montrer la voie à nos voisins européens, comme cela a été le cas avec la loi bancaire.
Au moment de la transposition des directives, l’enjeu est de faire de cet instrument de lutte contre la corruption un outil qui permettrait aussi de combattre l’évasion fiscale des entreprises du secteur extractif. En effet, il devra permettre aux populations des pays pauvres – mais riches en ressources naturelles – de mieux contrôler l’utilisation de la rente extractive et de demander des comptes à leurs gouvernants.
C’est pourquoi, avec d’autres parlementaires, j’ai déposé des amendements visant, premièrement, à étendre l’exigence de reporting à tous les territoires dans lesquels l’entreprise concernée a des filiales, y compris les paradis fiscaux,…
… conformément à ce qui est inscrit dans la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et à la solidarité internationale que nous avons votée le 7 juillet 2014.
En effet, pour l’instant, les directives européennes ne couvrent que les pays dans lesquels les entreprises ont procédé à des activités d’extraction alors que l’extension géographique proposée est un outil absolument nécessaire de lutte contre l’évasion fiscale.
Deuxièmement, nous proposons d’aligner les obligations de reporting sur celles des banques en exigeant aussi que soient publiés, pays par pays et projet par projet, le nom de leurs implantations et la nature de leurs activités, le chiffre d’affaires, les effectifs en équivalents temps plein, les bénéfices ou pertes avant impôt, le montant des impôts payés, les subventions publiques reçues.
Ces différentes informations devront permettre de faciliter la détection et la prévention des pratiques d’évitement et de fraudes fiscales.
De plus, elles assurent une certaine cohérence avec les obligations de publication imposées aux banques.
J’ajoute, mes chers collègues, qu’elles s’inscrivent dans la lignée des propositions que vous avez votées et dans le combat que nous avons lancé avec la loi bancaire. De ce point de vue-là, notre majorité à l’Assemblée nationale a été en pointe.
En outre, ces amendements se situent dans la même logique que les propositions actuellement formulées par l’OCDE qui seront débattues au sommet du G20 dans quelques jours.
Vous comprendrez donc qu’il y a urgence : nous devons avancer et nous ne pouvons nous contenter d’évoquer des reports. C’est cet après-midi que nous devons voter ces amendements qui vont dans le sens de ce que nous portons, nous, depuis maintenant plus d’un an dans cet hémicycle.
Enfin, nous pouvons nous poser la question des contrats d’exploitation des ressources naturelles et de leur publication, mais c’est un autre débat.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France est en pointe dans ce combat-là. Nous devons relever le défi qui est devant nous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
Je souhaite d’ores et déjà répondre à certaines interrogations, non sans avoir au préalable remercié l’ensemble des orateurs pour la qualité de leurs interventions sur des sujets dont j’ai dit ce matin combien ils sont complexes.
À ce propos, je vous remercie, madame Berger, d’avoir reconnu qu’une lourde tâche m’incombe sur des questions qui ne relèvent pas forcément de la compétence du secrétaire d’État chargé du budget.
Je comprends votre interrogation, madame Dalloz, que vous partagez aussi avec le rapporteur Christophe Caresche : il est vrai qu’il n’est jamais agréable, pour des parlementaires, d’autoriser un gouvernement à transposer des textes par voie d’ordonnance.
Reconnaissez tout de même, madame Dalloz, mesdames, messieurs les députés, que ces textes sur des sujets d’une très grande complexité, en raison de leur complexité et de leur longueur – certains comptent plus de 300 pages – auraient mobilisé l’agenda parlementaire pendant très longtemps. Ayant quitté vos bancs voilà peu de temps, je connais la difficulté de l’organisation du travail parlementaire. Celui que vous avez d’ores et déjà accompli en commission et la qualité de ce qui est produit aujourd’hui contrebalance donc ce qui vient d’être dit.
Cela est d’autant plus vrai – je lève le suspens ! – que le Gouvernement, monsieur Belot, ne proposera pas le rétablissement de l’article 21. Votre commission l’ayant supprimé pour des motifs que nous avons parfaitement compris, le Gouvernement accepte que la transposition liée à la question de l’open data soit traitée dans le cadre du texte relatif au numérique dont l’examen est programmé pour l’année parlementaire qui s’ouvre. L’article 21 a été supprimé et il le restera donc.
Nous n’avons pas déposé d’amendement pour le rétablir.
En outre, s’agissant du règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, l’association du Parlement et des autres acteurs sera assurée par un comité de pilotage ou toute autre structure ad hoc.
Tel est d’ailleurs souvent le cas pour nombre de transpositions. J’observe, s’agissant de la mise en oeuvre de Solvabilité II, que des travaux ont lieu depuis plusieurs mois avec l’ensemble des acteurs du secteur. Et selon les informations dont je dispose, ces travaux se passent bien, dans le cadre d’une collaboration active de l’ensemble des acteurs.
Le G 20 abordera les questions liées à l’évasion fiscale – appelons-la ainsi, pour faire court – et à la transparence de certaines opérations. Nous reparlerons d’ailleurs de ces sujets tout à l’heure en examinant un autre texte.
Votre rapporteur a rappelé – et je le confirme – que le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, partira ce soir ou demain matin pour l’Australie et que ces questions figurent à l’ordre du jour du G 20, ce qui contribuera à faire évoluer favorablement la situation. Est-elle aujourd’hui parfaite ? Probablement pas. Je connais peu d’oeuvres humaines parachevées, mais notons ensemble que des avancées substantielles sont faites en la matière.
La directive MiFID, madame Berger, vise à refondre en profondeur la réglementation européenne des marchés d’instruments financiers en rendant ceux-ci plus résilients tout en améliorant la protection des investisseurs. Il s’agit en effet d’une question très importante.
Cette directive ayant été publiée le 12 juin 2014, nous n’avons pas pu l’inscrire autrement que par voie d’amendement dans le texte dont nous débattons. Nous nous sommes donnés 24 mois pour finaliser l’ordonnance correspondante. Je suis prêt à associer le Parlement à l’élaboration de cette transcription comme, d’ailleurs, sur d’autres sujets.
Je rappelle, toutefois, que le texte comportant 148 pages et 95 articles, je ne sais pas comment nous aurions pu matériellement répondre au mieux au souci qui est le vôtre et le nôtre. Je suis prêt à en discuter avec votre commission ou avec vous, d’ailleurs, à tout moment.
M. Galut a souligné que la France serait le premier pays à transcrire la directive relative aux états financiers, comme le prévoit l’article 8 – qui fera probablement l’objet de discussions. Selon nos informations, la France sera également le seul pays à faire entrer en vigueur les dispositions de l’article 8 dès le 1er janvier 2015 alors que les autres pays ont programmé la date du 1er janvier 2016. Nous sommes donc en pointe, au moins s’agissant de la chronologie.
Faut-il aller beaucoup plus loin que ce que propose le texte du Gouvernement ? Nous avons observé les propositions de votre commission et analysé les amendements. Certains d’entre eux pourront emporter notre accord ou susciter notre bienveillance, mais je ne suis pas sûr que l’ensemble des questions que vous avez évoquées recueillera l’assentiment du Gouvernement.
M. Alauzet a déposé un amendement concernant les sanctions à envisager en cas de non-publication du rapport. Je proposerai quant à moi une version un peu plus dure et contraignante que celle qui figure dans le texte en vigueur – le Gouvernement a déposé un amendement ce matin à ce sujet.
Il est donc possible d’améliorer le texte mais, comme toujours avec ce type de questions, se montrer trop en pointe en matière de contraintes risquerait parfois d’affecter la compétitivité des entreprises françaises.
C’est d’autant plus vrai que celles-ci sont très différentes les unes des autres. Certes, tout le monde songe aux grandes sociétés d’extraction, mais il existe des entreprises plus petites, des PME, et nous devons mesurer les contraintes que représenterait la formulation d’éléments trop précis pour certaines d’entre elles.
S’agissant des questions bancaires, certains orateurs ont fait une confusion s’agissant du montant de la contribution des banques françaises, qui n’est d’ailleurs pas arrêté à ce jour.
Vous avez tous rappelé que le Fonds de résolution unique s’élevait à 55 milliards d’euros, ce qui est exact, mais la participation de nos banques, en l’état des discussions, se situerait entre 20 % et 30 %, non entre 20 ou 30 milliards, comme l’un d’entre vous l’a dit par erreur.
La France estime que la taille des établissements bancaires ne doit pas être le seul élément à prendre en considération, qu’il faut aussi tenir compte de la nature des risques que les banques portent dans leur bilan. La prise en compte de cette pondération pourrait nous conduire à plaider pour une participation des structures françaises plus proche de 20 % que de 30 %.
Les discussions étant en cours, et je ne peux évidemment vous en dire davantage à ce stade – d’autant que je n’en sais pas plus !
Certains, je pense à Mme Dalloz, ont évoqué la prolongation, ou non, de la taxe systémique. C’est en effet une question qui peut se poser et qui est probablement aussi liée à celle que je viens d’évoquer à l’instant.
Si la contribution des organismes français devait se situer dans la fourchette haute, il est bien évident que la question se poserait différemment que si elle devait se situer dans la fourchette basse.
En l’état, il est bien sûr prématuré d’en parler, mais je rappelle que la taxe systémique rapporte actuellement autour de 900 millions. En fonction de la contribution des banques françaises – dont on me dit qu’elle pourrait s’élever à environ deux milliards par an pendant huit ans –, nous verrons ce qu’il en est de la pertinence de ce montant. Le moment venu, nous discuterons bien entendu de ce problème.
M. Sansu a regretté l’insuffisance du Fonds de résolution unique dont le montant a été fixé à 1 % des dépôts couverts, c’est-à-dire 55 milliards d’euros. Cela doit être appréhendé au regard des conditions d’interventions – après que les pertes auront pu être absorbées à hauteur de 8 % du bilan des établissements défaillants pour des montant plafonnés à 5 % des passifs.
La question ne se pose d’ailleurs plus puisqu’un accord est intervenu. J’espère, au demeurant, que nous n’aurons pas à vérifier si le montant du Fonds est suffisant ou non, car cela signifierait que nous sommes confrontés à des défaillances. Au final, il me semble que ce fonds est plutôt bien calibré.
Je n’ai probablement pas abordé tous les points qui ont été évoqués, mais la discussion parlementaire me permettra de revenir sur les plus importants et, au-delà, sur tous ceux que vous souhaiterez soulever.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
L’article 1er est adopté.
L’article 2 est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n° 54 rectifié .
Il est nécessaire d’adapter la législation française à l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2015, du règlement no 8062014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 visant à mettre en place un Mécanisme de résolution unique, le MRU, ainsi que d’un Fonds de résolution unique, le FRU.
Depuis le Conseil européen du mois de juin 2012, la mise en place de l’Union bancaire a constitué une priorité politique pour mettre fin au cercle vicieux entre les risques bancaires et les risques souverains.
Par cet article additionnel, je vous propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter les dispositions du code monétaire et financier – COMOFI – à celles du règlement mettant en place le MRU qui vise à compléter le premier pilier de l’Union bancaire.
La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n 54 rectifié .
La commission n’a pas examiné cet amendement auquel, à titre personnel, je suis favorable.
L’amendement no 54 rectifié est adopté.
Les articles 3, 4 et 4 bis sont successivement adoptés.
La commission des finances a amélioré la rédaction de l’article 5, puisque le contrôle de l’État a été renforcé. Toutefois, le ministère de l’économie ne doit pas être le seul ministère en charge de ce contrôle. C’est pourquoi l’amendement no 22 vise à ce que le ministre chargé de l’énergie y soit également associé, ce qui paraît assez logique.
L’amendement no 23 tend à rendre ce contrôle régulier et précise qu’il aurait lieu chaque année.
L’amendement no 24 , enfin, vise à ce que ce contrôle puisse se faire conjointement avec les commissions des affaires économiques et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Avis défavorable à l’amendement no 22 , car le contrôle porte sur les aspects financiers de l’assurance. Je ne vois donc pas en quoi le ministre de l’énergie aurait une compétence particulière pour traiter de cette question.
Même si je comprends l’esprit de votre amendement, je ne pense pas qu’il soit opportun.
J’émets en revanche un avis favorable à l’amendement no 23 , qui tend à préciser que la communication des contrats d’assurance et des garanties financières présentées par les exploitants d’installations nucléaires pour couvrir leur responsabilité civile doit intervenir chaque année. Il me semble qu’il s’agit là d’une précision utiles.
Quant à l’amendement no 24 , qui vise à associer à ce contrôle les commissions des affaires économiques et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, il me paraît superfétatoire dans la mesure où ces commissions peuvent déjà obtenir ce type d’informations. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.
L’avis du Gouvernement est conforme à celui exprimé à l’instant par le rapporteur.
Je vous suggère, monsieur Alauzet, de retirer l’amendement no 22 puisque, comme cela vient d’être dit, les contrôles porteront sur des aspects financiers, et non sur des questions environnementales. Je sais que ces questions vous sont chères et je comprends l’esprit de votre amendement, mais celui-ci ne me semble pas adapté.
Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement no 23 , qui précise que le rapport doit être annuel. C’est en effet une précision utile.
Quant à l’amendement no 24 , il est superfétatoire puisque les rapporteurs spéciaux, les présidents de commissions, peuvent déjà avoir accès, à tout moment, à ce type d’information. Je rappelle que nous souhaitons plutôt alléger les procédures que les alourdir encore. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Je retire l’amendement no 24 , car j’ai bien compris les arguments qui ont été avancés, mais je maintiens l’amendement no 22 . En matière d’assurance, il subsiste plus qu’une interrogation – un gros doute – sur l’adéquation des systèmes assurantiels et de protection en cas de sinistre. Cela va bien au-delà de la simple vérification de la conformité des contrats d’assurance. Le problème, qui est connu, est celui du calibrage de l’assurance et de la couverture du risque nucléaire.
L’amendement no 24 est retiré.
Monsieur Alauzet, l’analyse que nous faisons de la directive ne permet pas d’adopter la disposition que vous proposez. Si l’on peut avoir un droit de regard sur les contrats, il n’est pas question d’aller au-delà, si l’on s’en tient aux termes de la directive. J’insiste sur le fait que cet amendement ne paraît pas pouvoir être retenu, dans la mesure où nous procédons à une transposition.
L’amendement no 22 n’est pas adopté.
L’amendement no 23 est adopté.
L’article 5, amendé, est adopté.
La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 8 .
L’amendement no 8 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
L’article 7 est adopté.
Je ne reviendrai pas sur le détail des arguments qui ont été échangés. J’ai écouté Yann Galut, Karine Berger, notre rapporteur Christophe Caresche et M. le secrétaire d’État. J’ai entendu tout à la fois des appels à la prudence et l’affirmation que l’instauration de la transparence sur les transactions financières pour les compagnies de l’industrie extractive était un enjeu majeur.
Je voudrais simplement rappeler le combat que nous avons mené, il y a quelques mois, dans cette même assemblée, au moment de la discussion de la loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires. À l’époque, nous avons entendu à peu près les mêmes arguments au sujet de l’industrie bancaire. Et pourtant, la France a osé se montrer pionnière en ouvrant des perspectives qui ont ensuite été reprises à l’échelle européenne.
Nous sommes fiers d’avoir mené ces combats. Grâce à des amendements dont j’étais l’auteur, nous avons même obtenu, dans la foulée, que la transparence soit faite en matière de spéculation sur les biens alimentaires d’origine agricole, laquelle contribue parfois à alimenter les famines de par le monde. Nous avons également obtenu que les holdings financières, au-delà du système bancaire, se soumettent elles-mêmes à cette obligation de transparence.
Ces combats honorent la France, et je voudrais répéter que nous nous situons tout à fait dans la continuité de ce combat. Pour ma part, je tiens vraiment, à quelques amendements près, qui sont peut-être excessifs à l’heure qu’il est, soutenir les amendements défendus par notre collègue Yann Galut.
S’agissant du débat sur la compétitivité, je tiens à rappeler que la transparence n’est pas l’adversaire de la compétitivité. Elle est au contraire au service de l’économie réelle, au service de l’argent, lorsque l’impôt est payé là où l’on produit, au service des populations les plus fragiles et des défis que l’humanité doit résoudre aujourd’hui. Pour vaincre la faim dans le monde et réaliser la transition énergétique, il faut des moyens publics, des moyens partagés. Aujourd’hui, la fraude fiscale à l’échelle mondiale, à l’échelle industrielle, parfois à l’échelle mafieuse, nous prive de ressources indispensables pour ces mutations.
Par ailleurs, la France doit-elle agir seule ou de conserve ? À chaque fois que nous avons réussi, c’est parce que nous avons à la fois agi en pionnier et entraîné les autres derrière nous. Que serait une France qui donnerait des leçons aux autres, sans se les appliquer à elle-même ? Il y a deux hypothèses : ou bien Michel Sapin gagnera la semaine prochaine au G 20, et nous aurons seulement une semaine d’avance ; ou bien il échouera, et nous aurons fait notre travail, au sein de cette assemblée, pour défendre la justice et l’économie réelle.
Je serai bref, car nous avons déjà eu ce débat en commission. La directive a marqué un pas en avant très important que nous tenons à saluer puisque, désormais, un certain nombre d’informations doivent faire l’objet d’une publication sur internet. Mais nous souhaitons aller plus loin – comme une plateforme d’associations très active sur ces sujets – en ajoutant les mots suivants à chaque fois qu’apparaît le terme « publication », : « gratuite, accessible au public et dans un format permettant son utilisation ». D’aucuns diront que cette formulation est redondante ; je ne le crois pas. Je pense en tout cas que le Gouvernement peut entendre notre demande, qui est excessivement raisonnable.
Comme mon collègue, je me félicite de cette transcription qui vise à lutter contre la corruption et les marchés déstabilisants pour les zones en développement. Puisqu’il s’agit d’instaurer la transparence, il est prévu d’imposer la publication d’informations, mais celle-ci n’a d’intérêt que si elle est accessible à celles et ceux qui veulent en faire usage. Il faut donc s’assurer qu’elle soit accessible et gratuite : tel est l’objet de cet amendement.
Si tel n’était pas le cas, cela voudrait dire que l’on transpose parce qu’il le faut, mais que l’on s’accommode bien du fait que ces informations ne soient pas accessibles. Il faut donc aller jusqu’au bout de la démarche et faire en sorte que, si elles sont publiées, ces informations soient facilement consultables. Dans le cas contraire, cela pourrait laisser un goût d’amertume, le sentiment d’un travail inachevé, voire un doute sur la réalité de notre volonté.
Pour revenir sur les interventions qui viennent d’être faites, nous allons constamment avoir ce débat sur la concurrence et la fragilisation de nos entreprises.
Mais il faut savoir que le risque réputationnel constitue de plus en plus un argument de compétitivité. Aujourd’hui, on peut dire que nous sommes en avance, mais viendra le moment où les entreprises qui seront en retard de ce point de vue seront pénalisées au plan concurrentiel.
Cet amendement, qui a été signé par une quarantaine d’élus socialistes, va dans le même sens que les précédents. La loi, on le sait, peut parfois être interprétée de manière trop restrictive ; c’est pourquoi il vaut mieux qu’elle en dise plus que pas assez. Parce que l’amendement que nous vous proposons est soutenu sur presque tous les bancs de cette assemblée, en tout cas à gauche – nous avons en quelque sorte une démarche de « gauche plurielle », qu’il importe de souligner – il convient de préciser les termes de cette publication en indiquant qu’elle doit être « gratuite, accessible au public et dans un format permettant son utilisation ».
Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement de bon sens devrait pouvoir recueillir votre approbation. En l’acceptant, vous montreriez, comme c’est le cas, que le Gouvernement est vraiment attentif non seulement aux préoccupations des parlementaires, mais aussi à celles des ONG qui mènent ce combat, et qu’il continue à être en pointe sur toutes ces questions.
Sur de nombreux bancs, y compris sur ceux de l’UDI, où notre collègue Charles de Courson, qui n’est pas présent, a déposé un amendement identique au nôtre, cet amendement sur l’amélioration de la transparence fait consensus. On nous a dit en commission qu’il était superfétatoire, mais il vaut toujours mieux dire et écrire les choses. Nous avons beaucoup de lois bavardes, monsieur le secrétaire d’État, et ce ne sont pas les quelques mots que nous allons ajouter qui vont déstabiliser notre arsenal juridique. Je pense sincèrement que pour les ONG, pour les citoyens du monde, pour les citoyens de la France et pour les entreprises, il serait préférable d’être extrêmement clairs.
Si nous pensons que cet amendement ne sert à rien, pourquoi ne pas l’adopter ? Si nous ne l’adoptons pas, c’est bien qu’il y a quelque chose à cacher… Je pense sincèrement que nous pouvons l’adopter sans trop de risques. Ce serait à l’honneur de la France. Yann Galut a parlé de la gauche plurielle : c’est presque l’Antiquité, mais il est bon parfois que la gauche se retrouve sur ses valeurs.
Tout d’abord, permettez-moi de dissiper certains malentendus, ou pour le moins d’éviter les procès d’intention. Le Gouvernement a prévu dans le projet de loi l’obligation de publication sur internet, ce qui ne figure pas dans le texte de la directive. Si le Gouvernement a pris cette disposition, c’est bien évidemment pour que l’information soit publique, gratuite et accessible, comme je l’ai dit en commission.
J’entends toutefois les propos de M. Sansu : écrivons-le donc dans la loi si cela peut rassurer des députés que je sens extrêmement anxieux.
Monsieur Alauzet : dans cette affaire, la France est exemplaire. Je voudrais vous en convaincre. Notre pays fait le travail qu’il doit faire, conformément aux engagements qu’il a pris. En l’occurrence, il va au-delà des exigences de la directive.
Cela dit, ces amendements mentionnent un « format permettant son utilisation ». C’est une notion imprécise que le sous-amendement no 74 du Gouvernement vise à remplacer par l’adjectif « lisible ». Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, j’émets donc un avis favorable à ces amendements.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements et pour soutenir le sous-amendement no 74 .
Monsieur Potier, j’ai bien entendu votre réflexion sur la transparence qui, pour certains, serait l’ennemie de la compétitivité. En la matière, tout excès est nuisible aux deux intérêts poursuivis, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.
Le Gouvernement est favorable à ces amendements, sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 74 qui vise à remplacer les mots « dans un format permettant leur utilisation » par le mot « lisible », afin d’être plus conforme à la directive.
C’était déjà le cas en commission des finances. Vous avez des divergences de point de vue. Quant à moi, je ne partage pas votre volonté dogmatique d’aller vers la transparence gratuite et l’ouverture aux citoyens du monde.
…mais il paraît que vous aimez les entreprises – c’est le Premier ministre qui l’a dit.
Or, dans des secteurs sensibles ou qui nécessitent de gros programmes de recherche et développement, certaines entreprises françaises ont été fragilisées par le fait de transmettre au greffe, chaque année, l’ensemble de leur comptabilité.
Les entreprises étrangères n’attendent que cette publication pour aller consulter ce que font leurs concurrents. C’est ce que l’on appelle une vraie fragilité au niveau concurrentiel.
L’article 8 vise à transposer la directive du 26 juin 2013, mais en allant plus loin que celle-ci sans pour autant que le Parlement puisse débattre sur le fond. Et, en plus, il existe des divergences de point de vue entre vous. Cet excès de transparence ne sera en aucun cas une chance pour les entreprises françaises.
L’intervention de Mme Dalloz est très significative du débat qui a lieu, non pas au sein de la majorité ou entre la majorité et l’exécutif, mais entre la gauche et la droite.
Dans ce débat, certains défendent une certaine idée de la France, d’une France pouvant éclairer des évolutions substantielles à l’échelle européenne et donc à l’échelle du monde. Le Gouvernement et le Parlement l’ont fait, ensemble, avec la loi bancaire.
Alors qu’il n’y avait pas encore eu de directives ni de préconisations claires sur la séparation des activités bancaires, la France a été la première à adopter une loi sur cette question. Et dans cette loi, les parlementaires de la majorité, avec l’accord du Gouvernement, ont introduit des dispositions renforçant la transparence pour faire apparaître au grand jour les paradis fiscaux et légaux qui menacent l’intégrité de toutes les économies réelles de cette planète.
Nous n’avons pas la même idée de la France, nous n’avons pas la même idée de sa puissance motrice à l’échelle européenne, et nous n’avons décidément pas la même idée d’un débat fructueux entre le Parlement et le Gouvernement, cela se vérifie encore aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il ne faudrait pas donner l’impression que nous nous acharnons sur notre collègue Dalloz.
Le Parlement est un lieu de débat ; il est normal que nous y discutions de la loi, que des amendements soient déposés, retirés, ou que parfois ils soient maintenus et votés. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela ; ne soyez pas choquée, madame Dalloz, c’est ainsi que les choses fonctionnent.
Par ailleurs, il est vrai que la question de la transparence nous intéresse vraiment beaucoup à gauche, et je regrette qu’elle ne vous intéresse pas autant à droite.
Votre dernière intervention montre qu’il y a beaucoup de chemin à parcourir. Je tiens à votre disposition un certain nombre de documents réalisés par des associations telles que le Secours catholique, le CCFD, Attac et d’autres. Leur lecture permet aux non-spécialistes que nous sommes de progresser dans la réflexion.
Vous qui êtes un esprit fin et ouvert, madame Dalloz, peut-être évoluerez-vous en les lisant. En tout cas, c’est le voeu que je forme. Je ne désespère que votre position change d’ici à la fin de la législature.
Je répète enfin que je suis tout à fait favorable au sous-amendement du Gouvernement.
Vous n’avez pas de chance, madame Dalloz : vous êtes l’unique représentante de l’opposition dans l’hémicycle. C’était peut-être aussi le cas lorsque nous avons discuté de ces questions de transparence lors de l’examen de la loi bancaire. C’est à croire que ces sujets n’intéressent pas votre groupe politique ! Nous avons même entendu les réserves de vos collègues sur la transparence du reporting bancaire. Autrement dit, s’il y avait plus de députés de droite dans cet hémicycle, il n’y aurait pas de transparence, cet amendement n’aurait pas été accepté par le Gouvernement, vous vous seriez opposé au reporting bancaire, le président Obama n’aurait pas fait le Foreign Account Tax Compliance Act – ou FATCA.
Ce qui a été décidé en France et aux États-Unis a fait traînée de poudre. L’amendement que nous avons adopté dans la loi bancaire a connu une traduction européenne quelques semaines plus tard. Vous êtes donc un peu en retard sur les progrès que notre société doit faire.
Quant au sous-amendement du Gouvernement, j’y suis favorable.
Ce débat montre une vraie différence entre la gauche et la droite. Madame Dalloz, vous êtes en cohérence avec toutes les prises de position du groupe UMP ces deux dernières années quand nous abordons la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Votre groupe est le seul à avoir voté contre la loi qui renforçait le dispositif de lutte contre la fraude fiscale ; il en est allé de même sur la loi bancaire et sur la loi d’orientation portée par Pascal Canfin.
Aujourd’hui, vous confirmez votre volonté de ne pas aller dans le sens de l’histoire alors que l’immense majorité des pays est en train de lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscale, pour la transparence afin que les ONG, les citoyens et les parlementaires puissent avoir accès à des informations extrêmement importantes. Il faut qu’il y ait une éthique dans ce domaine, que l’on mette fin à ces paradis fiscaux qui détruisent nos systèmes sociaux et dans lesquels se retrouve l’argent de la délinquance internationale.
Il existe là en effet une profonde divergence entre vous et nous, et il est important de la rappeler. Je vous remercie de la clarté de votre intervention qui montre que, dans ce pays, il y a une vraie différence entre la gauche et la droite.
Le sous-amendement no 74 est adopté.
Cet amendement a pour objet de préciser le champ d’application de l’obligation de publication à la charge des entreprises prévue par l’article 8 du projet de loi. Il vous est proposé de préciser que la publication doit porter sur l’ensemble des entités incluses dans le périmètre de consolidation, plutôt que sur le champ prévu à ce stade dans le projet de loi, ce qui constitue néanmoins une avancée.
Je souhaite faire le point sur ce que nous avons prévu dans la loi de séparation des activités bancaires et dans la loi d’orientation pour le développement, et sur l’application qui a été faite de ces textes. Yann Galut a rappelé tout à l’heure que nous avions été précurseurs, en France, parce que nous avions demandé aux banques, dès 2014, de publier un certain nombre d’éléments. Où en sommes-nous ?
Pour 2014, seulement deux des cinq grandes banques respectent cette consigne de publication. Aujourd’hui, le Crédit agricole, le Crédit mutuel et BNP-Paribas séparent les éléments en deux blocs.
De plus, selon un courrier que j’ai reçu de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ce ne sont pas seulement six banques qui devraient être soumises à cette obligation, mais trente établissements bancaires qui, aujourd’hui, devraient appliquer la loi que nous avons votée pour 2014.
Aujourd’hui, les banques ne procèdent pas à la publication que nous leur avions demandée. Si nous ne rappelons pas que le pouvoir politique a demandé à l’ensemble du système bancaire de publier ses comptes pour 2014, nous risquons de ne jamais voir appliquer les lois que nous votons. Voilà pourquoi nous avons déposé ces amendements.
À ce stade, il me semble utile de préciser les choses, d’autant que les amendements suivants poseront le même problème.
Je l’ai dit tout à l’heure : le texte que nous examinons vise à combattre la corruption. Il impose aux entreprises opérant dans l’industrie extractive de publier les versements auxquels elles peuvent être amenées à procéder au profit d’autorités publiques. Le G20 a pris des engagements, que l’Union européenne a transcrits et que nous transposons.
Sur la question de l’évasion fiscale, qui est un autre sujet, le G20 a demandé à l’OCDE de mener des travaux en vue de prendre des décisions. Ces dernières seront adoptées lors du sommet organisé dans quelques jours au niveau des ministres des finances.
Au vu des amendements déposés sur l’article 8, j’ai le sentiment que l’on mélange les deux problématiques et les deux objectifs différents que sont la lutte contre la corruption et la lutte contre l’évasion fiscale.
Que les choses soient claires ! Le reporting que nous avons mis en place pour les banques n’a rien à voir avec le reporting prévu par ce texte, qui concerne la lutte contre la corruption et la publication des versements auxquels les sociétés minières sont amenées à procéder au profit d’autorités publiques. Nous parlons de deux démarches différentes.
S’agissant de l’évasion fiscale, l’OCDE n’a pas travaillé de sa propre initiative ; elle a été mandatée par le G20. Elle vient d’émettre des propositions tout à fait intéressantes, qui constituent des avancées et parmi lesquelles figure le reporting pour toutes les entreprises multinationales tel qu’il a déjà été prévu, par exemple, pour les banques.
C’est un autre sujet, madame Berger.
Ces propositions feront l’objet d’une discussion au sein du G20. Je ne propose pas d’anticiper des décisions qui n’ont pas été prises, qui n’ont donc pas été traduites dans la législation européenne, et dont on ignore d’ailleurs jusqu’où elles iront. Je tenais à faire ces précisions car j’ai l’impression, depuis le début de notre débat, que ces deux problématiques se mélangent ; or, pour moi, elles sont clairement séparées.
J’en viens aux amendements. Je tiens d’abord à rappeler que j’ai déposé, en commission, un amendement qui clarifiait très bien la situation des filiales, et qui a été adopté. Cet amendement prévoit que l’obligation de publicité des versements et paiements sera étendue à toutes les filiales des entreprises d’extraction minière, dès lors que ces filiales exercent leur activité dans le domaine de l’extraction. Cela me paraît cohérent. Le reporting des versements prévu dans le projet de loi concernera non seulement les maisons-mères, mais aussi leurs filiales et les sociétés qui en dépendent. Les dispositions adoptées par la commission des finances garantissent donc que l’ensemble du secteur minier sera concerné par cette obligation de publication : en d’autres termes, nous obtiendrons les informations de l’ensemble du secteur.
Je suis défavorable aux amendements nos 35 , 59 et 26 , car ils vont au-delà des dispositions déjà adoptées. Ils précisent que toutes les filiales seront concernées par l’obligation de reporting, qu’elles exercent ou non une activité dans le secteur minier, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Non seulement ces amendements sortent du champ de la directive, mais ils induiraient une rupture d’égalité, car ils reviendraient à imposer des contraintes différentes à des sociétés d’un même secteur. En imposant à une filiale agissant en dehors du secteur minier une contrainte à laquelle une société concurrente, du même secteur d’activité, ne serait pas confrontée, nous introduirions une rupture d’égalité qui me semble problématique. Comme je l’ai dit très clairement en commission, je ne souhaite pas imposer aux entreprises françaises, dans un domaine à la fois stratégique et hyper-concurrentiel, des contraintes qui les mettraient en difficulté en termes de concurrence.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable à ces amendements.
La position du Gouvernement rejoint totalement celle du rapporteur, qui a expliqué avec beaucoup de précision l’objectif poursuivi par la directive.
Madame Dalloz, la majorité n’est pas divisée. Il peut y avoir des discussions sur l’un des aspects de ce texte, que vous avez vous-même qualifié de « fourre-tout », et dont nous connaissons l’importance considérable pour le secteur bancaire et sur les questions de régulation. D’ailleurs, votre groupe aurait bien du mal à se diviser, puisque vous êtes sa seule représentante cet après-midi, madame Dalloz !
Le Gouvernement entend transcrire la directive. Je serai encore plus précis que le rapporteur : la publication des paiements effectués dans certains pays, sur certains projets, pourra révéler, notamment aux habitants de ces pays, le versement de dessous-de-table et l’existence de la corruption. Tel est l’objectif de la directive.
Sur les questions fiscales, le travail se poursuit : l’OCDE a fait des propositions très intéressantes, parmi lesquelles figure le reporting, et pas seulement pour les entreprises liées à l’extraction. Toutes ces mesures seront au coeur des débats dans les prochains jours et, je l’espère, dans les prochaines semaines, en vue de leur transcription éventuelle dans la législation européenne ou nationale.
Le Gouvernement est donc, lui aussi, défavorable à ces amendements.
Comme le rapporteur, je m’inscris dans le cadre formel, juridique, de la transposition de la directive. J’en reste à la lutte contre la corruption : je ne parle pas d’évasion fiscale. Qu’est-ce qui nous garantit que des opérations de transfert entre les différentes filiales d’une même société ne pourront pas être organisées, d’une manière ou d’une autre, pour permettre de rémunérer l’État commanditaire des travaux ? Je parle ici d’évasion fiscale au service de la corruption. Les sociétés pourraient être tentées par de telles manoeuvres, qui ne sont pas impossibles. Cela vous paraît peut-être irréaliste, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mais il faudrait me le démontrer !
En termes de concurrence, qu’est-ce qui peut pénaliser l’entreprise ? La révélation, par cette opération de transparence, d’accords conclus en sous-main entre la maison-mère et une filiale implantée ailleurs ? De tels accords seraient contraires à l’esprit de la transposition de cette directive, qui vise à lutter contre la corruption.
Pouvez-vous donc me démontrer, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que ces opérations de transfert sont impossibles et ne seront donc pas réalisées ?
Nous parlons d’un sujet technique. Personne dans cet hémicycle – pas même la droite, qui s’oppose au texte – ne nie que les avancées réalisées par ce projet de loi sont considérables, du fait de la publication d’une partie des activités des sociétés extractives dans certains pays.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous poser une question directe. Prenons l’exemple de Total – soyons clairs, c’est de cette société que nous parlons. Total comporte 883 entités mais ne donne les noms que de 179 d’entre elles. L’une de ces entités, Total International Limited, bien connue des services juridiques puisqu’il s’agit de l’affréteur de l’Erika, est située aux Bermudes. Si nos amendements sont repoussés, la loi que nous adopterons permettra-t-elle la publication des comptes de Total International Limited ?
De quoi parle-t-on ? Je vous avoue, monsieur le rapporteur, que je ne comprends absolument pas votre intervention, ni votre refus de ces amendements, pourtant extrêmement logiques, qui s’inscrivent dans le combat que nous, socialistes, menons depuis un an et demi sur la transparence. Si ces amendements sont rejetés, les dispositions législatives qu’ils visent à modifier ne serviront à rien !
Je vais vous l’expliquer. Telles qu’elles sont prévues actuellement, ces dispositions ne permettent pas de contrôler les transferts en provenance des pays où ont lieu les activités d’extraction et à destination des paradis fiscaux.
Je ne comprends pas votre opposition à ces amendements, monsieur le rapporteur. Il est question de corruption et d’évitement fiscal.
Je comprends d’autant moins votre position que l’ensemble du groupe socialiste a voté la loi du 7 juillet 2014, initialement défendue par M. Canfin. L’Assemblée nationale a adopté un texte qui comprend, en matière de transparence dans le domaine des industries extractives, les dispositions suivantes : « L’objectif est […] d’engager la transposition par la France des dispositions des directives comptables concernant certaines obligations pour les entreprises extractives européennes en matière de publication, pays par pays et projet par projet, des montants tirés de l’exploitation des ressources extractives et versés à des États. Dans le cadre de la transposition de ces directives, la France veille à ce que les informations publiées concernent l’ensemble des filiales, qu’elles soient situées ou non dans les pays d’exploitation des ressources, y compris celles localisées dans les paradis fiscaux. »
Nos amendements s’inscrivent donc dans la logique de la loi que nous avons adoptée, tous ensemble, à l’Assemblée nationale. Ils ne proposent rien de nouveau. Au contraire, ils correspondent exactement au périmètre de la loi du 7 juillet 2014, dont nous voulons aujourd’hui concrétiser les dispositions. Or, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous vous y opposez. Je ne comprends pas du tout votre position.
Mon intervention sur les amendements nos 35 , 59 et 26 sera aussi valable pour les amendements suivants.
L’importance de ce sujet nous oblige à ne pas nous laisser entraîner dans de faux débats, de fausses querelles et des passions inutiles. Avons-nous, dans cet hémicycle, des divergences sur le diagnostic, à savoir l’existence de faits de corruption et de dissimulation ? La réponse est non. Avons-nous le même objectif, celui de les réduire ? La réponse est oui. Partageons-nous les mêmes préoccupations que les organisations non gouvernementales et associations qui n’ont cessé de nous interpeller sur ces questions, notamment ces derniers jours, et encore hier, après la réunion de la commission et celle des commissaires socialistes ? La réponse est non : je comprends et j’approuve l’action de ces associations, qui jouent leur rôle en interpellant les parlementaires. Ai-je des désaccords de fond avec mes collègues socialistes qui ont déposé ces amendements ? La réponse est non.
La seule question devant être posée est celle de l’utilité et de l’efficacité des votes auxquels nous allons procéder dans quelques instants. Serait-il utile et efficace que la France agisse seule, au moment où le G20 s’apprête, sur proposition de l’OCDE, à réaliser des avancées et à adopter des dispositions correspondant à nos objectifs, répondant à nos attentes, qui seront utiles pour les pays et les populations auxquels nous pensons ?
Cela permettrait-il d’aller plus vite ? Pensons-nous que cela permettrait de s’assurer davantage que le G20 prendra les bonnes dispositions ? Personnellement, je ne le crois pas. Et sachant que l’on pourrait s’interroger sur les motivations exactes de certaines de ces associations, …
…une fois actés les objectifs communs, le Gouvernement doit s’engager, dans les discussions à venir au G20, à permettre une réelle progression de la lutte contre la corruption au plan international, laquelle ne passera que par certaines dispositions. Sinon, on se donnera bonne conscience. On aura l’impression d’avoir les mains propres, mais en réalité, on sera tout à fait inefficaces.
Lorsque nous avons voté la loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires, le sujet des paradis fiscaux n’était pas à l’ordre du jour – je réponds là à M. Caresche. En tant que parlementaires nous avons bien la liberté d’étendre aux transactions fiscales les dispositions relatives à la corruption. Nos collègues ont du reste démontré le lien entre les transactions fiscales et la corruption. Seule cette double approche permet de faire la vérité sur ces transactions économiques.
Je souhaite par ailleurs réagit aux propos tenus par mon collègue Dominique Lefebvre. Je ne mets ici en cause aucune société internationale en particulier et je fais confiance à celles qui ont leur siège en France, qui paient leurs impôts là où elles produisent et ne trichent pas. J’ai tellement confiance en elles que je les invite à le dire et à en faire un élément de fierté et compétitivité.
En revanche, je m’élève contre le fait que l’on puisse mettre en cause la probité et la nature des engagements des ONG. Cela me paraît totalement disproportionné par rapport au combat qui est le leur, qui est le nôtre, qui est le mien. Et ce n’est pas sur nos rangs que l’on peut mettre en cause l’engagement des militants qui font l’honneur de notre pays.
Dominique Lefebvre a raison : pas de faux débats entre nous !
Dans le champ – précisé par la directive – de la publication des sommes et des versements que pourraient faire des sociétés d’extraction minière – société mère ou filiales –, le reporting sera total. Il concernera tous les pays, que les choses soient claires. Si, madame Berger, une société avait l’idée d’utiliser une autre filiale, elle serait tout simplement en infraction avec la loi.
Il y a des gens qui font des enquêtes, des services spécialisés pour traiter ces questions. À un moment ou à un autre, cela peut se savoir. Quoi qu’il en soit, dans le champ de la directive, le reporting sera total.
Veillons à ne pas « profiter » de ce texte pour imposer à des sociétés françaises des contraintes que d’autres sociétés ne subiraient pas. Il est vrai que cela pose problème. Sur ce plan, je rejoins Dominique Lefebvre. Certaines associations – tout à fait estimables, monsieur Potier – ont proposé des amendements que, du reste, je retrouve dans notre discussion.
Parmi ces associations, il y a une ONG américaine qui m’a sollicité. Il ne s’agit pas d’une petite association ; c’est une ONG américaine extrêmement professionnalisée, soutenue par quelqu’un que vous connaissez tous, M. Bono. J’ai demandé à cette association si elle était prête à faire la transparence sur ses donateurs, car c’est un élément d’information important.
Or voici ce que l’on peut lire sur le site de l’association : « L’association est financée à la fois par des fondations, des philanthropes et des entreprises. Nous ne sollicitons pas de fonds auprès du grand public ou du gouvernement. Ci-dessous une liste de nos donateurs financiers qui ont généreusement contribué à hauteur d’au moins 25 000 dollars à notre travail depuis janvier 2013. Certains de nos donateurs ont demandé de garder l’anonymat et nous respectons cette demande. »
Si, monsieur, c’est le débat ! Pouvez-vous me garantir que cette association n’est pas financée par des entreprises qui auraient intérêt à faire en sorte que la France adopte telle ou telle législation ?
S’agissant d’un secteur stratégique extrêmement concurrentiel, je vous mets en garde contre d’éventuelles manipulations.
Pour ma part, je souhaiterais que les associations qui demandent la transparence complète pour les sociétés françaises se l’appliquent à elles-mêmes !
Pour ma part, je m’exprime sur des amendements qui sont présentés par des députés de la nation. Je n’ai donc aucune contribution à apporter à ce débat qui n’a pas sa place ici.
Transcrire la directive, c’est notre travail et l’objet de ce texte. Régler l’ensemble des problèmes liés à la corruption dans des pays s’apparentant à des paradis fiscaux est un sujet différent. La question fiscale n’est pas au centre de la directive que nous avons à transposer. Elle fait l’objet d’un autre travail qui, lui aussi, progresse.
Le débat a eu lieu et je maintiens que le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il a tout à l’heure accepté un amendement et il est prêt à en accepter d’autres, notamment liés aux sanctions. Et tout à l’heure, madame Berger, je ne vous ai pas répondu sur le fait qu’un certain nombre de prescriptions de la loi bancaire n’étaient pas respectées. Il nous appartient de veiller à prévoir des sanctions. À cet égard, le Gouvernement vous proposera un amendement visant à durcir les sanctions. Je ne manquerai pas de répercuter ces informations au ministre plus concerné que moi sur la question tout à fait importante et respectable que vous avez évoquée tout à l’heure, madame la députée.
Cela étant, tout a été dit sur la question de la concurrence – loyale ou non –, des contraintes que l’on peut imposer à nos entreprises françaises qui travaillent à l’étranger. Je vous invite très respectueusement à rester dans le cadre de la transcription qui règle le cas de la corruption essentiellement pour les entreprises extractives. Il serait quelque peu hasardeux d’aller plus loin dans notre volonté, certes partagée, de régler l’ensemble des problèmes fiscaux liés à toutes les entreprises.
L’amendement no 26 n’est pas adopté.
Essayons, monsieur le rapporteur, de retrouver un peu de sérénité car vous avez réalisé un remarquable travail en commission. Nous sommes là pour améliorer le texte. La transposition de la directive par la France dans le projet de loi qui nous est proposé est un bel ouvrage. Vous avez eu raison de dire que nous étions en avance d’un an. Nos amendements visent non pas à dénaturer le texte, mais au contraire à l’approfondir dans le sens d’une dynamique positive.
L’amendement no 10 , très modeste mais qui serait très utile, vise à organiser la transposition dans ce texte des dispositions mentionnées au III de l’article 7 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires qui prévoit le reporting pays par pays. Je me réjouis, monsieur le rapporteur, de vous avoir entendu dire qu’il y aurait un reporting pays par pays. Dès lors, passons de la parole aux actes. Tel est l’objet de ce modeste amendement qui permettrait de traduire en actes la parole présidentielle.
Permettez-moi de vous rappeler cette magnifique déclaration du Président François Hollande prononcée le 10 avril 2003 s’agissant du mouvement de transparence en direction des banques : « Je veux que cette obligation soit également appliquée au niveau de l’Union européenne et, demain, étendue aux grandes entreprises. » L’occasion nous est donnée de traduire ces propos en acte. Nous ferions ainsi du bel ouvrage.
Je veux d’abord dire à notre rapporteur que sa mise en cause d’une association et des contacts qu’elle a avec les parlementaires me paraît déplacée dans cet hémicycle, et c’est un euphémisme. Je fais partie de ces parlementaires qui travaillent avec différentes associations qui luttent contre les paradis fiscaux au sein de la plate-forme de lutte contre les paradis fiscaux. Je peux citer CCFD Terre solidaire…
…Amnesty et d’autres qui nous apportent leur expertise face aux lobbies qui sont financés par de grandes entreprises, lesquelles apportent une autre expertise. Sans ces associations, nous n’aborderions pas certains sujets, nous ne tiendrions pas certains débats.
Ce soir, je veux rendre hommage à celles et ceux – ces personnes individuelles, ces ONG – qui depuis des années se battent contre l’évasion fiscale avant que nous-mêmes nous nous saisissions de ce débat et présentions des lois, à un moment où personne ne s’occupait de cette question.
En France, l’évasion fiscale représente 40 à 80 milliards d’euros. Dans les pays en voie de développement, c’est dix fois plus que ce que l’on verse pour le développement. À travers le monde, ce sont des milliers, voire des millions de milliards d’euros qui échappent ainsi aux finances publiques. Sans ces associations, monsieur le rapporteur, nous n’aurions jamais eu autant d’informations sur le sujet.
Je veux donc leur rendre hommage et leur dire que nous avons besoin de leur expertise. Je ne comprends pas que l’on puisse les mettre en cause dans cet hémicycle.
S’agissant de l’amendement, je rejoins bien entendu les explications de Pascal Cherki.
Avis défavorable. Là encore, nous sortons du champ de la directive, car ces amendements concernent la problématique de l’évasion fiscale. Celle-ci a été abordée dans la directive CRD4 concernant le secteur bancaire ; elle sera évoquée au G20 lors de la réunion des ministres des finances sur la base des propositions de l’OCDE dont le travail est intéressant et positif. Le reporting comportera des données beaucoup plus larges que ce qui est proposé dans le texte actuel et s’appliquera dans tous les pays.
La question que vous soulevez a été mise en avant par la France lors de la discussion de cette directive. En effet, l’élaboration des directives européennes obéit à une règle simple : au terme d’une discussion où chaque pays exprime son avis, défend ses intérêts, c’est une directive commune qui est prise, afin que le droit soit le même pour l’ensemble des pays de l’Union. Si un socle commun a donc fait l’unanimité au terme de cette discussion, il est curieux de vouloir reprendre, au moment de la transposition de la directive, les idées qui n’ont pas été retenues par les autres partenaires. Il s’agit là de la règle de fonctionnement de l’Union et il convient de la respecter, même si cela n’exclut pas d’introduire ça et là certaines précisions de détail.
Si nous reprenons l’ensemble des sujets sur lesquels la France a « perdu », ou du moins qu’elle n’est pas parvenue à convaincre ses partenaires d’inscrire dans le socle commun, nous détricotons toute la valeur d’une directive. Or celle-ci permet d’éviter les disparités et les risques de voir contester les pratiques des entreprises en matière de concurrence, au sein d’une Union qui se veut aussi une union économique.
Je suggère donc que ces amendements soient retirés et que nous nous concentrions sur les points qui peuvent faire l’objet d’améliorations – certains ont été identifiés en commission. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Les propos de M. le secrétaire d’État, qui dit toujours des choses très intéressantes et avec qui je suis très souvent d’accord, me laissent ici perplexe. La directive est certes un socle commun et il nous faut assurément nous féliciter du rôle moteur qu’a joué la France pour parvenir à son adoption. Mais un socle commun n’empêche nullement certains pays, s’ils le souhaitent, d’aller au-delà de la directive sans contrevenir au droit européen.
Si l’amendement que nous présentons était contraire au droit européen, il serait bien inutile de l’adopter au risque d’être retoqué en cas de recours devant la Cour de justice des communautés européennes. Il faut en effet éviter de fragiliser la position de la France. Je n’ai cependant pas le sentiment que ce soit le cas et il me semble donc que la question de socle commun est réglée.
En deuxième lieu, je me réjouis que notre rapporteur ait déclaré tout à l’heure qu’il était favorable au reporting pays par pays, et que nous l’appliquerions. Justement, je souhaiterais que cet engagement verbal soit inscrit dans la loi. Il n’y a rien là de contradictoire.
En troisième lieu, à moins qu’il n’y ait un problème de concurrence et un risque d’affaiblir la position des entreprises, pourquoi n’adopte-t-on pas la bonne méthode pour réaliser le reporting par pays, puisqu’on affirme le vouloir ?
Si l’on me répond sur ces trois points, si l’on m’explique que cette disposition est contraire au droit européen, que ce n’est pas la bonne méthode ou qu’elle affaiblirait la position des entreprises françaises, nous retirerons sans doute nos amendements car nous ne sommes pas irresponsables. Mais je n’ai encore rien entendu de tel. Il me semble que sur ces amendements, nous pouvons tomber d’accord, monsieur le secrétaire d’État. C’est possible.
Le « reporting », ou, en français, le rapport que les sociétés minières extractives devront fournir porte précisément sur les versements effectués par ces sociétés auprès d’autorités publiques. Ce rapport devra mentionner l’ensemble des activités de la société en question, quel que soit le pays où elles sont exercées, y compris si c’est par des filiales.
Second aspect des choses : l’évasion fiscale, qui concerne d’autres données et qui est en discussion à l’échelle internationale, dans le cadre du G20. Il me semble qu’il n’y a pas lieu d’anticiper des dispositions qui n’ont pas encore été prises. Si elles sont adoptées par l’Union européenne dans les semaines ou les mois qui viennent, la France les appliquera. Cette position me semble être assez claire et assez logique.
Monsieur le rapporteur, je dois vous dire en toute amitié que je ne comprends pas cet argument. Sans le travail des parlementaires, fondé sur l’expertise des ONG, sur la loi bancaire et la loi sur la fraude fiscale, la France n’aurait pas été en pointe pour mener ces combats au niveau européen et international. Je ne comprends donc pas l’argument selon lequel il faudrait attendre de connaître la position du G20, car il serait possible de prendre dès maintenant des premières mesures.
Cependant, en accord avec les signataires de ces amendements identiques et compte tenu du fait qu’une majorité de nos collègues, monsieur le rapporteur, partagent votre position et préfèrent reporter la question au moment où le G20 se sera prononcé, je retire l’amendement no 37 . Je précise toutefois que pour nous, et je suppose que l’ensemble de notre groupe souscrit à cette position, le débat sur le soutien que nous apportons au Gouvenement dans sa lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et contre la corruption n’est pas terminé et que nous y reviendrons, par exemple dans les prochaines semaines à propos de l’optimisation fiscale.
L’amendement no 37 est retiré.
Ne voulant pas donner le sentiment que les socialistes sont divisés sur cette question et bien que je n’aie pas reçu de réponse sur la conformité de mon amendement à la législation européenne, sentant que les esprits ne sont pas encore mûrs, j’accepte, par souci de rassemblement et la mort dans l’âme – car nous aurions pu aboutir ! – de le retirer.
L’amendement no 10 est retiré.
L’amendement no 60 n’est pas adopté.
Je crains, au vu du débat que nous venons d’avoir, que nous ne nous heurtions à la même incompréhension que tout à l’heure. J’appelle donc le Gouvernement et M. Caresche à lever un coin du voile et à faire en sorte que cette audace qu’a eue la France, portée par le Parlement et par sa majorité de gauche, pour jouer un rôle moteur en faveur de la transparence ne s’arrête pas et que cette démarche de réformisme au niveau européen se poursuive. Je suis persuadé que nous pouvons le faire. Je vous invite donc, mes chers collègues, à entrer dans cette espérance – pour parodier une certaine formule –…
La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement identique no 36 .
Je crains de deviner la position du rapporteur et du Gouvernement.
Cet amendement tend à substituer aux mots : « d’un ou plusieurs États ou territoires » les mots : « dans chacun des États dans lesquels elles ont des entités incluses dans leur périmètre de consolidation ». Toute la logique de ces amendements est de lutter contre l’évitement fiscal. Nous avons aujourd’hui la possibilité de montrer la priorité que donne à cette lutte le gouvernement français. Il y a une contradiction à ne pas vouloir adopter ces amendements ici alors que la France est particulièrement en pointe dans ce domaine au niveau européen.
Mardi, à cette heure-ci, quelques minutes après que l’OCDE eut proposé un nouveau paquet de mesures de lutte contre l’évitement et la fraude fiscale, un communiqué de presse affirmait le soutien de M. Michel Sapin – qui se rend ce soir ou demain en Australie pour porter la voix de la France.
Rappelons qu’après les amendements que nous avons défendus dans cet hémicycle avec Dominique Potier, Karine Berger, Pascal Cherki, Sandrine Mazetier et le groupe socialiste – sans oublier M. Christian Eckert, excellent parlementaire, alors rapporteur, qui nous a soutenus dans cette démarche ! (Sourires) – M. Pierre Moscovici avait saisi la balle au bond pour faire en sorte que les amendements que nous avions votés soient repris par l’Europe. Il n’y a donc pas de divergence entre nous et nous pourrions aller encore plus loin en donnant un signal fort à nos partenaires européens.
J’ai tenté tout à l’heure d’endosser la logique du rapporteur, M. Caresche, qui déclare depuis le début de ce débat qu’il est question ici de la lutte contre la corruption, toute la corruption et rien que la corruption. Dont acte. En m’inscrivant dans cette logique, je me suis efforcé d’expliquer tout à l’heure que, même si l’on ne veut pas traiter de la question de l’évasion fiscale stricto sensu, cette pratique peut être un outil au service de la corruption. Il est en effet possible d’organiser un circuit de transferts financiers entre une filiale pratiquant l’extraction et une autre qui ne la pratique pas, au profit d’un gouvernement corrompu. Or, je n’ai pas eu de réponse sur ce point. Pour être efficace contre la corruption, il est indispensable de traiter la question de l’évasion fiscale.
Avis défavorable, car ces amendements en reprennent d’autres qui ont déjà été examinés à propos des filiales.
Il n’y a pas de contradiction, dans la position du Gouvernement, entre le volontarisme déployé pour défendre dans des enceintes internationales des avancées en termes de régulation et de lutte contre la fraude fiscale – il est même clair que, compte tenu de la situation de la France, le Gouvernement est très sensible à ce sujet ! – et l’application des décisions une fois qu’elles ont été prises. Il est donc tout à fait cohérent et sincère de la part du ministre de saluer le travail de l’OCDE.
Monsieur Cherki, je veux pas que vous puissiez penser que je ne réponds pas à votre question. Avec les réserves que m’impose le fait que je ne sois pas un grand spécialiste de ces sujets complexes, il ne me semble pas que ces amendements soient contraires au droit européen. Voilà votre réponse.
Je ne vais pas refaire la démonstration de tout à l’heure, ce serait prétentieux, sur le fait que la France a en effet formulé des demandes, et s’est mise d’accord sur un socle qu’il vous est proposé de retranscrire. Mais concernant cette comparaison qui est toujours faite avec la loi bancaire, je vous rappelle, mesdames et messieurs les députés, que nous avions alors obtenu des choses qui étaient en harmonie avec la directive CRD IV. Les autres dispositions inscrites dans la loi bancaire, par exemple sur le reporting pays par pays, l’ont été sous réserve de leur entrée en vigueur au niveau de l’Union européenne. Je voulais simplement rappeler ce point. Dans le cas présent, nous ne nous situons pas dans ce cadre et n’avons pas cette possibilité. Par conséquent, le Gouvernement vous propose de retirer ces amendements, faute de quoi il y sera défavorable.
Je répondrai très brièvement, madame la présidente, pour souligner ce qui vient d’être acquis : ces amendements ne sont pas contraires au droit. Nous sommes donc ici dans le domaine de la volonté. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement, mais je lui demande d’entendre un peu mieux la nôtre pour lui donner encore plus de courage dans les négociations internationales. Nous n’avons pas encore réussi à parfaitement convaincre le Gouvernement. C’est donc la mort dans l’âme, je tiens à le dire, car nous avons le sentiment d’être en retrait par rapport à la loi bancaire et à la loi sur le développement, que nous allons retirer ces amendements, d’autant que nous sommes minoritaires dans l’hémicycle. Je ne vois pas en effet l’intérêt qu’une majorité de députés socialistes défasse une minorité de députés socialistes dans un combat qu’au fond, nous partageons tous ! Mais je pense, monsieur le ministre, qu’il faut être plus allants, car nous sommes attendus. Je retire donc l’amendement no 18 la mort dans l’âme !
L’amendement no 18 est retiré.
Je suis navrée de répondre à M. le secrétaire d’État sur un point très précis : la loi bancaire va au-delà de la directive CRD IV. Ce point est fondamental puisque nous sommes les premiers à avoir inscrit dans notre droit la publication de l’ensemble des grands groupes. C’est d’ailleurs à cela que fait référence le texte. Nous avions fait un pas en avant au moment de l’adoption de la loi bancaire, nous faisons une pause aujourd’hui et je suis persuadée que la France sera en mesure de rattraper cette avance à l’occasion du débat sur l’OCDE. Toujours est-il qu’à ce stade, l’amendement no 36 est retiré, madame la présidente.
L’amendement no 36 est retiré.
Bien que je sois revenu trois fois sur cette question, je n’ai pas obtenu de réponse sur les cas d’optimisation fiscale utilisant des circuits complexes permettant de passer par des filiales non extractives dans d’autres pays. Je me vois donc contraint de maintenir mon amendement, faute de dialogue.
L’amendement no 27 n’est pas adopté.
Je ne sais que dire pour essayer de convaincre M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur, mais nous essaierons jusqu’au bout !
Ce sont vos collègues qu’il faut essayer de convaincre !
Je ne demande que cela, mais je ne saurai si j’ai réussi qu’en leur demandant ! Ne m’invitez donc pas à convaincre mes collègues, c’est le meilleur moyen de devoir passer par un vote…
En outre, ceux que j’essaye d’abord de convaincre, c’est vous, monsieur le secrétaire d’État, et vous, monsieur le rapporteur ! Nous avons ici un débat de haute tenue, mais nous sommes aussi observés, c’est normal en démocratie, par des associations qui se battent, qui croient en la volonté d’un gouvernement de gauche de faire avancer les choses et qui étaient vraiment contentes des premiers pas que nous avons faits sur la loi bancaire. Elles se battent depuis des années, comme l’ont rappelé Dominique Potier, Yann Galut, Karine Berger et Éric Alauzet, sur la question de la lutte contre la corruption dans le domaine des industries d’extraction.
Nous n’allons pas refaire le sketch à chaque fois, monsieur le secrétaire d’État : la question n’est pas du domaine du droit, puisque vous m’avez répondu avec beaucoup de précision, ce dont je vous remercie, sur le problème de la conformité avec le droit européen, mais elle est du domaine de la volonté. Nous sommes dans le domaine de la volonté politique. Je ne doute pas de votre capacité à faire preuve de cette volonté, cela a été fait dans le passé. Il faut donc maintenir cette volonté, la conserver et la faire grandir. Nous pouvons tomber d’accord sur cet amendement, je le souhaite vraiment.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement identique no 38 .
Pour ma dernière intervention dans ce débat, je souhaite donner un point de vue politique de fond. Pascal Cherki a eu raison de dire que le débat était de haute tenue et qu’il avait été globalement respectueux, à part à un moment où il a un peu dérapé, ce que je regrette. Ce n’est pas un débat pour ou contre l’entreprise, ou pour ou contre la mondialisation : c’est un débat sur le fait que ces dynamiques s’exercent ou non dans le cadre de la loyauté. Or la loyauté consiste en la régulation, la transparence et la défense de l’économie réelle contre l’économie spéculative. Dans ce combat, notre mouvement politique a certainement besoin de retrouver sa boussole. Aussi, je l’invite à examiner en profondeur, de façon philosophique et politique et non pas technique, la question du sens des combats qu’il mène dans la mondialisation.
Par ailleurs, dans ce combat, les partis et les mouvements politiques ne sont pas seuls : les populations sont organisées, en syndicats, en organisations non gouvernementales, qui défendent leurs intérêts, souvent ceux des plus faibles. Je souhaite donc que l’on fasse des efforts dans les débats publics à venir – parce que ce débat n’est pas terminé : le combat va continuer. Je souhaite que, dans notre manière d’agir et de débattre politiquement, nous mettions un peu de distance avec tout ce qui peut ressembler à des lobbies et que nous fassions des acteurs sociaux, ici et ailleurs, des partenaires d’une autre mondialisation.
Défavorable, puisqu’il s’agit toujours du même problème du reporting des filiales.
Monsieur Potier, je souhaite vous répondre sur la question de la loyauté. La loyauté, tant pour la mondialisation que pour la transparence ou la bonne marche des choses, impose une certaine égalité entre des acteurs qui se retrouvent dans un contexte commun, parfois concurrentiel. Tout l’esprit des directives est d’arriver à mettre plus de loyauté et donc d’égalité entre les différents acteurs sur des sujets sur lesquels ils peuvent se retrouver en compétition. C’est bien l’esprit dans lequel je travaille à titre personnel, et je ne fais de procès d’intention à personne – ni aux ONG, ni aux lobbies, ni aux parlementaires, ni à qui que ce soit, individuellement ou dans le cadre de certaines fonctions. Nombreux sont les parlementaires qui sont amenés à rencontrer les lobbies ou les ONG, souvent utilement parce qu’ils nous informent, nourrissent notre réflexion et améliorent notre capacité à légiférer. Je ne vois donc aucune objection à ce que les parlementaires puissent reprendre ici ou là les propositions de tel ou tel acteur, qu’il soit associatif ou économique.
Mais la volonté est là, elle a été portée par la France, qui a obtenu un certain nombre d’avancées et qui, maintenant, souhaite les transcrire de façon à ce qu’il n’y ait ni plus ni moins de loyauté et que le système soit le plus égalitaire possible pour tous. Le Gouvernement reste donc défavorable à ces amendements s’ils étaient maintenus.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir salué le travail exceptionnel et indispensable des ONG dans l’accompagnement et l’expertise qu’elles procurent à la représentation nationale.
Sur le fond, j’entends bien votre argument sur la loyauté et sur l’égalité, mais il faut parfois que le Parlement fasse preuve d’innovation et d’audace et peut-être, en toute humilité, de courage politique pour soutenir des combats qui ne sont pas menés par l’ensemble des autres pays. Jusqu’à maintenant, la France a fait preuve de ce courage. Aujourd’hui, comme l’a très subtilement dit Karine Berger, qui a été avec Dominique Potier, Pascal Cherki, Sandrine Mazetier et d’autres, à l’initiative des avancées exceptionnelles que nous avions obtenues dans la loi bancaire, nous connaissons une pause. J’espère qu’elle sera de courte durée et que nous pourrons extrêmement rapidement relancer l’offensive contre les paradis fiscaux et l’argent sale qui sont de véritables fléaux pour nos modèles sociaux, tant en Europe que dans les pays en voie de développement.
Le premier combat des ONG, et c’est tout à leur honneur, est d’avoir lutté contre les paradis fiscaux parce qu’elles accompagnaient les pays en voie de développement et voyaient le pillage dont ils faisaient l’objet. Elles ont compris, et fait en sorte que nous prenions conscience de la nécessité de ce combat, et de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales et contre la corruption dans ces pays en voie de développement. Nous acceptons de retirer ces amendements, mais pour nous, le combat continuera dans les semaines et les mois qui viennent.
L’amendement no 38 est retiré.
L’amendement no 17 est retiré.
La parole est à M. Christophe Caresche pour soutenir l’amendement no 1 .
L’amendement no 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je pense que, cette fois-ci, le Gouvernement sera d’accord. Il s’agit, à la fin de l’alinéa 15, de substituer aux mots « par le décret en Conseil d’État prévu au V du présent article. » les mots « comme suit : », puis d’insérer sept alinéas relatifs aux droits à la production, aux impôts ou taxes perçus sur le revenu, aux redevances, aux dividendes, aux primes de signature, de découverte et de production, aux droits de licence et enfin aux paiements pour des améliorations des infrastructures.
En effet, en l’état, le projet de loi de transposition renvoie à un décret d’application pour le détail des données qui devront être publiées par les entreprises. Ce type d’informations peut en effet relever du domaine réglementaire, comme c’est le cas dans la loi bancaire de 2013. Cela étant, les obligations de reporting des banques ont été incluses dans le texte de loi. Nous demandons donc de traduire dans la loi, et non dans un décret, ces avancées que nous avons obtenues, que nous souhaitons conforter et que la directive matérialise. Je pense vraiment que nous ne sommes même plus dans le domaine de la conformité au droit, ni même plus dans le domaine de la volonté, mais dans celui de la transcription de bon sens. Je ne doute donc pas que vous accéderez à notre demande, monsieur le secrétaire d’État, et je termine mon intervention le coeur confiant !
Je rejoins l’argumentation de l’excellent Pascal Cherki, car il est important de préciser les choses. Nous sommes vraiment dans le coeur du débat. Il est important que soit gravé dans le marbre de la loi ce qui doit être pris en compte, et qui permet donc l’efficacité du reporting pays par pays : les droits à la production, les impôts ou taxes perçus sur le revenu, les redevances, les dividendes, les primes de signature, de découverte et de production, les droits de licence, les paiements pour des améliorations des infrastructures. Nous sommes vraiment dans la précision, dans le détail, et cet amendement est parfaitement dans la logique de ce qui a été fait dans la loi bancaire. Sur cette question, le Gouvernement pourrait donc aller dans notre sens.
En revanche, l’amendement no 28 pose problème car il diffère de la directive dans le 2° du II et dans son dernier alinéa. S’il n’est pas retiré, j’y serai défavorable.
N’oubliez pas, monsieur le secrétaire d’État : la directive, rien que la directive !
Sourires.
Je ne sais pas, monsieur Cherki, si c’est la mort dans l’âme ou le coeur léger que vous repartirez, mais il faut éviter les faux débats, qui pénalisent tout le monde. Le Gouvernement ne marque pas de pause dans cette affaire. Ce n’est pas parce que l’ensemble des préoccupations actuelles ne sont pas prises en compte qu’il ne faut pas rappeler, comme cela a d’ailleurs été fait à la tribune par beaucoup d’entre vous, que ce texte va donner lieu à des avancées importantes dans bien des domaines. Je crois qu’il serait préjudiciable à notre action et à sa valorisation de laisser entendre que le Gouvernement, par sa rigidité, marquerait une pause.
Cela étant, comme j’ai beaucoup d’affection pour vous…
Sourires.
Mais non, rassurez-vous, madame Berger ! Certes, ces amendements devraient normalement relever du domaine réglementaire. Toutefois, pour lever toute ambiguïté et vous montrer que votre volonté commune est respectée, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée pour ce qui est des amendements nos 16 et 39 .
Cependant, et n’y voyez aucunement une posture de ma part, monsieur Alauzet…
Je ne l’ai pas imaginé un seul instant, monsieur le secrétaire d’État !
…le Gouvernement ne sera pas favorable au no 28, qui répond moins bien à la préoccupation exprimée. Il est quasi identique, mais de petites différences de rédaction justifient cet avis.
L’amendement no 28 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements, nos 40 , 29 et 11 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement no 40 .
Nous revenons avec cet amendement au coeur du sujet et de la bataille que nous avions menée à l’occasion de l’examen du projet de loi bancaire.
Je rappelle que la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires et la directive CRD IV obligent les banques à publier annuellement les informations suivantes : nom des implantations et nature des activités ; produit net bancaire et chiffre d’affaires ; effectifs, exprimés en équivalent temps plein ; bénéfice ou perte avant impôt ; montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables ; subventions publiques reçues.
Cette mesure est déjà opérationnelle puisque les banques ont commencé en 2014 à publier deux informations pays par pays : les effectifs et le chiffre d’affaires. Certes, comme l’a noté Karine Berger, cela n’est pas satisfaisant, mais le reste des informations sera exigé en 2015.
Lorsque le décret d’application de l’article 7 de la loi bancaire sera paru, ce sont toutes les grandes entreprises françaises, y compris les entreprises concernées par le présent article, qui seront sommées de publier lesdites informations. Notre amendement vise à préciser cela.
En 2013, la France s’est positionnée clairement en faveur de la publication de ces informations dans tous les secteurs au niveau européen. Le président Hollande a ainsi indiqué, le 10 avril 2013 : « Je veux que cette obligation [de reporting pays par pays] soit également appliquée au niveau de l’Union européenne et, demain, étendue aux grandes entreprises ».
Le présent amendement s’inscrit donc pleinement dans la logique de ce que nous défendons depuis un an.
Cet amendement vise lui aussi à améliorer le reporting, et donc la transparence. La loi de régulation des activités bancaires ainsi que la directive CRD IV instaurent la transparence des activités bancaires pays par pays. En 2013, la France, par la voix de son président, François Hollande, s’est positionnée clairement pour une extension de cette obligation à l’ensemble des secteurs.
Il y a deux jours, l’OCDE a elle aussi défendu l’idée d’une plus grande transparence des activités des multinationales. Elle souhaite ainsi exiger de ces dernières qu’elles transmettent aux administrations fiscales des pays où elles opèrent des informations détaillées, pays par pays, concernant leur chiffre d’affaires, leurs profits, leurs actifs, leurs effectifs ou encore les impôts acquittés.
En soumettant le secteur extractif, après les banques, à cette obligation de transparence, la France saura, encore une fois, être le fer de lance de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales.
La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement no 11 rectifié .
Les précédents orateurs ayant dit l’essentiel, je serai bref.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré tout à l’heure que vous vouliez offrir une preuve d’amour. Vous l’avez fait. Mais vous connaissez le dicton : il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ! Afin de le suivre, je vous invite à passer du singulier au pluriel et à nous donner plusieurs preuves : vous marquerez ainsi votre amour envers le travail des associations et de la représentation nationale !
Sourires.
Avis défavorable : il s’agit toujours de la question du reporting et ma position demeure inchangée.
Le plaisir est dans le désir, monsieur Cherki… Par conséquent, le Gouvernement vous demande de patienter encore un peu avant de nouvelles preuves d’amour !
Rires.
Bref, l’avis du Gouvernement est défavorable.
L’amendement no 40 est retiré.
Les amendements nos 29 et 11 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Il s’agit d’un amendement particulièrement important, puisqu’il vise à assurer la publication sur internet des principaux marchés conclus entre les sociétés mentionnées au I et l’État. Le but est d’aller très loin en matière de transparence, en encourageant et en accompagnant le mouvement en cours dans plusieurs pays du Sud, avec la publication d’un nombre croissant de contrats pétroliers et miniers en République démocratique du Congo, la mise en ligne des contrats miniers en Guinée ou l’application de l’article 150 de la Constitution du Niger. Dernièrement encore, la Tunisie, où le Premier ministre a fait un déplacement remarqué afin de marquer le soutien de la France à son développement et à son évolution, a adopté une nouvelle Constitution qui exige que ces contrats soient soumis à l’Assemblée pour approbation.
Il s’agit donc pour nous, pays du Nord, de nous mettre à l’unisson.
La publication des contrats d’exploitation des ressources naturelles est de plus en plus répandue. Grâce à l’expertise des ONG, nous avons pu prendre connaissance de législations qui, dans certains pays en voie de développement, l’imposent : par exemple, la publication d’un nombre croissant de contrats pétroliers et miniers en République démocratique du Congo, la mise en ligne des contrats miniers en Guinée, ou l’article 150 de la Constitution du Niger ; la nouvelle constitution tunisienne exige quant à elle que ces contrats soient soumis à l’Assemblée pour approbation. On observe par conséquent une mobilisation de plusieurs pays en voie de développement en faveur d’une plus grande transparence.
Au niveau des institutions financières internationales, la politique de durabilité environnementale et sociale de la Société financière internationale prévoit l’obligation, dans les deux ans après son adoption, de publier les contrats dans le secteur extractif comme condition pour bénéficier d’un soutien. Quant à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, elle a adopté la même obligation dans sa politique énergétique.
Enfin, la nouvelle norme de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, l’ITIE, à laquelle la France est en train d’adhérer, encourage la publication des contrats et la transparence sur les bénéficiaires effectifs. La France et les pays du G8 en cours d’adhésion à la norme se doivent par conséquent d’inclure les obligations de publication dans la mise en oeuvre nationale des standards de l’ITIE.
Je crois me souvenir que c’est à propos de cet amendement que, lors des débats en commission, durant lesquels fut utilisé de manière réitérée l’argument de l’atteinte à la concurrence, le rapporteur s’est montré le plus véhément.
Mes collègues ont mentionné les procédures adoptées par différents pays. Ainsi, les contrats conclus par Total sont rendus publics en Mauritanie et au Congo sans qu’apparemment cela ne cause de préjudice à personne. Les réactions ici méritent donc explication. Pourquoi une telle pusillanimité ? Sans doute s’agit-il d’informations extrêmement sensibles : c’est un sanctuaire, il ne faut surtout pas aller voir ce qui s’y passe… Toutefois, j’aimerais savoir quel risque concurrentiel véritable entraînerait une divulgation de ces contrats.
Je vais essayer de répondre le plus simplement possible. Il est vrai qu’un certain nombre de pays dans lesquels se situent ces activités ont décidé de faire la transparence et de publier les contrats et les marchés. C’est une très bonne chose. Mais dans ce cadre, la transparence s’applique à toutes les sociétés : Total, mais aussi Exxon ou les sociétés chinoises. Il n’y a donc pas de distorsion de concurrence.
En revanche, si vous demandez à la France d’instaurer seule la transparence sur ces marchés, alors que ni les États-Unis ni la Chine ne le font, cela ne s’appliquera qu’aux sociétés françaises et posera un problème d’égalité dans un secteur qui, je le répète, est stratégique pour la France. Moi, je suis un député français, pas un citoyen du monde !
N’ayons pas peur de défendre nos intérêts nationaux ! En tout cas, personnellement, cela ne me choque pas.
Si nous adoptions cette disposition, cela reviendrait à interdire aux sociétés françaises de concourir sur certains marchés, par exemple dans des pays qui demandent la confidentialité de certains contrats ou de certaines dispositions : elles ne pourraient même pas répondre aux appels d’offres ! Pour le coup, il y aurait distorsion de concurrence ! C’est ce que j’avais dit en commission.
Que des pays dans lesquels se situent ces activités fassent cette démarche me semble positif, mais cela ne doit pas nous conduire à adopter de telles dispositions. Avis défavorable aux trois amendements, donc.
Autant, sur d’autres sujets, on pouvait souhaiter pouvoir tomber d’accord, autant ici l’argumentation développée par le rapporteur me semble implacable ! Je ne répéterai donc pas ce qu’il a dit. Si ces amendements étaient maintenus, le Gouvernement y serait très défavorable.
J’entends une partie de votre argumentation, monsieur le rapporteur – vous qui comme moi êtes socialiste et donc aussi citoyen du monde ! Ne radicalisons donc pas nos différences : on peut être à la fois un bon patriote et un bon internationaliste. Je n’ai pas à vous rappeler la phrase de Jaurès qui illustre les rapports dialectiques entre l’internationalisme et la nation.
Monsieur le secrétaire d’État, en l’état actuel du droit, il peut certes y avoir distorsion de concurrence au détriment des entreprises françaises, mais puisque le Gouvernement français est moteur dans le cadre des discussions du G20, je vous demande s’il est déterminé à mettre toutes ses forces dans la bagarre pour obtenir l’adoption de normes, de recommandations et d’une convention internationale qui rende obligatoire la publication de ces contrats. Il faut arriver à concilier la protection de nos intérêts nationaux avec nos valeurs fondamentales et notre combat universel. Si vous me dites que la France est engagée dans cette bataille et que ce sera la prochaine étape, il est bien évident que cet amendement serait prématuré. Mais laissez-nous un espoir, monsieur le secrétaire d’État !
Sur un sujet aussi important et aussi technique, il serait quelque peu présomptueux de ma part de préjuger de la position de la France, mais il est bien connu que notre pays souhaite progresser et être moteur dans les discussions sur ce sujet, notamment au G20. Je ne peux pas vous donner une réponse très circonstanciée, puisqu’il faut tenir compte des équilibres que la France est parfois obligée de trouver entre des volontés contraires. Je n’ai pas été mandaté pour vous donner une réponse plus précise que celle que je viens d’apporter.
L’amendement no 9 est retiré.
L’amendement no 45 est retiré.
L’amendement no 30 est retiré.
Monsieur le secrétaire d’État, certes il faut parfois susciter le désir, mais trop de désir inassouvi entraîne une immense frustration ! Il s’agit ici d’un petit amendement, et je vous invite à offrir à l’Assemblée une petite gâterie en l’acceptant…
Avis favorable, parce que lorsque des amendements sont pertinents, monsieur Cherki,…
Je ne suivrai plus M. Cherki dans son petit jeu, qui n’a peut-être pas sa place dans cet hémicycle, même en fin de semaine, mais je suis favorable à son amendement.
Cet amendement propose d’annexer au rapport annuel de l’entreprise le rapport sur les paiements pour rendre celui-ci plus accessible.
Avis défavorable, car le rapport annuel de gestion n’est pas obligatoire. Il vaut mieux conserver la formule retenue, c’est-à-dire un rapport spécifique publié sur le site de l’entreprise.
À partir du moment où l’on oblige à la publication de l’annexe, ce qui est l’esprit et la lettre même de la directive, je ne vois pas pourquoi l’on obligerait aussi sa publication en annexe du rapport annuel, qui n’est d’ailleurs pas lui-même pas obligatoirement publié ! Ainsi, les sociétés non cotées peuvent choisir de ne pas le déposer au greffe et donc a fortiori de ne pas le diffuser. Bref, cela aboutirait à un dispositif vraiment bancal. Cet amendement me semble déplacé par rapport à l’objectif de transposition de la directive. Je suggère que vous le retiriez, monsieur Alauzet. À défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement no 31 est retiré.
La parole est toujours à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 21 .
Contrainte sans sanction est souvent coup d’épée dans l’eau. Cet amendement propose de rendre les sanctions réellement dissuasives afin d’éviter que les entreprises ne présentent des informations fausses ou partielles. C’est le sens de la directive que nous transposons dans le droit français par le biais du présent article. Nous ne serions pas les premiers à le faire, puisque l’Allemagne et le Royaume-Uni ont déjà introduit des dispositions similaires dans le cadre de leur propre transposition.
S’agissant des sanctions, j’ai expliqué en commission qu’on pouvait essayer de rendre le texte plus précis. Le Gouvernement va présenter un amendement à ce sujet qui me semble intéressant et qui va dans votre sens, monsieur Alauzet. Par conséquent, à ce stade, je donne un avis défavorable.
Ainsi qu’il vient d’être dit, le Gouvernement s’apprête à faire une proposition concernant les sanctions. C’est un sujet dont on pourrait discuter longuement, qu’il s’agisse de distinguer entre actes délictueux et non délictueux ou encore du montant des amendes. Certes, même en passant de 1 200 euros ou 3 700 euros à une somme supérieure, même 500 000 euros, pour certaines sociétés que nous avons en tête, cela resterait des amendes dérisoires. La question n’est donc pas tant l’amende – une peine de prison me paraît excessive – que de trouver une sanction au niveau du délit qui permette au juge d’obliger à rendre cette sanction publique, ce qui serait l’effet recherché puisque nous recherchons la transparence. Je propose à M. Alauzet de se rallier à l’amendement no 73 du Gouvernement et de retirer le sien.
Je note la volonté du Gouvernement de rendre les obligations plus efficace, volonté qui nous est commune. La sanction que je propose peut paraître faible, mais j’ai moi-même évoqué tout à l’heure l’importance croissante du risque réputationnel pour les entreprises, et l’amendement du Gouvernement va dans ce sens. Je retire donc mon amendement.
L’amendement no 21 est retiré.
Oui, madame la présidente, mais le ministre vient d’évoquer l’amendement qu’il va présenter concernant les sanctions. Or, mes deux amendements proposaient de préciser que celles-ci devaient être effectives, proportionnées et efficaces pour être dissuasives. Je les retire et j’attends avec beaucoup d’intérêt politique la proposition du Gouvernement.
Il suit la même logique que ceux de mes excellents collègues MM. Alauzet et Cherki, madame la présidente. Je le retire.
L’amendement no 43 est retiré.
Par cette proposition, le Gouvernement répond à la préoccupation de toute cette série d’amendements. Il élève le niveau de la sanction – les juristes présents ici reconnaîtront que nous nous situons au niveau des délits – et en outre prévoit l’application, en cas de condamnation, d’une peine complémentaire prononcée par le juge, de publicité ou d’affichage de la sanction. Cette peine complémentaire sera d’un effet particulièrement dissuasif à l’encontre des entreprises, car l’on a bien dit que l’exemplarité était nécessaire pour la transparence.
Nous en venons aux deux autres amendements identiques.
La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement no 44 .
Il s’agit de compléter l’alinéa 20 par la phrase suivante : « Les paiements, les activités et les projets ne peuvent pas être fractionnés ou regroupés pour éviter l’application des dispositions prévues par le présent article. » Le rapport de paiement ne doit pas pouvoir faire figurer des paiements regroupés sous peine de sanctions. Cela vise à éviter le manque de transparence qui résulterait de regroupements ou de fractionnements des paiements.
Il faut en effet rendre impossibles les fractionnements ou regroupements, pratiqués éventuellement dans le but d’échapper à la loi. Afin d’assurer une meilleure traçabilité et un reporting plus complet, il est nécessaire de disposer de l’ensemble des informations.
Avis favorable à l’amendement du Gouvernement. Quant aux deux autres, ils sont d’ores et déjà satisfaits et je demande leur retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements, qui sont satisfaits. L’alinéa 16 précise en effet que lorsque les paiements ont été imputés à un ou plusieurs projets spécifiques, le rapport précise également le montant total et par catégorie des paiements effectués pour chacun des projets. Cette notion de projet est par ailleurs très précisément définie.
L’amendement no 44 est retiré.
L’amendement no 69 est retiré.
L’amendement no 73 est adopté.
Le groupe écologiste propose par cet amendement de rendre l’obligation de transparence plus efficace, notamment pour réduire toute forme d’occasion de détournement. Il est pour cela nécessaire de renforcer les sanctions, non seulement lorsque les informations sont manquantes mais également quand elles sont trop partielles ou erronées. Une disposition similaire est appliquée en Allemagne.
Avis favorable. Cet amendement apporte des précisions sans alourdir le dispositif.
Même avis. C’est un amendement utile.
L’amendement no 32 est adopté.
L’article 8, amendé, est adopté.
Les articles 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 sont successivement adoptés.
L’article 20 concerne la durée du mandat des gouverneurs et sous-gouverneurs de la Banque de France. Il rend possible leur maintien en fonction au-delà de la limite d’âge afin de permettre que leur mandat atteigne la durée minimum fixée par le droit européen – même si ce dernier ne prévoit aucune règle s’agissant des sous-gouverneurs. Son application aurait pour effet immédiat, selon l’étude d’impact, de prolonger le mandat de l’actuel gouverneur de vingt-cinq jours et celui du premier sous-gouverneur de vingt jours. Elle resterait sans effet sur le mandat du deuxième sous-gouverneur.
Cependant, l’article ne concerne pas que des cas particuliers : il change l’esprit de la loi en remettant en cause l’objectif initialement visé par l’article L. 142-8 du code monétaire et financier, à savoir éviter que les gouverneurs et les sous-gouverneurs de la Banque centrale n’entrent en fonction à un âge trop avancé.
Nous proposons donc une disposition susceptible de respecter à la fois l’article 14-2 du protocole no 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, selon lequel le gouverneur doit siéger au moins cinq ans, et le droit français, qui oblige le gouverneur et les sous-gouverneurs à mettre un terme à leur mandat à l’âge de 65 ans. Pour dire les choses de façon plus rapide, voire caricaturale, il convient de ne pas faire du cas particulier de l’actuel gouverneur l’origine d’une disposition législative.
Tout d’abord, il n’y a pas, à ma connaissance, de cas particulier que cette disposition devrait régler. Vous l’avez d’ailleurs dit vous-même : l’application de l’article 20 n’aurait pour effet que de prolonger d’une vingtaine de jours le mandat du gouverneur actuel. Il ne s’agit donc en rien d’une mesure ad hominem.
En réalité, votre amendement aurait pour conséquence de ramener à 60 ans l’âge limite auquel un gouverneur pourrait être nommé.
Selon moi, cela aurait pour effet de restreindre de façon importante le choix des candidats. Il me paraît utile de préserver la possibilité de nommer une personnalité âgée de plus de 60 ans.
La durée du mandat du gouverneur est fixée à six ans par la législation nationale, tandis que les statuts du système européen de banques centrales prévoient qu’elle ne peut être inférieure à cinq ans. On pourrait donc à la rigueur se demander s’il ne faudrait pas ramener la durée du mandat à cinq ans au lieu de six, puisqu’un gouverneur ayant atteint la limite d’âge peut aller au terme de son mandat. Le Gouvernement a choisi de le maintenir à six ans. Pour ma part, cette solution me paraît bonne. Avis défavorable.
Comme le rapporteur, j’estime qu’il faut éviter de personnaliser cette question, qui a son importance en tant que telle. Je ne voudrais pas que l’on puisse voir dans la proposition du Gouvernement une mesure spécialement destinée à régler le sort des personnes actuellement en fonction. Leur mandat ne serait prolongé que de quelques jours, et elles sont nommées depuis suffisamment longtemps pour que cela ne fasse pas de différence.
Vous estimez que le but recherché par l’article 142-8 du code monétaire et financier est d’éviter de nommer une personne « d’un âge trop avancé ». Mais comment définir un tel âge ? C’est question éminemment subjective !
On peut penser qu’un jeune et frais émoulu des plus grandes écoles d’économie et de finances, fût-il très brillant, n’a pas les qualités d’expérience nécessaires pour occuper un poste à ce niveau de responsabilités. L’usage, et sans doute l’intelligence, conduit plutôt à nommer à ce type de poste des personnes d’un âge mûr, disposant de l’expérience requise – même si elle s’apprécie de façon tout aussi subjective que l’avancement en âge.
Adopter votre amendement reviendrait à ne pas permettre la nomination d’une personne âgée de plus de 60 ans, et même de 59, dès lors que la durée du mandat est maintenue à six ans. Je ne dirai pas que cela aurait pour effet de réduire le vivier dans lequel il serait possible de puiser, car je me souviens vous avoir entendu récuser ce terme, au motif que les candidats ne sont pas des langoustes – a fortiori lorsqu’il s’agit de candidates, puisque tel était alors le sujet de notre discussion ! – mais il n’en demeure pas moins que le choix serait plus limité. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je me contenterai de rappeler M. le secrétaire d’État à son expérience passée de professeur de mathématiques : la froide réalité est que 59 et 6 font 65 et que, qu’on le veuille ou non, la limite de 65 ans est inscrite dans les textes européens. Cela veut bien dire qu’au-delà, une personne est considérée par la sagesse européenne, et non de ma propre opinion, comme étant d’un âge trop avancé.
En tout état de cause, je continue à récuser le terme « vivier », d’autant qu’il est généralement réservé aux femmes et plus rarement destiné aux hommes. Mais je déduis de vos propos qu’à vos yeux, les hommes de moins de 59 ans pouvant faire de bons candidats sont aussi nombreux que les femmes. Nous trouverons donc quelques homards en plus des langoustes !
Pour autant, sensible au propos du rapporteur et du Gouvernement, je retire mon amendement.
L’amendement no 34 est retiré.
L’article 20 est adopté.
L’article 22 est adopté.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement no 20 rectifié .
Je propose de revenir, en partie seulement, je vous rassure, sur la date d’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi : si elles peuvent s’appliquer rapidement aux grandes sociétés, il me paraît nécessaire, s’agissant des sociétés moyennes ou petites, de prévoir un plus long délai et donc de reporter, comme le permet la directive, leur application au 1er janvier 2016.
L’amendement no 20 rectifié est adopté.
L’article 23, amendé, est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements du Gouvernement portant article additionnel après l’article 23.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 51 rectifié .
Par cet amendement, le Gouvernement demande à votre assemblée de l’habiliter à prendre, par ordonnance, les mesures permettant de mettre le droit national en conformité avec le règlement européen sur les dépositaires centraux de titres, ainsi que les mesures d’adaptation et d’harmonisation liées aux systèmes de règlement et de livraison d’instruments financiers, les textes européens en question étant parus après le dépôt par le Gouvernement de son projet de loi. La complexité de ces questions impose en effet que nous entamions dès maintenant le travail de rédaction des ordonnances.
L’amendement no 51 rectifié est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 52 .
Il s’agit également d’autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures destinées à assurer la mise en conformité du code monétaire et financier au règlement sur les abus de marché, ainsi qu’à transposer la directive sur le même sujet.
L’amendement no 52 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 53 .
Il s’agit cette fois de transposer la directive sur les marchés d’instruments financiers – MIFID II – et d’adapter le droit national au règlement européen sur les marchés d’instruments financiers – MIFIR.
L’amendement no 53 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 55 .
L’amendement tend à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive dite OPCVM V », laquelle modifie la directive 200965CE dite OPCVM IV.
L’amendement no 55 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 70 rectifié .
Il s’agit cette fois d’habiliter le Gouvernement, conformément à l’article 38 de la Constitution, à transposer la directive « Audit » du 16 avril 2014, à mettre le droit national en conformité avec le règlement du 16 avril 2014 relatif à l’audit légal des entités d’intérêts publics, et à assurer un cadre cohérent aux règles applicables au contrôle légal des comptes.
L’amendement no 70 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 56 .
Il tend à ratifier l’ordonnance du 20 février 2014 dite « CRD IV ».
L’amendement no 56 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 33 .
Il s’agit plus précisément d’un amendement de coordination. Le Gouvernement y est favorable.
L’amendement no 33 est adopté.
L’article 24, amendé, est adopté.
L’article 25 est adopté.
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, dite « loi FATCA » (nos 2179, 2195, 2193).
Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, l’accord qui vous est soumis aujourd’hui est particulièrement important et novateur. C’est le premier texte signé par la France avec un autre État en vue de permettre la mise en oeuvre d’un échange automatique d’informations à des fins fiscales sur un très large éventail de données bancaires. Cet accord est d’abord le fruit des négociations menées par la France et ses partenaires européens afin de promouvoir un échange automatique sur une base bilatérale et réciproque avec les États-Unis.
À l’origine, la loi FATCA, Foreign account tax compliance act, votée le 18 mars 2010 par le Congrès américain, impose à toutes les banques étrangères l’obligation de transmettre aux États-Unis des informations sur les comptes des citoyens américains, quelle qu’en soit la localisation. En cas de non-respect de cette obligation, une retenue à la source de 30 % est appliquée aux revenus financiers versés depuis les États-Unis vers les comptes tenus par l’établissement. La France a été à l’origine d’une démarche alternative, avec quatre de ses partenaires : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, appelés le « Groupe des 5 » ou G5.
Cette démarche a abouti à un modèle intergouvernemental permettant d’obtenir plusieurs avantages. D’abord, les échanges d’informations se feront d’administration à administration, ce qui offre des garanties en termes de confidentialité, de formats ou de procédures d’échange calquées sur les formats existants. Ensuite, un accord bilatéral permet de considérer que l’ensemble des institutions financières du pays signataire se conforment à FATCA et sont de ce fait dispensées de la retenue à la source, si l’accord est respecté. Enfin, les États européens ont pu négocier avec les États-Unis tant sur les modalités pratiques que sur le champ des établissements concernés. La France et ses partenaires ont surtout obtenu, par ce modèle d’accord, que les États-Unis acceptent le principe de réciprocité, de sorte qu’ils fourniront également des informations à notre administration fiscale sur des comptes bancaires détenus aux États-Unis. Je reviendrai dans un instant sur ce point car je sais que vous y êtes, à juste raison, particulièrement sensibles.
C’est donc ce modèle, proposé par la France et repris depuis par la plupart des États avec lesquels les États-Unis négocient sur ce sujet, qui a servi de cadre de référence à l’accord franco-américain signé en novembre dernier. Concrètement, l’accord fixe le cadre de l’échange automatique d’informations et précise l’ensemble des procédures que les deux États devront mettre en oeuvre. Les autorités françaises collecteront ainsi des informations sur les citoyens et résidents des États-Unis : identification, soldes des comptes, valeurs de rachat des contrats d’assurance-vie et revenus financiers. En adoptant, il y a un an, les dispositions depuis codifiées à l’article 1649 AC du code général des impôts et modifiées cet été en lois de finances rectificatives, le Parlement a par ailleurs adapté notre droit interne pour créer l’obligation nécessaire et la capacité de l’administration française à collecter ces informations. La première transmission est fixée au 30 septembre 2015. Elle sera ensuite annuelle.
Je souhaite revenir plus en détail sur deux points sur lesquels la présidente de la commission des affaires étrangères, notamment, m’a interrogé à la suite des débats en commission : la réciprocité et la protection des données. En réponse à la demande de la France, les États-Unis ont accepté, comme je le disais, un principe général de réciprocité qui sera mis en oeuvre dans les domaines, très majoritaires, où leur législation le permet. En outre, ils se sont expressément engagés à promouvoir des réformes pour parvenir à une réciprocité complète. Les États-Unis devront ainsi nous transmettre dès 2015, pour les résidents français disposant d’un compte dans un établissement américain, le numéro de compte ainsi que le montant des intérêts, dividendes et autres revenus versés ou crédités. L’identification des comptes nous permettra ensuite de demander les autres informations, notamment les soldes, au cas par cas, dans le cadre de la convention fiscale bilatérale existante. L’accord confère aussi à la France le droit de disposer de toute clause plus favorable signée par les États-Unis dans un accord de nature identique.
Enfin, en matière de protection des données, l’accord rappelle bien que les informations échangées sont soumises au secret fiscal et qu’elles ne sont utilisables qu’à des fins fiscales, comme toute information fiscale échangée dans le cadre des conventions classiques. L’administration française échange en profondeur avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur les modalités de cet accord ; et, par ailleurs, le modèle intergouvernemental FATCA a été jugé compatible avec la directive européenne par le groupe des représentants des autorités nationales et le Contrôleur européen de la protection des données.
Mais cet accord se situe dans un cadre plus large et prometteur encore. Grâce aux efforts de la France et de ses partenaires, nous pourrons bientôt instituer un système multilatéral d’échange automatique, copié sur FATCA, qui représente une chance historique de faire enfin reculer le secret bancaire. FATCA a permis de promouvoir l’échange automatique au niveau international en impliquant de nombreux États, dont des centres financiers, désormais privés d’arguments qui leur permettraient de ne pas mettre en oeuvre ce nouveau standard.
Dans une lettre commune datée du 9 avril 2013 et envoyée à la Commission européenne, la France et ses partenaires du G5 ont signifié leur volonté de développer un projet pilote multilatéral reposant sur un format d’échange inspiré de celui prévu dans les accords FATCA américains. Parallèlement, lors du sommet de Saint-Pétersbourg de septembre 2013, ces cinq États ont convaincu le G20 de confier à l’OCDE la réalisation d’un standard mondial, qui aurait vocation à s’appliquer aussi bien en Europe que dans le reste du monde. Le standard unique est désormais adopté par l’OCDE et sera présenté au prochain G20, auquel participera le ministre Michel Sapin, demain en Australie. Il reprend lui aussi le champ et les procédures de FATCA.
La France et ses partenaires ont parallèlement rassemblé une masse critique de quarante-sept États et territoires partenaires qui s’engagent à mettre en oeuvre le standard le plus tôt possible, pour un premier échange en 2017. Au moins neuf autres États devraient les rejoindre en 2018. Ils signeront des accords d’échange automatique d’informations entre eux à la fin du mois d’octobre, à l’occasion de la prochaine réunion plénière du Forum mondial pour la transparence fiscale. Bien sûr, nous espérons que ce cercle s’élargisse encore.
Enfin, l’initiative du G5 a été soutenue et reprise par le Conseil européen en vue d’une mise en oeuvre rapide de l’échange automatique d’informations au sein de l’Union européenne, grâce à la révision de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, qui permettra d’intégrer le standard d’échange de l’OCDE dans la législation communautaire. Le Conseil a appelé à une adoption rapide de la directive à la fin de cette année 2014.
Ce mouvement, que nous soutenons par tous les moyens, est désormais en marche. Il est irrémédiable, comme en témoigne le ralliement de plusieurs centres financier importants. Nous vous proposons aujourd’hui de franchir ensemble une nouvelle étape en ratifiant cet accord, comme l’a déjà fait cet été le Sénat.
Très bien !
La parole est à Mme Estelle Grelier, rapporteure de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, chers collègues, mercredi dernier, la commission des affaires étrangères a adopté le présent projet de loi visant à autoriser l’approbation de l’accord dit FATCA entre la France et les États-Unis.
Il s’agit d’un accord d’un type nouveau en matière fiscale, d’une étape essentielle dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales. Il prévoit en effet, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, l’échange systématique, automatique et réciproque, chaque année, de données bancaires entre l’administration fiscale américaine et l’administration fiscale française. Ainsi le fisc est-il autorisé à disposer régulièrement et sans démarche préalable d’informations qui ne lui étaient jusqu’à présent accessibles que dans les conditions assez lourdes de l’échange sur demande. L’accord lui permet de traiter le grand nombre et le dispense de l’obligation de procéder au cas par cas en formulant une demande spécifique et motivée.
L’échange automatique d’informations est la condition sine qua non pour mettre le fisc à niveau face à la multiplication des fraudes qui reposent sur un simple franchissement des frontières comme sur l’usage du secret bancaire. Ce phénomène avait été souligné par plusieurs rapports parlementaires, dont celui de Mme Élisabeth Guigou et de M. Daniel Garrigue, qui avait conduit à l’adoption d’une résolution par l’Assemblée nationale en 2009, ou plus récemment celui de MM. Bocquet et Dupont-Aignan.
Pour être tout à fait précise, l’échange automatique d’informations fiscales est une révolution à l’échelle internationale mais pas au niveau européen, où il s’applique déjà depuis près de dix ans. En effet, la directive épargne de 2003 organise entre les États membres de l’Union européenne la transmission automatique des informations sur les revenus de l’épargne. Toutefois, ce dispositif a été assorti d’une dérogation pour les États à secret bancaire, ce qui permet encore à l’Autriche et au Luxembourg de ne pas les communiquer, en prélevant, en remplacement, une retenue à la source.
FATCA est, vous l’avez rappelé, une initiative législative américaine, prise en 2010 en réaction aux affaires qui ont été mises au jour par la justice américaine au cours des années 2000, notamment l’affaire UBS. En effet, les banques suisses ont illégalement organisé au bénéfice des contribuables les plus fortunés, par démarchage sur le territoire américain, des mécanismes dont le seul but était de faire échec à la taxation des revenus de l’épargne américaine à l’étranger. Les États-Unis ont adopté une législation extraterritoriale et unilatérale qui impose aux banques étrangères de transmettre les données relatives à leurs clients américains ou aux résidents fiscaux aux États-Unis. À défaut, une retenue à la source de 30 % est opérée sur les versements financiers faits depuis les États-Unis en leur faveur. Les États-Unis ont pu le faire car il y avait à la clef l’accès au marché américain !
Cinq de leurs principaux pays partenaires, très allants dans la lutte contre la fraude fiscale internationale et contre les paradis fiscaux, les pays qui forment le G5, ont engagé des discussions avec les États-Unis de manière à ce que FATCA soit mis en oeuvre dans le cadre d’accords internationaux et non pas sur une base unilatérale. Cette démarche a été couronnée de succès, car les États-Unis ont accepté de conclure des accords d’État à État et d’entrer dans une logique bilatérale. Trente-sept pays à ce jour, dont la France, ont ainsi conclu des accords FATCA de type 1 où les transmissions de données bancaires se font d’État à État. Dans ce schéma, l’administration fiscale nationale collecte les éléments concernant les comptes domiciliés sur son territoire et les transmet à son homologue. Quelques autres pays, dont la Suisse, le Japon, l’Autriche et les Bermudes, ont préféré, il faut le souligner, des accords d’une autre nature, dits de type 2, selon lesquels les banques transmettent directement les données à l’IRS.
FATCA a ainsi été à 1’origine d’un développement extrêmement rapide de l’échange automatique d’informations au niveau international comme européen. D’abord, sous l’impulsion des cinq pays européens du G5, le G20 l’a imposé comme norme de transparence fiscale en septembre 2013, soit quatre ans seulement après avoir réussi à obtenir, en 2009, de manière à l’époque inespérée, la généralisation de l’échange sur demande. L’OCDE, qui héberge le Forum mondial sur la transparence et l’échange automatique d’informations en matière fiscale, a été chargée d’établir un standard mondial. Celui-ci sera présenté au prochain G20 des ministres des finances et des banques centrales en Australie, les 20 et 21 septembre prochains. Au plan juridique, la mise en oeuvre de cette nouvelle norme est facilitée par le nombre croissant d’adhésions d’États à la convention multilatérale du Conseil de l’Europe et de l’OCDE sur la coopération fiscale. Conclue en 1988 et actualisée depuis lors, celle-ci est le cadre idéal pour assurer dans un avenir proche et à grande échelle l’échange automatique d’informations. Les premiers échanges automatiques sont prévus pour être mis en place par la France et quarante-cinq pays ou territoires, selon un calendrier précis, d’ici à 2017.
Ensuite, au niveau européen, parallèlement à la révision de la directive épargne de 2003, qui vise à l’étendre aux produits de taux qui y échappaient encore, notamment l’assurance-vie, et pour faire obstacle à la technique de l’interposition de sociétés écrans ou de structures telles que des trusts, le G5 a obtenu du Conseil européen le principe d’une révision rapide de la directive de 2011 sur la coopération administrative en matière fiscale entre États membres de manière à y intégrer, sur une base plus large et conforme au standard OCDE, l’échange automatique d’informations. On assiste donc à un mouvement de transparence fiscale qui concerne même la Suisse, le Luxembourg et l’Autriche, et les autres pays ou territoires traditionnellement non coopératifs en raison de leur secret bancaire. Ce maillage est le plus complet possible afin qu’aucun État ou territoire ne puisse rester une zone d’ombre. Cela laisse clairement entrevoir la fin des paradis fiscaux. D’ailleurs, nous constatons, avant même son entrée en vigueur, que la seule perspective de la transparence fiscale internationale a conduit un grand nombre de Français à rapatrier sans attendre leurs avoirs de l’étranger, notamment de Suisse, pour un montant total de 1,3 milliard d’euros.
En dépit de son intérêt évident, l’accord FATCA a suscité des débats sur plusieurs points au sein de la commission des affaires étrangères. Vous les connaissez déjà, monsieur le secrétaire d’État, puisque la présidente de la commission des affaires étrangères, Mme Élisabeth Guigou, a souhaité vous en faire part sans délai. Votre courrier en réponse, transmis aux membres de la commission, comme les éléments que vous venez de nous donner nous ont éclairés.
Le premier point qui a été soulevé en commission a été celui de la réciprocité. Bien que le principe général en ait été admis par les États-Unis, les informations communiquées par eux ne seront pas identiques à celles transmises par la France. L’IRS nous fournira certes les numéros de compte et les montants des intérêts, dividendes et autres revenus, mais ni les soldes bancaires ni les valeurs de rachat des contrats d’assurance vie, car la loi américaine ne le permet pas en l’état. La France fournira en revanche, d’emblée, ces mêmes soldes et valeurs de rachat.
La déclaration d’intention est claire : les États-Unis se sont engagés à modifier leur législation. Certains sont cependant sceptiques sur la capacité de l’exécutif à obtenir un vote du Congrès en ce sens. Ni la clause de la nation la plus favorisée, qui garantit à notre pays l’application de toute clause d’un autre accord FATCA qui serait plus efficace, ni la disposition qui nous protège contre toute modification contraire à nos intérêts de la législation américaine n’ont pu pour l’instant emporter la conviction de tous. Pouvez-vous donc, monsieur le secrétaire d’État, nous confirmer la portée de l’engagement américain et nous renouveler toutes les assurances nécessaires en indiquant qu’en tout état de cause, l’accès du fisc français aux soldes bancaires sera possible sans aucune difficulté dans le cadre de l’échange d’informations sur demande ?
Ensuite, pour ce qui concerne l’identification des comptes américains, qu’ils appartiennent aux personnes physiques ou aux personnes morales ou assimilées, le texte de l’accord est très détaillé en ce qui concerne les obligations des banques françaises. À l’inverse, rien n’est dit sur les banques américaines. On s’en remet donc à la loi américaine. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le secrétaire d’État, que la France n’en pâtira pas ? Il ne s’agit en fait que d’appliquer les mêmes principes et règles que ceux prévus en matière de lutte contre le blanchiment, lesquels imposent à la banque de connaître son client.
Le deuxième point soulevé en commission des affaires étrangères concerne l’usage des données transmises aux États-Unis. En France et en Europe, elles sont considérées comme des données personnelles. Certains de nos collègues ont exprimé la crainte qu’en dépit de l’objet fiscal de l’accord et du fait que la convention fiscale de 1994 en soit la base juridique, l’accès d’un juge américain à ces données puisse conduire à un usage autre que fiscal. Pouvez-vous donc nous confirmer que le principe de spécialité prévu à l’article 27 de la convention de 1994 s’appliquera sans restriction et que les éléments transmis ne pourront être utilisés à des fins autres que fiscales, même par un juge ?
Pouvez-vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, nous détailler – l’importance du sujet le requiert – tous les éléments qui garantissent la confidentialité et la protection des données afin qu’aucun doute juridique ne puisse plus subsister pour ceux qui appliqueront l’accord à des cas concrets ?
La première transmission de données par l’administration fiscale est prévue pour le 30 septembre 2015, sur les données relatives à 2014. Il convient donc que les banques, les assurances et l’administration fiscale françaises disposent sans tarder de la base juridique complète pour opérer les opérations de collecte puis de transmissions des données. Le Parlement sera particulièrement attentif à la mise en oeuvre de l’accord et nous souhaitons, monsieur le secrétaire d’État, être informés régulièrement de ses modalités d’application. Si nécessaire, l’accord technique entre les administrations fiscales des deux pays, prévu à l’article 3 de l’accord, pourrait être soumis aux parlementaires.
Il reste aussi, sur le plan européen, à réviser la directive de 2011, en veillant à ce que le texte définitif intègre bien les revenus financiers, notamment les dividendes, dans les données soumises à échange automatique d’informations entre États membres de l’Union européenne, et en s’assurant également que les structures opaques, sociétés écrans et trusts, soient bien percées. Pouvez-nous nous confirmer que ce sera le cas, monsieur le secrétaire d’État ?
Pour ma part, je tiens à saluer cet accord FATCA, dont la ratification est urgente. Il vise en effet un objectif incontestable : la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. En revanche, je ne saurais vraiment vous cacher ma conviction que dans un monde idéal, nous aurions obtenu le même résultat sans avoir à subir au départ l’inconfort d’une démarche unilatérale.
Il est clairement préférable qu’à l’avenir la procédure qui a abouti au présent accord reste un cas d’espèce et que s’y substitue une concertation en amont, équilibrée, entre les différentes parties prenantes.
La parole est à M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’être le rapporteur, au nom de la commission des finances, de ce texte très important qui concerne l’accord dit FATCA conclu entre la France et les États-Unis à propos de l’échange automatique d’informations.
Cela me donne l’occasion de rappeler des éléments de contexte, pour expliquer comment nous en sommes arrivés à ce point. Tout d’abord, de quoi parlons-nous ? Comme l’a dit ma collègue Estelle Grelier, nous parlons de la fraude et de l’évasion fiscales. La fraude et l’évasion fiscales en France sont évaluées par des rapports – auxquels vous avez participé, madame la présidente de la commission des affaires étrangères –, des ONG, des syndicats, à un montant compris entre 40 et 80 milliards d’euros par an de manque à gagner sur l’assiette pour les finances de notre pays. Quand on réfléchit à ces sommes-là, et que l’on voit les difficultés budgétaires que nous rencontrons, on peut penser que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales doit être une priorité absolue pour les gouvernements, et en particulier le gouvernement français.
Premier point que je voudrais souligner : la France, depuis maintenant deux ans, a pris cette problématique à bras-le-corps. Nous avons ici même renforcé de manière très importante notre législation pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Ce fut le cas lors de l’examen de différents projets de lois de finances : monsieur le secrétaire d’État, vous avez présenté nombre d’amendements en ce sens lorsque vous étiez rapporteur général du budget. Ce fut aussi le cas lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, texte pour lequel j’avais été désigné rapporteur par la commission des lois.
Ce combat – il faut le dire – vient de loin. Il vient notamment d’une législation qui, certes, a été définie de manière unilatérale, mais qui a donné l’élan à cette lutte internationale. La décision de l’administration Obama d’adopter cette loi dite FATCA en 2010 a été déterminante. La loi FATCA avait pour objectif principal de faire voler en éclats le secret bancaire suisse…
…et de mettre à bas cet État qui – faut-il encore le rappeler – était quand même le coffre-fort du monde en ce qui concerne l’évasion et la fraude fiscales. Sans ce volontarisme américain, nous n’en serions pas là en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales au niveau mondial.
Je comprends les réticences qui s’expriment, notamment pour ce qui touche à la réciprocité : j’en partage certaines ; mais il faut parfois un élan pour aller de l’avant. Ma collègue Estelle Grelier a rappelé nos interrogations, qui sont, monsieur le secrétaire d’État, partagées par les députés de la commission des finances. J’espère que vous nous rassurerez. Malgré nos questionnements, nous avons bien entendu donné un avis favorable à cette nouvelle législation qui nous permettra d’aller de l’avant.
Nous devons continuer à progresser dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales : je tiens à le rappeler devant vous, monsieur le secrétaire d’État, même si je sais que vous partagez cette conviction. Nous devons faire en sorte que l’application de cette loi dite FATCA dont nous autorisons l’approbation s’étende, afin d’aller vers le standard mondial que nous appelons de nos voeux. Sur ce point encore je rappelle l’engagement du gouvernement français, qui est en pointe sur cette question. C’est Pierre Moscovici qui, à l’époque, a lancé le processus : nous avons obtenu des avancées réelles au niveau européen. Demain, Michel Sapin mènera ce combat au niveau de l’OCDE. Je salue à ce propos le travail très important réalisé par l’OCDE.
Je saisis cette occasion, monsieur le secrétaire d’État, pour vous dire qu’avec cette loi FATCA, nous ne résolvons qu’une partie du problème. Nous devons aussi nous attaquer à l’évasion fiscale des grands groupes, des multinationales, ainsi qu’aux questions relatives à l’optimisation fiscale. Une réunion du G20 sur ce thème est justement prévue en Australie demain et après-demain : cela doit nous conduire à réfléchir d’ores et déjà à la manière de franchir cette deuxième étape, malgré les réticences du Conseil constitutionnel. La loi FATCA concerne les particuliers : nous devons aller de l’avant pour ce qui concerne les entreprises. Il sera nécessaire de réfléchir ensemble, parlementaires et Gouvernement, pour renforcer notre législation afin de lutter contre l’optimisation fiscale.
Voilà, mes chers collègues, les éléments que je voulais vous donner. Nos collègues de la commission des finances ont donné un avis favorable à l’approbation de cet accord.
et Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Très bien !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui remonte à 2010, lorsque les États-Unis ont adopté une législation extraterritoriale et unilatérale dénommée FATCA. Cette loi fait obligation aux banques et établissements financiers du monde de transmettre à l’administration américaine les informations dont ils disposent sur les contribuables américains, sous peine d’une retenue à la source punitive de 30 %. Les différents pays n’avaient donc d’autre choix que de se soumettre à ce dispositif, sous peine de se priver du marché bancaire américain. La France et ses partenaires européens du G5 ont estimé que l’on ne pouvait laisser les établissements bancaires seuls face à l’administration fiscale américaine, l’IRS – Internal Revenue Service – et ont donc exigé la signature d’accords bilatéraux sur l’échange d’informations entre administrations fiscales.
Avec cet accord, la France a obtenu le principe de la réciprocité de la part des États-Unis, qui fourniront à l’administration fiscale française des informations sur des comptes bancaires détenus outre-Atlantique. Cet accord, dit « FATCA 1 », comporte quatre mesures principales. Tout d’abord, il centralise les données, qui transiteront par la DGFiP – la direction générale des finances publiques – au lieu d’être transmises directement par les banques, ce qui permettra de diminuer les surcoûts financiers et les incertitudes juridiques du dispositif d’origine. Deuxièmement, les échanges d’informations se feront d’administration à administration, ce qui offre des garanties en termes de confidentialité. Troisièmement, grâce à la clause de la nation la plus favorisée, la France et ses banques bénéficieront de toute stipulation plus favorable que les États-Unis accorderaient à un autre pays. Enfin, l’article 6 engage explicitement les États-Unis à mettre en oeuvre une réciprocité complète dès que leur droit interne les y autorisera.
Concrètement, les autorités françaises collecteront et transmettront, selon un calendrier progressif, des informations financières sur les citoyens et résidents des États-Unis : identification, comptes, soldes des comptes, valeur de rachat des contrats d’assurance, revenus financiers.
Dans le sillage de la loi FATCA, plusieurs initiatives de lutte contre l’évasion fiscale ont également été lancées et dans chacune, la France a pris une part majeure. L’OCDE est en train d’établir un standard mondial d’échange automatique d’informations bien plus efficace que l’actuel système d’échanges « à la carte ». Ce projet, soutenu par la France, sera présenté au prochain G20 des ministres des finances en Australie les 20 et 21 septembre. En Europe, la directive « épargne » de 2003 et la directive sur la coopération administrative de 2011 sont en cours de révision.
Mes chers collègues, grâce à l’échange automatique de données, il n’est plus possible de s’abriter derrière une demande mal formulée ou un quelconque vice de procédure. Cet accord permet à la France de s’inscrire dans une démarche multilatérale sur le sujet de l’évasion fiscale : nous nous en félicitons.
La première transmission de données par l’administration fiscale est prévue pour le 30 septembre 2015 au plus tard. Il y aura ensuite une transmission annuelle. Il devient donc nécessaire de ratifier cette loi dans un bref délai, car il s’agit de ne pas prendre de retard.
Ce dispositif laisse entrevoir la fin des paradis fiscaux : c’est un élément essentiel à prendre en considération et à mettre en balance avec d’éventuels doutes. Car des difficultés se nichent dans les détails : la mise en oeuvre de cet accord devra donc faire l’objet d’une vigilance particulière dans le cadre du contrôle parlementaire.
Tout d’abord, il existe une incertitude sur le principe de réciprocité, et notamment sur le solde des comptes et la valeur des actifs. Les États-Unis se sont formellement engagés à transmettre ces informations dès que leur droit interne le leur permettra – ce qui n’est pas le cas à ce jour. Les élus républicains du Congrès – Rand Paul, sénateur du Kentucky, et Bill Posey, représentant de l’État de Floride – bloquent actuellement la transmission de ces données dans le cadre du dispositif. Si ce blocage demeure, la France pourra néanmoins solliciter les informations manquantes par le biais du système d’échanges à la demande. Cette situation risque de durer jusqu’aux élections de mi-mandat aux États-Unis, qui auront lieu le 4 novembre prochain.
Il faudra également veiller à la cohérence entre la loi FATCA et le futur standard de l’OCDE. Les différences entre ces deux normes sont de trois ordres. La première différence tient à certains choix pratiques comme les seuils, qui sont nombreux dans la loi FATCA. La deuxième différence tient au régime des sanctions. La loi FATCA prévoit une retenue à la source ; ce problème ne peut se poser dans le standard de l’OCDE, fondé sur le principe de l’échange automatique. La troisième différence tient au régime de réciprocité : il est essentiel de pousser les Américains au même niveau d’ambition que l’OCDE.
Divers responsables ont également souhaité une harmonisation fiscale européenne, un « FATCA européen » comme l’ont baptisé certains. Une directive européenne de coopération administrative en matière de fiscalité est actuellement en chantier. Nous souhaitons que le gouvernement appuie de tout son poids les efforts de la présidence italienne pour la mener à son terme.
Mes chers collèges, je vous incite à manifester votre soutien à ce texte, qui est conforme au combat que nous menons depuis quelques années contre l’évasion fiscale. Monsieur le secrétaire d’État, à la demande de la présidente de la commission des affaires étrangères, Élisabeth Guigou, vous avez levé les interrogations qui s’étaient fait jour lors de l’examen du texte en commission. Je vous en remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes conviés à nous prononcer aujourd’hui sur un texte assez consensuel, puisqu’il nous est demandé d’approuver l’instauration d’un système d’échange automatique d’information entre les administrations fiscales française et américaine.
Dix mois après la signature de l’accord entre la France et les États-Unis, ce texte n’est pas une surprise. Il recueille bien entendu notre assentiment. Le dispositif proposé marque en effet une avancée réelle dans la voie de la transparence et de la lutte contre l’évasion fiscale.
Votée en 2010 aux États-Unis, la loi dite « FATCA », qui n’est entrée en vigueur que cette année, avec près de deux ans de retard sur le calendrier initial, représente un point d’appui, un premier pas qui en appelle d’autres. Nous savons que l’OCDE a profité de cette loi américaine pour proposer depuis lors une norme d’échange mondial unique d’informations fiscales. Cette norme prévoit que les États échangeront toutes les informations dont ils disposent sur les avoirs financiers détenus sur leur territoire par un individu ou une société : soldes de comptes bancaires, intérêts et dividendes perçus, ou encore produits financiers.
Ce mode d’échange systématique de données a vocation à se substituer, à compter de 2017, au système d’échange actuel qui fonctionne à la demande et ne se déclenche qu’en cas d’enquêtes du fisc ou de la justice, au gré de la bonne volonté des États. Plus de quarante pays se sont engagés à passer à l’échange automatique de données préconisé par l’OCDE, dont la Suisse et Singapour, le 6 mai dernier, aux côtés d’autres pays tels que l’Autriche, la Malaisie ou l’Arabie Saoudite. Côté européen, les pays qui bloquaient depuis dix-neuf ans toute avancée concrète de l’Union sur ce terrain, le Luxembourg et l’Autriche, ont formellement accepté, en mars, d’appliquer le système d’échange automatique d’informations sur les revenus de l’épargne détenue par les ressortissants européens non-résidents, soit le fameux « FATCA européen ».
Il ne sera plus possible à ces ressortissants d’échapper à l’impôt dans leur pays d’origine. Le Luxembourg et l’Autriche se sont également engagés à adopter, d’ici la fin de l’année 2014 – il ne leur reste pas beaucoup de temps ! – une proposition de la Commission européenne étendant cette transparence aux entreprises et à toutes les formes de revenus. Pour le commissaire européen chargé de la fiscalité, Algirdas Šemeta, « aucun ressortissant européen ne pourra plus se cacher dans l’Union pour échapper à l’impôt, ce qui garantira les choix fiscaux des États. »
Le Parlement européen a par ailleurs adopté en mars une proposition de directive contre le blanchiment d’argent créant un registre public des bénéficiaires de toutes les structures financières de type fondation ou trust.
Ces évolutions encourageantes, nous les devons pour partie à la crise, qui a fait prendre conscience aux États des montants exorbitants que représentent l’évasion et la fraude fiscales. Nous les devons aussi à la mobilisation des ONG et des citoyens qui dénoncent depuis des années les ravages de l’évasion et de la fraude fiscales – notamment en France.
Les paradis fiscaux n’ont cependant pas disparu comme par enchantement ce jour de 2009 où M. Sarkozy, alors Président de la République, déclarait : « les paradis fiscaux, c’est terminé. » Comme le rappelait au Sénat mon collègue et ami Éric Bocquet, entre 2007 et 2012, le montant des avoirs privés placés hors des frontières est passé de 7 300 milliards de dollars à 8 500 milliards de dollars, dont 2 200 milliards ont été placés en Suisse, 2 000 milliards en Irlande, 1 200 milliards aux Caraïbes.
Il reste donc beaucoup à faire pour juguler ce phénomène qui, comme je le souligne fréquemment, n’est pas un simple accident du système capitaliste, une simple dérive. La fraude et l’évasion fiscales sont en effet l’une des conséquences de la soumission des États à la puissance du marché, l’une des conséquences de la concurrence fiscale et de la course au moins-disant fiscal en direction des multinationales et des plus gros détenteurs de patrimoine. La lutte contre l’évasion et la fraude fiscales pourrait être l’occasion d’une prise de conscience de la nécessité pour les États de reprendre la main. C’est aussi pourquoi nous y attachons tant d’importance, sans compter les bénéfices en termes budgétaires pour nos comptes publics.
En votant la loi FATCA, les États-Unis ont ouvert la voie à un type de mesure extraterritoriale qui représente une avancée importante, car il permet de contourner le secret bancaire des autres places financières en obligeant les institutions financières à soumettre un reporting périodique et automatique aux autorités fiscales américaines sur les comptes de leurs clients ressortissants américains dépassant 50 000 dollars. S’ils s’y refusent, une retenue à la source de 30 % sur les paiements des revenus est prévue. Cette sanction est particulièrement dissuasive. De fait, les Américains ont obtenu que 77 000 banques dans quatre-vingt pays s’engagent à collaborer avec les États-Unis et adaptent en conséquence leurs systèmes d’information.
Les dispositions de cette loi ont suscité la controverse. Le principal reproche que nous pouvons, pour notre part, adresser aux États-Unis est que, dans les accords types qu’ils proposent aux autres États, les échanges se font essentiellement dans un sens. Le privilège juridique exorbitant revendiqué par les États-Unis tient bien sûr pour partie à la spécificité de leur droit national, qui prévoit que les contribuables sont légalement tenus de déclarer au fisc la totalité de leurs revenus mondiaux, y compris s’ils résident à l’étranger. Il n’empêche que nous pouvons avoir le sentiment, fondé, que les Américains tendent, en l’espèce comme en d’autres matières, à faire prévaloir leurs intérêts sur le droit international.
Ce constat renforce notre conviction qu’il est nécessaire que notre pays favorise le déploiement de l’échange automatique d’informations au plan européen et international. Il faut s’assurer de la mise en oeuvre des engagements pris ces derniers mois par certains États et prolonger cette exigence dans la signature d’accords entre États.
La réunion des 28 et 29 octobre prochains, à Berlin, du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’information à des fins fiscales et le prochain sommet du G20 doivent être l’occasion de faire entendre la voix de la France à ce sujet.
Il est nécessaire que nous renforcions aussi notre arsenal législatif interne. Le quotidien belge d’information politique et économique, L’Écho, a conduit récemment une enquête qui met en évidence que près de vingt des cent plus grosses fortunes françaises ont placé une partie de leur patrimoine en Belgique, quand elles ne s’y sont pas totalement exilées. Selon le quotidien, un patron français sur dix vit en Belgique ou du moins y est domicilié. Le montant global de leurs avoirs en Belgique s’élèverait à environ à dix-sept milliards d’euros.
Dans ce wagon, on trouve bien sûr Bernard Arnault, mais aussi Pierre et Chantal Mestre, fondateurs de la chaîne de distribution de vêtements pour enfants Orchestra ; Jean, Patrick et Mariette Mulliez ; Jean-Sébastien Decaux, le plus jeune des trois fils du fondateur du groupe actif dans l’affichage public ; Paul Despature, héritier du groupe Damart et quarantième fortune de France. C’est le cas également de Grégory Marciano et d’Hervé Louis, deux des trois fondateurs de la chaîne Sushi Shop. Voilà quelques exemples, mais il y en a d’autres, comme le présentateur Arthur, qu’on ne présente plus, à la tête de la 224e plus grande fortune de France ; les frères Grosman, fondateurs de la chaîne de vêtements Celio ; Olivier Halley, un des héritiers de Carrefour, etc. Comme quoi, la finance a des visages.
Bien entendu, comme le soulignent ses auteurs, l’enquête du quotidien L’Écho est perfectible. Il n’empêche. Vingt des cent plus grosses fortunes françaises sont présentes en Belgique et une dizaine y sont domiciliées. Et si on étend les recherches aux cinq cents plus grandes fortunes et qu’on additionne les capitaux de toutes les structures, on obtient le montant que j’évoquais, plus de 17 milliards d’euros.
Ce montant colossal pose la question de l’harmonisation des normes fiscales à l’échelle européenne et des outils dont nous pouvons nous doter pour que nos ressortissants fortunés qui résident à l’étranger soient tenus de déclarer au fisc la totalité de leurs revenus, à l’image de ce qui se fait aux États-Unis.
Dans le même esprit, l’OCDE a proposé il y a quelques jours un plan d’action en deux ans pour définir des règles internationales communes, élaborer un plan d’attaque contre les pratiques d’optimisation fiscale agressives des géants de l’industrie, des services ou du numérique – les Apple, Google, Starbucks et autres grands usagers actifs des paradis fiscaux – et taxer les multinationales là où elles réalisent effectivement leurs activités économiques et engrangent des profits.
L’OCDE propose notamment de mettre fin à l’utilisation de produits hybrides qui permettent aux multinationales de tirer parti des différences de traitement fiscal entre les intérêts des emprunts obligataires et les dividendes d’action. L’OCDE souligne également la nécessité de mettre fin au treaty shopping, cette pratique qui consiste à utiliser de manière abusive les conventions fiscales conclues entre les pays.
Mais des résistances se font déjà jour en Europe. La Grande-Bretagne, accompagnée du Luxembourg, des Pays-Bas et de l’Espagne, ne veut pas, par exemple, mettre fin au régime des patent box, qui permet à une entreprise exploitant des brevets localisée au Royaume-Uni de déduire de 33 % à 55 % de son impôt dû sur les revenus imposables issus des produits brevetés.
Si l’accord qui nous est proposé participe des efforts accomplis depuis des années pour tenter de lutter contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales, il s’intéresse aux personnes physiques. C’est une avancée mais, à l’évidence, il nous faut aller beaucoup plus loin.
Nous souhaitons que la France, qui se flatte d’être à la pointe dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, s’attaque désormais frontalement aux pratiques d’optimisation fiscale des multinationales, qui exploitent les instruments légaux à leur disposition et les failles du droit international, qu’il s’agisse des « prix de transfert » ou des pratiques de chalandage fiscal pour profiter des pays les mieux-disants, sans parler des autres dispositifs.
Sans négliger les avancées des dernières années, nous souhaitons que le Gouvernement saisisse le Parlement d’un train de mesures plus audacieuses contre l’optimisation fiscale. Dans l’attente, le groupe des députés du Front de gauche soutiendra bien entendu le pas en avant de ce soir.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, lors de la discussion en commission des affaires étrangères, mercredi dernier, du projet de loi autorisant l’approbation de cet accord dit FATCA, j’avais fait part du réel sentiment de malaise que suscite à mes yeux l’adoption d’un texte aussi déséquilibré.
Cet accord, et désormais cette loi, ne sont rien d’autre que la transposition en droit français de dispositions d’une loi américaine, adoptée en 2010, faisant de factode jure de notre ministère des finances un simple supplétif de l’internal revenue service, l’IRS américain.
L’objectif affiché se passe bien sûr de toute discussion. Il s’agit d’oeuvrer pour la transparence fiscale et de mettre fin, grâce à la coopération des États et à la transmission automatique des informations, à la fraude fiscale massive que connaît le monde : environ 6 000 milliards de dollars qui échappent à toute imposition.
De ce point de vue, personne ne peut être contre. Comme disent les Américains, personne ne peut être contre la tarte aux pommes et la patrie, apple pie and motherhood ; tout le monde est pour !
Sourires.
À mort la transparence !
Sauf que ce texte s’inscrit d’abord dans un mouvement d’extraterritorialisation de la loi américaine, que je juge extrêmement préoccupant depuis un certain nombre d’années. Il s’agit là d’une stratégie délibérée que l’un de mes anciens professeurs à Harvard, mon ami Joseph Nye, avait d’ailleurs conceptualisé sous un terme qui a fait florès : le soft power.
Par le biais de toute une série de lois internes, de normes imposées à l’étranger avec ou sans ce type de convention, l’économie américaine, l’industrie américaine, les États-Unis avancent ainsi systématiquement leurs pions sur l’échiquier international.
L’affaire BNP en est un exemple récent. Elle montre qu’en appliquant une loi ancienne qui remonte à la crise de Cuba, au début des années soixante, Trading with the Enemy Act, il est désormais possible pour la justice américaine – encore s’agit-il d’un simple tribunal à New York – de sanctionner extrêmement lourdement un établissement bancaire français présent sur le territoire américain, pour peu que celui-ci se livre à des transactions libellées en dollars pour le compte de clients basés dans des territoires placés sous embargo unilatéral par le gouvernement des États-Unis, alors même que nous, République française, ne reconnaissons ces embargos ni sur Cuba, ni sur le Soudan. Quant à l’Iran, les contraintes qui ont pu être imposées par les Européens, y compris la France, l’ont été en vertu de sanctions adoptées à l’échelon international à la suite de l’affaire nucléaire iranienne, mais n’avaient rien à voir avec ce qui a été reproché à la BNP.
Autrement dit, même lorsqu’un embargo résulte de la volonté du seul congrès des États-Unis, les opérateurs étrangers, y compris français, viennent donc à être soumis à des amendes, qui peuvent s’élever à plusieurs milliards de dollars, du seul fait de l’application de la loi américaine.
Au passage, je ne vous cache pas ma consternation devant le silence assourdissant des autorités françaises lors de cette affaire BNP, alors même que le principe fondamental de la réciprocité en droit international était bafoué de façon éclatante. Que je sache, l’Assemblée nationale n’a pas le pouvoir de poursuivre, par le biais de tribunaux français, des sociétés américaines, pourtant établies en Europe, qui gagnent des milliards d’euros chez nous et ne paient pas le moindre impôt. Et je passe sur l’inexistence des moyens de rétorsion contre les entreprises qui se livrent à des activités que nous pourrions considérer comme contraires à nos intérêts.
Autre exemple de cette tendance américaine à l’unilatéralisme, que d’aucuns auraient appelé impérialisme à l’époque, la fameuse loi Foreign Corrupt Practices Act, dite loi FCPA. Au nom de la moralisation des affaires et de la meilleure gouvernance, elle vise la corruption, pratique certes détestable mais souvent pratiquée à l’occasion des grands marchés publics, civils ou militaires, par toute une série de fournisseurs, sur tous les continents, y compris en Amérique.
Aux termes de cette loi, les filiales d’entreprises non américaines présentes sur le territoire des États-Unis qui ont pu avoir recours à des commissions versées à des décideurs étrangers en vue de l’obtention de contrats dans les pays tiers, hors territoire américain, peuvent faire l’objet de poursuites aux États-Unis par le Department of Justice ou par la Securities and Exchange Commission.
Les enquêtes sont diligentées par les « services » spécialisés américains – vous voyez de qui je veux parler –, puis obligeamment transmises à la justice américaine. Elles peuvent aboutir soit à des amendes extrêmement lourdes, soit même à l’arrestation de dirigeants de l’entreprise, pour peu qu’ils se trouvent sur le sol des États-Unis, y compris en vacances ou en transit. Les amendes s’élèvent alors à des centaines de millions, voire à des milliards de dollars, sans parler des peines de prison pour les cadres dirigeants des entreprises concernées, purgées dans les geôles américaines.
Comme par hasard, ces actions ne sont pas totalement étrangères à la concurrence de groupes américains sur les mêmes marchés ou à des OPA plus ou moins hostiles de groupes américains sur les mêmes sociétés étrangères, notamment européennes, dans un environnement où le nombre d’OPA d’entreprises américaines en Europe ne cesse d’augmenter.
À titre d’exemple, les tentatives d’OPA hostiles cette année atteignent plus de 426 milliards d’euros du côté américain, contre 72 milliards dans l’autre sens. Ces amendes, qui s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros et nuisent à la réputation de l’entreprise, s’avèrent très efficaces au moment de procéder à la due diligence avant d’acquérir l’entreprise ou pour affaiblir la concurrence dans le cadre de marchés civils ou militaires.
J’ajoute au passage que les cabinets d’avocats américains, qui comprennent souvent parmi leurs collaborateurs des anciens procureurs spécialisés dans ce type de poursuite contre les sociétés cibles, sont également l’un des vecteurs privilégiés de cette stratégie. Il suffit de se reporter à certaines acquisitions récentes, sur lesquelles je n’ai pas le temps de m’étendre aujourd’hui, pour mesurer la portée de mes propos.
La loi FATCA qui nous intéresse aujourd’hui procède exactement de la même philosophie que ce véritable rouleau compresseur normatif, pour reprendre l’expression d’un bon connaisseur français de ces pratiques américaines.
Au nom de la lutte contre la fraude fiscale, il ne s’agit ni plus ni moins que d’obliger les institutions financières étrangères à communiquer annuellement et automatiquement au fisc américain tout renseignement sur les comptes détenus à l’étranger par des entités ou des citoyens américains. La sanction est d’une extrême sévérité : un prélèvement à la source de 30 % appliqué aux institutions et établissements non coopératifs.
Le dispositif voté en 2010, repris dans cet accord franco-américain, est donc parfaitement unilatéral et complètement extraterritorial, méthode « cavalière », selon l’expression fort diplomatique et douce du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Galut, dont pourtant le parcours altermondialiste cadre assez mal avec la déférence ainsi manifestée à l’imperium américain...
Concrètement, cet accord, qui sera désormais la loi de la République, va donc obliger nos institutions financières – compagnies d’assurances, courtiers et autres – à déclarer tous les comptes détenus par les citoyens américains en France, dès lors que le solde sera supérieur à 50 000 dollars. Ces déclarations seront ensuite obligeamment et automatiquement transmises par l’administration fiscale française à l’Internal Revenue Service. Cela concerne la quasi-totalité de nos institutions financières et environ 100 000 citoyens américains résidant en France.
La lourdeur des sanctions et des procédures a déjà abouti à plusieurs conséquences : 300 millions de surcoûts pour les entreprises financières françaises et, dans certains cas, la fermeture des comptes du fait de la lourdeur et du coût de la procédure.
Ce qui est parfaitement choquant dans cette affaire, c’est d’abord que les données techniques d’échange d’informations ne figurent pas dans cet accord, car elles feront l’objet d’un accord séparé non soumis à la ratification et à l’examen du Parlement. Surtout, la réciprocité entre les engagements souscrits par les deux parties – États-Unis et France –, principe fondamental du droit international, est tout simplement inexistante en l’espèce : l’accord ne fait que traduire littéralement la loi américaine dans le droit français, sans donner à la France l’accès aux mêmes informations sur les comptes détenus par les quelque 130 000 citoyens français résident aux États-Unis.
Outre que la sanction de 30 % n’est pas réciproque, les États-Unis ne fourniront pas à la France, malgré les dispositions de l’article 6 de la déclaration d’intention annexée, toute une série d’informations qui, elles, seront transmises par la France : solde du compte, valeur de rachat des contrats d’assurance-vie, montant des contrats d’assurance-vie, montant des dividendes, etc.
Ce constat est partagé par l’excellent secrétaire d’État au budget, ici présent, dans une lettre du 16 septembre 2014 adressée à Mme Guigou, notre présidente de commission, qui a bien voulu le saisir à ma demande. Il écrit que les États-Unis ne sont actuellement pas en mesure de fournir à la France les informations également concernées par l’accord concernant le solde des comptes ou la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie. Le ministre ajoute cependant que, s’agissant du reste des informations, la France pourra toujours les demander au cas par cas en s’appuyant sur la convention fiscale de 1994.
Dans sa grande bonté, le Trésor américain, cosignataire de l’accord, s’engagera à améliorer davantage la transparence, « à renforcer la relation d’échange avec la France » – c’est joliment dit –, « en continuant à adopter des mesures de nature réglementaire et en soutenant l’adoption de lois appropriées afin d’atteindre ces niveaux automatiques réciproques d’échanges de renseignements. »
C’est ce que nous avons fait ! Je n’ai pas dit autre chose !
Cette rédaction alambiquée est, pour qui connaît les institutions américaines, une vaste plaisanterie, qui rappelle le vieux proverbe selon lequel, en politique, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.
Le Congrès ne l’entend naturellement pas de cette oreille. Il juge même un tel échange inconstitutionnel. Or, en vertu de la Constitution – vous devez le savoir, monsieur le ministre – l’exécutif ne peut pas s’engager pour le compte du Congrès.
C’est donc bien une capitulation en rase campagne que vient de se voir infliger le gouvernement français, en acceptant un accord à ce point déséquilibré. Dans le contexte des négociations actuellement en cours entre l’Union européenne et les États-Unis – le fameux TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) –, cela n’est guère rassurant.
On me rétorquera que, même avec un pareil déséquilibre, l’extra-territorialisation de la loi FATCA a eu un impact salutaire, que je veux bien reconnaître, sur la progression de la transparence à l’échelle internationale. Une convention sous l’égide de l’OCDE, qui a été évoquée, est même en préparation.
Je suis naturellement en faveur d’un tel dispositif. Mais alors pourquoi le gouvernement français n’a-t-il pas privilégié ce travail au sein du G5 et de l’OCDE, plutôt que de signer un texte bilatéral à ce point déséquilibré ?
Or, sur le front européen, les choses n’avancent guère : ni la directive de 2003, ni celle de 2011 ne mettent en place des systèmes automatiques d’échange d’informations.
Quant à la Suisse, elle s’est débrouillée pour signer un accord dit « FACTA 2 » avec les États-Unis, prévoyant une transmission des données directement par les banques, mais sous réserve de l’accord exprès du titulaire du compte. Autrement dit, nous n’avons pas mis fin au problème de la transparence en Europe. Je vais vous donner un exemple…
…que vous goûterez, madame la présidente. Avec FATCA, monsieur Thévenoud, ou plutôt – je me trompe – monsieur Cahuzac, n’aurait pas été découvert. Ce qui aurait aidé à le faire eut été un accord de transparence au niveau européen.
Dans ces conditions le groupe UMP ne peut pas voter un texte aussi déséquilibré, et regrette que le Gouvernement…
Ce que vous faites n’est pas bien, madame la présidente. Il s’agit d’un texte important.
J’en ai bien conscience, mais comme tous les parlementaires, vous avez un temps de parole à respecter. Je vous ai laissé largement déborder.
La parole maintenant est à Mme Sonia Lagarde pour le groupe UDI.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la mobilisation mondiale et le combat contre la fraude fiscale se mettent progressivement en place, à travers la conclusion d’accords européens et internationaux.
L’accord qu’il nous est proposé d’adopter est le premier de cette nouvelle génération d’accords fiscaux à être soumis au Parlement. Bien évidemment, nul d’entre nous, au sein de cet hémicycle, ne conteste l’opportunité ni la nécessité d’engager une vraie lutte contre la fraude fiscale en favorisant la transparence dans le cadre de l’échange automatique d’informations.
Le groupe UDI, particulièrement attaché à ces questions, ne peut qu’encourager toute initiative allant dans ce sens. L’accord dont il est question aujourd’hui prévoit l’échange automatique de renseignements entre les autorités des parties à l’accord, c’est-à-dire entre les États, et, en pratique, entre les administrations fiscales.
Déjà 37 pays ont conclu des accords de type 1, c’est-à-dire de transmission d’informations d’État à État. La lutte contre la fraude fiscale par un échange automatique d’information est globale. Le combat se mène sur tous les fronts.
Nous pouvons, déjà, percevoir les effets de cet accord. Le montant des avoirs dissimulés à l’étranger et rapatriés en France est estimé à 28 milliards d’euros. Ils viennent élargir les bases fiscales pour l’avenir, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Cependant, nous devons rester vigilants, car ce projet soulève des questions importantes. Nous émettons, à ce titre, des réserves.
Nous le savons, cet accord découle, à l’origine, d’une démarche américaine qui fut d’abord unilatérale avant de se transformer en une négociation internationale.
En 2010 déjà, les États-Unis avaient adopté un dispositif obligeant les établissements financiers des autres pays à transmettre à l’administration fiscale américaine des informations sur les revenus et les actifs de leurs clients de nationalité américaine.
La loi FATCA a ainsi institué un dispositif américain unilatéral et extra-territorial, qui permet d’appliquer des sanctions aux établissements financiers de pays tiers s’ils ne respectent pas la réglementation américaine.
C’est d’ailleurs en réaction à cette démarche unilatérale, et pour garantir le principe de réciprocité qui prévaut dans la société internationale, que certains États, et notamment la France, ont souhaité inscrire cette initiative dans un cadre bilatéral.
Force est de constater que, par cet accord, la France se voit imposer bien plus de contraintes que son partenaire d’outre-Atlantique : ses obligations sont bien plus détaillées. La France se soumet ainsi à une obligation de diligence d’identification du client, quand les États-Unis restent seuls juges de la nécessité de parvenir à un niveau de transparence équivalent, et de faire évoluer ou non leur droit interne. Ils n’appliqueront ainsi que la législation américaine.
En outre, cet accord implique des différences de traitement frappantes, que madame la rapporteure a relevés dans son rapport. Les soldes, et pour les contrats d’assurance les valeurs de rachat, doivent être transmis par la France, mais pas par les États-Unis.
La liste des versements concernés par la déclaration automatique est plus étroite pour les États-Unis, et n’inclut pas les comptes titres des personnes physiques résidentes en France. L’approche par transparence, qui oblige les institutions financières françaises à chercher les bénéficiaires effectifs, n’incombe pas aux institutions financières américaines.
Des mesures d’anonymat, issues du droits des États fédérés, subsisteront, et offriront aux investisseurs résidents français d’autant plus de possibilités de contournement de l’accord.
Ce ne sont pas de menues différences, mais de vrais fossés, aux conséquences dangereuses. Alors que nous devons relancer la compétitivité française, nous allons donner naissance à un grave désavantage compétitif en défaveur des institutions financières françaises. L’accord leur impose des coûts supplémentaires majeurs : 300 millions d’euros, dont n’auront pas à s’acquitter les banques américaines !
Quels choix s’offrent à nos banques, face à ce coût exorbitant ? Tout refus de leur part entraînerait la taxation de leurs activités américaines, à hauteur de 30 %. C’est le prix de l’accès au marché américain pour les entreprises étrangères.
Le gouvernement nous dit que l’échange systématique de données est appelé à devenir la norme mondiale. Or, aujourd’hui, avec cet accord, les États-Unis ne la mettent même pas pleinement en oeuvre.
Dans le même temps, l’OCDE s’apprête, notamment sous l’impulsion de la France, à mettre en place son propre standard. Ce dernier tranche singulièrement avec la norme mise en place par l’accord-type FATCA. Les banques américaines veulent y échapper et en profiter pour renforcer leurs positions.
Les négociations à l’OCDE ont duré quatre ans, et ont débouché sur d’autres solutions que celles issues de l’accord qui nous est soumis, des solutions qui mettraient à mal l’avantage comparatif des établissements financiers américains.
Le gouvernement français s’apprête à aujourd’hui à aider ces mêmes établissements américains à éviter de faire face à leurs responsabilités sur la scène internationale. Mais surtout, le Gouvernement, en son âme et conscience, handicape encore plus les institutions bancaires françaises. Il convient de s’interroger sur le but véritable de cet accord, imaginé en premier lieu et unilatéralement par les États-Unis.
Tous les soupçons seront défintivement levés quand l’administration du président Obama aura effectivement relevé les standards américains pour mettre les banques américaines au même niveau de transparence et de coopération que les banques françaises.
Bien que le Gouvernement nous assure ici que l’asymétrie de la réciprocité de cet accord est appelée à s’estomper, il faudra rester vigilant. Dans quelle mesure et quand s’estompera-t-elle ? En janvier 2017 commenceront les renégociations de cet accord. Il appartiendra alors au gouvernement français d’être intransigeant et de ne pas céder. Le niveau de transparence et de collaboration exigé des banques américaines devra être aligné sur celui demandé aux banques françaises.
L’accord FATCA est un bon outil juridique de lutte contre la fraude fiscale. Mais le principe de réciprocité doit être respecté. C’est à cette seule condition qu’il sera réellement à même de lutter contre la fraude fiscale, tout en préservant l’intérêt de la France.
Le groupe UDI s’abstiendra donc sur ce texte. Je vous remercie.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le gouvernement nous propose d’adopter un projet de loi visant à autoriser l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d’Amérique, en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale. Il vise à mettre en oeuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, dite loi « FATCA » ou Foreign Account Tax Compliance Act.
Le groupe RRDP votera résolument ce texte, qui représente une avancée considérable sur le terrain de la suppression, à terme, du secret bancaire, principal terreau de la fraude fiscale internationale.
L’objectif de cette convention bilatérale est de mettre en place, entre la France et les États-Unis, un échange automatique d’informations bancaires à des fins fiscales, sur un large spectre de données bancaires. L’accord décrit les éléments qui doivent être obtenus et échangés, ainsi que le calendrier et les modalités pratiques.
La France et les États-Unis ont, en effet, signé le 14 novembre 2013 un accord en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi FATCA.
Cette loi historique, adoptée en mars 2013 par le Congrès des États-Unis, au cours du premier mandat de Barack Obama, dans une démarche initialement unilatérale et extraterritoriale, a provoqué un sursaut international en faveur de l’échange automatique de données. Elle a aussi forcé les banques et les institutions financières à changer d’attitude.
Rappelons qu’au moment de l’adoption par le Congrès de la loi FATCA, la Suisse était passée en 2011 à la contre-offensive, avec certains grands pays européens comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. En échange d’un paiement immédiat pour apurer les fraudes passées et d’un futur prélèvement à la source sur les placements en Suisse de leurs résidents, les banquiers helvètes prétendaient alors conserver l’anonymat de leurs clients, c’est-à-dire leur secret bancaire. Il s’agissait des tentatives d’accords dits « Rubik ».
La loi FATCA impose à toute banque étrangère dépositaire et assimilée, ainsi qu’à toute institution financière étrangère, de transmettre à l’administration fiscale américaine les informations sur les comptes de citoyens américains, quel que soit leur lieu d’habitation. Si cette obligation n’était pas respectée, cette administration contraint les établissements bancaires concernés soit à se désinvestir complètement du marché américain et à sortir du système dit de Qualified Intermediary, soit à s’acquitter de la retenue à la source de 30 %.
Aucune de ces options n’étant envisageable pour les institutions financières ayant des succursales internationales, ni pour les banques étrangères de plus faible envergure désireuses d’offrir à leurs clients des portefeuilles diversifiés incluant des titres américains, la loi FATCA impose de fait, par le principe de la clause de la nation la plus favorisée, l’extinction internationale à terme du secret bancaire.
Dès 2011, les parlementaires de l’ensemble de la gauche française ont soutenu l’initiative américaine et dénoncé les tentatives d’accords dits « Rubik ». La France a d’ailleurs été à l’origine, ensuite, d’une démarche alternative avec quatre de ses partenaires, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Ces quatre États ont formé le « G5 » en vue d’établir un modèle conventionnel intergouvernemental et de négocier conjointement les modalités pratiques de transposition de la loi FATCA ainsi que le champ de son application.
Ce G5 européen a surtout obtenu la réciprocité de la part des Etats-Unis, car ceux-ci fourniront à partir de 2015 des informations à l’administration fiscale française sur les comptes bancaires détenus outre-Atlantique, ce dont il faut se féliciter.
Ce G5 a également contribué à convaincre le G20 de confier à l’OCDE la responsabilité de concevoir un standard mondial unique d’échange automatique d’informations bancaires, qui doit être présenté lors du 9ème G20 qui se réunira à Brisbane en Australie, du 19 au 21 septembre. Il est donc désormais raisonnable d’espérer que le mouvement pour abolir le secret bancaire, et par-là lutter contre la fraude fiscale internationale, est devenu inexorable.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le 2 avril 2009, alors que la bulle financière avait explosé quelques mois plus tôt, le G20 annonçait dans son communiqué final que l’ère du secret bancaire était révolue.
L’adoption de l’accord bilatéral avec les États-Unis d’Amérique, dit FATCA, en est une déclinaison concrète qu’il faut saluer, et pour laquelle il faut rendre hommage au président Obama, qui a enclenché le processus en 2010.
Si personne ne croit au coup de baguette magique, il faut bien reconnaître que, d’une manière générale, la régulation financière avance trop lentement : trop lentement au regard des urgences de justice sociale, de dynamisme économique et d’équilibre des budgets des États.
Nous savons tous que la volonté politique peut être empêchée par divers obstacles. Heureusement, cette affirmation n’est toujours pas entièrement exacte. J’en veux pour preuve la volonté politique de s’attaquer aux paradis fiscaux et à la fraude.
Pendant trop longtemps, les États ont fermé les yeux sur le développement de ces États et territoires à fiscalité privilégiée, qu’ils ont même parfois encouragés afin d’abriter certaines négociations et les transactions financières afférentes. Désormais, cette attitude passive prend fin. La communauté internationale, l’OCDE, l’Europe, et la France en premier, s’engagent résolument dans cette bataille.
Qu’est-ce qui a changé ? C’est bien entendu la dépression économique et l’augmentation inexorable des dettes des États en Occident, sous l’effet de la crise bancaire.
Chacun mesure un peu plus avec le temps, et les expériences des pays du sud de l’Europe, que le seul levier de la baisse de la dépense publique ne suffira pas à rétablir la situation, pas plus que l’augmentation massive des impôts, qui a lourdement pesé sur les ménages en France, sur les classes moyennes, en amputant parfois sévèrement leur pouvoir d’achat. Ce sont en réalité deux mauvaises solutions qui, si elles sont trop exclusives, mal ciblées ou poussées trop loin, aggravent la situation en asséchant l’économie, non pas qu’il ne faille pas mettre en oeuvre des réformes fiscales ou baisser la dépense publique, mais cela ne suffit pas.
Il était donc plus que temps de tracer une troisième voie : faire en sorte que chacun soit mis à contribution au pot commun à due proportion de ses moyens, qu’il s’agisse des personnes ou des entreprises.
Dès le début du mandat, la majorité a progressivement amplifié l’arsenal des mesures propres à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Dans le cadre de la loi bancaire, puis de la loi contre la fraude et la grande délinquance financière en 2013 et, enfin, dans la loi de finances de 2014, nous avons adopté des dispositions audacieuses nous permettant de mieux combattre l’évasion fiscale.
La première d’entre elles fut l’obligation de transparence des banques sur leur activité bancaire pays par pays, afin de limiter leur implantation dans les paradis fiscaux et de révéler aux grands jours les filiales, coquilles vides, servant à la fraude ou à l’optimisation fiscale. Nous avons ensuite alourdi les peines en direction des fraudeurs, et créé un parquet financier dédié à la lutte contre la fraude.
Notre engagement est couronné de succès : le contrôle fiscal a permis, avec d’autres mesures, de détecter au total des fraudes représentant 18 milliards d’euros en 2013 et d’engranger 10 milliards d’euros dans les caisses de l’État, soit un milliard de plus qu’en 2012. Et c’est bien cette politique qui contribuera à assurer une partie du pacte de solidarité au profit de nos concitoyens les plus modestes. Nous avons ici la démonstration qu’il est possible de réduire les déficits publics tout en préservant les plus modestes. On ne souligne pas assez ce lien et l’intérêt de cette loi pour rééquilibrer les richesses.
Lutter contre la fraude, c’est agir pour plus de justice sociale. Le montant moyen des avoirs détenus à l’étranger par les fraudeurs repentis était de 900 000 euros. À raison d’une imposition moyenne de 25 %, avec 30 000 ménages, c’est un potentiel sur plusieurs années de 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour la solidarité.
Lutter contre la fraude, c’est agir pour la justice morale et contre l’idée que les plus riches peuvent se permettre de déroger aux lois de la République et à la solidarité nationale.
Lutter contre la fraude, c’est réhabiliter l’impôt comme outil de redistribution des richesses.
C’est pourquoi je me réjouis de la ratification du traité mettant en oeuvre le FATCA, clé de voûte de la lutte contre la fraude aux États-Unis. En effet si la France agissait, elle n’agissait pas seule. Depuis 2009 les États-Unis ont mis en oeuvre une politique ambitieuse de lutte contre la fraude reposant sur trois piliers : la sanction des banquiers coupables d’organiser les comportements fiscaux frauduleux des contribuables américains – les USA n’ont pas hésité à condamner Bank of America à une amende de plus de 16 milliards de dollars en raison de sa responsabilité dans la crise des subprimes, ce qui permet de mettre à sa juste place l’amende infligée à BNP-Paribas – ; des programmes de dénonciations volontaires ; enfin, la fameuse loi FATCA, qui fait tache d’huile en Europe, où elle devrait être mise en place en 2017.
Cette loi oblige les établissements financiers qui souhaitent être présents sur le sol américain à révéler au fisc l’identité de leurs clients américains en France. Cette loi est radicale, mais nécessaire. Elle a su faire plier les pays les plus résistants tels que la Suisse, l’Autriche ou le Luxembourg. C’est d’ailleurs grâce au FATCA américain que notre loi sur la fraude a eu une réelle efficacité avec les 30 000 ressortissants français qui ont rapatrié leurs biens.
La fraude se joue des frontières, se cache derrière le secret et l’opacité, prospère dans le silence et les cercles avertis. Il est donc crucial d’instaurer une coopération étroite et solide entre tous les États afin que chaque fraudeur sache qu’il n’est plus à l’abri.
Le travail en ce qui concerne les particuliers, les ménages, est aujourd’hui bien avancé. Il est efficace, même si le nombre d’évadés fiscaux dépasse bien entendu les 30 000, et de loin. Nous n’avons pourtant fait qu’une partie du chemin, la plus facile. Depuis des décennies, les multinationales ont profité des failles du système économique mondial et inventé des dispositifs, s’inscrivant dans ce qu’on appelle pudiquement les schémas d’optimisation fiscale, de plus en plus complexes, afin de soustraire leurs bénéfices à l’impôt. Légaux, ils n’en demeurent pas moins des abus et des outrages à l’éthique.
L’imagination des grands groupes est aujourd’hui sans limite. Ils rivalisent d’inventivité. Leurs performances sont même saluées lors de grand-messes où les lauréats repartent avec des prix que la presse salue. Ces pratiques sont inacceptables.
On ne peut plus faire admettre à nos concitoyens qu’ils seront les seuls à supporter la consolidation budgétaire. C’est un enjeu important de la lutte contre les paradis fiscaux. En conséquence, il ne suffit pas de négocier au sein de l’Union européenne pour repousser les délais nécessaires à la réduction des déficits ; c’est moins utile que de provoquer l’engagement de l’Union en faveur de la consolidation des recettes des États. Autrement dit, l’Europe doit se préoccuper non plus simplement des dépenses des États, mais aussi de leurs recettes pour engager une trajectoire d’extinction de l’évasion fiscale, afin de donner une vraie crédibilité à l’autre trajectoire, celle de la réduction des déficits publics.
Le temps de l’impunité est aujourd’hui révolu. Une dynamique mondiale émerge pour mettre à bas ces pratiques. En début de semaine, l’OCDE a présenté les actions qu’elle préconise pour lutter contre l’optimisation fiscale des entreprises et des multinationales, la transparence sur les activités des filiales des multinationales, la fin de la localisation de la propriété intellectuelle et des revenus y afférant dans les paradis fiscaux ou encore la lutte contre les produits hybrides.
Ces propositions nourriront, je n’en doute pas, le travail du G20 à venir. Le groupe écologiste espère que la France accentuera encore ses efforts, déjà reconnus, pour soutenir les propositions de l’OCDE, notamment l’application d’une réelle transparence sur les activités des multinationales pays par pays.
Cet après-midi, nous avons défendu en séance des amendements visant à renforcer la transparence sur les flux financiers liés aux activités extractives ; j’espère, si le cadre est apparemment plus adapté, que nos amendements trouveront une concrétisation plus heureuse.
En 2013, dans le cadre de la loi bancaire, le Gouvernement avait accepté notre amendement imposant la transparence des activités bancaires. Nous poursuivrons dans ce sens avec vous, monsieur le ministre, et nos collègues de la gauche – puisque j’ai compris que, pour la droite, ce n’était pas un sujet passionnant –, pour promouvoir la transparence sur les activités des entreprises.
Je sais les craintes du Gouvernement en matière de concurrence, craintes qui se dissiperont au fur et à mesure que se généralisera cette transparence au niveau international. Mieux, la transparence devient un atout pour les entreprises, dont la réputation constitue désormais un facteur concurrentiel décisif.
En finir avec les pratiques de l’optimisation fiscale, c’est aussi mettre sur un pied d’égalité les petites et les grandes entreprises et lutter contre la concurrence déloyale et le dumping fiscal à l’intérieur d’un même pays. Il en va en matière de concurrence comme de sport : le dumping fiscal comme le dopage sportif doivent être traqués et punis.
La loi de finances de 2015 nous permettra, j’en suis sûr, d’aborder une nouvelle étape. J’espère qu’à vos côtés, nous pourrons encore avancer.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe socialiste, républicain et citoyen à l’Assemblée nationale, comme d’ailleurs son homologue au Sénat, a soutenu l’adoption de l’accord France-États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale. Il l’a fait au même titre que les autres groupes politiques. Comme eux, il a assorti son vote d’un certain nombre d’interrogations, avec un débat riche en commission. Ces interrogations constituent l’accompagnement incontournable d’une ratification tout aussi nécessaire si l’on veut approfondir le combat contre la fraude fiscale internationale.
Je rappelle qu’il s’agit d’un accord d’État à État, avec échange automatique de données fiscales. Je souhaiterais cependant, monsieur le ministre, un éclaircissement sur la portée de ce qui a été négocié et signé, sur deux points essentiellement, l’un concernant les États-Unis et l’autre l’Europe.
Ma première question concerne les États-Unis. La partie nord-américaine a accepté de prévoir la réciprocité des engagements. C’est ce que précise l’article 6 du traité. Les États-Unis doivent par ailleurs mettre en oeuvre des réformes législatives « appropriées », selon ce qui est précisé dans le texte de l’accord, pour garantir une authentique réciprocité. Il semble qu’un projet de loi en ce sens ait été déposé par le gouvernement des États-Unis, mais nous savons que le Congrès ne l’a pas examiné et n’a pas ratifié le traité. Pouvez-vous confirmer que néanmoins, comme le stipule l’étude d’impact, il est applicable du côté américain et, s’il est adopté par notre assemblée, immédiatement opérationnel ?
Mon autre préoccupation concerne l’Europe. Plusieurs collègues se sont inquiétés, à juste titre, des conditions dans lesquelles ce texte avait été négocié. Il est incontestablement d’origine nord-américaine, mais la faute en incombe-t-elle aux États-Unis ou à l’Europe elle-même, qui n’a pas su s’accorder sur un texte commun ? Il y a eu heureusement un rattrapage de cinq pays européens pour, in fine, recréer une parité.
Il faut dès à présent préparer les étapes suivantes dans d’autres conditions, plus respectueuses de la symétrie entre parties contractantes. Cela suppose une démarche européenne commune en matière de fiscalité, pour mettre en cohérence l’accord que nous examinons aujourd’hui avec la norme élaborée par l’OCDE. Où en est-on, monsieur le ministre, à Bruxelles en la matière ? Quelles sont les propositions de la France ?
Il me fallait commencer par là avant de pouvoir vous confirmer que, bien sûr, les députés socialistes, républicains et citoyens voteront le texte, comme l’ensemble de nos collègues de gauche. Avec ses insuffisances et ses limites, il constitue néanmoins une grande avancée pour lutter contre la fraude fiscale internationale.
J’ai bien noté, avec les membres du groupe SRC, que la lutte contre la fraude fiscale ne se faisait pas au détriment des libertés individuelles. De légitimes inquiétudes s’étaient exprimées quant à la protection des données personnelles. Ainsi que Mme la rapporteure l’a indiqué, elles ont été prises en compte. L’avis positif après saisine de la Commission nationale informatique et libertés, ainsi que celui du contrôleur européen de la protection des données, nous ont apporté sur ce point toutes les garanties que nous espérions. Les données fiscales communiquées resteront confidentielles et limitées à leur objet.
L’accord signé avec les États-Unis d’Amérique du nord a suscité des réserves compréhensibles, mais cet accord, compte tenu des circonstances, a été acquis sur une base juridique et diplomatique positive. L’instrument, initialement une loi unilatérale, a été rééquilibré grâce à l’action conjointe de cinq pays européens, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. Comme l’a signalé notre rapporteure, Estelle Grelier, il y a là une petite révolution sur le plan international pour lutter contre la fraude fiscale.
Une dynamique a ainsi été amorcée pour réduire les dommages causés par la fraude fiscale internationale. La signature de cet accord bilatéral s’inscrit dans une dynamique collective, associant le G20, l’OCDE, l’Union européenne. Il faut maintenant le valider par une démarche qui soit positive, l’élargir, l’universaliser pour que, au-delà des individus, l’on puisse toucher aussi les multinationales et les groupes adeptes de l’optimisation fiscale assurée par les paradis fiscaux, qu’il faut combattre.
Je citerai, pour conclure, Mme Élisabeth Guigou, qui a eu les mots qui convenaient pour exprimer le point de vue de la commission des affaires étrangères : « Toutes les interrogations sont légitimes. Il existe une certaine dissymétrie. Nous sommes partisans de la symétrie. Cependant, grâce à ce texte, la France pourra obtenir des renseignements pertinents sur des contribuables soupçonnés de vouloir tromper le fisc. » C’est là l’essentiel. C’est un progrès sur la longue route de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. Cette route doit nous amener aussi à lutter contre les paradis fiscaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai reçu de M. Frédéric Lefebvre une motion d’ajournement, déposée en application de l’article 128, alinéa 2, du règlement.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la motion d’ajournement que je défends aujourd’hui devant vous est une motion particulière, puisqu’elle n’émane pas, comme c’est le cas habituellement dans cet hémicycle, d’un groupe parlementaire. C’est de ma propre initiative, dans un esprit constructif et sans volonté polémique, que j’ai souhaité déposer cette motion, car cet accord est loin d’être sans incidences sur le quotidien de ceux que j’ai l’honneur de représenter dans cette assemblée et qui m’ont fait part de leurs préoccupations.
Cette motion n’est donc pas un artifice destiné à ralentir le débat comme c’est trop souvent le cas, mais traduit le souhait d’attirer une nouvelle fois l’attention du Gouvernement et de notre assemblée sur les conséquences concrètes de cet accord pour nos compatriotes résidant aux États-Unis, pour les Français binationaux nés aux États-Unis et résidant en France, et même pour les Américains établis dans notre pays.
Dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale entreprise par l’administration Obama, le Congrès américain a voté une loi connue sous l’acronyme de « FATCA ».
Cette loi impose aux banques étrangères, sous peine de lourdes sanctions, de renseigner les autorités américaines sur les avoirs et transactions de leurs clients imposables aux États-Unis.
Afin de faciliter l’application de ce texte, les États-Unis ont négocié des accords d’échange d’informations avec un certain nombre de pays alliés.
Tel est le sens de l’accord dont le présent texte nous demande l’approbation.
En vertu de cet accord, tout ressortissant de l’un des deux pays détenant des avoirs financiers dans l’autre pays fera l’objet d’une note d’information relative à son solde bancaire, ses revenus financiers et le montant de ses actifs aux autorités fiscales de son pays d’origine.
On passe donc d’un système d’information sur demande à un système d’information automatique.
Si l’accord FATCA n’interdit pas aux expatriés français résidant aux États-Unis de posséder un compte en France, il impose aux banques françaises de se soumettre à la réglementation américaine.
Les banques françaises servant des clients imposables aux Etats-Unis devront en effet respecter la législation financière américaine.
Les règles américaines étant différentes des règles françaises et européennes, s’assurer de leur respect nécessitera la création d’un département administratif spécialisé.
Il est clair que les frais supportés en conséquence par l’établissement français sont hors de proportion avec le profit réalisé sur le portefeuille de la plupart des clients concernés.
En réaction à ces nouvelles contraintes et afin de se soustraire à la lourdeur administrative qui s’ensuit, des établissements français, considérant que la gestion des comptes des expatriés présentait un intérêt économique limité, ont commencé à notifier à leurs clients imposables aux États-Unis la fermeture pure et simple de leurs comptes.
Nombre de nos concitoyens résidant aux États-Unis mais conservant des avoirs en France sont donc priés de retirer leurs actifs, et ce sans possibilité de recours. Certains se trouvent tout simplement dans l’impossibilité d’ouvrir un compte en banque en France – je pense notamment à certains Français naturalisés américains qui décident de revenir en France pour y prendre leur retraite.
De même, un Français établi aux États-Unis mais ayant conservé un patrimoine mobilier en France peut se trouver dans l’obligation de le liquider en dépit de toute planification fiscale légitimement effectuée en amont.
En outre, certains Français nés aux États-Unis, mais vivant et exerçant une activité professionnelle en France et n’ayant plus de liens avec les États-Unis, pourraient être considérés comme fraudeurs faute de déclarer des revenus au fisc américain.
Tout le monde comprend la nécessité de lutter contre la fraude fiscale et l’absence de déclaration de comptes étrangers. Personne ne plaindra les fraudeurs pris dans les mailles du filet, d’autant que ce sont eux qui sont dans la ligne de mire. Il faut cependant prendre garde, je le dis avec gravité, aux effets pervers du dispositif tel qu’il nous est proposé.
Notre devoir n’est-il pas, monsieur le secrétaire d’État, de veiller à la protection de nos ressortissants, de combattre les injustices dont ils pourraient être victimes ?
Je souhaitais déposer un amendement dont l’objet était de prévoir la production par le Gouvernement, avant le 31 juillet 2015, d’un rapport sur les conséquences de cet accord pour nos compatriotes afin de pouvoir garantir leurs droits et nous permettre de réagir en prenant des mesures destinées à protéger leurs intérêts.
L’interprétation des contraintes constitutionnelles a conduit les services de la séance à considérer qu’il s’agissait d’une réserve à la convention et qu’en conséquence cet amendement était irrecevable. J’en prends acte.
Cet amendement aurait dû nous permettre d’évoquer les conséquences pratiques de cet accord pour nos compatriotes.
Ce débat aurait été d’autant plus nécessaire que contrairement à ce qui s’est passé au Sénat, la commission des affaires étrangères de notre assemblée n’a pas du tout évoqué cette question lors de ses travaux. De même, depuis le début de l’examen de ce texte en séance, je n’ai entendu aucun orateur, de quelque banc que ce soit, soulever ce problème.
Il s’agit pourtant, mesdames et messieurs, d’un problème on ne peut plus concret.
Permettez-moi de vous lire quelques témoignages de nos compatriotes qui m’ont transmis leur dossier, dont le cabinet du ministre de l’économie a d’ailleurs été saisi.
Un Français de Miami m’a ainsi sollicité dès le mois de mars par ces mots : « Monsieur le député, je souhaitais vous informer du fait suivant. Ma banque – Cortal chez BNP Paribas – a décidé unilatéralement de vendre tous mes produits financiers et de m’envoyer un chèque par courrier, prétextant la réglementation FATCA.
Je suis expatrié en bonne et due forme, habitant à Miami, et j’avais proposé à la banque de payer des frais supplémentaires si nécessaire, mais rien n’y a fait et la banque a procédé à la vente contre ma demande expresse.
Je me posais la question de savoir si la France avait bien mesuré l’impact sur la gestion des économies des Français qui habitent aux USA en acceptant de suivre cette loi. »
Le constat d’un compatriote de Floride va dans le même sens : « Monsieur le député, une filiale de Natixis du groupe Banque Populaires-Caisses d’épargne vient de m’informer de la fermeture de mes deux comptes, titres et chèques, dans les trente jours en raison du refus de cette banque de se soumettre aux exigences de contrôle des autorités américaines.
Si je comprends la préoccupation des banques françaises face aux intrusions américaines, je trouve cavalière cette pure et simple expulsion de clients sans que leur soit fourni le moindre modus operandi pour en limiter les conséquences fâcheuses, en particulier pour les comptes de titres.
Faudra-t-il vendre les portefeuilles ou pourra-t-on les transférer dans des établissements étrangers ? Payer au fisc français, suite à cette vente forcée, des taxes sur des placements de long terme ? Que deviennent les cartes de crédit et les autorisations de prélèvement liées à ces comptes ? »
Un autre témoignage d’un français de l’Ohio est des plus éclairants : « Monsieur le député, j’ai récemment appris dans la presse le dépôt à l’Assemblée nationale d’un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et les États-Unis d’Amérique pour la mise en oeuvre de la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, dite loi FATCA.
Il est nécessaire d’exclure certains Français pris dans ce filet et dont la vie privée doit être protégée. Je pense spécifiquement à trois catégories de personnes dont les données ne devraient pas être transférées : les Français mariés à des Américains qui ont un compte en banque joint – l’accord intergouvernemental prévoit de transférer les données des conjoints – ; les Français qui ont eu une carte verte parce qu’ils ont travaillé aux États-Unis mais sont retournés en France ; les Français qui sont considérés Américains « accidentels », qui sont nés aux USA de parents français et retournés en France dans leur jeunesse. Ces personnes, qui ne sont pas dans le système américain, et n’ont certainement pas de numéro de sécurité sociale américain, doivent être protégés, de façon à éviter d’autres victimes similaires à celle dont un récent article du Point se fait l’écho. »
Idéalement, monsieur le ministre, tous les résidents français devraient être protégés. Il faut souligner à ce propos que cette façon de clôturer unilatéralement des comptes est un moyen pour les banques de refuser d’appliquer l’accord, donc le contrôle, ce qui devrait interpeller chacun de nous.
Je poursuis : « Transférer les données des personnes concernées, c’est les exposer à des problèmes certains avec l’IRS dans le futur, problèmes qui sont difficiles et coûteux à résoudre.
Le gouvernement français a avant tout le devoir de protéger ses citoyens.
Il est irresponsable et contraire au devoir du Gouvernement de faire voter des lois qui sont contraire à d’autres lois sur la vie privée et la protection des données. C’est prendre le risque de s’exposer, comme c’est en train de se passer au Canada, à des actions légales, financées par les personnes impactées ».
Permettez-moi de citer le courriel d’un Français né aux Etats-Unis et vivant à Paris depuis bien longtemps :« Monsieur le député, le problème principal de FATCA est l’assujettissement à l’impôt qui repose sur un statut légal qui est beaucoup plus large que la nationalité.
La définition d’une personne imposable aux USA inclut, non seulement ceux qui
ont la nationalité américaine – c’est-à-dire les personnes nées aux Etats-Unis ou de parents américains –, mais aussi les détenteurs d’une carte verte qui sont retournés dans leurs pays d’origine, ainsi que les personnes qui séjournent aux USA durant plus d’un certain nombre de mois sur plusieurs années.
Le filet qui est tendu par FATCA a les mailles beaucoup trop fines et est basé sur ce statut, au lieu de la norme d’imposition internationale basée sur la résidence.
Il n’est pas normal que les Américains « accidentels », qui sont nés aux USA mais sont retournés très jeunes dans le pays d’origine de leurs parents, voient leurs données transmises. De même pour les personnes qui ont travaillé temporairement là-bas, ainsi que les conjoints français d’Américains qui ont ouvert des comptes joints.
Pourquoi la France n’a-t-elle pas insisté sur le fait que cette loi s’applique uniquement aux non-résidents ?
La discrimination qui s’ensuit pour détecter toutes ces personnes est inacceptable. Dans mon précédent courrier, je citais l’exemple d’ING Direct et d’AXA, mais d’autres établissements ont la même politique et discriminent ouvertement. »
Je pourrais citer nombre de courriers et de courriels similaires, mais je terminerai par cet échange avec un représentant de l’association des américains résidant à Paris.
« Monsieur le député, comme de nombreuses autres personnes certainement, je suis contraint de fermer mon compte au motif que je suis né aux USA. Ma banque est Boursorama. Je suis vraiment embarrassé par cela. Je sais que vous avez alerté le Gouvernement à ce sujet et je vous en remercie.
L’Assemblée nationale examinera un projet d’approbation de l’accord FATCA le 18 septembre. J’espère que les membres de l’Assemblée nationale se rendent compte qu’il n’y aura aucune réciprocité pour les Français expatriés aux Etats-Unis.
L’Association des banquiers américains est totalement contre cette mesure.
De plus, j’espère qu’ils comprendront qu’ils créeront des « citoyens de seconde classe ». Je parle des ressortissants possédant la double nationalité nés aux État-Unis, travaillant en France et qui, bien que n’ayant aucun lien avec les Etats-Unis, sont concernés par FATCA ».
Les binationaux tirent d’ailleurs d’eux-mêmes les conséquences de FATCA puisque, comme le soulignait récemment un expert comptable franco-américain dans Le Courrier de Floride, « la seule manière d’échapper à ce système pour un Américain résidant à l’étranger, c’est de renoncer à sa nationalité américaine. Selon les dernières statistiques, 9000 d’entre eux l’ont déjà fait en cinq ans, dont 1577 qui ont cessé d’être américains au premier semestre 2014 ».
Monsieur le secrétaire d’État, après avoir obtenu du Gouvernement, par la voix de Benoit Hamon, l’assurance que ces questions seraient réglées, j’ai saisi le ministère de l’économie de tant d’autres situations comparables à celles que j’ai décrites, et vous connaissez l’ampleur du phénomène.
D’après mes informations, et contrairement à ce qui avait été affirmé en séance en février dernier, l’ensemble des banques françaises, y compris la Banque de France, qui gère encore quelques comptes de particuliers, fermeraient aujourd’hui les comptes des expatriés.
Seuls quelques-unes, moyennant une hausse des frais de gestion de ces comptes, n’ont pas encore pris la décision de fermer les comptes de nos ressortissants vivant aux Etats-Unis.
Monsieur le secrétaire d’État, ce sont près de 50 000 comptes bancaires qui sont aujourd’hui susceptibles d’être fermés unilatéralement à cause de FATCA.
Ce sont des dizaines de milliers de Français qui sont menacés de voir couper le lien avec leur patrie. Des dizaines de milliers de Français, menacés de voir couper ce lien !
Ces comptes bancaires, monsieur le secrétaire d’État, répondent à de vrais besoins. Ils servent à payer la prestation de l’EHPAD pour un ascendant résidant en France, à honorer la pension alimentaire de l’ex-épouse demeurée en France, à payer la taxe foncière, la CSG-CRDS de l’appartement loué en France à un étudiant.
Même vos services, monsieur le secrétaire d’État, finiront par en subir les conséquences, lorsqu’un citoyen ne sera plus en mesure de régler l’impôt qu’il doit.
Lors de la discussion de la proposition de loi sur les comptes bancaires inactifs, votre ancien collègue Benoît Hamon m’avait dit, au sujet de ces fermetures de comptes, que seul un certain nombre d’établissements bancaires, qui ne sont pas les plus importants, pouvaient considérer que les investissements désormais nécessaires pour renseigner le fisc américain étaient très élevés au regard du faible nombre de Français titulaires d’un compte et résidents fiscaux aux États-Unis.
Le ministre avait ajouté que, d’après les informations dont il disposait, les gros établissements, ceux qui ont suffisamment de clients, n’avaient pas pris ce chemin et qu’il veillerait à ce qu’il en soit ainsi.
Pourtant les banques que j’ai citées – BNP-Paribas, le Crédit agricole, Axa, ING Direct, voire la Banque de France où certains ont encore leur compte – ne sont pas de petits établissements.
Votre ancien collègue m’avait également assuré que le Gouvernement serait particulièrement vigilant concernant les petits établissements et qu’il prendrait contact avec les banques pour éviter les fermetures de comptes. Je constate – et c’est une des raisons du dépôt de cette motion – que cet engagement n’est pas suivi d’effet.
Je n’ai aucun retour tangible, s’agissant des situations dont j’ai fait part à vos services. Je connais, monsieur le secrétaire d’État, votre volonté d’informer la représentation nationale. Je ne doute pas que j’aurai des réponses, mais on voit bien qu’aujourd’hui un certain nombre de familles françaises se retrouvent dans des situations inextricables.
Permettez-moi de signaler que ces fermetures sont en contradiction totale avec l’alinéa premier de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, résultant de la loi bancaire du 24 janvier 1984, qui dispose que toute personne physique de nationalité française résidant hors de France et dépourvue d’un compte de dépôt bénéficie du droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix.
J’ai d’ailleurs déposé aujourd’hui même une proposition de loi tendant à rendre obligatoires les sanctions financières de l’autorité de contrôle prudentiel pour violation du droit au compte bancaire.
Dans cette enceinte, lors de nos échanges de février dernier, j’avais également demandé à M. Benoît Hamon s’il pouvait s’engager, au nom du Gouvernement, à soulever cette question dans le cadre des relations bilatérales entre la France et les États-Unis, afin de trouver un arrangement qui permette d’alléger les contraintes pesant sur les banques françaises. J’avais suggéré l’établissement de seuils et j’avais proposé que le Gouvernement veille à ce que les intérêts de nos compatriotes, et par là même de notre pays, soient respectés.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, j’ai publiquement regretté la précipitation mise à ratifier cet accord. Notre discussion, aujourd’hui, prouve que j’avais raison. J’ai même demandé publiquement que soit envisagée l’hypothèse d’une renégociation de l’accord FATCA.
Accepter FATCA en l’état, c’est accepter le système américain d’imposition fondé sur la nationalité et non sur la résidence, comme c’est le cas dans le reste du monde. Une solution alternative pourrait être proposée aux États-Unis : participer à la nouvelle plate-forme de l’OCDE sur les échanges automatiques de données fondés sur la résidence.
Pour terminer, monsieur le secrétaire d’État, j’ai invité le Gouvernement de la France à prendre l’initiative d’une réaction européenne. Car vous le savez, la situation en Allemagne, par exemple, est identique. Défendons le modèle européen, tout en participant activement à la lutte contre la fraude.
C’est pour ces motifs, mesdames les présidentes, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que je vous demande d’ajourner ce texte, pour travailler à trouver une solution qui soit juste et équilibrée, et qui ne laisse pas un certain nombre de nos compatriotes sur le bord de la route.
Je voudrais d’abord remercier l’ensemble des orateurs et profiter de ma réponse à cette motion d’ajournement pour dire un mot des questions évoquées auparavant.
La courtoisie veut que je commence par votre rapporteure, dont j’ai apprécié comme vous le travail de qualité. Je voudrais la rassurer sur les questions tout à fait pertinentes qu’elle pose, mais qui ne sont pas forcément sans solution.
Certes, nous partons d’une loi américaine, parfaitement unilatérale. Nous sommes arrivés à une solution qui n’est pas complètement symétrique – monsieur le député Dufau, vous avez raison –, mais qui s’en approche. Une solution, en tout cas, beaucoup plus équilibrée que ce qu’aurait été la situation si nous n’avions pas négocié cette convention. J’y reviendrai en répondant à Frédéric Lefebvre.
Certes, nous n’avons pas encore les soldes, nous n’avons pas encore les montants des contrats d’assurance, mais je peux vous rassurer : ce que nous votons sera parfaitement opérationnel. Les adaptions législatives nécessaires, aux États-Unis, ne sont certes pas votées et font sans doute l’objet de difficultés et de blocages. Nous, en revanche, nous avons fait ce travail dans deux textes : la loi bancaire puis la dernière loi de finances rectificative, dans laquelle nous avons amélioré les choses en donnant à la DGFiP les moyens de collecter les informations et de les transmettre dans de bonnes conditions.
Sur ce point, je pense vous rassurer, madame la rapporteure, ainsi que tous ceux qui ont évoqué ces questions.
Concernant la protection des données, ce n’est pas FATCA que nous ratifions, monsieur Lefebvre. FATCA, c’est une loi unilatérale décidée par les États-Unis, qui obligeait toutes les banques à transmettre les données, sans quoi l’ensemble des versements en direction desdites banques faisaient l’objet d’un prélèvement à la source de 30 %.
À toutes ces critiques, parfois modestes et toujours légitimes, j’oppose cette question : que se passerait-il, si nous ne ratifiions pas, non pas FATCA, loi américaine, mais cet accord entre la France et les États-Unis ?
Au lieu que FATCA s’applique unilatéralement en France, avec tous les inconvénients que j’ai évoqués, c’est la convention qui prévaut. Les banques transmettent l’information à l’administration fiscale française, qui la transmet à l’administration américaine, ce qui garantit la protection des données. Je réponds là à une autre interrogation, tout à fait légitime.
Et puis j’observe qu’en échange – ce que ne prévoit pas FATCA – les États-Unis nous donnent les coordonnées, les numéros de compte et toutes les informations qui nous permettent de mettre en oeuvre les conventions fiscales bilatérales, dont l’une des difficultés d’application, je vous le rappelle, est que les pays ne répondent pas si les demandes ne sont pas précises : il s’agit d’éviter ce qu’on appelle le « phishing ».
Le déséquilibre qui existe encore sur le solde peut être compensé par la demande précise ; et il a vocation à disparaître. En tout cas, il est sans rapport avec le déséquilibre qui aurait existé sans cette convention.
Vous avez posé des questions sur l’accord technique entre les administrations. Ce sont des accords complexes qui nécessitent des systèmes informatiques. Je suis à votre disposition, tout comme l’administration est soumise au contrôle et aux questions des parlementaires pour toute information ou vérification sur les contenus et modalités de mise en oeuvre.
Est-ce que les juges peuvent avoir accès à ce type d’informations, notamment aux États-Unis ? C’était une inquiétude de M. Lellouche. Les informations sont soumises au secret fiscal, bien sûr. Si un juge devait y avoir accès, ce ne pourrait être que dans le cadre d’une procédure à caractère fiscal, en France comme aux États-Unis.
La CNIL travaille avec nous. La Commission européenne a validé ces procédures. Il y a peu de danger, même s’il faut toujours vérifier les choses.
M. Alauzet, M. Sansu ont évoqué la question de l’optimisation de la lutte contre la fraude fiscale. Monsieur Sansu, vous avez dit : « C’est un point d’appui qui en appelle d’autres. » Je partage votre point de vue. Oui, c’est un point d’appui qui en appelle d’autres. C’est un moyen, ce n’est pas le seul, et il devra être complété par d’autres dispositifs ; je connais l’attention à ces sujets des parlementaires de la majorité – ceux de l’opposition, généralement, sont très absents de ce type de débat : cherchez pourquoi.
Vous avez, les uns et les autres, rappelé l’efficacité d’un certain nombre de mesures – pas parfaites, encore une fois, et qui devront être complétées – comme la création du STDR, le service de traitement des avoirs domicilés à l’étranger. On me disait récemment que le produit était voisin de 200 millions d’euros par mois : le produit, et non l’assiette ! Cela ne va peut-être pas durer.
La France est bien sûr derrière les propositions de l’OCDE : cela a été dit à plusieurs reprises, je n’y reviens pas.
D’autres questions, comme celle de M. Lellouche sur l’affaire BNP, n’ont pas leur place dans ce débat. Cette affaire peut faire l’objet de remarques de la part de l’honorable parlementaire qu’il est, mais je n’ai pas à répondre sur ce point.
J’en viens aux éléments que je voudrais apporter en réponse aux inquiétudes de Frédéric Lefebvre. Je le redis, une dernière fois : que se passerait-il si nous ne ratifiions pas cette convention ? Pour les personnes que vous avez évoquées, ce serait pire. Les banques auraient plus intérêt encore à fermer des comptes, dans la mesure où ce seraient elles qui risqueraient de subir les conséquences du non-respect de FATCA.
Monsieur Lefebvre, vous être libre de vos choix et de votre vote, mais je crois que l’intérêt des banques et surtout de leurs clients commande que nous ratifiions cet accord.
Enfin, je m’engage à saisir la Fédération bancaire française, que nous avons souvent l’occasion de rencontrer, pour lui soumettre évidemment cette question.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais vous dire – en cette heure un peu tardive et en vous priant de m’excuser pour avoir été parfois un peu long – sur un texte qui, encore une fois, ne ratifie pas « FATCA » mais permet d’appliquer une convention qui s’y substitue, en attendant des procédures encore plus symétriques et efficientes sur lesquelles Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, essaie de convaincre et de rassembler tous nos partenaires du G20, comme cela a été dit à plusieurs reprises.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.
Je m’exprimerai brièvement, madame la présidente, car nous devons examiner un autre texte important après celui-ci.
Monsieur le député Lefebvre, personne ici, sur ces bancs, ne vous reprochera de défendre les intérêts de vos électeurs, cela va de soi…
…ni de relayer leurs préoccupations.
Cependant le secrétaire d’État vient de répondre aux questions relatives aux banques. Ce serait selon moi un inconvénient énorme si nous ne ratifions pas cette convention et j’en donnerai les raisons, brièvement, car la rapporteure Estelle Grelier, Yann Galut et le secrétaire d’État ont déjà eu abondamment l’occasion de les exposer.
Si nous adoptions votre motion d’ajournement et si nous renvoyions le texte à la commission des affaires étrangères, l’entrée en vigueur de cet accord serait différée alors que celui-ci complétera très utilement les outils dont l’administration fiscale dispose pour lutter contre la fraude fiscale.
En outre, cela mettrait les banques et les compagnies d’assurance françaises en grande difficulté parce qu’elles ne bénéficieraient plus de la convention : la loi américaine « FATCA » s’appliquerait dès lors à elles de façon unilatérale et extraterritoriale, avec les conséquences que nous connaissons : une retenue à la source de 30 % sur les paiements de source américaine qui transitent par elles. Ces établissements perdraient donc toute compétitivité sur le marché américain.
Par ailleurs, je rappelle que cela fait des années que, dans cette assemblée, nous nous battons à la commission des affaires étrangères et à la commission des finances contre le maintien du fameux secret bancaire, que les banques et les institutions financières de certains pays opposent systématiquement.
Voilà des années que nous souhaitons que l’Union européenne mette en oeuvre l’échange automatique d’informations, arme décisive contre la fraude fiscale.
Voilà des années que nous savons que la généralisation de cet échange automatique au plan mondial, entre les États, mettra fin au développement de la fraude fiscale internationale et, ce, de manière inespérée.
L’OCDE a réussi à obtenir ce résultat en s’appuyant sur le précédent que constitue FATCA. Sans lui, jamais nous ne serions venus à bout du secret fiscal en Europe et dans le reste du monde ; jamais nous n’aurions assisté à ce que nous voyons, à savoir le rapatriement des capitaux français en raison de la perspective de la fin du secret bancaire fiscal en Suisse. Sans FATCA, ne nous faisons pas d’illusion, ni la Suisse, ni le Luxembourg, ni les autres pays ou territoires protégeant de la sorte le secret bancaire n’auraient bougé, pas plus qu’ils n’ont bougé pendant les trente dernière années.
Nos échanges en commission, aujourd’hui, nous ont permis d’éclaircir ces questions.
Je remercie le secrétaire d’État d’avoir répondu de manière aussi précise à la lettre que je lui avais envoyée. J’ai d’ailleurs tenu, monsieur le secrétaire d’État, à ce que chaque membre de notre commission soit informé de la teneur de votre réponse et en reçoive copie dès sa réception.
Je ne reviens pas sur le principe de réciprocité, sur lequel nous devons continuer à travailler.
Ce texte constitue un progrès, qui en appellera d’autres, le secrétaire d’État l’a reconnu voilà un instant, mais qui permet de disposer d’une arme supplémentaire contre la fraude fiscale.
J’ajoute que l’accord nous protège contre toute modification de la législation américaine qui serait contraire à nos intérêts, la clause de la nation la plus favorisée nous faisant bénéficier des dispositions plus favorables qui seraient négociées par d’autres pays ou territoires fiscalement souverains.
Les réponses apportées par le secrétaire d’État sont aussi rassurantes quant aux garanties sur les données transmises, afin qu’elles ne soient pas utilisées à d’autres fins que celles prévues par l’accord. Les autorités américaines ne pourront donc utiliser ces informations qu’à des fins fiscales.
À deux jours de la réunion des ministres des finances au G20 qui, samedi et dimanche, se pencheront sur le plan de l’OCDE pour lutter contre les stratégies des grandes sociétés – notamment, dans le secteur numérique – afin d’éviter l’impôt sur les sociétés en Europe et aux États-Unis, la France doit témoigner de sa détermination à rétablir l’égalité devant l’impôt en approuvant le premier accord de transparence fiscale qui nous est proposé et en le faisant dès maintenant.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je vous remercie.
Mes chers collègues, je l’ai déjà dit tout à l’heure : la lutte contre la fraude fiscale constitue à nos yeux une exigence absolue, tant pour nos concitoyens que pour les finances publiques qui perdent environ 50 à 60 milliards d’euros chaque année.
À ce titre, nous ne pouvons aller à l’encontre des objectifs affichés de cet accord : lutter contre la fraude et l’évasion fiscales en instaurant un système d’échange automatique d’informations entre la France et les États-Unis.
Nous émettons néanmoins certaines réserves quant à ses modalités.
Je le rappelle, cette initiative relève avant tout d’une démarche unilatérale américaine à laquelle la France s’est associée.
Par cet accord, notre pays se voit imposer bien plus d’exigences que son partenaire d’outre-atlantique. Il existe donc un vrai problème de réciprocité à double titre, puisque les États-Unis ne mettent pas pleinement en oeuvre l’échange systématique de données dans le cadre de cet accord.
Il est donc nécessaire d’obtenir des engagements de la part de l’administration du président Obama quant au relèvement des standards américains afin de mettre les banques américaines au même niveau de transparence et de coopération que les banques françaises.
Nous pensons donc qu’un débat plus approfondi est souhaitable et c’est pourquoi le groupe UDI votera en faveur de cette motion.
Je vous remercie.
N’étant pas saisie d’autres demandes d’explication de vote, je vais donc mettre aux voix la motion d’ajournement.
La motion d’ajournement, mise aux voix, n’est pas adoptée.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.
D’un mot, pour répondre à la fois au secrétaire d’État et à la présidente de la commission des affaires étrangères.
J’insiste : non, ce texte ne ratifie pas « FATCA » qui, d’ailleurs, s’applique déjà ! Car si j’ai saisi vos services à de nombreuses reprises, monsieur le secrétaire d’État – en tout cas, ceux du ministère de l’économie même si c’est vous, et je vous en remercie, qui êtes au banc pour défendre ce texte –, c’est bien parce que la loi s’appliquait déjà et c’est bien parce que les banques réagissaient déjà.
Je regrette que cet accord bilatéral, alors même que j’ai alerté depuis des mois et des mois sur ce qui était en train de se passer pour nos compatriotes, n’ait pas permis de trouver une solution pour ces derniers.
J’ai entendu vos deux engagements, monsieur le secrétaire d’État, et quant à la Banque de France, et quant à la Fédération bancaire française. Je vous en remercie, de même que de votre fermeté. Il me paraît indispensable que ces engagements puissent être tenus dans les meilleurs délais.
Si vous en êtes d’accord, je souhaiterais qu’à l’occasion de la discussion du budget – à laquelle, vous le savez, j’essaie de me montrer assidu même si je suis membre de la commission de la défense et non de celle des finances – nous puissions faire un point sur les premiers résultats qui pourraient être obtenus et sur les engagements que vous pourriez obtenir de la part de ces deux organismes.
Je le dis en effet à la présidente de la commission des affaires étrangères : certes, les Français qui sont aux États-Unis, vous avez eu raison de le rappeler, sont mes électeurs, mais ce sont avant tout des Français ! Ce sont nos compatriotes, et tous les Français ont droit à la protection de la France. Nous ne pouvons pas accepter que le lien entre la France et des Français…
…où qu’ils soient dans le monde, puisse être coupé suite à un accord tel que celui dont nous venons de discuter.
D’un mot : je tiens à remercier le secrétaire d’État et ses services pour la diligence avec laquelle ils ont répondu aux interrogations légitimes de la commission des affaires étrangères sur les différents thèmes qui ont été abordés et que j’ai essayé d’exprimer. Vraiment, un grand merci, parce que tous les membres de la commission ont pu être éclairés avant le débat en séance publique.
Nous nous sommes tous réunis autour de cet objectif. Tous ceux qui suivent les questions de fraude fiscale internationale ont dit combien cet accord et cette convention étaient importants.
Je tiens à nouveau à remercier particulièrement M. le secrétaire d’État.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt heures quinze.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d’abord que nous ayons une pensée pour la famille du chauffeur de taxi décédé aujourd’hui des suites de l’agression dont il a été victime à Paris la semaine dernière. À sa famille, comme à l’ensemble de ses collègues chauffeurs de taxi, qui effectuent au quotidien un métier difficile, je tiens à exprimer, au nom du Gouvernement, mon soutien dans ces moments douloureux. Les responsables de cette lâche agression, interpellés sur les lieux, ont été déférés devant la justice et deux d’entre eux sont actuellement incarcérés.
Je tiens ensuite, monsieur le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à vous remercier pour votre travail et votre investissement personnel sur ce dossier. Dès la première lecture, vous avez participé activement aux débats, en enrichissant, notamment, le texte initial par des dispositions relatives aux motos taxis.
Votre assemblée est appelée à se prononcer en deuxième lecture sur cette proposition de loi qui doit redéfinir les règles dans le secteur du transport routier léger de personnes. En effet, la crise du début de cette année a mis en exergue la nécessité de trouver un équilibre entre les différents modes de transport, tout particulièrement entre les taxis et les voitures de transport avec chauffeurs, ou VTC.
La concertation approfondie conduite, à la demande du Gouvernement, avec les organisations professionnelles de ce secteur – syndicats de taxis, entreprises de réservation de VTC, anciennes grandes remises – a abouti à la rédaction d’un rapport intitulé Un taxi pour l’avenir, des emplois pour la France, qui a été remis au Premier ministre à la fin du mois d’avril. La qualité du travail réalisé dans ce cadre par Thomas Thévenoud, comme l’équilibre des trente propositions qui y étaient présentées, a été saluée par tous.
La proposition de loi déposée fin juin sur le bureau de l’Assemblée reprend l’intégralité des mesures de nature législative contenues dans ce rapport : elles constituent l’architecture du texte que vous examinez aujourd’hui en deuxième lecture. Ce texte initial a été enrichi par les débats parlementaires qui se sont déroulés au sein de votre assemblée et au Sénat. Les dispositions adoptées dans ce cadre ont permis de compléter et de préciser le texte initial. Sa cohérence en est sortie renforcée et certaines ambiguïtés ont pu être levées. C’est donc un texte préservant l’équilibre recherché par le Gouvernement qui vous est présenté aujourd’hui.
Après les vives tensions qui s’étaient exprimées en début d’année, l’examen en deuxième lecture de ce texte intervient dans un climat nettement plus serein. Ce secteur économique a besoin, au plus vite, après de longs mois d’incertitude, de règles claires et stabilisées. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à un vote conforme de votre assemblée sur ce texte, qui permettra la mise en oeuvre des nouveaux dispositifs dans le respect des échéances rapprochées prévues par cette proposition de loi – dès le 1er janvier 2015 pour certaines dispositions.
Les services des différents départements ministériels concernés sont d’ailleurs pleinement mobilisés pour préparer les textes d’application de la proposition de loi et mettre en oeuvre les propositions du rapport relevant du seul domaine réglementaire. Les services de mon ministère, enfin, s’attacheront à anticiper la transition vers la nouvelle procédure d’immatriculation des VTC, dont ils auront la charge en 2015.
Je souhaite maintenant vous rappeler rapidement les principales dispositions de la loi qui vous est soumise. Son article 1er ouvre une vraie perspective de modernisation des taxis, avec le développement de la « maraude électronique ». La maraude, c’est-à-dire la possibilité pour le client de héler un véhicule sur la voie publique, est une spécificité propre aux taxis. Elle pourra désormais se pratiquer électroniquement. Un client en recherche immédiate d’un taxi pourra ainsi voir les véhicules libres à proximité : ce sera un atout supplémentaire pour cette profession, et une offre de service améliorée pour les clients, en phase avec l’usage accru des nouvelles technologies. La volonté du Gouvernement de participer au développement des usages du numérique trouve une nouvelle illustration dans ce projet d’open data de la disponibilité des taxis. C’est une véritable innovation, gage de modernisation de la profession, dont je veux souligner l’originalité et l’ambition.
Nous avons pu entendre que le Gouvernement voulait interdire l’usage des nouvelles technologies et de la géolocalisation aux VTC. Il convient sur ce point d’être précis. Il est évidemment hors de question d’interdire aux VTC d’être géolocalisés : cela n’aurait pas de sens. Les VTC ayant interdiction de circuler en quête de clients, et donc de s’adonner à la maraude réservée aux taxis, ils ne doivent pas pouvoir signaler aux clients, en temps réel, à la fois leur disponibilité et leur localisation. En revanche, les entreprises de ce secteur demeurent parfaitement libres d’utiliser ces technologies pour organiser au mieux leur activité et pour informer, par exemple, le consommateur du temps d’attente avant sa prise en charge, à la suite d’une réservation. Votre assemblée a déjà eu l’occasion de préciser ce point par amendement, et le Sénat a encore fait évoluer la rédaction du texte, afin de lever définitivement toute ambiguïté.
La proposition de loi s’attache également à moderniser les conditions d’exercice de la profession de conducteur et d’exploitant de taxi. Parmi les 55 000 conducteurs de taxis, 8 000 exercent aujourd’hui leur métier avec un statut de locataire : cette situation est une source d’ambiguïté, qui pénalise en outre les chauffeurs, puisqu’il les rend plus vulnérables aux fluctuations de la conjoncture. La proposition de loi met donc fin à ce système, au profit du droit commun : la location-gérance. Une exception que vous avez adoptée en première lecture est toutefois prévue pour les coopératives, compte tenu des spécificités de ce secteur, qui méritent d’être reconnues.
La proposition de loi clarifie également les règles d’attribution des nouvelles autorisations de stationnement, plus communément appelées « licences ». Elles seront incessibles, attribuées pour une durée de cinq ans, et devront être exploitées par le titulaire lui-même. De surcroît, elles seront réservées en priorité aux conducteurs exerçant effectivement ce métier.
Au-delà de la modernisation des conditions d’exercice de la profession de taxi, cette proposition de loi entend clarifier et renforcer les règles qui s’appliquent au transport de personnes, et singulièrement aux VTC, dont le régime créé récemment s’est avéré insuffisamment protecteur pour le consommateur. La loi de 2009, dite loi Novelli, avait pour ambition affichée de réformer le statut des grandes remises s’adressant à une clientèle haut de gamme sur un segment de marché très particulier. Il en a résulté une dérégulation quasi complète du secteur, le régime des véhicules de tourisme avec chauffeurs ne prévoyant initialement aucune qualification des conducteurs et une immatriculation simplifiée à l’extrême.
Avec le développement des smartphones, de nouveaux opérateurs se sont implantés sur ce marché, qui a alors connu une forte expansion, tout particulièrement en région parisienne. Le Gouvernement ne souhaite pas freiner les initiatives, ni entraver les acteurs économiques qui répondent à ces nouveaux besoins. Au contraire, les services à la personne, les nouvelles technologies, le numérique, constituent autant d’opportunités que le Gouvernement entend saisir pour contribuer au développement de l’emploi et de la compétitivité de notre pays, en répondant aux besoins des consommateurs. Des règles du jeu claires pour tous et partagées par chacun n’en sont pas moins indispensables. Dès 2013, nous avons pris des mesures réglementaires, afin de réguler cette activité et de mettre fin à certaines dérives. Toutefois, il est nécessaire de donner un cadre législatif aux VTC, adapté à une activité de transport de personnes.
L’Assemblée nationale, comme le Sénat, a amendé les dispositions relatives aux VTC. Votre assemblée a, d’un côté, allongé la durée de l’immatriculation des exploitants de trois à cinq ans et, de l’autre, instauré une obligation pour les chauffeurs de VTC, à l’issue d’une course, de retourner au lieu d’établissement de l’exploitant ou dans un lieu de stationnement autorisé en dehors de la chaussée. Le Sénat a complété cette dernière disposition en introduisant une exception trouvant à s’appliquer dans le cadre de réservations successives. Le dispositif issu de vos travaux respectifs permet d’atteindre un équilibre satisfaisant : il garantit une régulation de l’occupation de l’espace public et une lutte contre les pratiques illégales de racolage, tout en permettant aux VTC d’honorer les réservations dont ils disposent dans de bonnes conditions. C’est en effet pour des raisons d’ordre public et d’intérêt général que seuls les taxis bénéficient d’une autorisation de stationner sur la voie publique, et donc d’exercer la maraude. Il y a là un enjeu majeur de fluidité de la circulation dans nos villes, et tout particulièrement dans les métropoles.
La proposition de loi répond bien au souci d’équilibre qui a traversé l’ensemble des débats préparatoires : renforcer à la fois les garanties de professionnalisme des acteurs du VTC et la responsabilité des intermédiaires, tout en se gardant des excès de réglementation. Cet équilibre repose sur l’introduction d’un certain nombre de règles simples : la capacité financière des exploitants, l’obligation de vérification de la carte professionnelle et de l’assurance par les intermédiaires, la garantie accrue du monopole des taxis sur la maraude.
Votre assemblée, par un amendement de votre actuel rapporteur, a complété les garanties relatives au transport de personnes s’agissant des véhicules à deux ou trois roues, dits motos-taxis. Développée récemment, cette activité bénéficiait d’un régime n’offrant pas de garanties de sécurité satisfaisantes pour les clients. La proposition de loi répond à cette insuffisance et contribue à traiter sur un pied d’égalité, par la fixation de règles communes, des activités qui s’exercent dans un même domaine.
La proposition de loi crée également un statut d’intermédiaire. En effet, ces nouveaux opérateurs économiques occupent une place importante, voire prépondérante, dans le système économique des VTC. Il était important de préciser leurs responsabilités. Ils bénéficiaient jusqu’ici d’une relative impunité, puisque les dispositions existantes visaient soit les exploitants, soit les chauffeurs eux-mêmes. La redéfinition des infractions relatives à l’offre frauduleuse de transport permettra, quant à elle, une répression facilitée du racolage. Les forces de l’ordre sont d’ores et déjà mobilisées de manière importante pour mettre fin à ces situations qui portent préjudice aux taxis, comme aux VTC qui respectent la réglementation. Elles doivent avoir les moyens d’exercer plus facilement leur mission.
Ce texte prévoit par ailleurs une intervention accrue de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dont je salue l’engagement sur ce dossier. Elle contrôlera notamment l’application par les VTC des règles relatives à la tarification. En privilégiant l’efficacité du contrôle de règles simples à un excès de réglementations sans moyen effectif d’assurer leur respect, le texte repose sur un équilibre auquel le Gouvernement souscrit pleinement. À ce titre, je rappelle qu’à l’initiative de la DGCCRF, l’ensemble des centrales de réservations de VTC a ainsi été contrôlé entre l’été 2013 et aujourd’hui. Ces contrôles ont permis de transiger à hauteur de près de 100 000 euros pour divers manquements à la réglementation relative à l’affichage des prix. De tels montants sont relativement exceptionnels pour les manquements invoqués et attestent des progrès qui restent nécessaires pour l’information du consommateur.
Les manquements les plus graves – je pense en particulier au service UberPOP – font l’objet de procédures contentieuses pour pratiques commerciales trompeuses. L’engagement de ces procédures a fait apparaître les difficultés liées à l’absence de sanction directe pour l’organisation d’un service illégal de transport de personnes. En effet, le cadre en vigueur ne permet pas de mettre pleinement et directement une société face à ses responsabilités, mais uniquement de sanctionner les conducteurs, eux-mêmes victimes de certaines pratiques, et parfois inconscients du caractère illégal de l’activité proposée. L’une des avancées notables de la présente proposition de loi est de venir combler cette lacune. Dans l’attente du vote de ces dispositions, je me félicite toutefois que la diligence de la DGCCRF ait créé les conditions d’un calendrier particulièrement rapproché, le délibéré étant attendu à la mi-octobre.
La brièveté des délais de mise en oeuvre de cette réforme importante du secteur du transport léger de personnes ne saurait se confondre avec la précipitation dénoncée par certains. Préparée par une intense concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, cette proposition de loi est à la fois réaliste et équilibrée.
Le Gouvernement souhaite que, par son adoption rapide, les règles d’une concurrence saine et équilibrée soient enfin fixées de façon durable et permettent l’épanouissement de l’ensemble des offres de transport, conformément à leur vocation, et en s’appuyant sur les moyens de communication actuels. Porteur de créations d’emplois tout en étant protecteur des emplois qui existent, ce texte permettra de répondre aux besoins de mobilité des citoyens.
Cette proposition de loi, c’est plus de clarté, plus d’efficacité, plus d’équité : nous aurons tous à y gagner !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, les circonstances plus que le mérite me conduisent aujourd’hui à rapporter devant notre assemblée la deuxième lecture de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur.
Quel que soit le jugement que l’on peut porter sur ces circonstances, elles ne nous autorisent pas à l’amalgame, et ne dépossèdent en rien Thomas Thévenoud de l’excellent travail parlementaire qu’il a accompli, d’abord dans le cadre de la mission de concertation qui lui a été confiée par le Premier ministre à la suite du mouvement des taxis de février dernier, puis par le rapport qu’il a rédigé, et ensuite dans l’élaboration et la première lecture de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.
Ce texte ne couvre pas, loin s’en faut, l’ensemble des trente propositions du rapport Thévenoud, dont je rappelle qu’il est issu d’une somme considérable d’auditions et de concertations avec les acteurs concernés, et en particulier avec le monde des taxis dans toute sa diversité.
Bien de ses préconisations et non des moindres, comme le forfait aéroport ou le forfait d’approche, l’observatoire national sur l’offre de transports, l’instauration d’un contrôle technique renforcé, nécessitent une mise en oeuvre par voie réglementaire.
Cette loi n’en est pas moins nécessaire, parce qu’elle a pour objet de mettre un terme aux conflits de droits et aux risques de déstabilisation économique et sociale introduits par la loi du 22 juillet 2009 dite loi Novelli, qui a ouvert le marché du transport léger de personnes à une nouvelle catégorie de prestataires, les véhicules de tourisme avec chauffeurs – VTC –, qui échappent aux principes généraux du droit des transports qui régissent cette activité.
Elle est urgente, parce que ce conflit de droits, qui a introduit dans le secteur des taxis une concurrence inégale – en matière de certification, de formation, de coût d’entrée dans la profession, de responsabilité civile, de garantie financière et de garantie de moralité – s’est traduit, comme on pouvait s’y attendre, en conflit social et en mobilisation des chauffeurs de taxis contre les VTC.
Le gouvernement Ayrault y a répondu à la fois par un moratoire d’immatriculation des VTC, et par la mission Thévenoud. Par là même, le Gouvernement s’exposait à des recours des VTC au motif d’entrave à l’exercice de leur activité. Il fallait sortir de cette impasse.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et qu’il serait évidemment hautement souhaitable d’adopter au plus vite, a précisément pour objet de mettre un terme à la parenthèse juridique précaire à laquelle les parties en présence ont bien voulu consentir.
Finalement, le rapporteur a trouvé là l’opportunité, non seulement de sécuriser la levée du moratoire, mais d’adapter le droit aux nouveaux usages du transport léger de personnes, et en particulier au succès rencontré par les véhicules de tourisme avec chauffeur.
La mobilité, qui est l’expression la plus universelle de la liberté, et en particulier de la liberté de circulation, est non seulement en développement explosif dans le monde, mais également soumise à de spectaculaires révolutions d’usages.
Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’internet et les nouvelles technologies de communication et d’information modifient profondément les comportements, diversifient les usages, et introduisent sur le marché de la mobilité des services nouveaux, comme des modèles économiques nouveaux, aux développements fulgurants.
Le monde des taxis, qui a succédé à celui des cochers au début du XXe siècle du fait de l’intrusion d’un autre progrès technique redoutable – l’automobile – est aujourd’hui percuté, à Paris mais aussi partout ailleurs dans le monde, par le développement d’applications numériques de géolocalisation et de réservation en temps réel qui bousculent et menacent sa vieille et immuable routine. Il en résulte de nouvelles offres, qui ont très vite été plébiscitées par la clientèle pour leur qualité de service, dans le bouquet de services de mobilité à la disposition de nos compatriotes : transports collectifs urbains, TER, bus, Autolib’, Vélib’. Mais le monde des taxis survivra à l’internet comme il a survécu au passage de la traction hippomobile à la traction automobile, à condition qu’il s’y adapte.
Il ne s’agit donc pas d’opposer taxis et VTC mais, à l’ère d’internet et du GPS, d’opérer une adaptation et une clarification de notre législation, afin de bien distinguer le domaine des VTC de celui des taxis, et plus généralement, au bénéfice de l’ensemble du secteur du transport léger de personnes.
C’est d’autant plus nécessaire que tout indique que de nouveaux usages de l’automobile, notamment coopératifs, vont très probablement s’imposer progressivement aux véhicules propriétaires dans les coeurs d’agglomération, où la circulation est de plus en plus contrainte, ouvrant des perspectives particulièrement prometteuses aux transports en accès réservé aux centres-villes. Des expériences en vraie grandeur en attestent déjà, par exemple à Strasbourg ou Bordeaux, dont le coeur du centre est interdit à la circulation automobile, sauf aux taxis, lesquels ont ainsi trouvé un second souffle.
Là où la loi Novelli avait introduit une libéralisation inéquitable entre VTC et taxis, nous nous proposons de reréglementer le transport léger de personnes en considération des évolutions qui l’affectent.
La première conséquence de ce texte est d’ailleurs de faire basculer les véhicules de tourisme avec chauffeur du code du tourisme au code des transports qui régit toutes les activités de même type, et d’abord en les rebaptisant « voitures de transport avec chauffeur ». Il en découle un certain nombre d’obligations d’immatriculation, de formation, de moralité des chauffeurs, de responsabilité civile, de garantie professionnelle et financière, qui sont des garanties de professionnalisme, mais aussi de concurrence équitable.
Cette loi poursuit finalement un double objectif : celui d’encadrer, de réglementer le phénomène des VTC, sans pour autant en contrarier les développements, dès lors qu’il participe à une diversification attendue de l’offre ; celui de moderniser les services de taxis en confirmant leur monopole exclusif de la maraude, qui les distingue de tous les autres transports de personnes, et en leur ouvrant le monopole de la maraude moderne, c’est-à-dire de la maraude électronique.
Cet effort très remarquable de clarification et de différenciation des missions des taxis par rapport aux VTC, exprimé de façon simple et lisible, constitue le fil rouge de la proposition de loi. Les VTC peuvent entrer sur le marché mais ils ne peuvent y marauder, ni physiquement, ni virtuellement par la maraude électronique. La géolocalisation ne leur est pas pour autant interdite, ni même la possibilité d’enchaîner plusieurs courses, mais elle n’est pas accessible aux usagers, pas plus que les stations de taxis et les enceintes de gares ou d’aéroports.
Les taxis conservent le monopole de la maraude sur la chaussée et accèdent à celui de la maraude électronique, c’est-à-dire à des réservations instantanées par les clients à partir de leur géolocalisation, permise par une base de données publique. Ils y trouveront des perspectives de marché et de rationalisation de leurs courses particulièrement prometteuses.
Déposée le 18 juin 2014, la proposition de loi initiale comportait treize articles qui prévoyaient notamment la création d’un registre de disponibilité des taxis destiné à garantir la mise en place de l’open data ; la très importante réforme du statut de locataire taxi, qui revient au principe de l’artisan taxi, et procède à l’ouverture de la location-gérance avec cependant une exception pour les SCOP ; l’interdiction pour un même conducteur de cumuler les activités de taxi et de VTC ; l’obligation d’exploiter sa propre licence ; la suppression de l’inscription des VTC auprès d’Atout France, puisqu’ils basculent dans le monde des transports ; de nouvelles obligations pesant spécifiquement sur les VTC, codifiées dans le code des transports ; le renforcement et l’efficacité des contrôles, comme cela a été expliqué par M. le secrétaire d’État.
En première lecture, le 10 juillet 2014, notre assemblée a introduit notamment, à l’initiative du rapporteur, l’obligation de mise à disposition d’un terminal de paiement par carte bancaire dans tous les taxis. Ce nouvel article traduit la recommandation no 9 du rapport Thévenoud. C’est bien le moins, dans le pays qui a inventé la monnaie électronique et la carte bancaire.
De plus, l’Assemblée a également décidé une dérogation à la fin du système de location pour les sociétés coopératives ouvrières ; le passage de trois à cinq ans de la durée de validité de la licence ; l’extension de l’interdiction pour les VTC de s’arrêter ou de stationner aux abords des gares et des aérogares, et pas seulement dans leur enceinte.
À l’initiative du groupe UMP, nous avions adopté un amendement prévoyant la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur la transmission d’informations par les exploitants de taxi à Etalab. Le contenu de ce rapport a d’ailleurs été considérablement consolidé par nos collègues sénateurs.
Par ailleurs, un amendement du groupe GDR est venu préciser que la délivrance des nouvelles autorisations de stationnement – ADS – pour les taxis serait prioritairement accordée aux conducteurs qui ne seraient pas déjà titulaires d’ADS.
Un amendement du Gouvernement a précisé que le dispositif anti-maraude s’appliquerait non seulement aux transporteurs mais également aux intermédiaires, et le statut de l’intermédiaire est bien précisé. Un amendement de mes collègues Alexis Bachelay et Arnaud Leroy, identique à celui de Lionel Tardy, a introduit des dérogations pour permettre aux taxis et aux VTC de circuler avec des véhicules propres. Enfin, un amendement du groupe socialiste est venu encadrer l’activité des motos taxis, désormais accessible sur présentation d’un certificat professionnel et d’un contrat d’assurance dont les détails seront précisés par décret.
En première lecture, le Sénat a restreint l’obligation de retour à la base pour les VTC en expliquant que l’on pouvait y déroger si des courses étaient enchaînées. Ce point fera discussion. Il constituera sans doute l’essentiel de nos débats aujourd’hui. Néanmoins, les amendements qui ont été déposés pour revenir à la rédaction initiale ont été rejetés par la commission.
En deuxième lecture, notre commission, qui s’est réunie le 10 septembre dernier, a considéré que l’équilibre trouvé par le Sénat ne devait pas être modifié, et a par conséquent rejeté toutes les propositions d’amendements. C’est la position que je défendrai dans notre hémicycle en tant que rapporteur de la commission du développement durable.
Puisqu’il fait toujours rester modeste et considérer qu’un texte mérite d’être expérimenté pour connaître précisément sa valeur et la façon dont il s’insère dans la vie réelle, la proposition de loi prévoit une obligation d’évaluation par un rapport que le Gouvernement remettra au Parlement dans un an. Si des ajustements sont nécessaires, nous pourrons y procéder en toute connaissance de cause.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Yannick Favennec, qui a suivi tous les débats sur ce texte, mais qui n’a malheureusement pas pu être présent aujourd’hui.
Nous voici donc très certainement arrivés au terme de l’examen de cette proposition de loi, dont l’enjeu initial était double. Ce texte devait à la fois calmer la colère des chauffeurs de taxi, inquiets face à l’émergence désormais inéluctable des VTC, tout en cherchant à appréhender au mieux les innovations technologiques apportées par ces nouveaux concurrents.
Alors que la profession des taxis souffre de plus en plus de son image négative auprès des consommateurs, celle des VTC a, quant à elle, le vent en poupe. Or, cette atmosphère de compétition ne saurait être satisfaisante, ni pour les chauffeurs de taxi, ni pour les chauffeurs de VTC et encore moins pour les clients que nous sommes. Les dernières manifestations des chauffeurs de taxi européens n’ont fait que révéler la délicate situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le marché du transport de personnes, qui subit une mutation sans précédent.
Tout au long des débats, le groupe UDI a toujours soutenu l’idée d’un juste équilibre qui aurait permis aux taxis et aux VTC de cohabiter de manière complémentaire, et surtout apaisée. L’ouverture d’un marché à la concurrence ne doit en aucun cas freiner le développement de nouvelles technologies, et plus généralement freiner le développement d’idées innovantes qui peuvent améliorer le quotidien des consommateurs. Si nous ne contestons pas l’importance de redorer l’image de la profession de taxi – qui accuse un retard substantiel dans certains domaines – ni celle d’encadrer davantage le secteur des VTC – parfois trop avantagé par certaines réglementations –, nous pensons qu’il est primordial de s’inspirer des succès plutôt que de niveler ce marché par le bas.
Malheureusement, le texte initial peinait à répondre à ces nombreux enjeux, mais surtout se montrait peu ambitieux face à un sujet aussi important qui aurait mérité une concertation plus approfondie et une réflexion d’envergure.
Est-il nécessaire de rappeler les conditions de l’examen de ce texte en première lecture ? Une nouvelle fois, les députés du groupe UDI déplorent la rapidité avec laquelle cette proposition de loi a été étudiée par notre Parlement, alors qu’un vrai débat aurait eu toute sa place.
Ce texte présentait également des mesures plutôt bancales et assez mal définies, qui ont, à de nombreuses reprises, suscité notre interrogation. Je pense notamment à la réforme du statut des locataires, dont nous ne pouvons malheureusement plus modifier le contenu, puisque les articles ont obtenu un vote conforme. Si nous restons persuadés qu’il est primordial de repenser les différents statuts de chauffeurs de taxi, nous ne pensons pas que la solution retenue soit optimale. En effet, la disparition du jour au lendemain du système de location risque d’avoir des conséquences importantes sur le marché des taxis : des conséquences qui n’ont absolument pas été anticipées.
La création de la location-gérance suscite également notre étonnement. Quid de la solidarité fiscale entre le propriétaire et le locataire gérant ? Quid de la couverture sociale ? Autant de questions qui semblent aujourd’hui être sans réponses.
Quant au nouveau processus de délivrance des autorisations de stationnement, nous craignons également la panique que cela risque de générer sur le marché.
Bien entendu, nous sommes conscients qu’il faut absolument réformer le marché actuel des licences, qui est devenu insoutenable. Face aux nombreuses réglementations subies par la profession des taxis et face au prix exorbitant des licences, il est urgent de réagir pour espérer pallier la terrible chute de compétitivité que connaît la profession des taxis.
Pour autant, nous ne pensons pas que la meilleure solution soit de rendre les licences gratuites et incessibles. Le double régime imposé par ce texte risque d’être tout simplement intenable, et surtout de créer l’effet inverse à celui attendu.
Sur ces deux points, le texte n’apporte donc aucune réponse pragmatique et crée plutôt une nouvelle instabilité, dont les taxis auraient pu se passer. Alors que cette proposition de loi prétendait apporter des solutions concrètes pour moderniser une profession en mal de reconnaissance, nous avons plutôt le sentiment qu’elle a créé de nouveaux problèmes.
Nous approuvons, cependant, l’idée d’étendre la géolocalisation aux taxis, même si le cadre dans lequel cette innovation sera mise en place reste flou. Nous nous réjouissons également de l’adoption d’un amendement obligeant les taxis à être munis d’un terminal de paiement électronique en état de marche. Cette mesure nous semblait fondamentale pour le bien-être du consommateur.
Comme vous l’aurez compris, le groupe UDI ne s’est jamais opposé à la modernisation de la profession des taxis. En revanche, nous n’avons pas compris pourquoi le développement de ces mêmes taxis entraînait, selon vous, l’affaiblissement des VTC.
Même si cela n’était pas clairement écrit, ce texte souhaitait, dans son contenu initial, interdire la géolocalisation pour les VTC. Quel terrible signal, dans le contexte actuel, pour des entreprises innovantes, mais surtout créatrices d’emplois ! Leur interdire une technologie qu’elles ont développée relève, tout simplement, de l’absurde.
Si le précédent rapporteur nous avait quelque peu rassurés sur la teneur de ces dispositions, nous restons perplexes. L’alinéa 22 de l’article 8 ne nous semble toujours pas limpide. Nous attendons, une nouvelle fois, des réponses concrètes à nos interrogations : le client aura-t-il accès à la géolocalisation, et pourra-t-il toujours consulter la disponibilité de sa VTC ? Avouez tout de même que le concept de « maraude électronique », inventé à l’occasion de la discussion de ce texte, reste pour le moins vague ! Il nous semble donc aberrant de chercher à mettre en place des dispositifs qui pénalisent non seulement le consommateur, mais aussi l’entrepreneur, à l’origine d’une idée que l’on peut qualifier de révolutionnaire.
Nous ne sommes évidemment pas opposés à une réglementation plus stricte des VTC, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’innovation. À ce sujet, nous nous félicitons du travail du groupe UDI-UC du Sénat, qui a su nuancer le texte sur ces différents points, et l’ancrer ainsi un peu plus dans la réalité du marché.
Pour autant, nous continuons à être inquiets. J’en veux pour preuve l’amendement déposé à la dernière minute par l’ancien rapporteur obligeant le conducteur d’une VTC à retourner, après chaque course, au lieu d’établissement de l’exploitant de cette voiture ou dans un lieu où le stationnement est autorisé. Cette mesure, absolument déconcertante, a été adoptée sans aucune discussion préalable. Ce dispositif représente un non-sens absolu, en termes économiques mais aussi écologiques. Si le Sénat, sous l’impulsion du groupe UDI-UC, a réussi à faire évoluer cette mesure dans le bon sens, nous en demandons tout de même la suppression.
Constructif tout au long des débats, le groupe UDI maintient sa position. Cette proposition de loi a été préparée dans la précipitation et ne se caractérise par aucune vision d’avenir. Alors que l’Allemagne semble avoir finalement reculé dans sa volonté d’interdire à une société de VTC d’exercer son activité, la France ne doit pas avoir une position aussi tranchée.
Au groupe UDI, nous restons persuadés qu’une véritable réforme du marché des transports de personnes doit s’opérer. Ce texte est malheureusement un rendez-vous manqué. Il ne réglemente pas correctement les VTC, préférant les déposséder de leurs compétences plutôt que de réfléchir à un nouvel encadrement. Il ne modernise pas non plus les taxis, même si certaines pistes de réflexion ont été engagées.
Nous regrettons en outre que certains points du rapport n’aient pas été suffisamment abordés lors de la discussion de ce texte. Je pense notamment à la réservation de voies pour les taxis en direction des aéroports, à la mise en place d’un forfait pour la course d’approche, mais aussi d’un forfait pour ces mêmes aéroports.
Enfin, nous espérons que davantage d’incitations à être plus écologiques, mais aussi plus français, seront proposées aux taxis comme aux VTC.
Pour conclure, le groupe UDI reste persuadé que ce texte ne réglera pas, à long terme, le conflit qui existe entre les taxis et les VTC. Le message d’apaisement qui aurait dû être envoyé a été brouillé par des annonces qui n’avaient pas leur place dans cette proposition de loi. Aussi, la majorité du groupe UDI s’abstiendra sur ce texte.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur – cher Gilles Savary, que je salue pour avoir su prendre le relais rapidement sur ce texte –, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de réguler la concurrence entre taxis et voitures de tourisme avec chauffeur, dites VTC. Elle est une réponse aux nombreuses manifestations de chauffeurs de taxi qui ont eu lieu en France, mais aussi en Europe, en raison de l’émergence soudaine, et en nombre, des VTC. La réglementation bien moins contraignante et les investissements moins nombreux nécessaires aux VTC ont en effet fini par créer une concurrence déloyale avec les taxis.
Mais, disons-le d’emblée, c’est le système de la licence des taxis qui est en réalité la cause principale des dysfonctionnements que subissent tant les clients que les chauffeurs eux-mêmes. La licence peut être transmise à titre onéreux, voire très onéreux. Son prix atteint 230 000 euros en moyenne à Paris, selon les chiffres du rapport rendu par le précédent rapporteur. Dans certaines villes, comme à Nice, le prix peut même atteindre 400 000 euros – encore s’agit-il des chiffres officiels. Il s’agit donc d’un investissement important, d’un patrimoine que se constituent les taxis. Avec ces licences, une grande partie de leur retraite est en jeu.
Mais il existe également des taxis locataires, qui ne sont pas tenus d’acheter une licence pour exercer leur profession, mais doivent en revanche verser une somme importante aux loueurs qui possèdent cette licence. Selon les chiffres du même rapport, cette somme peut atteindre 4 500 euros par mois. Le métier de taxi est quand même l’un des seuls où il faut payer pour travailler, le plus souvent dans des conditions rudes et stressantes, avec des fins de mois difficiles, à Paris comme dans nombre de villes de France.
S’il est de bon ton de se plaindre des taxis – un jeu marseillais –, il faut surtout dire que ce métier est dur et insuffisamment rémunéré. Si les chauffeurs de taxi manifestent, ce n’est pas pour conserver leur rente, mais bien pour tenter d’endiguer la dégradation continue de leurs conditions de travail et de leurs revenus financiers.
Quant aux chauffeurs de VTC, ils doivent acquérir une carte professionnelle de chauffeur de voiture de tourisme, d’un montant d’environ 100 euros, pour exercer leur profession. Leurs tarifs ne pourront donc qu’être déloyaux, dans la mesure où leur investissement de départ est sans commune mesure avec celui des taxis. On voit bien que les deux professions ne font pas face aux mêmes enjeux financiers.
Il fallait donc, sans jeter la pierre à personne, s’attaquer à la racine du problème, c’est-à-dire à cette distorsion de concurrence. À terme, il nous semble que la suppression totale du régime des licences soit la seule solution pour mettre fin aux difficultés que j’énonçais à l’instant. Bien sûr, et j’insiste là-dessus, aucun propriétaire de licence ne doit être lésé. Des solutions existent pour ménager tant les comptes publics que le droit de propriété des taxis. On pourrait, par exemple, convertir l’investissement dans la licence en droits à la retraite – cette proposition a déjà été évoquée par ailleurs. De cette manière, il n’y aurait que des gagnants, puisque tout le monde pourrait commencer à travailler, soit en véhicule de tourisme, soit en taxi, sans débourser des sommes pharamineuses. Bien sûr, un tel bouleversement, bénéfique, nécessite un débat plus approfondi, concernant notamment les sources de financement à trouver pour indemniser les chauffeurs de taxi. Je peux prédire sans grande difficulté que nous y reviendrons très vite.
Je constate que les bancs de la droite sont vides…
Un autre chantier important pour demain consiste à privilégier au maximum le co-partage, des taxis comme des VTC. La technologie connectée et les smartphones le permettent : la loi devra suivre. Il faudra favoriser encore et toujours l’intermodalité entre les différents transports et privilégier les transports collectifs. Il s’agit là d’un gisement extraordinaire, que nous devons savoir exploiter et préparer.
Mais ce n’était pas l’objet de cette proposition de loi, dont l’ambition affichée était de régler rapidement les dysfonctionnements liés à l’arrivée soudaine des VTC. Nous pensons qu’elle le permet, en apportant des solutions concrètes aux difficultés des taxis, sans nuire pour autant aux chauffeurs de VTC, comme l’a indiqué récemment leur fédération professionnelle. La commission n’a pas modifié le texte issu du Sénat : nous sommes donc proches du but.
Cette proposition de loi prévoit plusieurs mesures visant, d’une part, à adapter la profession de taxi à la concurrence – chacun a sa propre expérience de l’accueil dans certains taxis, pas tous, qui n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes, nous pourrions en parler longuement –, et, d’autre part, à remettre à plat et mieux réguler la réglementation applicable aux VTC.
Pour résumer, cette loi impose aux taxis de se moderniser en échange d’une meilleure protection face à la concurrence des VTC.
Tout d’abord, la base de données publique et gratuite ouverte aux taxis permettra d’étendre leur monopole de maraude aux nouvelles technologies en en interdisant l’accès aux VTC.
Ensuite, la fin du système actuel de location et son remplacement par une location-gérance donneront à de nombreux taxis locataires la possibilité de disposer d’une réelle protection sociale, qui manque actuellement à nombre d’entre eux, en tant que commerçants indépendants.
En outre, l’incessibilité des nouvelles licences mettra un terme à la spéculation dont les taxis sont les premières victimes.
Enfin, la reprise en main de la procédure d’immatriculation des VTC et l’instauration d’un socle de sanctions permettront de rétablir l’équilibre entre les deux professions, en contrôlant plus étroitement les VTC.
Je ne reviendrai pas sur l’épisode malheureux de l’amendement déposé à la dernière minute dans cette assemblée, qui imposait aux VTC, dès qu’un client était déposé, de « retourner au lieu d’établissement de l’exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé ». Une telle mesure mettait purement et simplement fin aux VTC et détruisait tout le système que nous souhaitions mettre en place. En outre, par ses effets sur la circulation, l’énergie et le climat, elle constituait une aberration, puisqu’elle entraînait l’allongement ou la création de nouveaux circuits qui n’avaient pas lieu d’être. Je remercie donc les sénateurs d’avoir modifié cette disposition, en précisant que l’obligation ne s’appliquerait pas aux chauffeurs disposant de réservations leur permettant d’enchaîner avec une nouvelle course. Je ne doute pas que notre assemblée suivra, en tout état de cause, cette décision du Sénat.
Ainsi, même si la présente proposition de loi ne va pas aussi loin que nous le souhaitons – nous aurions aimé, en particulier, qu’elle s’attaque au problème principal que constituent les licences –, elle a néanmoins le mérite d’apporter un peu de justice et d’équilibre dans un conflit entre deux professions qui n’a que trop duré. Les écologistes voteront donc en faveur de ce texte, pour peu que l’équilibre trouvé soit maintenu au cours de nos débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui dans notre hémicycle pour débattre d’une proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur.
Au nom de mes collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens à saluer le travail parlementaire de grande qualité réalisé par tous nos collègues investis sur ce sujet complexe. Avec 170 heures d’écoute et de concertation, cinquante auditions, huit groupes de travail et plus de 300 contributions citoyennes décortiquées, le travail effectué en amont de ce texte est loin d’être banal. À cela s’ajoute le rapport remarquable, remis le 24 avril 2014, comprenant trente propositions, dont certaines sont audacieuses, peut-être même parfois aventureuses, mais dont une majorité est très attendue par le secteur.
Tout cela était peut-être nécessaire compte tenu des crispations des acteurs du secteur et des vives tensions, qui ont donné lieu à des échanges musclés. Tout cela pour aboutir à la proposition de loi dont nous débattons en deuxième lecture dans notre hémicycle.
Le transport léger de personnes existe depuis longtemps et très vite, dans tous les pays du monde, il est apparu comme une évidence et une nécessité de mettre en place une réglementation stricte encadrant cette activité commerciale, notamment avec une autorisation de stationnement sur la voie publique, appelée habituellement la licence. Puis, les tarifs et les horaires de travail ont dû rapidement faire l’objet d’une réglementation, pour des raisons d’ordre public et de saine concurrence.
Mais dès les années soixante, la technique a déjà fait évoluer le métier de taxi avec les possibilités de réservation à l’avance, en complément de la maraude. Aujourd’hui, c’est de nouveau une rupture technologique qui nous oblige à repenser le modèle traditionnel, avec le phénomène de développement formidable des technologies de la communication.
La démocratisation des outils numériques vient en effet régulièrement percuter directement le droit existant et nous devons aujourd’hui adapter notre législation encadrant les droits du transport léger de personnes à ce saut technologique. De fait, dans notre activité législative, l’immense majorité des projets et propositions de loi ont désormais une dimension numérique.
Dès 2009, face à l’émergence de certaines applications des technologies numériques sur le marché du transport léger de personnes, la majorité précédente avait tenté de créer un nouveau régime. Ce régime s’est avéré contenir des dispositions plus larges que celles annoncées initialement.
De 2010 à 2013, en seulement trois ans, le nombre de véhicules de transport avec chauffeur a quasiment été multiplié par cinq ! Incontestablement, cette croissance fulgurante, accompagnée de l’utilisation des applications dédiées sur smartphone, n’a pas pu être suivie et maîtrisée.
Sous prétexte de simplification, nous sommes arrivés à une situation créant des dysfonctionnements et une concurrence manifestement inéquitable entre les taxis traditionnels et les VTC – voitures de tourisme avec chauffeur –, menaçant le secteur d’une déstructuration profonde.
Conscient de ces difficultés, le Gouvernement a tenté en 2013 de rétablir un équilibre et de réparer les injustices crées par une concurrence déloyale, par différentes mesures, dont le décret du 27 décembre 2013. Mais ce décret a été suspendu en référé par le Conseil d’État le 5 février 2014. Nous n’avions dès lors plus d’autre choix que de légiférer sur cette problématique pour mettre fin aux abus et réguler les activités de VTC.
La présente proposition de loi ne se contente pas de traiter de la problématique des VTC. Elle a pour objectif une modernisation globale de l’ensemble des sujets concernant le transport léger de personnes.
Elle vise d’abord à moderniser la profession de taxi en l’adaptant aux nouveaux outils numériques et aux nouveaux besoins des clients, mais aussi en améliorant les conditions sociales de certains salariés de grandes compagnies.
Nous savons que les taxis sont utilisés par un grand nombre de touristes et nous savons qu’ils jouent un rôle important pour l’image de la France dans le monde. La proposition de loi a également pour objectif de mettre en place une réglementation plus claire, plus lisible et plus juste pour l’activité de VTC.
Il s’agit à la fois de protéger le consommateur, de responsabiliser les intermédiaires, d’améliorer les contrôles et de simplifier les démarches et le processus d’immatriculation.
Concernant la prise en compte de l’open data, les députés du groupe RRDP sont très favorables à l’organisation d’un registre de disponibilité des taxis. En termes de visibilité, d’adaptation à la demande des clients, c’est une excellente disposition. Nous nous félicitons du nouvel article de la proposition de loi adopté à l’Assemblée nationale, prévoyant que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur la mise en place de l’open data.
Nous nous félicitons également de l’adoption de l’amendement qui rend obligatoire l’équipement des taxis de terminaux de paiement électronique. C’est une très bonne chose pour les clients. Et nous sommes tous conscients que dans des grandes agglomérations comme Paris, il fallait moderniser l’offre. Le service de taxi dans certaines périodes de pointe – le vendredi soir ou le samedi soir, par exemple – n’est pas à la hauteur des attentes.
Nous sommes également favorables à l’interdiction de la tarification kilométrique pour les VTC, car elle est potentiellement un nid de fraude et elle est trop imprévisible pour les clients.
En termes d’occupation de l’espace public et de conditions de contrôle du respect de la réglementation pour les VTC, le texte a été légèrement amélioré au cours de l’examen parlementaire, mais il reste probablement des points à clarifier. Peut-être fallait-il essayer de mettre en place un encadrement législatif commun, avec des possibilités de dérogations et d’adaptations en fonction de l’activité ?
Ce n’est pas le choix qui a été fait, c’était peut-être prématuré, mais c’est probablement l’horizon vers lequel nous devons tendre. Par exemple, la suppression au Sénat du retour à la base arrière pour les VTC lorsqu’il y a une réservation préalable est une souplesse qui améliore le texte, même si le contrôle, en pratique, ne sera pas facile et qu’on peut imaginer, a priori, des possibilités de détournements de cette règle.
Au sujet de l’incessibilité des futures licences gratuites, je crois que nous devons être fermes. Nous constatons l’apparition de la spéculation de la part de sociétés commerciales qui espèrent profiter d’une instabilité juridique. Et dans le même temps, beaucoup de chauffeurs de taxi sans licence sont inscrits sur des listes d’attente depuis de nombreuses années, dans l’attente de la délivrance de leur licence ou de leur autorisation de stationnement.
Dans le même esprit, la double inscription TAXI et VTC doit être proscrite, et nous soutenons sans réserves cette mesure. La multiplication des annuaires en ligne avec une seule rubrique TAXI comprenant toutes les activités de transport léger de personnes crée une ambiguïté préjudiciable pour le consommateur, mais également pour le développement d’une concurrence équitable.
Pour conclure, vous l’avez compris, nous avons encore des interrogations ponctuelles sur l’application du texte et nous pensons qu’il faut savoir rester modeste. Il n’est pas impossible que les pratiques nous contraignent à légiférer à nouveau dans quelques années.
Mais, dans l’ensemble, les députés du groupe RRDP se réjouissent des bonnes dispositions contenues dans cette proposition de loi et des améliorations adoptées au cours des examens en commission et en séance, à l’Assemblée comme au Sénat. Cette proposition de loi va donner un cadre rénové à la législation en vigueur et va pacifier des tensions violentes préjudiciables à l’économie du secteur et à l’ensemble des acteurs.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous pourrez compter sur notre soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous entamons ce soir la deuxième lecture d’un texte dont l’ambition était, à l’origine, de mettre fin à la concurrence déloyale entre taxis et VTC, de rééquilibrer les conditions de l’exercice de l’activité des acteurs économiques du secteur, de fixer des règles du jeu et un cadre commun à l’ensemble du transport routier léger de personnes.
Il reposait sur le constat de 1’urgence à remédier aux déséquilibres et aux inégalités qui pénalisent 1’exercice de l’activité de taxi et représentent une menace sérieuse pour la pérennité de cette profession réglementée, riche d’une histoire et d’une culture professionnelle qu’il faut défendre et préserver.
Si le développement des VTC depuis la loi Novelli ulcère les chauffeurs de taxi, ce n’est pas seulement en raison du décalage entre des conditions d’exercice très réglementées d’un côté et incontrôlées de l’autre, c’est aussi que la concurrence des VTC est une parfaite illustration des dérives de la dérégulation libérale et des risques sociaux qui s’y attachent : violation délibérée de la réglementation, main-d’oeuvre flexible, conditions de travail déplorables, faible participation aux cotisations sociales, optimisation fiscale.
La proposition de loi qui nous est soumise entendait au premier chef assainir cette situation. Le Sénat a malheureusement profondément modifié ce texte. Il a introduit trois modifications d’importance inégale.
La première, à l’article 1er ter, consiste à élargir le contenu du rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans le délai d’un an, sur la mise en oeuvre de cette loi, en l’étendant aux évolutions qui apparaîtraient nécessaires. Cela n’appelle pas de remarque particulière. Il s’agit indéniablement d’une amélioration du texte.
Il n’en va pas de même des deux autres modifications, qui remettent en cause des amendements essentiels adoptés par notre assemblée. Nous avions, rappelons-le, sur proposition de notre rapporteur et après un débat assez long, un premier amendement qui imposait aux VTC, après chaque prestation, de retourner à leur base arrière. J’avais défendu un amendement très proche, l’objectif étant d’interdire aux chauffeurs la maraude, pour qu’elle demeure le monopole des taxis.
Les sénateurs ont décidé de dispenser les VTC de cette obligation dès lors que le chauffeur justifie d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final faisant suite à la précédente prestation achevée. Nous avons entendu au Sénat des arguments qui semblent frappés au coin du bon sens. Il peut paraître absurde d’imposer à un chauffeur de VTC de regagner sa base arrière entre deux courses au même aéroport ou à la même gare. Avec cet amendement, nous étions pourtant au coeur du problème auquel la proposition de loi tente de répondre, mais nous touchions également à ses limites.
Avant la loi Novelli de 2009, les taxis et les véhicules de petite et de grande remise coexistaient grâce à une délimitation claire de leurs activités respectives. En ouvrant aux véhicules de grande remise, rebaptisés « véhicules de tourisme avec chauffeur » – VTC –, la possibilité d’intervenir sur le même marché que les taxis, nous avons instauré une concurrence déloyale.
C’est ainsi que, entre 2009 et 2013, nous sommes passés de 400 licences de grande remise à 3 000 entreprises de VTC et plus de 10 000 licences. La concurrence est d’autant plus déloyale que les VTC déboursent 100 euros d’inscription quand les taxis en déboursent entre 200 000 et 300 000 pour exercer leur activité.
Tant que cette question ne trouvera pas de réponse appropriée et que les activités des uns et des autres ne seront pas clairement délimitées, nous n’aurons rien résolu. L’amendement adopté en première lecture par notre assemblée avait au moins le mérite d’exclure les VTC de la maraude pour les cantonner à la réservation préalable. Or le Sénat a étendu aux gares et aéroports le champ de son amendement, ce qui place de fait les VTC en situation de maraude, d’autant que le contrôle ne sera pas aisé à effectuer, comme tout le monde en convient. Je crois qu’il faudrait en revenir à ce que l’Assemblée avait voté en première lecture.
La troisième modification introduite par le Sénat vise à supprimer la détermination par décret des modalités de calcul du prix de la prestation lorsque celui-ci est fixé en fonction de la durée. Elle supprime également la fixation d’une durée minimale, le tout au nom de la liberté tarifaire et du droit à la concurrence. Je ferai les mêmes remarques que pour l’amendement sénatorial précédent : nous ne faisons qu’entretenir la confusion pour le client entre les taxis et les VTC et nous alimentons une concurrence déloyale. Pour ma part, j’avais proposé, en première lecture, un amendement visant à interdire aux VTC la tarification à la durée pour des prestations inférieures à trois heures.
Pour que les VTC se cantonnent au marché des courses avec réservation préalable, il faut des garde-fous solides. De nombreuses propositions ont été mises sur la table : instaurer un montant de course minimal pour les VTC, leur interdire le statut d’auto-entrepreneur, leur imposer un retour dans leurs bases arrières après chaque prestation.
Quelle que soit la solution ou la rédaction retenue, une chose est sûre : les chauffeurs de taxi attendaient de nous un engagement fort afin que la séparation des activités soit effective et que les forces de l’ordre puissent effectivement sanctionner ceux qui aujourd’hui contournent impunément la loi.
Or il faut bien constater que le Sénat a contribué à vider le texte de son contenu. Nous ne pouvons donc nous satisfaire des propos de notre rapporteur, qui nous invite à adopter aujourd’hui le texte sans modification.
Soulignons, enfin, une dernière insuffisance de cette proposition de loi. Elle porte sur la question du statut des taxis. Nous avons le sentiment que le texte de cette proposition de loi reste au milieu du gué.
Si le texte a permis de mettre en extinction le statut de locataire-taxi, qui plaçait les locataires dans des situations intenables, avec des charges fixes allant jusqu’à 4 500 euros par mois, la proposition de loi continue de promouvoir la location-gérance. Or nous estimons que seul le statut du salariat doit être possible lorsque le titulaire de l’autorisation ne l’exploite pas lui-même. En effet, le statut de locataire ou de locataire-gérant n’est pas protecteur et offre une couverture sociale bien trop faible.
Pour toutes ces raisons, à moins que notre rapporteur ne revienne sur sa décision d’adopter un texte conforme plutôt que de revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée, nous voterons contre le texte qui nous est proposé, en regrettant sincèrement que nous n’ayons pu aboutir à une rédaction plus ambitieuse, mais surtout plus protectrice des chauffeurs de taxi.
Monsieur le secrétaire d’État, nous nous réjouissons de vous voir de nouveau au banc du Gouvernement, dans un ministère difficile et important pour le quotidien des Français comme pour le bon fonctionnement de l’économie.
Après vous, monsieur le secrétaire d’État, le groupe SRC tient à adresser ses condoléances à la famille du chauffeur de taxi décédé des suites d’une odieuse agression, qui nous rappelle le danger de cette difficile profession de taxi.
Je veux aussi saluer notre collègue Gilles Savary, qui a repris ce rapport avec le brio qu’on lui connaît et qu’il a encore démontré tout à l’heure dans sa présentation.
La proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, adoptée en première lecture le 10 juillet dernier par notre assemblée, a été mise à l’ordre du jour du Sénat le 23 juillet. Elle revient amendée, améliorée, à l’Assemblée nationale. D’abord, ce fut en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire le 10 septembre dernier et puis, ce soir, en séance publique.
Ce calendrier resserré montre, s’il en était besoin, l’urgence qu’il y a à délibérer et à stabiliser une situation de concurrence entre VTC et taxis qui avait provoqué inquiétudes et manifestations de la part des taxis, en France mais aussi dans d’autres pays.
La question des voitures de transport avec chauffeur, que l’on appelait jadis voitures « de grande remise », se pose sous un jour nouveau depuis 2009, et ce pour deux raisons. La première est d’ordre juridique : la loi sur le tourisme du 22 juillet 2009, dite « loi Novelli », avait libéralisé le statut des voitures de tourisme avec chauffeur pour pallier l’insuffisance des taxis et ses effets sur les touristes toujours plus nombreux qui visitent notre pays. La seconde est d’ordre technologique : l’irruption du smartphone et la possibilité de réserver et de payer en ligne une prestation de transport facilitaient la recherche d’une voiture, et le paiement par carte sécurisait le coût de la course.
La question des VTC s’inscrit dans un phénomène plus général de transformation des mobilités urbaines et interurbaines. L’explosion de l’éco-partage, qu’illustre bien Blablacar montre que nos concitoyens, en tant que consommateurs, recherchent des alternatives – plus souples, plus accessibles en termes d’usage et moins coûteuses – aux systèmes habituels de transport, qu’il s’agisse du train pour le transport intercités ou du taxi et des transports en commun pour le transport urbain.
La civilisation numérique rend possible des formes d’organisation et de mise en relation nouvelles, puissantes et diversifiées, qui donnent cette souplesse aux mobilités, permettent d’augmenter la mobilité des personnes sans véhicule et génèrent en même temps des coûts de transport maîtrisés qui se rapprochent de ce que l’on pourrait assimiler à des transports « low cost ».
Ces outils répondent de surcroît aux objectifs de transition écologique et énergétique en réduisant le nombre de véhicules en circulation, et donc la pollution atmosphérique. Ce mouvement puissant n’est pas une réalité nationale, c’est un phénomène que l’on retrouve dans de nombreux pays. Ce n’est pas non plus une économie marginale : les sociétés les plus puissantes s’y intéressent, les start-ups pionnières sur ce segment lèvent aujourd’hui des capitaux importants sur le marché financier, des sociétés de transport historiques s’intéressent à ces nouvelles formes de mobilité et y investissent.
Je pense bien sûr ici à la stratégie de diversification de la SNCF, qui a racheté l’année dernière les deux opérateurs de covoiturage Ecolutis, éditeur du site Easycovoiturage, et Green Cove, qui édite notamment le site 123envoiture.com, après avoir déjà investi dans le service d’auto-partage « Move about » et la start-up de location de voitures entre particuliers « Ouicar ».
En ce qui concerne les VTC, cette évolution connaît ici comme ailleurs un effet rapide et puissant mais dangereux. Qu’on en juge : on comptait 1 286 VTC en 2011 ; elles sont 7 213 en 2014. Une dizaine d’entreprises sont apparues sur le marché et, à côté d’elles, nous avons vu naître des opérateurs autrement puissants : les intermédiaires, qui mettent en relation les chauffeurs et les clients.
Il n’est pas dans l’esprit du groupe SRC de s’opposer à une évolution technologique et à un service nouveau qui apporte des solutions aux usagers et qui permet la création d’emplois nombreux. Le but de cette proposition de loi est de répondre à une situation de crise et de construire un équilibre entre les taxis et les VTC, c’est-à-dire entre deux formes de service de transport léger de personnes. Il est, bien entendu, d’accepter et de favoriser cette diversité de l’offre pour le transport de personnes, mais en l’encadrant dans un dispositif législatif.
Il faut l’encadrer, parce que nous ne voulons pas d’une concurrence dangereuse générée par l’ultra-libéralisation de 2009, qui n’apporte pas les garanties indispensables de sécurité des passagers, en termes tant d’assurance que de qualification des chauffeurs de VTC.
Les nouvelles règles instaurées par la proposition de loi, qui restent raisonnables, permettront de corriger ces insuffisances en garantissant tout à la fois la traçabilité des taxis et le contrôle des VTC.
Aux taxis, donc, le domaine de la maraude, c’est-à-dire la recherche du client sur la voie publique et les stations, pour peu qu’ils s’inscrivent eux aussi dans un processus de modernisation.
La proposition de loi instaure un registre national de disponibilité des taxis, qui disposera des informations relatives à l’identification du taxi, à sa disponibilité, à sa géolocalisation. Un open data public facilitera la relation entre le client et le taxi. C’est une modernisation de la maraude, une façon d’accélérer la recherche d’un taxi, souvent difficile pour le client.
Un amendement fait aussi obligation aux taxis de disposer d’un terminal de paiement par carte bancaire – la difficulté à payer par carte, anachronisme à l’heure du NFC, exaspérait en effet les usagers.
La réforme du régime des licences met fin à un abus : le marché de la cession, rendu de nouveau possible par la loi Pasqua de 1995 et qui conduisait à des pratiques plus que critiquables. La licence, dont le coût de revente atteignait parfois 250 000 euros à Paris, sera désormais incessible et réservée à des chauffeurs ayant déjà une pratique d’au moins deux ans.
La proposition de loi supprime également le statut de locataire, qui conduisait à une exploitation des chauffeurs – ceux-ci devaient s’acquitter de loyers de 4 000 euros par mois. Le système de location-gérance qui leur sera proposé corrige ces abus.
Devenir taxi est une longue course, qui exige un examen professionnel, la recherche d’une location, puis l’achat d’une licence : un long parcours, des journées de travail harassantes. La contrepartie d’un système clos, protégé, qui offre des garanties au client.
Ces garanties, le client doit aussi les trouver auprès des VTC. C’est la raison des conditions posées pour l’enregistrement des VTC, prévues à l’article 7, incluant notamment la vérification de la carte professionnelle, la souscription d’une assurance par la compagnie de VTC ou les intermédiaires, ainsi qu’un dépôt de garantie.
La discussion au Sénat a porté sur un certain nombre de dispositions qui avaient également fait débat dans notre assemblée.
Il s’agit tout d’abord de la question de la tarification, et celle de sa modification dans le cas où le client souhaite une évolution de la course. Il s’agit également du délicat problème du retour à la base ou sur un parking pour empêcher la maraude, réservée aux taxis. Il s’agit, encore, de la question du montant du dépôt de garantie, qui, s’il doit être suffisant pour s’assurer du sérieux de l’entrepreneur, ne doit pas être pour autant une entorse à la création de VTC. Il serait bon à cet égard, monsieur le secrétaire d’État, que vous éclairiez notre assemblée sur le montant de ce dépôt de garantie.
Les travaux du Sénat ont permis des avancées. Ainsi, le retour à la base n’est plus imposé entre deux courses préalablement réservées, y compris dans les gares et les aéroports.
Vous le voyez, mes chers collègues, le texte qui nous revient ne remet pas en cause le difficile équilibre qui avait été recherché par notre collègue Thomas Thévenoud dans cette proposition de loi. Il améliore des dispositions qui, pour beaucoup d’entre nous, faisaient problème et risquaient d’être lues comme des entraves à la liberté d’entreprendre.
Aujourd’hui, il est temps de conclure. C’est ce que nous demandent les entreprises de VTC. C’est pourquoi le groupe SRC suivra le Gouvernement et le rapporteur, qui nous encouragent à un vote conforme.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
L’article 1er ter est adopté.
Notre assemblée avait adopté en première lecture un amendement de notre collègue Razzy Hammadi, très prohce d’un amendement que nous avions nous-même déposé. Il visait à régler le cas des petites courses, zone « grise » dans laquelle une tarification en fonction de la durée de la prestation est assimilable à la tarification horokilométrique des taxis. Il avait été alors proposé que, lorsque le prix est calculé uniquement en fonction de la durée de la prestation, il soit fixé une durée minimale de prestation.
En supprimant la référence à cette durée minimale, nos collègues sénateurs contribuent à entretenir la confusion entre taxis et VTC en favorisant de nouveau les pratiques de concurrence déloyale, à rebours de la clarification recherchée par le texte.
Nous proposons donc, avec cet amendement, de revenir à la rédaction votée par notre assemblée, faute de quoi l’interdiction de la tarification horokilométrique pour les VTC reste un engagement de pure forme.
Avis défavorable. Le principe général reste l’obligation de réservation et la fixation du prix à l’avance. En cas d’incertitude sur la durée de la mission, il est prévu de référer à l’article L. 113-3-1 du code de la consommation, qui donne toutes garanties : le client doit connaître parfaitement les modalités de calcul de la course.
On introduit une souplesse en cas de mission à durée aléatoire – par exemple lorsque le client se rend à un colloque qui durera plus longtemps que prévu, ce qui rend très difficile de fixer préalablement une tarification.
Même avis que la commission. Avis défavorable.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
Cet amendement revêt une importance particulière, puisqu’il tente de combler l’une des lacunes les plus importantes du texte issu des travaux du Sénat.
Comme nous l’avons souligné lors de notre intervention, une grande majorité des chauffeurs de taxi s’inquiètent de la faiblesse des garde-fous que le texte propose pour juguler les pratiques déloyales des entreprises de VTC et mettre un terme aux violations délibérées de la réglementation.
Pour que les VTC se cantonnent effectivement, en pratique, au marché des courses avec réservation préalable, il faut des garde-fous plus solides. Le Gouvernement avait proposé un temps préalable de réservation, qui a été invalidé par le Conseil d’État. D’autres propositions ont donc vu le jour, dont le fait d’imposer un retour des VTC à leur base arrière après chaque prestation.
L’ajout par le Sénat de la mention « sauf s’il justifie d’un contrat avec le client final » dilue un peu plus cet article, censé pourtant clarifier la réglementation en interdisant clairement aux VTC le stationnement sur la voie publique en quête de clients.
Le texte proposé par le Sénat ouvre la porte à toutes les interprétations : suffira-t-il d’une réservation, même lointaine, pour permettre aux VTC de squatter la voie publique ? De même, que signifie « un contrat avec le client final » ? Ces ajouts permettront en pratique aux VTC de rester sur la voie publique en quête de clientèle, ce qui ne respecte pas du tout l’esprit de loi.
Avis défavorable, car le fait d’enchaîner des courses réservées à l’avance est plutôt une rationalisation des trajets, qui évite des pollutions et des congestions inutiles, et qui ne s’assimile en rien à de la maraude. La maraude, c’est la quête du client sur la voie publique, avec des autorisations de stationnement dans des endroits bien précis, notamment les stations de taxis, et la possibilité de s’arrêter sur la voie publique pour prendre un client, ce qui n’est aucunement le cas pour les VTC. En tout état de cause, cette disposition fera l’objet d’une évaluation dans le rapport qui sera présenté dans un an.
Cette disposition ne peut pas être confondue avec la maraude. Un texte réglementaire permettra, monsieur Carvalho, de lever vos interrogations. Avis défavorable, donc.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
L’article 7 est adopté.
Comme le précédent, cet amendement tend à revenir sur une modification adoptée par le Sénat. Celui-ci a en effet étendu à l’article 8 les dispositions qui posaient déjà problème dans l’article 7, en particulier la référence à la notion ambiguë de « contrat avec un client final », qui sera très difficile à contrôler et à sanctionner. Cette disposition nous semble d’ailleurs en contradiction avec la loi Hamon, qui prévoit que les VTC n’ont rien à faire dans l’enceinte des aéroports plus d’une heure avant l’heure de leur réservation.
La modification introduite au Sénat est inquiétante, car elle rendra sans doute les contrôles de police inopérants. C’est pourquoi nous vous proposons de revenir sur cette modification.
Mes arguments sont également les mêmes que précédemment. Je précise en outre qu’un texte réglementaire vous apportera, monsieur Carvalho, les réponses aux ambiguïtés que vous avez cru déceler. Avis défavorable.
L’amendement no 4 n’est pas adopté.
L’article 8 est adopté.
Je ne suis saisie d’aucune demande d’explication de vote.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
L’Assemblée a achevé l’examen des textes qui étaient inscrits à son ordre du jour.
Il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire, conformément au décret du Président de la République reçu aujourd’hui.
En conséquence :
Prochaine séance, mercredi 1er octobre, à neuf heures trente, avec l’ordre du jour suivant :
Ouverture de la session ordinaire ;
Nomination du Bureau.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt et une heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly