Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 15h00
Accord avec les États-unis sur le respect des obligations fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Ce constat renforce notre conviction qu’il est nécessaire que notre pays favorise le déploiement de l’échange automatique d’informations au plan européen et international. Il faut s’assurer de la mise en oeuvre des engagements pris ces derniers mois par certains États et prolonger cette exigence dans la signature d’accords entre États.

La réunion des 28 et 29 octobre prochains, à Berlin, du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’information à des fins fiscales et le prochain sommet du G20 doivent être l’occasion de faire entendre la voix de la France à ce sujet.

Il est nécessaire que nous renforcions aussi notre arsenal législatif interne. Le quotidien belge d’information politique et économique, L’Écho, a conduit récemment une enquête qui met en évidence que près de vingt des cent plus grosses fortunes françaises ont placé une partie de leur patrimoine en Belgique, quand elles ne s’y sont pas totalement exilées. Selon le quotidien, un patron français sur dix vit en Belgique ou du moins y est domicilié. Le montant global de leurs avoirs en Belgique s’élèverait à environ à dix-sept milliards d’euros.

Dans ce wagon, on trouve bien sûr Bernard Arnault, mais aussi Pierre et Chantal Mestre, fondateurs de la chaîne de distribution de vêtements pour enfants Orchestra ; Jean, Patrick et Mariette Mulliez ; Jean-Sébastien Decaux, le plus jeune des trois fils du fondateur du groupe actif dans l’affichage public ; Paul Despature, héritier du groupe Damart et quarantième fortune de France. C’est le cas également de Grégory Marciano et d’Hervé Louis, deux des trois fondateurs de la chaîne Sushi Shop. Voilà quelques exemples, mais il y en a d’autres, comme le présentateur Arthur, qu’on ne présente plus, à la tête de la 224e plus grande fortune de France ; les frères Grosman, fondateurs de la chaîne de vêtements Celio ; Olivier Halley, un des héritiers de Carrefour, etc. Comme quoi, la finance a des visages.

Bien entendu, comme le soulignent ses auteurs, l’enquête du quotidien L’Écho est perfectible. Il n’empêche. Vingt des cent plus grosses fortunes françaises sont présentes en Belgique et une dizaine y sont domiciliées. Et si on étend les recherches aux cinq cents plus grandes fortunes et qu’on additionne les capitaux de toutes les structures, on obtient le montant que j’évoquais, plus de 17 milliards d’euros.

Ce montant colossal pose la question de l’harmonisation des normes fiscales à l’échelle européenne et des outils dont nous pouvons nous doter pour que nos ressortissants fortunés qui résident à l’étranger soient tenus de déclarer au fisc la totalité de leurs revenus, à l’image de ce qui se fait aux États-Unis.

Dans le même esprit, l’OCDE a proposé il y a quelques jours un plan d’action en deux ans pour définir des règles internationales communes, élaborer un plan d’attaque contre les pratiques d’optimisation fiscale agressives des géants de l’industrie, des services ou du numérique – les Apple, Google, Starbucks et autres grands usagers actifs des paradis fiscaux – et taxer les multinationales là où elles réalisent effectivement leurs activités économiques et engrangent des profits.

L’OCDE propose notamment de mettre fin à l’utilisation de produits hybrides qui permettent aux multinationales de tirer parti des différences de traitement fiscal entre les intérêts des emprunts obligataires et les dividendes d’action. L’OCDE souligne également la nécessité de mettre fin au treaty shopping, cette pratique qui consiste à utiliser de manière abusive les conventions fiscales conclues entre les pays.

Mais des résistances se font déjà jour en Europe. La Grande-Bretagne, accompagnée du Luxembourg, des Pays-Bas et de l’Espagne, ne veut pas, par exemple, mettre fin au régime des patent box, qui permet à une entreprise exploitant des brevets localisée au Royaume-Uni de déduire de 33 % à 55 % de son impôt dû sur les revenus imposables issus des produits brevetés.

Si l’accord qui nous est proposé participe des efforts accomplis depuis des années pour tenter de lutter contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales, il s’intéresse aux personnes physiques. C’est une avancée mais, à l’évidence, il nous faut aller beaucoup plus loin.

Nous souhaitons que la France, qui se flatte d’être à la pointe dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, s’attaque désormais frontalement aux pratiques d’optimisation fiscale des multinationales, qui exploitent les instruments légaux à leur disposition et les failles du droit international, qu’il s’agisse des « prix de transfert » ou des pratiques de chalandage fiscal pour profiter des pays les mieux-disants, sans parler des autres dispositifs.

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