Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe socialiste, républicain et citoyen à l’Assemblée nationale, comme d’ailleurs son homologue au Sénat, a soutenu l’adoption de l’accord France-États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale. Il l’a fait au même titre que les autres groupes politiques. Comme eux, il a assorti son vote d’un certain nombre d’interrogations, avec un débat riche en commission. Ces interrogations constituent l’accompagnement incontournable d’une ratification tout aussi nécessaire si l’on veut approfondir le combat contre la fraude fiscale internationale.
Je rappelle qu’il s’agit d’un accord d’État à État, avec échange automatique de données fiscales. Je souhaiterais cependant, monsieur le ministre, un éclaircissement sur la portée de ce qui a été négocié et signé, sur deux points essentiellement, l’un concernant les États-Unis et l’autre l’Europe.
Ma première question concerne les États-Unis. La partie nord-américaine a accepté de prévoir la réciprocité des engagements. C’est ce que précise l’article 6 du traité. Les États-Unis doivent par ailleurs mettre en oeuvre des réformes législatives « appropriées », selon ce qui est précisé dans le texte de l’accord, pour garantir une authentique réciprocité. Il semble qu’un projet de loi en ce sens ait été déposé par le gouvernement des États-Unis, mais nous savons que le Congrès ne l’a pas examiné et n’a pas ratifié le traité. Pouvez-vous confirmer que néanmoins, comme le stipule l’étude d’impact, il est applicable du côté américain et, s’il est adopté par notre assemblée, immédiatement opérationnel ?
Mon autre préoccupation concerne l’Europe. Plusieurs collègues se sont inquiétés, à juste titre, des conditions dans lesquelles ce texte avait été négocié. Il est incontestablement d’origine nord-américaine, mais la faute en incombe-t-elle aux États-Unis ou à l’Europe elle-même, qui n’a pas su s’accorder sur un texte commun ? Il y a eu heureusement un rattrapage de cinq pays européens pour, in fine, recréer une parité.
Il faut dès à présent préparer les étapes suivantes dans d’autres conditions, plus respectueuses de la symétrie entre parties contractantes. Cela suppose une démarche européenne commune en matière de fiscalité, pour mettre en cohérence l’accord que nous examinons aujourd’hui avec la norme élaborée par l’OCDE. Où en est-on, monsieur le ministre, à Bruxelles en la matière ? Quelles sont les propositions de la France ?
Il me fallait commencer par là avant de pouvoir vous confirmer que, bien sûr, les députés socialistes, républicains et citoyens voteront le texte, comme l’ensemble de nos collègues de gauche. Avec ses insuffisances et ses limites, il constitue néanmoins une grande avancée pour lutter contre la fraude fiscale internationale.
J’ai bien noté, avec les membres du groupe SRC, que la lutte contre la fraude fiscale ne se faisait pas au détriment des libertés individuelles. De légitimes inquiétudes s’étaient exprimées quant à la protection des données personnelles. Ainsi que Mme la rapporteure l’a indiqué, elles ont été prises en compte. L’avis positif après saisine de la Commission nationale informatique et libertés, ainsi que celui du contrôleur européen de la protection des données, nous ont apporté sur ce point toutes les garanties que nous espérions. Les données fiscales communiquées resteront confidentielles et limitées à leur objet.
L’accord signé avec les États-Unis d’Amérique du nord a suscité des réserves compréhensibles, mais cet accord, compte tenu des circonstances, a été acquis sur une base juridique et diplomatique positive. L’instrument, initialement une loi unilatérale, a été rééquilibré grâce à l’action conjointe de cinq pays européens, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. Comme l’a signalé notre rapporteure, Estelle Grelier, il y a là une petite révolution sur le plan international pour lutter contre la fraude fiscale.
Une dynamique a ainsi été amorcée pour réduire les dommages causés par la fraude fiscale internationale. La signature de cet accord bilatéral s’inscrit dans une dynamique collective, associant le G20, l’OCDE, l’Union européenne. Il faut maintenant le valider par une démarche qui soit positive, l’élargir, l’universaliser pour que, au-delà des individus, l’on puisse toucher aussi les multinationales et les groupes adeptes de l’optimisation fiscale assurée par les paradis fiscaux, qu’il faut combattre.
Je citerai, pour conclure, Mme Élisabeth Guigou, qui a eu les mots qui convenaient pour exprimer le point de vue de la commission des affaires étrangères : « Toutes les interrogations sont légitimes. Il existe une certaine dissymétrie. Nous sommes partisans de la symétrie. Cependant, grâce à ce texte, la France pourra obtenir des renseignements pertinents sur des contribuables soupçonnés de vouloir tromper le fisc. » C’est là l’essentiel. C’est un progrès sur la longue route de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. Cette route doit nous amener aussi à lutter contre les paradis fiscaux.