Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 15h00
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Présentation

Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d’abord que nous ayons une pensée pour la famille du chauffeur de taxi décédé aujourd’hui des suites de l’agression dont il a été victime à Paris la semaine dernière. À sa famille, comme à l’ensemble de ses collègues chauffeurs de taxi, qui effectuent au quotidien un métier difficile, je tiens à exprimer, au nom du Gouvernement, mon soutien dans ces moments douloureux. Les responsables de cette lâche agression, interpellés sur les lieux, ont été déférés devant la justice et deux d’entre eux sont actuellement incarcérés.

Je tiens ensuite, monsieur le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à vous remercier pour votre travail et votre investissement personnel sur ce dossier. Dès la première lecture, vous avez participé activement aux débats, en enrichissant, notamment, le texte initial par des dispositions relatives aux motos taxis.

Votre assemblée est appelée à se prononcer en deuxième lecture sur cette proposition de loi qui doit redéfinir les règles dans le secteur du transport routier léger de personnes. En effet, la crise du début de cette année a mis en exergue la nécessité de trouver un équilibre entre les différents modes de transport, tout particulièrement entre les taxis et les voitures de transport avec chauffeurs, ou VTC.

La concertation approfondie conduite, à la demande du Gouvernement, avec les organisations professionnelles de ce secteur – syndicats de taxis, entreprises de réservation de VTC, anciennes grandes remises – a abouti à la rédaction d’un rapport intitulé Un taxi pour l’avenir, des emplois pour la France, qui a été remis au Premier ministre à la fin du mois d’avril. La qualité du travail réalisé dans ce cadre par Thomas Thévenoud, comme l’équilibre des trente propositions qui y étaient présentées, a été saluée par tous.

La proposition de loi déposée fin juin sur le bureau de l’Assemblée reprend l’intégralité des mesures de nature législative contenues dans ce rapport : elles constituent l’architecture du texte que vous examinez aujourd’hui en deuxième lecture. Ce texte initial a été enrichi par les débats parlementaires qui se sont déroulés au sein de votre assemblée et au Sénat. Les dispositions adoptées dans ce cadre ont permis de compléter et de préciser le texte initial. Sa cohérence en est sortie renforcée et certaines ambiguïtés ont pu être levées. C’est donc un texte préservant l’équilibre recherché par le Gouvernement qui vous est présenté aujourd’hui.

Après les vives tensions qui s’étaient exprimées en début d’année, l’examen en deuxième lecture de ce texte intervient dans un climat nettement plus serein. Ce secteur économique a besoin, au plus vite, après de longs mois d’incertitude, de règles claires et stabilisées. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à un vote conforme de votre assemblée sur ce texte, qui permettra la mise en oeuvre des nouveaux dispositifs dans le respect des échéances rapprochées prévues par cette proposition de loi – dès le 1er janvier 2015 pour certaines dispositions.

Les services des différents départements ministériels concernés sont d’ailleurs pleinement mobilisés pour préparer les textes d’application de la proposition de loi et mettre en oeuvre les propositions du rapport relevant du seul domaine réglementaire. Les services de mon ministère, enfin, s’attacheront à anticiper la transition vers la nouvelle procédure d’immatriculation des VTC, dont ils auront la charge en 2015.

Je souhaite maintenant vous rappeler rapidement les principales dispositions de la loi qui vous est soumise. Son article 1er ouvre une vraie perspective de modernisation des taxis, avec le développement de la « maraude électronique ». La maraude, c’est-à-dire la possibilité pour le client de héler un véhicule sur la voie publique, est une spécificité propre aux taxis. Elle pourra désormais se pratiquer électroniquement. Un client en recherche immédiate d’un taxi pourra ainsi voir les véhicules libres à proximité : ce sera un atout supplémentaire pour cette profession, et une offre de service améliorée pour les clients, en phase avec l’usage accru des nouvelles technologies. La volonté du Gouvernement de participer au développement des usages du numérique trouve une nouvelle illustration dans ce projet d’open data de la disponibilité des taxis. C’est une véritable innovation, gage de modernisation de la profession, dont je veux souligner l’originalité et l’ambition.

Nous avons pu entendre que le Gouvernement voulait interdire l’usage des nouvelles technologies et de la géolocalisation aux VTC. Il convient sur ce point d’être précis. Il est évidemment hors de question d’interdire aux VTC d’être géolocalisés : cela n’aurait pas de sens. Les VTC ayant interdiction de circuler en quête de clients, et donc de s’adonner à la maraude réservée aux taxis, ils ne doivent pas pouvoir signaler aux clients, en temps réel, à la fois leur disponibilité et leur localisation. En revanche, les entreprises de ce secteur demeurent parfaitement libres d’utiliser ces technologies pour organiser au mieux leur activité et pour informer, par exemple, le consommateur du temps d’attente avant sa prise en charge, à la suite d’une réservation. Votre assemblée a déjà eu l’occasion de préciser ce point par amendement, et le Sénat a encore fait évoluer la rédaction du texte, afin de lever définitivement toute ambiguïté.

La proposition de loi s’attache également à moderniser les conditions d’exercice de la profession de conducteur et d’exploitant de taxi. Parmi les 55 000 conducteurs de taxis, 8 000 exercent aujourd’hui leur métier avec un statut de locataire : cette situation est une source d’ambiguïté, qui pénalise en outre les chauffeurs, puisqu’il les rend plus vulnérables aux fluctuations de la conjoncture. La proposition de loi met donc fin à ce système, au profit du droit commun : la location-gérance. Une exception que vous avez adoptée en première lecture est toutefois prévue pour les coopératives, compte tenu des spécificités de ce secteur, qui méritent d’être reconnues.

La proposition de loi clarifie également les règles d’attribution des nouvelles autorisations de stationnement, plus communément appelées « licences ». Elles seront incessibles, attribuées pour une durée de cinq ans, et devront être exploitées par le titulaire lui-même. De surcroît, elles seront réservées en priorité aux conducteurs exerçant effectivement ce métier.

Au-delà de la modernisation des conditions d’exercice de la profession de taxi, cette proposition de loi entend clarifier et renforcer les règles qui s’appliquent au transport de personnes, et singulièrement aux VTC, dont le régime créé récemment s’est avéré insuffisamment protecteur pour le consommateur. La loi de 2009, dite loi Novelli, avait pour ambition affichée de réformer le statut des grandes remises s’adressant à une clientèle haut de gamme sur un segment de marché très particulier. Il en a résulté une dérégulation quasi complète du secteur, le régime des véhicules de tourisme avec chauffeurs ne prévoyant initialement aucune qualification des conducteurs et une immatriculation simplifiée à l’extrême.

Avec le développement des smartphones, de nouveaux opérateurs se sont implantés sur ce marché, qui a alors connu une forte expansion, tout particulièrement en région parisienne. Le Gouvernement ne souhaite pas freiner les initiatives, ni entraver les acteurs économiques qui répondent à ces nouveaux besoins. Au contraire, les services à la personne, les nouvelles technologies, le numérique, constituent autant d’opportunités que le Gouvernement entend saisir pour contribuer au développement de l’emploi et de la compétitivité de notre pays, en répondant aux besoins des consommateurs. Des règles du jeu claires pour tous et partagées par chacun n’en sont pas moins indispensables. Dès 2013, nous avons pris des mesures réglementaires, afin de réguler cette activité et de mettre fin à certaines dérives. Toutefois, il est nécessaire de donner un cadre législatif aux VTC, adapté à une activité de transport de personnes.

L’Assemblée nationale, comme le Sénat, a amendé les dispositions relatives aux VTC. Votre assemblée a, d’un côté, allongé la durée de l’immatriculation des exploitants de trois à cinq ans et, de l’autre, instauré une obligation pour les chauffeurs de VTC, à l’issue d’une course, de retourner au lieu d’établissement de l’exploitant ou dans un lieu de stationnement autorisé en dehors de la chaussée. Le Sénat a complété cette dernière disposition en introduisant une exception trouvant à s’appliquer dans le cadre de réservations successives. Le dispositif issu de vos travaux respectifs permet d’atteindre un équilibre satisfaisant : il garantit une régulation de l’occupation de l’espace public et une lutte contre les pratiques illégales de racolage, tout en permettant aux VTC d’honorer les réservations dont ils disposent dans de bonnes conditions. C’est en effet pour des raisons d’ordre public et d’intérêt général que seuls les taxis bénéficient d’une autorisation de stationner sur la voie publique, et donc d’exercer la maraude. Il y a là un enjeu majeur de fluidité de la circulation dans nos villes, et tout particulièrement dans les métropoles.

La proposition de loi répond bien au souci d’équilibre qui a traversé l’ensemble des débats préparatoires : renforcer à la fois les garanties de professionnalisme des acteurs du VTC et la responsabilité des intermédiaires, tout en se gardant des excès de réglementation. Cet équilibre repose sur l’introduction d’un certain nombre de règles simples : la capacité financière des exploitants, l’obligation de vérification de la carte professionnelle et de l’assurance par les intermédiaires, la garantie accrue du monopole des taxis sur la maraude.

Votre assemblée, par un amendement de votre actuel rapporteur, a complété les garanties relatives au transport de personnes s’agissant des véhicules à deux ou trois roues, dits motos-taxis. Développée récemment, cette activité bénéficiait d’un régime n’offrant pas de garanties de sécurité satisfaisantes pour les clients. La proposition de loi répond à cette insuffisance et contribue à traiter sur un pied d’égalité, par la fixation de règles communes, des activités qui s’exercent dans un même domaine.

La proposition de loi crée également un statut d’intermédiaire. En effet, ces nouveaux opérateurs économiques occupent une place importante, voire prépondérante, dans le système économique des VTC. Il était important de préciser leurs responsabilités. Ils bénéficiaient jusqu’ici d’une relative impunité, puisque les dispositions existantes visaient soit les exploitants, soit les chauffeurs eux-mêmes. La redéfinition des infractions relatives à l’offre frauduleuse de transport permettra, quant à elle, une répression facilitée du racolage. Les forces de l’ordre sont d’ores et déjà mobilisées de manière importante pour mettre fin à ces situations qui portent préjudice aux taxis, comme aux VTC qui respectent la réglementation. Elles doivent avoir les moyens d’exercer plus facilement leur mission.

Ce texte prévoit par ailleurs une intervention accrue de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dont je salue l’engagement sur ce dossier. Elle contrôlera notamment l’application par les VTC des règles relatives à la tarification. En privilégiant l’efficacité du contrôle de règles simples à un excès de réglementations sans moyen effectif d’assurer leur respect, le texte repose sur un équilibre auquel le Gouvernement souscrit pleinement. À ce titre, je rappelle qu’à l’initiative de la DGCCRF, l’ensemble des centrales de réservations de VTC a ainsi été contrôlé entre l’été 2013 et aujourd’hui. Ces contrôles ont permis de transiger à hauteur de près de 100 000 euros pour divers manquements à la réglementation relative à l’affichage des prix. De tels montants sont relativement exceptionnels pour les manquements invoqués et attestent des progrès qui restent nécessaires pour l’information du consommateur.

Les manquements les plus graves – je pense en particulier au service UberPOP – font l’objet de procédures contentieuses pour pratiques commerciales trompeuses. L’engagement de ces procédures a fait apparaître les difficultés liées à l’absence de sanction directe pour l’organisation d’un service illégal de transport de personnes. En effet, le cadre en vigueur ne permet pas de mettre pleinement et directement une société face à ses responsabilités, mais uniquement de sanctionner les conducteurs, eux-mêmes victimes de certaines pratiques, et parfois inconscients du caractère illégal de l’activité proposée. L’une des avancées notables de la présente proposition de loi est de venir combler cette lacune. Dans l’attente du vote de ces dispositions, je me félicite toutefois que la diligence de la DGCCRF ait créé les conditions d’un calendrier particulièrement rapproché, le délibéré étant attendu à la mi-octobre.

La brièveté des délais de mise en oeuvre de cette réforme importante du secteur du transport léger de personnes ne saurait se confondre avec la précipitation dénoncée par certains. Préparée par une intense concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, cette proposition de loi est à la fois réaliste et équilibrée.

Le Gouvernement souhaite que, par son adoption rapide, les règles d’une concurrence saine et équilibrée soient enfin fixées de façon durable et permettent l’épanouissement de l’ensemble des offres de transport, conformément à leur vocation, et en s’appuyant sur les moyens de communication actuels. Porteur de créations d’emplois tout en étant protecteur des emplois qui existent, ce texte permettra de répondre aux besoins de mobilité des citoyens.

Cette proposition de loi, c’est plus de clarté, plus d’efficacité, plus d’équité : nous aurons tous à y gagner !

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