Intervention de Gilles Savary

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 15h00
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, les circonstances plus que le mérite me conduisent aujourd’hui à rapporter devant notre assemblée la deuxième lecture de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur.

Quel que soit le jugement que l’on peut porter sur ces circonstances, elles ne nous autorisent pas à l’amalgame, et ne dépossèdent en rien Thomas Thévenoud de l’excellent travail parlementaire qu’il a accompli, d’abord dans le cadre de la mission de concertation qui lui a été confiée par le Premier ministre à la suite du mouvement des taxis de février dernier, puis par le rapport qu’il a rédigé, et ensuite dans l’élaboration et la première lecture de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.

Ce texte ne couvre pas, loin s’en faut, l’ensemble des trente propositions du rapport Thévenoud, dont je rappelle qu’il est issu d’une somme considérable d’auditions et de concertations avec les acteurs concernés, et en particulier avec le monde des taxis dans toute sa diversité.

Bien de ses préconisations et non des moindres, comme le forfait aéroport ou le forfait d’approche, l’observatoire national sur l’offre de transports, l’instauration d’un contrôle technique renforcé, nécessitent une mise en oeuvre par voie réglementaire.

Cette loi n’en est pas moins nécessaire, parce qu’elle a pour objet de mettre un terme aux conflits de droits et aux risques de déstabilisation économique et sociale introduits par la loi du 22 juillet 2009 dite loi Novelli, qui a ouvert le marché du transport léger de personnes à une nouvelle catégorie de prestataires, les véhicules de tourisme avec chauffeurs – VTC –, qui échappent aux principes généraux du droit des transports qui régissent cette activité.

Elle est urgente, parce que ce conflit de droits, qui a introduit dans le secteur des taxis une concurrence inégale – en matière de certification, de formation, de coût d’entrée dans la profession, de responsabilité civile, de garantie financière et de garantie de moralité – s’est traduit, comme on pouvait s’y attendre, en conflit social et en mobilisation des chauffeurs de taxis contre les VTC.

Le gouvernement Ayrault y a répondu à la fois par un moratoire d’immatriculation des VTC, et par la mission Thévenoud. Par là même, le Gouvernement s’exposait à des recours des VTC au motif d’entrave à l’exercice de leur activité. Il fallait sortir de cette impasse.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et qu’il serait évidemment hautement souhaitable d’adopter au plus vite, a précisément pour objet de mettre un terme à la parenthèse juridique précaire à laquelle les parties en présence ont bien voulu consentir.

Finalement, le rapporteur a trouvé là l’opportunité, non seulement de sécuriser la levée du moratoire, mais d’adapter le droit aux nouveaux usages du transport léger de personnes, et en particulier au succès rencontré par les véhicules de tourisme avec chauffeur.

La mobilité, qui est l’expression la plus universelle de la liberté, et en particulier de la liberté de circulation, est non seulement en développement explosif dans le monde, mais également soumise à de spectaculaires révolutions d’usages.

Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’internet et les nouvelles technologies de communication et d’information modifient profondément les comportements, diversifient les usages, et introduisent sur le marché de la mobilité des services nouveaux, comme des modèles économiques nouveaux, aux développements fulgurants.

Le monde des taxis, qui a succédé à celui des cochers au début du XXe siècle du fait de l’intrusion d’un autre progrès technique redoutable – l’automobile – est aujourd’hui percuté, à Paris mais aussi partout ailleurs dans le monde, par le développement d’applications numériques de géolocalisation et de réservation en temps réel qui bousculent et menacent sa vieille et immuable routine. Il en résulte de nouvelles offres, qui ont très vite été plébiscitées par la clientèle pour leur qualité de service, dans le bouquet de services de mobilité à la disposition de nos compatriotes : transports collectifs urbains, TER, bus, Autolib’, Vélib’. Mais le monde des taxis survivra à l’internet comme il a survécu au passage de la traction hippomobile à la traction automobile, à condition qu’il s’y adapte.

Il ne s’agit donc pas d’opposer taxis et VTC mais, à l’ère d’internet et du GPS, d’opérer une adaptation et une clarification de notre législation, afin de bien distinguer le domaine des VTC de celui des taxis, et plus généralement, au bénéfice de l’ensemble du secteur du transport léger de personnes.

C’est d’autant plus nécessaire que tout indique que de nouveaux usages de l’automobile, notamment coopératifs, vont très probablement s’imposer progressivement aux véhicules propriétaires dans les coeurs d’agglomération, où la circulation est de plus en plus contrainte, ouvrant des perspectives particulièrement prometteuses aux transports en accès réservé aux centres-villes. Des expériences en vraie grandeur en attestent déjà, par exemple à Strasbourg ou Bordeaux, dont le coeur du centre est interdit à la circulation automobile, sauf aux taxis, lesquels ont ainsi trouvé un second souffle.

Là où la loi Novelli avait introduit une libéralisation inéquitable entre VTC et taxis, nous nous proposons de reréglementer le transport léger de personnes en considération des évolutions qui l’affectent.

La première conséquence de ce texte est d’ailleurs de faire basculer les véhicules de tourisme avec chauffeur du code du tourisme au code des transports qui régit toutes les activités de même type, et d’abord en les rebaptisant « voitures de transport avec chauffeur ». Il en découle un certain nombre d’obligations d’immatriculation, de formation, de moralité des chauffeurs, de responsabilité civile, de garantie professionnelle et financière, qui sont des garanties de professionnalisme, mais aussi de concurrence équitable.

Cette loi poursuit finalement un double objectif : celui d’encadrer, de réglementer le phénomène des VTC, sans pour autant en contrarier les développements, dès lors qu’il participe à une diversification attendue de l’offre ; celui de moderniser les services de taxis en confirmant leur monopole exclusif de la maraude, qui les distingue de tous les autres transports de personnes, et en leur ouvrant le monopole de la maraude moderne, c’est-à-dire de la maraude électronique.

Cet effort très remarquable de clarification et de différenciation des missions des taxis par rapport aux VTC, exprimé de façon simple et lisible, constitue le fil rouge de la proposition de loi. Les VTC peuvent entrer sur le marché mais ils ne peuvent y marauder, ni physiquement, ni virtuellement par la maraude électronique. La géolocalisation ne leur est pas pour autant interdite, ni même la possibilité d’enchaîner plusieurs courses, mais elle n’est pas accessible aux usagers, pas plus que les stations de taxis et les enceintes de gares ou d’aéroports.

Les taxis conservent le monopole de la maraude sur la chaussée et accèdent à celui de la maraude électronique, c’est-à-dire à des réservations instantanées par les clients à partir de leur géolocalisation, permise par une base de données publique. Ils y trouveront des perspectives de marché et de rationalisation de leurs courses particulièrement prometteuses.

Déposée le 18 juin 2014, la proposition de loi initiale comportait treize articles qui prévoyaient notamment la création d’un registre de disponibilité des taxis destiné à garantir la mise en place de l’open data ; la très importante réforme du statut de locataire taxi, qui revient au principe de l’artisan taxi, et procède à l’ouverture de la location-gérance avec cependant une exception pour les SCOP ; l’interdiction pour un même conducteur de cumuler les activités de taxi et de VTC ; l’obligation d’exploiter sa propre licence ; la suppression de l’inscription des VTC auprès d’Atout France, puisqu’ils basculent dans le monde des transports ; de nouvelles obligations pesant spécifiquement sur les VTC, codifiées dans le code des transports ; le renforcement et l’efficacité des contrôles, comme cela a été expliqué par M. le secrétaire d’État.

En première lecture, le 10 juillet 2014, notre assemblée a introduit notamment, à l’initiative du rapporteur, l’obligation de mise à disposition d’un terminal de paiement par carte bancaire dans tous les taxis. Ce nouvel article traduit la recommandation no 9 du rapport Thévenoud. C’est bien le moins, dans le pays qui a inventé la monnaie électronique et la carte bancaire.

De plus, l’Assemblée a également décidé une dérogation à la fin du système de location pour les sociétés coopératives ouvrières ; le passage de trois à cinq ans de la durée de validité de la licence ; l’extension de l’interdiction pour les VTC de s’arrêter ou de stationner aux abords des gares et des aérogares, et pas seulement dans leur enceinte.

À l’initiative du groupe UMP, nous avions adopté un amendement prévoyant la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur la transmission d’informations par les exploitants de taxi à Etalab. Le contenu de ce rapport a d’ailleurs été considérablement consolidé par nos collègues sénateurs.

Par ailleurs, un amendement du groupe GDR est venu préciser que la délivrance des nouvelles autorisations de stationnement – ADS – pour les taxis serait prioritairement accordée aux conducteurs qui ne seraient pas déjà titulaires d’ADS.

Un amendement du Gouvernement a précisé que le dispositif anti-maraude s’appliquerait non seulement aux transporteurs mais également aux intermédiaires, et le statut de l’intermédiaire est bien précisé. Un amendement de mes collègues Alexis Bachelay et Arnaud Leroy, identique à celui de Lionel Tardy, a introduit des dérogations pour permettre aux taxis et aux VTC de circuler avec des véhicules propres. Enfin, un amendement du groupe socialiste est venu encadrer l’activité des motos taxis, désormais accessible sur présentation d’un certificat professionnel et d’un contrat d’assurance dont les détails seront précisés par décret.

En première lecture, le Sénat a restreint l’obligation de retour à la base pour les VTC en expliquant que l’on pouvait y déroger si des courses étaient enchaînées. Ce point fera discussion. Il constituera sans doute l’essentiel de nos débats aujourd’hui. Néanmoins, les amendements qui ont été déposés pour revenir à la rédaction initiale ont été rejetés par la commission.

En deuxième lecture, notre commission, qui s’est réunie le 10 septembre dernier, a considéré que l’équilibre trouvé par le Sénat ne devait pas être modifié, et a par conséquent rejeté toutes les propositions d’amendements. C’est la position que je défendrai dans notre hémicycle en tant que rapporteur de la commission du développement durable.

Puisqu’il fait toujours rester modeste et considérer qu’un texte mérite d’être expérimenté pour connaître précisément sa valeur et la façon dont il s’insère dans la vie réelle, la proposition de loi prévoit une obligation d’évaluation par un rapport que le Gouvernement remettra au Parlement dans un an. Si des ajustements sont nécessaires, nous pourrons y procéder en toute connaissance de cause.

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