Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 16 septembre 2014 à 14h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Nous allons passer sans tarder à l'examen des deux points à l'ordre du jour.

Le premier est un rapport d'information portant observations, en application de l'article 151-1-1 du règlement, sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Il vise à donner l'éclairage européen de notre commission sur un texte qui devrait constituer une étape majeure pour la transition vers un modèle de croissance plus durable en France. À un peu plus d'un an de la Conférence climat qui se tiendra à Paris et dont l'horizon est de parvenir à un accord mondial sur le climat pour succéder au protocole de Kyoto, le sujet de la transition énergétique est un sujet qui mérite toute notre attention.

Notre commission est engagée à plusieurs titres dans le suivi des problématiques de la transition énergétique. D'une part, avec le rapport annuel de MM. Jérôme Lambert et Bernard Deflesselles pour le suivi des négociations climatiques internationales. D'autre part, avec la participation au groupe de travail conjoint avec les commissions du développement durable et des Affaires étrangères pour la préparation de la Conférence climat qui se tiendra à Paris en 2015. Ce groupe s'est réuni pour la première fois le 9 septembre dernier.

Il m'a donc semblé essentiel que la commission des Affaires européennes puisse s'exprimer sur ce projet de loi qui va toucher tous les citoyens. Quels sont les principaux objectifs de la loi et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre ?

Le projet de loi relatif à la croissance énergétique pour la croissance verte comprend 8 titres, avec 3 grandes parties et 64 articles. C'est un texte programmatique, car il pose les grands principes et les objectifs de la transition énergétique française, mais laisse à une Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui sera adoptée ultérieurement, le soin du détail de sa mise en oeuvre concrète. Cette première programmation devrait porter sur la période 2015-2018. Les trois parties du texte en montrent les grandes priorités : la priorité aux économies d'énergie, pour l'efficacité énergétique ; l'impératif de diversifier notre mix énergétique, pour la promotion des énergies renouvelables et le renforcement de la sûreté nucléaire ; la volonté d'agir ensemble, de simplifier et de mieux réguler, pour des gains de compétitivité liés à la simplification et une meilleure participation de tous les acteurs concernés.

Le projet contient des objectifs forts pour accélérer la transition énergétique qu'il faut souligner. La réduction des émissions de gaz à effet de serre françaises dans le but de contribuer pleinement à l'objectif européen d'une baisse de 40 % des émissions en 2030 par rapport à 1990. La diminution de la consommation d'énergies fossiles de 30% à l'horizon 2030. La réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production d'électricité en 2025 (73 % en 2013). Le déploiement des énergies renouvelables pour qu'elles représentent 32 % de notre consommation énergétique finale en 2030.

Ces objectifs sont assortis d'outils utiles. Tout d'abord, des outils de programmation pour organiser la gouvernance de la transition énergétique : la programmation pluriannuelle de l'énergie qui fusionne les exercices existants dans les différents secteurs de l'énergie, avec des objectifs quantitatifs par filière et l'enveloppe des ressources publiques mobilisées, mais aussi des « budgets-carbone » et une stratégie de développement bas carbone afin de fixer par période de 5 ans des plafonds d'émission en application de nos engagements européens – sans oublier les risques du tout électrique que comporte une stratégie bas carbone qui ne peut être qu'une part de l'ensemble du projet. Le projet met en oeuvre des dispositifs d'action nouveaux : l'obligation de travaux d'efficacité énergétique à l'occasion des travaux de rénovation des bâtiments ; la réduction des émissions de GES liées au transport et à la grande distribution et à l'agriculture ; la simplification des procédures administratives applicables aux énergies renouvelables, le traitement des déchets que comprend la notion d'économie circulaire.

Il me semble donc que le projet de loi propose certaines mesures ambitieuses et bienvenues afin de favoriser la transition énergétique. Même si l'application de certaines des dispositions reste conditionnelle aux mesures plus spécifiques qui seront adoptées dans la PPE, le texte n'en pose pas moins d'intéressants jalons. La question des moyens de mise en oeuvre sera évidemment essentielle.

Cette proposition de loi intervient dans le contexte européen d'une discussion du second paquet énergie-climat et d'une révision de la directive sur l'efficacité énergétique

La Commission européenne a publié, le 22 janvier 2014, une proposition en faveur de la politique énergie-climat à l'horizon 2030 pour succéder au premier paquet énergie-climat adopté en 2008, en vigueur jusqu'en 2020, qui prévoyait :

- de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre,

- de porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique européenne ;

- de réaliser 20 % d'économies d'énergie.

La nouvelle proposition de la Commission européenne contient des objectifs tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % par rapport au niveau de 1990 et l'augmentation à un niveau d'au moins 27 % la part des énergies renouvelables, afin de rendre l'économie de l'UE plus compétitive, de réduire ses émissions de carbone et de créer de nouveaux emplois en lien avec ce secteur d'avenir.

L'objectif d'efficacité énergétique européenne qui figurait dans le paquet énergie-climat pour 2020 (augmenter l'efficacité énergétique de 20 %), n'a pas été repris dans la proposition de la Commission de janvier 2014. Il pourrait toutefois être réintégré, le nouveau Président de la Commission Jean-Claude Juncker s'étant déclaré favorable à un objectif contraignant d'augmentation de 30% de l'efficacité énergétique lors de son discours devant le Parlement européen le 15 juillet 2014.

Il nous faut donc nous poser la question de savoir si nous progressons vers une Union européenne de l'énergie. Le projet de loi relatif à la transition énergétique s'inscrit dans un mouvement européen de passage à une économie moins « carbonée ». Ce nouvel horizon industriel pourrait être la perspective qui manque au projet européen et nourrir une forme de relance basée sur un modèle de développement plus durable.

Ce mouvement vise à fournir une réponse satisfaisante au triple défi énergétique que connaît l'Europe. Le déséquilibre entre des réserves de source d'énergie fossile limitées et la demande qui menace la sécurité de son approvisionnement et la place dans une situation de dépendance, dont les troubles en Ukraine nous font apercevoir les potentiels dangers. Le maintien de la compétitivité européenne s'avère difficile face à des coûts de l'énergie croissants et de plus en plus volatiles. Enfin, le défi du réchauffement climatique, que l'Europe désire relever à la pointe en allant vers un rôle de pilote des négociations climatiques mondiales, appelle à un changement de modèle.

Mais la transition énergétique pourrait également être placée au coeur d'un approfondissement de la construction européenne (après ses phases successives d'élargissements) et voir se déployer une mobilisation nouvelle, positive et porteuse de projets, qui contribuerait à une croissance portée par un modèle plus soutenable. À cet égard, la position volontariste du projet de loi, pourvu que ses objectifs soient atteints, place la France dans la bonne configuration pour aller vers une Union de l'énergie.

C'est pourquoi notre rapport d'information pour observations, pris en application de l'article 151-1-1 de notre règlement, vise à illustrer le contexte actuel, européen et international, dans lequel s'inscrit la discussion du projet de loi sur la transition énergétique. Il s'efforce de rappeler les principaux textes européens auxquels la France a souscrits, et qui donnent des impulsions majeures à la forme de sa transition énergétique. Tout en saluant l'ambition d'un texte qui touche à de nombreux aspect de la transition énergétique, notre rapport tente également de dégager des voies d'amélioration du projet de loi, par lesquelles notre pays pourrait agir encore plus efficacement pour cette transition.

Dans cet esprits, il pourrait ainsi être utile :

- de souligner de manière plus appuyée la problématique de l'équilibre des rapports entre les pays disposant des ressources énergétiques et des pays assurant leur gestion et leur exploitation, qui sont aussi souvent les pays de plus grande consommation ;

- d'ajouter la prévention des risques industriels majeurs à la liste des objectifs de la loi énoncés à l'article premier, ainsi que le sujet des interactions entre la transition énergétique et la biodiversité, sur laquelle notre commission s'est récemment penchée (article 1) ;

- de préciser et de garantir l'exigence d'exemplarité des bâtiments neufs à maîtrise d'ouvrage publique afin de la rendre pleinement opérationnelle (article 4) ;

- de développer dans le projet de loi le thème de la précarité énergétique, qui touche les ménages les plus modestes et conduit à un véritable et regrettable cumul des difficultés sociales ;

- de donner des objectifs chiffrés quant à l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments (article 5) ;

- de préciser quels moyens de financement seront alloués au développement des énergies renouvelables évoqué à l'article 5 ;

- de développer davantage certains sujets au sein du titre V du projet de loi : les problématiques liées aux réseaux intelligents et au stockage de l'énergie, qui sont pourtant des clés du développement futur des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, sont ici trop rapidement considérées : le financement de la recherche sur ces sujets doit être abordé ;

- d'approfondir la procédure d'autorisationde prolongation des installations nucléaires élaborée à partir de la définition réglementaire des 40 ans, qui pourrait reposer sur une étude d'impact impliquant pleinement les citoyens, avec des mesures d'information et de participation, et qui viserait à intégrer les enjeux de sécurité et la question de l'opportunité de la prolongation (article 32) ;

- de poser à nouveau le problème de la gestion des déchets nucléaires, pour lequel aucune réponse satisfaisante n'a véritablement été donnée ;

- de détailler plus avant au sein du titre VII, les mesures qui pourraient concerner la simplification des procédures au profit des énergies renouvelables ;

- de donner plus de poids aux collectivités territoriales et aux acteurs de terrain dans la définition et la diffusion des initiatives destinées à assurer la transition énergétique : ces acteurs disposent de savoir-faire et d'expériences qui doivent pouvoir être relayés pour que se partagent les bonnes pratiques.

Sous réserve de ces modifications, je vous propose de donner un avis favorable au projet de loi qui vous est proposé, dans le sens des conclusions qui vont vous être présentées, et avec une insistance particulière sur le rôle que la France pourrait jouer dans la promotion d'une Union de l'énergie au niveau européen. Ce rôle serait cohérent avec l'ambition affichée par le projet, à l'heure où une nouvelle ambition industrielle reposant sur les principes d'un développement plus soutenable nous semble de nature à donner un nouveau souffle au projet européen.

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