Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 17 septembre 2014 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de m'accueillir parmi vous pour parler à la fois de la rentrée scolaire et, plus généralement, de l'école. Très sensible à votre nombre et à votre mobilisation, et connaissant votre contribution à la loi pour la refondation de l'école, j'ai hâte de vous écouter. Soyez assurés de ma disponibilité et de celle de mes équipes : n'hésitez pas à nous faire de propositions et à nous faire remonter vos expériences de terrain car nous serons à l'écoute.

La rentrée scolaire s'est bien passée, grâce au travail de mes prédécesseurs. Elle a été marquée par la mise en oeuvre des engagements du Gouvernement : plus de 4 500 postes nouveaux ont été déployés dans les établissements des premier et second degrés et dans l'enseignement agricole.

Cette rentrée est celle des enseignants stagiaires, désormais formés pour mieux faire face, notamment aux difficultés de leurs élèves : 22 000 professeurs stagiaires ont débuté leur formation en alternance, partageant leur temps entre leurs salles de classe et leurs écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE).

Cette rentrée est également celle des débuts de la refondation de l'éducation prioritaire : une centaine de réseaux d'éducation prioritaire vont bénéficier d'importants moyens dès cette année ; ils seront 1 080 à la rentrée 2015, avec des collèges et des écoles en leur sein. Ces moyens supplémentaires permettent de travailler d'une nouvelle façon, de libérer du temps pour les enseignants, d'organiser un travail collectif permettant d'avoir plus de maîtres que de classes, de scolariser des enfants avant l'âge de trois ans, c'est-à-dire d'appliquer toutes ces mesures que vous avez prises dans la loi pour la refondation de l'école, afin d'affronter les difficultés sociales et scolaires de certains enfants.

Cette rentrée se caractérise aussi par les moyens dédiés au renforcement de l'accompagnement des enfants en situation de handicap, j'y insiste et nous aurons l'occasion d'y revenir. C'est la matérialisation de l'engagement du Gouvernement en faveur de la transformation en CDI des CDD de 4 700 assistants de vie scolaire. C'est aussi l'ouverture des unités d'accueil d'enfants autistes en maternelle : une par académie, c'est-à-dire trente dans tout le pays.

Cette rentrée, même si elle ne se résume pas à cela, est enfin celle de la généralisation des nouveaux rythmes scolaires. Un pas important a été franchi. Je remercie les communes qui ont adopté ces nouveaux rythmes dans d'assez bonnes conditions, même s'il n'est jamais facile de s'adapter au changement, que ce soit pour les élus locaux ou les parents concernés. Cela étant, je répète que les communes qui n'ont pas voulu appliquer d'elles-mêmes la loi n'étaient pas dans leur droit. Nous avons fait en sorte que la loi s'applique à tous et nous répétons à tous ceux qui n'avaient pas eu l'occasion d'en voir les effets dès 2013 que cinq matinées au lieu de quatre pour apprendre, c'est mieux pour les enfants de cet âge. Au vu de tous les classements tels que le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), que vous connaissez aussi bien que moi, nous devons redresser la barre.

Si cette réforme a franchi un pas important, je ne considère pas pour autant qu'il n'y a plus rien à faire. J'ai conscience de l'importance du chantier visant à s'assurer que le contenu pédagogique de ce nouvel étalement du temps soit pertinent pour les apprentissages des enfants – sur les cinq matinées en question, il doit y avoir une répartition efficace des apprentissages – et à améliorer la complémentarité entre les temps scolaire et périscolaire.

Puisque je m'exprime pour la première fois – et pas la dernière, j'espère – devant votre commission, j'en profite pour dire, Monsieur le président, que je serai très heureuse d'accepter votre invitation à venir parler de la rentrée universitaire, et plus largement de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans quelques semaines. Pour l'heure, concentrons-nous sur les priorités pour l'école que je voudrais vous exposer rapidement. Vous n'allez pas être surpris de m'entendre dire qu'elles ne changent pas fondamentalement de celles de mes deux prédécesseurs : une stabilité est nécessaire pour tenir les engagements pris par le Président de la République et qui n'ont pas tous été réalisés.

Pour moi, il va s'agir de poursuivre la mise en oeuvre opérationnelle de la loi pour la refondation de l'école de la République, que vous avez adoptée, afin d'améliorer l'efficacité de notre système scolaire et sa capacité à résorber les inégalités. Nous avons tous conscience du chemin qu'il reste à parcourir. Une récente enquête montre à quel point notre système scolaire fait perdurer le lien entre origine sociale et réussite scolaire : la France est classée en vingt-sixième position, sur vingt-huit en Europe, en matière d'inégalités. Ce mauvais résultat ne peut résulter des politiques conduites depuis deux ans, aussi je nous invite tous à regarder les choses humblement et sereinement, et à travailler ensemble pour améliorer la situation.

La refondation que nous avons entreprise apporte des réponses et fixe des orientations auxquelles je serai très attachée. D'abord, la priorité est donnée au primaire où beaucoup de choses se jouent puisque la solidité des apprentissages s'installe dès le plus jeune âge. Je continuerai donc à favoriser la scolarisation avant l'âge de trois ans, notamment dans les zones les plus défavorisées.

Cette année, toujours pour faire en sorte que les apprentissages s'installent de façon durable, nous allons ouvrir trois chantiers importants. Le premier porte sur la rénovation des programmes et du socle commun de connaissances, de compétences et de culture : avec le Conseil supérieur des programmes (CSP) nous allons commencer par le socle et les programmes de maternelle qui seront arrêtés pour la rentrée prochaine, puis nous passerons aux programmes du primaire et du collège. La création du CSP a permis d'avoir de bonnes conditions de travail et nous veillerons à ce que cela perdure.

Le deuxième chantier porte sur la réforme de l'évaluation. Nous avons lancé une conférence nationale pour que s'instaure un large débat public sur ce sujet, qui concerne le corps enseignant, les élèves et les familles. Nous avons lancé un appel à projet afin de réunir un comité de réflexion d'une trentaine de personnes dans lequel on trouvera des professionnels de l'éducation et des usagers – associations, parents, anciens élèves. Nous ferons en sorte que cette évaluation soit plus encourageante que décourageante, plus motivante que stigmatisante, et moins créatrice de ces échecs et orientations subies dont nous avons tous conscience en voyant le nombre de jeunes qui sortent sans qualification ou sans diplôme du système scolaire.

Le troisième chantier est la réforme du collège à laquelle nous allons devoir nous attaquer cette année. Sans sortir du collège unique, nous devons réfléchir à rendre le système moins uniforme pour qu'il puisse répondre davantage aux difficultés de certains collégiens.

Même si je m'inscris dans la continuité, je revendique une sensibilité personnelle, liée à mon expérience, ma personnalité et mes convictions. Sans rien renier des engagements que je viens de prendre, je pense qu'il faut, en parallèle, travailler sur la relation entre les parents et l'école – merci à Valérie Corre et Xavier Breton pour l'excellent travail qu'ils ont rendu sur le sujet – qui est au coeur des difficultés de certains élèves mais qui peut devenir un levier de réussite si on la fluidifie et si l'on fait se rencontrer deux mondes qui s'ignorent ou se méconnaissent. Je souhaite que les familles soient rapprochées de l'école, qu'elles en comprennent les codes et les langages, et qu'elles puissent vraiment accompagner leurs enfants afin de les conduire vers une réussite scolaire et professionnelle. Les enseignants sont très demandeurs de cette relation de confiance qui leur permettra de travailler dans de meilleures conditions.

Cette sensibilité personnelle me porte aussi à m'intéresser à la relation entre l'école et le monde professionnel. À l'époque où j'étais notamment ministre de la jeunesse, le Gouvernement tout entier a pris des engagements forts à ce sujet, au moment de la grande conférence sociale de juillet dernier. Je suis persuadée que l'école doit davantage s'intéresser à ce que deviennent les élèves, une fois sortis du système scolaire. Les décrochages, difficultés d'insertion professionnelle, taux de chômage des jeunes et orientations subies sont autant de phénomènes que nous connaissons par coeur.

Il faut faire en sorte que l'école puisse vraiment offrir une expérience du monde professionnel aux élèves. Cela passe par le développement de stages qui soient accessibles quel que soit le réseau familial de l'élève et qui se déroulent dans de bonnes conditions. Cela passe par le développement de l'apprentissage qui va faire l'objet d'une grande réunion, vendredi prochain, avec le Président de la République et les partenaires sociaux. Cela passe aussi par la valorisation de l'enseignement professionnel, sujet qui me tient à coeur. D'une manière plus générale, cela passe par le travail que nous devons faire ensemble sur les diplômes et la certification : il doit y avoir une résonance entre les enseignements de l'école et les besoins du monde du travail.

Cela ne va pas vous surprendre, je vais aussi prêter une attention particulière au numérique à l'école, domaine pour lequel le Président de la République a exprimé son ambition. Le numérique fait déjà son chemin dans l'école ; les élèves ont largement recours aux outils numériques ; l'institution scolaire ne doit pas être dans une position d'attente mais elle doit au contraire prendre l'initiative, d'autant que ce vecteur lui permettra plus d'efficacité, d'équité et de justice.

Tels sont mes convictions, mes engagements et mes ambitions pour l'école. Ma volonté de continuité et de stabilité ne signifie pas que je souhaite l'immobilisme. Comme tous ses acteurs, je souhaite que l'école avance. J'espère que nous la ferons avancer ensemble. Sur tous les sujets qui vous seraient précieux, soyez assurés de ma disponibilité totale et de mon écoute.

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