Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 17 septembre 2014 à 16h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 17 septembre 2014

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

La commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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Pour la reprise de nos travaux parlementaires, nous avons le grand plaisir de vous accueillir, madame la ministre. Nous avons failli vous recevoir pour parler de la jeunesse et des sports, puisque vous aviez cordialement et spontanément accepté l'invitation que je vous avais lancée. Le temps politique est ainsi fait que c'est en qualité de ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche que nous vous auditionnons aujourd'hui, sur le thème de la rentrée scolaire et, plus largement, des enjeux de l'éducation nationale.

Si la rentrée scolaire est passée, arrive une rentrée universitaire dont nous dresserons le bilan, le moment venu. Les membres de notre commission manifestent un grand intérêt pour les sujets éducatifs et je ne doute pas qu'ils sont impatients d'avoir avec vous un échange libre, ouvert et respectueux, selon nos bonnes habitudes.

Cette rentrée est l'an II de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, une réforme qui a mobilisé nombre d'entre nous lors d'un beau et long débat parlementaire. Il nous importe donc de savoir comment ce texte commence à porter ses premiers fruits dans les classes, même si nous savons que les réformes de l'éducation nationale ont besoin de temps pour produire tous leurs effets. Un Président de la République avait eu cette formule heureuse, particulièrement adaptée à l'éducation nationale : sachons donner du temps au temps.

Avant de vous laisser la parole, je souhaite évoquer deux sujets : les relations entre les parents et l'école ; la création architecturale. Une mission d'information, dont le président était Xavier Breton et la rapporteure Valérie Corre, a été chargée de travailler sur les relations entre les parents et l'école. Valérie Corre, qui ne peut malheureusement être des nôtres et vous prie de l'en excuser, et Xavier Breton, ici présent, ont rendu leur rapport en juillet dernier. Ils formulent nombre de propositions passionnantes sur un sujet dont nous savons qu'il vous tient aussi à coeur, madame la ministre. Comment comptez-vous utiliser les conclusions et les propositions de ce rapport ?

À la même période, était rendu un rapport intitulé Pour une création architecturale désirée et libérée, dont j'ai eu le bonheur d'être le rapporteur. Lors de la présentation des trente-six propositions de ce rapport, nous avons évoqué l'enjeu éducatif que pouvait comporter l'architecture dans notre pays. Puisqu'il s'agit de susciter un désir d'architecture dès le plus jeune âge, nous formulons des propositions pour sensibiliser les écoliers. Nous proposons d'engager rapidement des actions durables sur l'ensemble du territoire durant le temps scolaire – dans le cadre des parcours d'éducation artistique et culturelle – et périscolaire.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de m'accueillir parmi vous pour parler à la fois de la rentrée scolaire et, plus généralement, de l'école. Très sensible à votre nombre et à votre mobilisation, et connaissant votre contribution à la loi pour la refondation de l'école, j'ai hâte de vous écouter. Soyez assurés de ma disponibilité et de celle de mes équipes : n'hésitez pas à nous faire de propositions et à nous faire remonter vos expériences de terrain car nous serons à l'écoute.

La rentrée scolaire s'est bien passée, grâce au travail de mes prédécesseurs. Elle a été marquée par la mise en oeuvre des engagements du Gouvernement : plus de 4 500 postes nouveaux ont été déployés dans les établissements des premier et second degrés et dans l'enseignement agricole.

Cette rentrée est celle des enseignants stagiaires, désormais formés pour mieux faire face, notamment aux difficultés de leurs élèves : 22 000 professeurs stagiaires ont débuté leur formation en alternance, partageant leur temps entre leurs salles de classe et leurs écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE).

Cette rentrée est également celle des débuts de la refondation de l'éducation prioritaire : une centaine de réseaux d'éducation prioritaire vont bénéficier d'importants moyens dès cette année ; ils seront 1 080 à la rentrée 2015, avec des collèges et des écoles en leur sein. Ces moyens supplémentaires permettent de travailler d'une nouvelle façon, de libérer du temps pour les enseignants, d'organiser un travail collectif permettant d'avoir plus de maîtres que de classes, de scolariser des enfants avant l'âge de trois ans, c'est-à-dire d'appliquer toutes ces mesures que vous avez prises dans la loi pour la refondation de l'école, afin d'affronter les difficultés sociales et scolaires de certains enfants.

Cette rentrée se caractérise aussi par les moyens dédiés au renforcement de l'accompagnement des enfants en situation de handicap, j'y insiste et nous aurons l'occasion d'y revenir. C'est la matérialisation de l'engagement du Gouvernement en faveur de la transformation en CDI des CDD de 4 700 assistants de vie scolaire. C'est aussi l'ouverture des unités d'accueil d'enfants autistes en maternelle : une par académie, c'est-à-dire trente dans tout le pays.

Cette rentrée, même si elle ne se résume pas à cela, est enfin celle de la généralisation des nouveaux rythmes scolaires. Un pas important a été franchi. Je remercie les communes qui ont adopté ces nouveaux rythmes dans d'assez bonnes conditions, même s'il n'est jamais facile de s'adapter au changement, que ce soit pour les élus locaux ou les parents concernés. Cela étant, je répète que les communes qui n'ont pas voulu appliquer d'elles-mêmes la loi n'étaient pas dans leur droit. Nous avons fait en sorte que la loi s'applique à tous et nous répétons à tous ceux qui n'avaient pas eu l'occasion d'en voir les effets dès 2013 que cinq matinées au lieu de quatre pour apprendre, c'est mieux pour les enfants de cet âge. Au vu de tous les classements tels que le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), que vous connaissez aussi bien que moi, nous devons redresser la barre.

Si cette réforme a franchi un pas important, je ne considère pas pour autant qu'il n'y a plus rien à faire. J'ai conscience de l'importance du chantier visant à s'assurer que le contenu pédagogique de ce nouvel étalement du temps soit pertinent pour les apprentissages des enfants – sur les cinq matinées en question, il doit y avoir une répartition efficace des apprentissages – et à améliorer la complémentarité entre les temps scolaire et périscolaire.

Puisque je m'exprime pour la première fois – et pas la dernière, j'espère – devant votre commission, j'en profite pour dire, Monsieur le président, que je serai très heureuse d'accepter votre invitation à venir parler de la rentrée universitaire, et plus largement de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans quelques semaines. Pour l'heure, concentrons-nous sur les priorités pour l'école que je voudrais vous exposer rapidement. Vous n'allez pas être surpris de m'entendre dire qu'elles ne changent pas fondamentalement de celles de mes deux prédécesseurs : une stabilité est nécessaire pour tenir les engagements pris par le Président de la République et qui n'ont pas tous été réalisés.

Pour moi, il va s'agir de poursuivre la mise en oeuvre opérationnelle de la loi pour la refondation de l'école de la République, que vous avez adoptée, afin d'améliorer l'efficacité de notre système scolaire et sa capacité à résorber les inégalités. Nous avons tous conscience du chemin qu'il reste à parcourir. Une récente enquête montre à quel point notre système scolaire fait perdurer le lien entre origine sociale et réussite scolaire : la France est classée en vingt-sixième position, sur vingt-huit en Europe, en matière d'inégalités. Ce mauvais résultat ne peut résulter des politiques conduites depuis deux ans, aussi je nous invite tous à regarder les choses humblement et sereinement, et à travailler ensemble pour améliorer la situation.

La refondation que nous avons entreprise apporte des réponses et fixe des orientations auxquelles je serai très attachée. D'abord, la priorité est donnée au primaire où beaucoup de choses se jouent puisque la solidité des apprentissages s'installe dès le plus jeune âge. Je continuerai donc à favoriser la scolarisation avant l'âge de trois ans, notamment dans les zones les plus défavorisées.

Cette année, toujours pour faire en sorte que les apprentissages s'installent de façon durable, nous allons ouvrir trois chantiers importants. Le premier porte sur la rénovation des programmes et du socle commun de connaissances, de compétences et de culture : avec le Conseil supérieur des programmes (CSP) nous allons commencer par le socle et les programmes de maternelle qui seront arrêtés pour la rentrée prochaine, puis nous passerons aux programmes du primaire et du collège. La création du CSP a permis d'avoir de bonnes conditions de travail et nous veillerons à ce que cela perdure.

Le deuxième chantier porte sur la réforme de l'évaluation. Nous avons lancé une conférence nationale pour que s'instaure un large débat public sur ce sujet, qui concerne le corps enseignant, les élèves et les familles. Nous avons lancé un appel à projet afin de réunir un comité de réflexion d'une trentaine de personnes dans lequel on trouvera des professionnels de l'éducation et des usagers – associations, parents, anciens élèves. Nous ferons en sorte que cette évaluation soit plus encourageante que décourageante, plus motivante que stigmatisante, et moins créatrice de ces échecs et orientations subies dont nous avons tous conscience en voyant le nombre de jeunes qui sortent sans qualification ou sans diplôme du système scolaire.

Le troisième chantier est la réforme du collège à laquelle nous allons devoir nous attaquer cette année. Sans sortir du collège unique, nous devons réfléchir à rendre le système moins uniforme pour qu'il puisse répondre davantage aux difficultés de certains collégiens.

Même si je m'inscris dans la continuité, je revendique une sensibilité personnelle, liée à mon expérience, ma personnalité et mes convictions. Sans rien renier des engagements que je viens de prendre, je pense qu'il faut, en parallèle, travailler sur la relation entre les parents et l'école – merci à Valérie Corre et Xavier Breton pour l'excellent travail qu'ils ont rendu sur le sujet – qui est au coeur des difficultés de certains élèves mais qui peut devenir un levier de réussite si on la fluidifie et si l'on fait se rencontrer deux mondes qui s'ignorent ou se méconnaissent. Je souhaite que les familles soient rapprochées de l'école, qu'elles en comprennent les codes et les langages, et qu'elles puissent vraiment accompagner leurs enfants afin de les conduire vers une réussite scolaire et professionnelle. Les enseignants sont très demandeurs de cette relation de confiance qui leur permettra de travailler dans de meilleures conditions.

Cette sensibilité personnelle me porte aussi à m'intéresser à la relation entre l'école et le monde professionnel. À l'époque où j'étais notamment ministre de la jeunesse, le Gouvernement tout entier a pris des engagements forts à ce sujet, au moment de la grande conférence sociale de juillet dernier. Je suis persuadée que l'école doit davantage s'intéresser à ce que deviennent les élèves, une fois sortis du système scolaire. Les décrochages, difficultés d'insertion professionnelle, taux de chômage des jeunes et orientations subies sont autant de phénomènes que nous connaissons par coeur.

Il faut faire en sorte que l'école puisse vraiment offrir une expérience du monde professionnel aux élèves. Cela passe par le développement de stages qui soient accessibles quel que soit le réseau familial de l'élève et qui se déroulent dans de bonnes conditions. Cela passe par le développement de l'apprentissage qui va faire l'objet d'une grande réunion, vendredi prochain, avec le Président de la République et les partenaires sociaux. Cela passe aussi par la valorisation de l'enseignement professionnel, sujet qui me tient à coeur. D'une manière plus générale, cela passe par le travail que nous devons faire ensemble sur les diplômes et la certification : il doit y avoir une résonance entre les enseignements de l'école et les besoins du monde du travail.

Cela ne va pas vous surprendre, je vais aussi prêter une attention particulière au numérique à l'école, domaine pour lequel le Président de la République a exprimé son ambition. Le numérique fait déjà son chemin dans l'école ; les élèves ont largement recours aux outils numériques ; l'institution scolaire ne doit pas être dans une position d'attente mais elle doit au contraire prendre l'initiative, d'autant que ce vecteur lui permettra plus d'efficacité, d'équité et de justice.

Tels sont mes convictions, mes engagements et mes ambitions pour l'école. Ma volonté de continuité et de stabilité ne signifie pas que je souhaite l'immobilisme. Comme tous ses acteurs, je souhaite que l'école avance. J'espère que nous la ferons avancer ensemble. Sur tous les sujets qui vous seraient précieux, soyez assurés de ma disponibilité totale et de mon écoute.

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Merci, madame la ministre, pour votre propos liminaire et votre maîtrise du temps qui sera un exemple pour nous tous.

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L'opposition parlera sans doute plus que la ministre, mais c'est la règle ici. Vous êtes une trentaine parmi les quelque quarante députés présents à avoir demandé de parole. Nous allons commencer par les orateurs s'exprimant au nom de leur groupe.

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Madame la ministre, au nom du groupe socialiste, je vous félicite pour cette récente nomination au poste de ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je vous adresse mes voeux de réussite dans votre mission au service de nos élèves, de leurs familles et de l'école.

Comme l'a rappelé le Premier ministre hier lors de son discours de politique générale, la priorité à l'éducation est réaffirmée par notre majorité, afin d'accompagner chaque élève vers sa réussite. Grâce à la mobilisation et à l'engagement des équipes éducatives, des élus locaux et des parents d'élèves, la rentrée scolaire 2014 a été réussie. Certes, beaucoup de conditions étaient réunies pour cela : renforcement des effectifs des enseignants, amélioration de leur formation, généralisation des rythmes scolaires et attachement particulier donné à l'éducation prioritaire.

Cette rentrée ambitieuse traduit le résultat de choix budgétaires forts et déterminés : 4 500 nouveaux enseignants supplémentaires oeuvrent aux côtés des élèves. La refondation de l'école de la République se joue maintenant dans les classes et dans chaque établissement. Par le dialogue, l'ouverture et la transparence, chacun des acteurs de l'école trouve sa place et veille à un accueil, un encadrement, un enseignement amélioré pour tous les élèves. Les conditions de travail des enseignants se sont détériorées ces dernières années et il nous faudra y remédier, mais cela demande du temps.

La loi pour la refondation de l'école a posé les premières pierres de ces évolutions : le dispositif « plus de maîtres que de classes » ; la mise en place d'une réelle formation professionnalisante des enseignants ; le chantier des métiers qui s'adresse aux enseignants et aux non-enseignants ; la réforme de l'éducation prioritaire qui se traduira par une meilleure rémunération des enseignants de ces zones, une décharge horaire pour introduire plus de dialogue avec les parents et la mise en place d'une pédagogie plus individualisée, plus personnalisée.

Un premier pas a été fait pour revaloriser le salaire des professeurs des écoles avec la prime de 400 euros, qui sera probablement renouvelée cette année, mais il faudra aller plus loin. Il faut donc améliorer les conditions de travail des enseignants et élever le niveau de tous les élèves. L'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture est l'un des grands objectifs fixés par la loi pour la refondation. Avec ce socle, ce que nous recherchons est l'excellence pour le plus grand nombre.

Garantir un parcours de réussite pour tous les élèves passe également par une insertion professionnelle et sociale réussie. L'ouverture de l'école sur le monde professionnel et l'entreprise est indispensable et devient un enjeu capital. Il nous faut donc dynamiser ces relations qui contribueront à une meilleure connaissance du monde économique et professionnel, à l'orientation, à la formation professionnelle et au développement de l'esprit d'entreprendre.

Je tiens également à insister sur la nouvelle politique éducative sociale et de santé en faveur des élèves. Diverses mesures créent un environnement scolaire favorable à la santé : la mise en oeuvre de programmes d'éducation à la santé ; des examens médicaux et des bilans de santé aux âges clés de la scolarité ; la détection, le plus tôt possible, des problèmes de santé ou des carences de soins pouvant entraver ladite scolarité. Aussi, pouvez-vous nous apporter quelques informations sur le développement de la médecine scolaire qui a été complètement abandonnée depuis de nombreuses années ?

Se sentir bien dans son école et dans son environnement scolaire est aussi primordial et l'une des clefs de la réussite des élèves est une relation équilibrée entre les parents et les institutions scolaires. Valérie Corre, malheureusement absente aujourd'hui, a beaucoup travaillé sur ce sujet, en tant que rapporteure de la mission présidée par Xavier Breton. Leur rapport est un précieux outil pour approfondir ce dossier délicat.

J'aimerai une nouvelle fois évoquer un autre point qui touche nombre de familles et d'enfants au quotidien : l'amplitude horaire, parfois démentielle, qu'imposent aux enfants les contraintes horaires professionnelles inflexibles de leurs parents. Est-il envisageable, dans un dialogue constructif avec l'ensemble des responsables de l'entreprise, d'organiser ou d'imaginer un assouplissement du temps de travail des parents de jeunes enfants ?

Il me reste à vous poser deux questions. Qu'en est-il de la formation continue des enseignants, au moment où le numérique entre vraiment à l'école et devient un levier très important ? Que deviennent les étudiants qui ont obtenu avec succès leur master deuxième année (M2) en éducation, mais qui n'ont pas réussi leur concours ?

Madame la ministre, je ne peux que me réjouir de la mise en route de tous les chantiers indispensables à la réussite de la refondation de l'école dans de bonnes conditions et je tiens, une nouvelle fois, à vous remercier pour la réussite de cette rentrée scolaire. Mais nous pouvons toujours faire mieux et nous vous faisons entièrement confiance pour aller plus loin, du bon vers le meilleur.

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Madame la ministre, alors que le Premier ministre vous a confié la tâche difficile et exigeante d'être la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, je voulais, au nom du groupe UDI dont vous connaissez l'attachement à l'école républicaine, vous adresser tous mes voeux de réussite.

Je souhaite plus particulièrement vous interroger sur la réforme des rythmes scolaires. Si l'immense majorité des maires de France s'est refusée à bloquer la mise en oeuvre de cette réforme, ce qui aurait encore plus nui aux enfants et à leur famille, les collectivités territoriales qui doivent la financer restent très inquiètes. Elles devront en effet contribuer à hauteur de 11 milliards d'euros aux 50 milliards d'euros d'économies annoncées par le Premier ministre. La ville de Nice, dont je suis un élu, va ainsi payer 7 millions d'euros pour la mise en place de cette réforme.

Les inquiétudes exprimées par les élus, les parents d'élèves et le corps enseignant sont légitimes. Elles doivent pouvoir continuer de s'exprimer librement. Malgré la rentrée scolaire, le Gouvernement ne saurait en aucun cas s'exonérer d'y apporter une véritable réponse, à la hauteur des enjeux posés. Quelles réponses comptez-vous apporter aux principales difficultés soulevées par la réforme des rythmes scolaires, notamment à l'absence d'un financement pérenne ?

Ce projet a de lourdes conséquences sur les clubs sportifs et la vie associative. Aurez-vous la sagesse de faire un bilan objectif de cette expérience et de permettre les aménagements réclamés par la communauté scolaire ou bien vous entêterez-vous à maintenir le dispositif actuel, restant dans une posture idéologique ? L'intérêt de l'enfant, qui est au coeur de nos préoccupations, ne semble pas vraiment bénéficier de cette réforme.

Je souhaiterais également que vous puissiez nous présenter les grands axes du plan d'action de lutte contre le décrochage. Quelles mesures prévoyez-vous pour prévenir plus efficacement le décrochage afin de diviser par deux le nombre de jeunes sortant sans qualification du système éducatif d'ici à 2017 et pour faciliter le retour vers l'école des jeunes ayant déjà décroché, comme le Président de la République s'y est engagé ?

J'aimerais plus particulièrement appeler votre attention sur la prise en charge des enfants fragiles. L'acquisition des savoirs fondamentaux ne nécessite pas pour eux que de simples adaptations. Dès l'instant où l'enseignant a repéré une fragilité et donné le signal, le chef d'établissement doit pouvoir enclencher la mobilisation de toute la communauté éducative pour la mettre au service de l'enfant. Des expériences, peu coûteuses et fondées sur la mise en confiance en soi, de jeux collectifs et individuels extrêmement séquencés, ont ainsi été menées et sont parfaitement concluantes. Il en va ainsi pour celles de l'association Coup de Pouce Clé : 93 % des 9 800 enfants pris en charge au cours de l'année 2010-2011 ont pu ainsi sortir de la zone dangereuse en ce qui concerne la lecture. Le Gouvernement entend-il favoriser ces expériences et soutenir leur développement ?

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Madame la ministre, nous sommes très honorés d'auditionner le troisième ministre de l'éducation nationale depuis le début de l'année 2014 ! Dans ce ministère régalien, la stabilité serait pourtant un facteur rassurant pour toute la communauté éducative.

La refondation devait être la grande loi qui redonnerait sens, dynamisme et performance à notre école. En réalité, de vos prédécesseurs, l'histoire retiendra une réforme ratée des rythmes scolaires. Celle-ci a totalement perturbé la vie des familles : les parents passent leur temps à jouer les chauffeurs souvent au détriment de leur travail ; les grands-parents sont privés de leurs petits-enfants dont ils s'occupaient le mercredi ; les frais de garderie supplémentaires grèvent le budget familial.

Cette réforme des rythmes laisse un goût amer à nos concitoyens. La carotte du fonds d'amorçage n'a pas suscité l'adhésion massive des maires à ce projet très inégalitaire et trop standardisé. Je ne peux comprendre qu'un gouvernement qui prône l'égalité des chances ait fait passer aux forceps une réforme dont l'efficacité pédagogique reste à démontrer.

Selon que l'on soit riche ou pauvre, que l'on soit de la ville ou de la campagne, les trois heures facultatives, payantes ou non, de garderie ou d'activité extrascolaire, sous la responsabilité du maire, sont une brèche dans l'égalité républicaine.

Un président de communauté de communes m'a confié son découragement devant cette réforme qui anéantit un patient travail d'élaboration d'un service périscolaire dont bénéficiaient les dix-huit communes de son établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Aujourd'hui, seule une commune a les moyens d'offrir les trois heures de nouvelles activités périscolaires à ses élèves. Une école plus juste disiez-vous ? La décision du tribunal administratif de Rouen, qui conforte celle du conseil municipal de Ganzeville, devrait vous inciter à revoir cette copie bâclée.

Une récente enquête de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur l'enseignement et l'apprentissage concluait à une revalorisation indispensable du métier d'enseignant en France. Nous avons des enseignants formidables qui aiment leur métier mais qui ne se sentent pas valorisés par la société. Il est important de souligner que les pays qui arrivent à concilier l'équité sociale avec de bons résultats éducatifs – au test PISA, par exemple – sont aussi ceux où les enseignants se sentent les mieux considérés.

Nous avons constaté une grave pénurie de professeurs au CAPES de mathématiques où à peine la moitié des places offertes au concours ont été pourvues, et le même phénomène se produit dans d'autres disciplines. Il ne suffit pas d'affirmer, injustement d'ailleurs, que désormais les professeurs sont mieux formés pour répondre à la crise des vocations. Qu'allez-vous proposer pour revaloriser le métier d'enseignant ?

Madame la ministre, je crois beaucoup à l'effet « chef d'établissement ». Depuis le début du quinquennat de François Hollande, la majorité martèle « priorité au primaire », un objectif que nous partageons. Pour donner une nouvelle impulsion à l'école primaire, pour mettre en place, le plus tôt possible, une politique plus efficace face à l'échec scolaire, pour éviter des redoublements souvent inutiles, pour consolider l'école du socle, pour coordonner les projets d'école, il faut que la fonction de directeur, véritable leader pédagogique de son école, soit reconnue à sa juste valeur. À quand un véritable statut pour les directeurs d'école ?

Deux questions pour terminer. Pourquoi avoir supprimé les bourses au mérite ? Les lycéens boursiers ayant obtenu une mention « très bien » au bac 2014 ne décolèrent pas et ont le sentiment d'une grande injustice après la parution de la circulaire du 24 juillet. C'était pourtant une belle façon d'aider des étudiants méritants, issus de familles modestes.

De quelle façon allez-vous prendre en compte le travail du Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO), l'organisme indépendant chargé d'évaluer le système scolaire qui a été créé, avec le Conseil supérieur des programmes, dans le cadre de la loi pour la refondation de l'école ? Le temps du ministre qui veut réformer immédiatement n'est pas le même que celui du chercheur qui doit étayer scientifiquement ses travaux. La relation entre l'école et les entreprises et la valorisation de l'enseignement professionnel, que vous venez d'évoquer, en sont d'excellentes illustrations.

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Madame la ministre, je vous remercie pour votre présence et pour votre disponibilité. Je ne m'étendrai pas sur les attaques indignes dont vous avez été la cible mais j'en profite pour vous faire part de toute ma solidarité. Ces attaques illustrent combien le combat pour l'égalité demeure d'actualité, qu'il s'agisse de la déconstruction des stéréotypes de genre – priorité que nous avons en commun – ou de toute autre forme de discrimination.

Ne donnons pas de crédit à ces rumeurs mensongères et délétères. En revanche, s'agissant de discrimination, je ne voudrais pas laisser certains confisquer un sujet important : l'apprentissage de la langue arabe, notamment dans le secondaire où elle est encore trop peu présente. Les échanges culturels et économiques avec les pays arabophones sont une réalité. Alors que l'apprentissage de nombreuses langues est à corréler avec l'histoire des migrations, pourquoi la langue arable ferait-elle figure d'exception ? Si nous ne donnons pas à nos jeunes d'autres options pour étudier cette langue que de fréquenter certaines officines, quelles seront les conséquences ?

En matière d'éducation, les écologistes soutiennent toutes les initiatives permettant de redonner espoir aux générations actuelles et à venir, qu'il s'agisse de la priorité accordée au primaire, du dispositif « plus de maîtres que de classes » ou encore du rétablissement de la formation des enseignants. Chaque fois qu'il s'agit de combattre le décrochage scolaire, de lutter contre les déterminismes sociaux et d'oeuvrer à la réussite de tous, nous avons clairement indiqué notre soutien – et nous continuerons à le faire – pour que l'école redevienne une promesse crédible et qu'elle prépare les futurs citoyens à exercer pleinement leur citoyenneté.

En ce qui concerne tous ces enjeux, nous avons été et nous continuerons à être force de propositions car nous devons aller plus loin. Tout d'abord, s'agissant des rythmes scolaires, je tiens à nouveau à déplorer l'attitude de certains qui instrumentalisent à des fins politiciennes le bien-être des enfants. Cette réforme est une opportunité pour les élèves dès lors que tous les acteurs concernés décident ensemble des activités à mener, notamment dans le cadre du projet éducatif territorial (PEDT). Encore faut-il, bien sûr, que les conditions du dialogue soient réunies, que les activités soient gratuites et qu'elles représentent un intérêt pédagogique. Dans ma ville d'Amiens, les temps d'activités périscolaires se réduisent à de la garderie alors même que la municipalité bénéficie d'une aide financière non négligeable pour cette réforme.

D'où mes questions. Entendez-vous pérenniser le fonds d'amorçage et mieux cibler son usage en fonction des activités et des territoires ? Pourquoi ne pas mettre en oeuvre des mécanismes de péréquation verticale ou horizontale ? Quel accompagnement est-il prévu pour mutualiser les bonnes pratiques ? On parle beaucoup et à raison de l'inclusion scolaire qui est encore en chantier, mais qu'est-il prévu pour l'inclusion périscolaire des élèves handicapés ?

Autre grand dossier de la rentrée : la crise du recrutement des enseignants. Pour remédier à cela, l'une des pistes à creuser, à laquelle les écologistes tiennent beaucoup, est celle du prérecrutement dès la fin de licence. Qu'en pensez-vous ? Pour que les deux années soient véritablement consacrées à la formation des futurs enseignants et non à du bachotage, que pensez-vous de notre position en faveur d'un concours à l'entrée en master 1 ? Vincent Peillon semblait ouvert à l'idée de refaire une étude à ce propos, notamment sur le coût estimé.

De même, qu'en est-il du grand programme de formation continue au sein des écoles supérieures du professorat et de l'éducation ? La refondation ne se concrétisera pas si les enseignants ne sont pas formés, notamment à la pédagogie, dont 40 % d'entre eux estiment manquer, selon un rapport de l'OCDE.

Qu'en est-il de leur ouverture aux autres acteurs de l'éducation ? L'éducation ne peut plus être considérée comme un domaine réservé à quelques experts. Les relations entre les parents et l'école, sur lesquelles vous avez insisté, en sont un exemple : plus l'école est ouverte sur son milieu, plus elle s'ouvre aux associations de quartier et aux parents, mieux c'est. Pour rapprocher l'école des familles, il faut porter l'ambition de changements au niveau de l'institution.

N'ayons pas peur d'interroger en profondeur notre conception de l'éducation. C'est en changeant d'approche que nous parviendrons à démocratiser la réussite. Il faut favoriser les expérimentations, faciliter l'innovation, adapter les programmes à chaque élève, faire de l'élève un acteur de son éducation. J'espère que le nouveau plan d'action de lutte contre le décrochage scolaire prendra en compte ces enjeux. Le Conseil national de l'innovation y sera-t-il associé ?

La transformation de l'évaluation – autre grand chantier de la rentrée – doit aussi permettre ce changement. La notation chiffrée est vécue comme une sanction, stigmatisante et décourageante. Les réflexions qui vont être lancées vont-elles aussi concerner le baccalauréat et le brevet ?

Enfin, concernant la réforme de l'éducation prioritaire que vous avez évoquée, je serais preneuse de précisions sur le déploiement envisagé. S'il faut renforcer les moyens à certains endroits, et donc mieux cibler, il faut aussi veiller à ce que cela ne se fasse pas au détriment d'autres établissements où l'équilibre demeure délicat.

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Au nom du groupe RRDP, je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre de l'éducation nationale, et je vous exprime notre total soutien face aux attaques injurieuses et malfaisantes dont vous avez été la cible ces dernières semaines, qui ne grandissent pas ceux qui les profèrent et ceux qui les relaient. Dans le contexte actuel où la crise bouscule les comportements et aiguise les tensions sociales, la responsabilité de chacun est engagée, surtout lorsque l'on est un responsable politique. J'espère que la raison va reprendre le dessus.

Madame la ministre, l'éducation est une préoccupation majeure de nos concitoyens. Assurer l'avenir des jeunes générations est un objectif central autour duquel la nation peut se rassembler. Dans ces moments difficiles pour le pays, les inquiétudes sont grandes. Chaque jour, des millions de Français sont confrontés à des difficultés induites par la crise, telles que le chômage, l'insécurité ou la baisse du pouvoir d'achat. L'école doit être un vecteur d'espoir pour eux. Aussi doit-elle être aux côtés de tous, quelle que soit leur diversité de culture, d'origine et de niveau social. Notre école, l'éducation nationale et votre ministère ne doivent pas décevoir cet espoir.

Pourtant, malgré les efforts des enseignants et des élus locaux, malgré les efforts budgétaires consentis par notre majorité, le système scolaire français ne fonctionne pas bien. Comme vous l'avez souligné, l'enquête PISA démontre clairement que nos élèves ont des difficultés et que notre pays prend du retard sur ses voisins. C'est inquiétant.

Dans le domaine de la compréhension de l'écrit, des mathématiques et des sciences, le niveau de la France est moyen, voire faible. Mais le plus frappant, le plus meurtrier pour nos consciences dans cette enquête, c'est qu'elle montre que notre école est devenue socialement très inégalitaire, au point de compromettre, à terme, notre pacte républicain. Au fil des années et en raison des disparités sociales, le modèle français s'est mis à ne plus fonctionner ; il montre désormais ses limites. L'un des objectifs de la loi pour la refondation est d'engager les réformes nécessaires. Nous aimerions donc vous entendre, madame la ministre, sur ce sujet de l'égalité dans notre système scolaire.

S'agissant de la rentrée, le groupe RRDP n'a pas de conseils à donner mais il souhaite que nous sortions au plus vite de la polémique stérile sur les rythmes scolaires, dont nous venons encore d'avoir un exemple. Bien sûr, il faut faire des ajustements et des adaptations, en parfaite concertation avec les élus locaux, mais nous devons dorénavant nous concentrer sur le fond de la réforme car il y a beaucoup à faire.

En matière d'élaboration des programmes scolaires, la qualité doit primer sur la quantité. Trop chargés et trop théoriques, ces programmes privilégient trop le dogme de la note. J'aimerais connaître votre opinion sur ces deux sujets.

De même, si les programmes doivent évoluer, il faut aussi que les enseignants soient bien formés, mieux préparés. La formation continue des professionnels est une donnée majeure pour réussir l'école de demain et, en ce domaine, la France a aussi du retard. Madame la ministre, quels enseignements tirez-vous de cette rentrée et d'une année de fonctionnement des écoles supérieures du professorat et de l'éducation ?

La nécessaire revalorisation du métier d'enseignant passe par une reconnaissance, notamment salariale. Certes, le climat difficile ne s'y prête guère, mais nos fonctionnaires de l'éducation, que l'on n'appelle plus les hussards noirs, doivent être appuyés par la société dont ils sont un pilier.

Enfin, cette refondation de l'école implique une large concertation pour unir davantage les familles aux enseignants, à l'école. Les changements de programmes et d'organisation du temps de travail doivent se mettre en place au plus près du terrain, c'est-à-dire des parents et des enseignants qui sont les premiers concernés. C'est la meilleure méthode pour réussir la refondation. Les parents, usagers du service public, doivent être continuellement associés aux prises de décisions, grâce à la création de structures de concertation nouvelles aux niveaux local et national. Madame la ministre, quelles sont vos intentions dans ce domaine ?

Notre majorité, même traversée de débats, peut être fière de ce qu'elle construit pour notre école. Tout ne se fera pas en un jour ni avec une baguette magique, mais cette politique diffère assurément de celle conduite sous l'ancienne majorité de droite. Il faut qu'elle se poursuive et se renforce. Il en va de la réussite de nos enfants, du redressement du système éducatif dans son ensemble, et aussi de l'espoir à redonner à notre peuple.

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Nous en venons aux orateurs inscrits. La parole est tout d'abord à Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis du budget de l'enseignement scolaire pour 2015.

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Madame la ministre, je vous renouvelle nos félicitations et je vous dis notre fierté de vous voir accéder à la tête de ce grand ministère qu'est celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Parmi les 5,5 millions d'élèves du second degré, près de 110 000 sont scolarisés dans des sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) ou des établissements régionaux d'enseignement adapté (ÉREA). Mises en place afin d'accueillir dès la sixième des élèves dits – improprement, de mon point de vue – « en situation d'échec scolaire », ces structures jouent un rôle déterminant dans l'accompagnement de la grande difficulté scolaire, en proposant un parcours encadré vers l'enseignement professionnel tout en délivrant un cursus d'enseignements généraux.

Comme le précise le rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, ces structures présentes de nombreux atouts, qu'il s'agisse de leur organisation pédagogique centrée sur l'élève, de leurs effectifs réduits par classe ou de leur taux d'encadrement élevé, en particulier dans les ÉREA.

En 2013, la loi pour la refondation de l'école a résolument réaffirmé les principes de l'école inclusive et du collège unique, qui oeuvrent au service de l'égalité des chances et de la réussite éducative pour tous, objectifs prioritaires pour notre gouvernement et auxquels vous êtes particulièrement attachée. Toutefois, compte tenu du fonctionnement propre aux SEGPA et aux ÉREA, qui sont des structures séparées, d'exception et souvent peu inclusives, ces objectifs ambitieux incitent à nous interroger sur leur place.

C'est sûrement après cette prise de conscience que le ministère de l'éducation nationale a précisé dans sa circulaire relative à la rentrée 2014 qu'une réflexion était engagée sur ces structures. Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser la démarche engagée et le calendrier des réflexions menées depuis le début de l'année 2014 ?

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Vous n'avez évoqué les rythmes scolaires que de façon elliptique, pour ne pas dire légère : de fait, on comprend votre embarras sur cette réforme qui a poussé son auteur, M. Peillon, vers la sortie en raison de son échec ; quant à son successeur, nous n'avons pu le voir à l'oeuvre puisqu'il est resté moins de cinq mois en poste.

Les communes, dites-vous, ont mis en oeuvre la réforme ; mais elles l'ont fait contraintes et forcées. Si 80 % d'entre elles ne l'avaient pas fait en 2013, c'est justement parce qu'alors, le système reposait sur le volontariat. Cette réforme est marquée par son péché originel : idéologique, elle a été adoptée par décret, unilatéralement, sans concertation ni débat dans notre hémicycle. C'est la première fois, dans l'histoire de la République, que des enfants âgés de trois ans, voire moins, vont à l'école cinq jours de suite, de sept heures et demie jusqu'à dix-huit heures trente – puisqu'il faut bien que les communes assument leur tâche, même si M. Peillon avait dit, avec mépris, qu'il n'était pas le ministre du périscolaire, oubliant au passage que ce terme inclut le mot « scolaire ». Les enfants, donc, sont fatigués, et la réforme se heurte aussi à l'opposition des enseignants – pour 85 % d'entre eux dans ma commune de Maisons-Alfort –, comme à celle de beaucoup d'associations de parents d'élèves ; elle désorganise les communes qui doivent en assumer le coût, sans compter les effets sur les associations sportives et culturelles, qui perdent des adhérents faute de pouvoir organiser leurs activités le mercredi matin ; les conservatoires municipaux de danse, de musique et d'art dramatique en sont parfois réduits à organiser des cours le soir à 22 heures.

Vous engagez-vous, madame la ministre, à présenter à la représentation nationale une évaluation objective de cette réforme ? L'aide aux communes, pour lesquelles cette mesure a un coût considérable, sera-t-elle pérennisée ? Enfin, réintroduirez-vous la bourse au mérite pour les lycéens ?

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L'école, rappelons cette évidence, est d'abord faite pour les enfants ; or il est démontré – y compris par un rapport parlementaire adopté ici à l'unanimité – que, pour faciliter leur apprentissage, il vaut mieux étaler les heures de cours plutôt que de les concentrer sur quatre jours, comme l'avait décidé M. Darcos, brutalement et sans concertation.

La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école, qui donne la priorité au primaire, contient deux aspects essentiels : l'opération « plus de maîtres que de classes » et le cycle commun du CM1 jusqu'à la sixième, qui instaure une continuité éducative entre l'école élémentaire et le collège et va dans le sens d'une « école fondamentale ». Sur le premier aspect, l'efficacité passe par l'accompagnement pédagogique et la formation des enseignants, comme le souligne un rapport de l'inspection générale. Comment voyez-vous cet accompagnement ? Par ailleurs, quels moyens pouvez-vous mobiliser pour assurer la mise en place effective du cycle commun ? Rappelons qu'une grande partie des écoles élémentaires n'a pas appliqué l'organisation des cycles instituée par la loi « Jospin » de 1989.

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Je veux d'abord revenir sur les bourses au mérite. Si vous êtes arrivée au poste que vous occupez, madame la ministre, vous le devez à votre talent, à votre discipline et à votre travail, en un mot, à votre mérite. Pourquoi, donc, ne pas défendre cette valeur au détriment de l'égalitarisme ? Comment justifiez-vous la suppression de ces bourses auprès des jeunes et de leurs parents, qui comptaient sur elles pour boucler leur budget ?

Concernant la rentrée des stagiaires, il semble que certains recteurs se soient émus du faible nombre de conseillers principaux d'éducation (CPE) et de professeurs au regard du nombre attendu. Cette désaffection s'expliquerait par le fait que les candidats passent en même temps les concours du professorat et les concours administratifs, et que le professorat, fait nouveau, deviendrait leur dernier choix. Avez-vous eu des remontées à ce sujet, et validez-vous cette analyse inquiétante sur la perte d'attrait du métier et le niveau général des concours ?

Le malaise chez les enseignants peut parfois conduire, comme dans d'autres métiers, au suicide sur le lieu de travail. Avez-vous des chiffres à nous communiquer sur ce point ? Quel est votre plan d'action pour revaloriser le métier ?

Pourriez-vous également nous expliquer en quoi consiste votre initiative « Le café des parents » ? Ne s'agit-il pas seulement d'une opération de communication ? Pourquoi cette initiative déplaît-elle à la Fédération des conseils de parents d'élèves, la FCPE ?

Enfin, tiendrez-vous l'engagement de votre prédécesseur, M. Hamon, concernant l'apprentissage du codage au primaire ? Il était prévu que cet apprentissage débute en septembre. Cette proposition, je le rappelle, figure dans un rapport de Corinne Erhel et Laure de La Raudière relatif au développement de l'économie numérique.

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La refondation de l'école de la République prévoit la mise en place d'un parcours d'éducation artistique et culturel. Celui-ci suppose un engagement des acteurs éducatifs et culturels – écoles, collèges, lycées, institutions culturelles, artistes et associations –, et il passe par des partenariats entre l'État et les collectivités. Il doit permettre aux jeunes de rencontrer des artistes et de mener avec eux des projets dans la durée – au sein et en dehors de l'établissement –, de leur faire découvrir une autre approche de l'enseignement et d'avoir des échanges avec leurs familles. De plus, cet enseignement permet la valorisation des artistes locaux et de leur création.

Le ministère de la culture a engagé un travail important, sous le titre : « Un grand projet pour l'éducation artistique et culturelle : une priorité pour la jeunesse. » La circulaire du 3 mai 2013, commune à ce ministère et au ministère de l'éducation nationale, précise, dans cette optique, que « l'élève doit explorer les grands domaines des arts et de la culture. […] Une telle démarche doit permettre de conjuguer les trois piliers de l'éducation artistique et culturelle : connaissances, pratiques, rencontres […] ».

Il s'agit aussi de favoriser les projets d'école ou d'établissement, de créer des comités territoriaux ainsi qu'une commission technique, en lien avec les recteurs, les préfets et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). La formation des enseignants est orientée en ce sens, et le Conseil supérieur des programmes prépare un référentiel pour le parcours d'éducation artistique tout au long de la scolarité. Où en sont ces dispositifs ? Un premier état des lieux de l'année scolaire passée est-il disponible ?

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Je ne partage pas, madame la ministre, votre vision idéalisée de la réforme des rythmes scolaires, dont les coûts sont élevés au regard d'avantages plus que limités. D'autre part, pourriez-vous nous en dire plus sur la future réforme du collège ?

Je veux insister sur la revalorisation du métier d'enseignant. De nombreux travaux de recherche montrent que « l'effet maître » est l'un des facteurs primordiaux de la réussite des élèves : il faut donc tout faire pour le « maximiser », notamment en redonnant de l'attractivité au métier d'enseignant, afin qu'il continue de susciter des vocations. Cela passe par des formations de qualité tout au long du parcours professionnel ou par des perspectives de carrière plus intéressantes, mais aussi par le niveau de rémunération, qui doit être à la hauteur des missions. À ce sujet, le panorama annuel « Regards sur l'éducation », publié par l'OCDE, montre que les enseignants français, surtout ceux du primaire, sont moins payés que ceux des autres pays. On peut en effet s'interroger sur l'écart de plus de 16 % entre le salaire moyen net mensuel d'un professeur des écoles en France avec celui d'un collègue d'un autre pays de l'OCDE : en France, ce salaire est de 2 596 euros, contre 3 026 euros en moyenne dans le reste de l'OCDE.

L'OCDE compare aussi le salaire des enseignants avec ce qu'il pourrait être s'ils avaient opté pour une autre carrière. Sur ce plan, un enseignant français du primaire gagne 72 % seulement de ce qu'il pourrait escompter avec le même niveau de diplôme en travaillant ailleurs que dans l'éducation nationale ; pour un enseignant du collège, ce chiffre atteint 86 %. Or, aux termes du même rapport, « les systèmes performants sont aussi ceux qui offrent des salaires élevés à leurs enseignants ». Comment comptez-vous donc réduire ces écarts, madame la ministre ?

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Je veux revenir sur la notation des élèves. La notion de « note », qui date de l'ouverture d'écoles jésuites au XVIIe siècle, fait partie intégrante du système éducatif français. Cependant, le système de notation fait l'objet de nombreuses critiques, qui remettent notamment en cause son impartialité. Des expériences de classes sans notes ont été menées dans certains collèges et lycées, et des voix s'élèvent pour réclamer la suppression des notes à l'école élémentaire. En juin, votre prédécesseur, madame la ministre, annonçait qu'un jury paritaire de quinze professionnels de l'éducation et quinze usagers – parents d'élèves, lycéens ou étudiants et membres d'associations – serait chargé de réfléchir à l'évaluation des élèves. Il est nécessaire d'engager cette réflexion, afin que l'évaluation stimule les élèves au lieu de les décourager. Il s'agit, non de supprimer la note, mais de se pencher sur la nature de la notation. Seriez-vous favorable à un remplacement de la note dite « sommative », qui certifie la maîtrise de connaissances et délivre un diplôme, par la note « formative », qui diagnostique les difficultés de l'élève pour mieux organiser et réajuster le travail d'apprentissage ? Au-delà de cette question, j'appelle votre attention sur l'intérêt de former les futurs enseignants à la docimologie, science de l'évaluation, dans les ESPE. En se familiarisant avec cette discipline, les futurs enseignants prendraient conscience des implications de leurs pratiques évaluatives : ils seraient mieux armés pour noter de façon équitable, assurer une évaluation fiable des compétences et, ce faisant, mesurer les progrès à réaliser.

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Madame la ministre, votre arrivée à la tête de ce ministère a été perçue comme une petite révolution, d'abord parce que vous êtes une femme et, j'ajoute, une femme de talent ; toutefois, sans vous faire offense, la véritable révolution serait, de l'avis de beaucoup, de s'attaquer à la gestion des ressources humaines de ce grand ministère. L'éducation nationale doit relever des défis majeurs. Le résultat des différentes enquêtes internationales a focalisé le regard sur les élèves. Les jeunes Français réussissent moins bien que les autres jeunes Européens, et l'école ne parvient pas à réduire les handicaps sociaux. Or ce qui se joue dans l'éducation, c'est la relation entre un maître et son élève, autrement dit « l'effet maître », ce concept reconnu qui ne figure même pas dans la loi de refondation de l'école. Le public scolaire, la société et le métier même des enseignants, à qui l'on demande tant, ont changé ; pourtant le statut, la gestion des carrières et la pratique professionnelle, eux, sont restés les mêmes. Comment le comprendre ? Le rapport « Gérer les enseignants autrement » de la Cour des comptes pointe clairement ce problème.

Les premiers signes de l'immobilisme dénoncé par ce rapport doivent être pris très au sérieux. Alors que 60 000 postes supplémentaires sont créés dans l'éducation nationale, la carrière perd de son attrait : quel paradoxe ! Le métier d'enseignant est perçu comme trop dur, trop mal payé et trop peu reconnu. Il y a là un danger majeur.

De plus, le fait que le bon enseignant ne soit pas distingué du mauvais est-il juste ? Serez-vous la ministre courageuse qui conduira la véritable refondation de l'école à travers une vraie gestion des ressources humaines, attendue par les enseignants eux-mêmes et, plus encore, par les parents ? Vous conduiriez alors la trentième réforme depuis 1958, mais sans doute l'une des plus fondamentales.

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Il y a d'autres outils que ceux évoqués pour lutter contre les inégalités, à commencer par la connaissance et l'ouverture des cultures scientifiques, techniques et industrielles au plus grand nombre : c'est l'une des propositions d'un rapport que j'ai rédigé, avec Jean-Pierre Leleux, pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Nous expliquons combien l'accès de tous à la culture scientifique est un enjeu démocratique, qui donnerait à chacun la possibilité de choisir une carrière dans les domaines de la science ou des techniques, et permettrait à tous les citoyens de participer aux débats contemporains, souvent liés aux sciences.

Nous préconisons, notamment, de développer la formation initiale et continue des enseignants et formateurs des ESPE en matière de pédagogie par l'expérimentation, dans les disciplines scientifiques et pour les nouvelles technologies ; d'encourager, dès les classes pré-élémentaires, une initiation à la science et à la technologie par l'expérimentation ; d'inclure les programmes de diffusion des conseils stratégiques des technologies de l'information dans les projets éducatifs territoriaux ; de développer, pour les lycéens, une initiation à la recherche adaptée à leur filière. Que pensez-vous de ces recommandations ? Que prévoyez-vous pour promouvoir la connaissance et le partage des cultures scientifiques, techniques et industrielles dans notre système éducatif ?

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Je vous félicite à mon tour pour votre nomination, et forme des voeux pour votre réussite.

Je veux évoquer les liens entre vos nouvelles et vos précédentes fonctions ministérielles. Les rythmes scolaires participent d'un nouveau projet éducatif que nous devons mettre en oeuvre sur nos territoires respectifs. M. Lamy, alors ministre de la ville, a fait voter un texte à l'origine d'un nouveau contrat de ville. Les collectivités ont aussi leurs propres outils en la matière, de même que les caisses d'allocations familiales (CAF), avec les contrats relatifs à l'enfance et à la jeunesse. Bref, les outils sont légion, mais il n'y a aucune cohérence entre eux.

Ségolène Royal, Guy Drut et Jean-Louis Borloo, lorsqu'ils furent ministres, respectivement, de l'enseignement scolaire, de la jeunesse et de la ville, ont tenté d'unifier les politiques de l'État en la matière, sans jamais y parvenir. La dernière tentative eut lieu avec le contrat de réussite éducative, partie prenante du contrat urbain de cohésion sociale. Bref, madame la ministre, je vous invite à faire le lien entre vos fonctions précédentes et vos fonctions actuelles pour assurer cette prise en charge globale et coordonnée des enfants, à commencer par les plus fragiles, les « décrocheurs ».

Enfin, je me réjouis que M. Durand ait évoqué l'école du socle. Êtes-vous prête à des expérimentations à ce sujet ?

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À travers l'éducation numérique, il ne s'agit pas seulement d'enseigner avec de nouveaux outils, mais aussi de guider les élèves dans cet environnement où le savoir est dématérialisé. L'année 2014 aurait pu être celle de la reconnaissance de l'éducation numérique comme grande cause nationale ; mais cela n'a pas été le cas. Pour autant, les efforts de sensibilisation se poursuivent : en témoigne l'annonce, par le Président de la République, d'un « grand plan numérique ».

Le travail a aussi été entamé par la loi relative à la refondation de l'école de la République, qui instaure un service public du numérique éducatif. Ce service doit aider l'école à accomplir ses missions fondamentales d'instruction, d'éducation et d'émancipation ; toutefois, ne perdons pas de vue que le recours à ces technologies ne constitue pas une fin en soi mais un moyen, qui vient en complément des enseignements.

Certains enseignants craignent d'ailleurs de se voir dépossédés de l'essence même de leur mission, la transmission du savoir. Seuls 49 % des professeurs se déclarent convaincus de l'intérêt des nouveaux outils numériques en classe. Ce chiffre montre que la pédagogie doit également se déployer vers les enseignants.

Est-il possible d'étendre un dispositif égal à l'ensemble des établissements scolaires en matière d'éducation numérique ? Si oui, selon quel calendrier ? Pouvez-vous d'ores et déjà nous préciser les grandes lignes, notamment budgétaires, du « grand plan numérique » ? Comment envisagez-vous d'y associer les collectivités locales ?

Les établissements publics ont appliqué, lors de cette rentrée, l'organisation en cinq matinées, au contraire de la très grande majorité des établissements privés, qui n'en restent pas moins associés au fonds d'accompagnement de la réforme. Du seul fait des dépenses complémentaires des communes, ils bénéficieront aussi mécaniquement d'une croissance de leur forfait. Vous semble-t-il possible d'octroyer ces facilités financières aux seuls établissements privés qui mettent effectivement en oeuvre la nouvelle organisation ?

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Nous aurons l'occasion de revenir sur les priorités antérieures que vous faites vôtres, comme sur vos propres chantiers, qu'il s'agisse du collège, des relations des parents avec l'école ou de celle-ci avec le monde économique.

Puisque vous avez souhaité des remontées du terrain sur la rentrée, je veux évoquer les 10 000 à 11 000 élèves sans affectation. Même si vous avez estimé que ce chiffre était modeste à l'échelle du territoire, ces cas soulèvent des difficultés sociales pour les jeunes et les familles concernés.

Pour les enfants handicapés, ce sont 7 000 places qui manquent : cela n'est pas le fait de l'éducation nationale, mais l'on ne saurait ignorer le sort de ces élèves. Peut-être faudrait-il resserrer les liens entre les maisons départementales des personnes handicapées et l'école, afin de permettre un meilleur accueil des intéressés.

Des élèves handicapés ne peuvent participer aux activités périscolaires, car les accompagnants des élèves en situation de handicap n'ont a priori pas vocation à les y accompagner. Cela pose un vrai problème lorsque les temps périscolaires sont regroupés sur une demi-journée, comme c'est le cas à Lyon.

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Rapporteur pour avis de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2015, j'ai souhaité faire de l'engagement des jeunes le thème central de mon travail : cela fait suite à vos propos, madame la ministre, selon lesquels l'éducation populaire « offre des lieux pour faire et penser ensemble, lieux de confrontation aussi, lieux de transformation de l'individuel en collectif ».

Les acteurs de la jeunesse que j'ai déjà pu entendre lors des auditions ont souligné le rôle positif de l'engagement précoce dans le parcours d'inclusion des jeunes. Au sujet des « Juniors associations », une étude de 2010 montre que les jeunes ayant bénéficié de ce type d'expérience se retrouvent souvent, dix ans plus tard, dans différents lieux de vie démocratique, comme les associations ou les mouvements d'éducation populaire.

Quelles sont vos intentions, vous qui êtes ministre de l'éducation et avez été celle de la jeunesse, quant à la place de l'engagement à l'école et de son apprentissage dès le plus jeune âge ? Au-delà du comité interministériel de la jeunesse, quels liens entendez-vous nouer entre votre ministère et le ministère de la jeunesse pour « co-construire » une politique d'éducation globale, où l'engagement et son apprentissage seraient des priorités inscrites dans le parcours scolaire ?

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C'est bien légitimement que vous avez fait de l'école primaire l'une de vos priorités ; à cet égard je veux revenir sur ce que vous avez appelé la « solidité des apprentissages », et que j'appelle pour ma part les « savoirs de base ». Quelle conception en avez-vous ? Quel doit être, selon vous, leur lien avec le numérique, qui dans certaines écoles n'est visiblement plus un outil mais une fin en soi ? Cela peut être de nature, me semble-t-il, à entraver l'acquisition de ces savoirs.

Pourriez-vous préciser vos intentions pour le collège, sachant que le collège unique a montré ses limites ?

Quid de l'apprentissage, que vous annoncez vouloir développer ? M. le Premier ministre a évoqué le sujet hier dans sa déclaration de politique générale, mais force est de constater que, depuis deux ans, les crédits de l'État en ce domaine ont diminué. Comment résoudre cette équation ?

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Je m'associe aux félicitations qui vous ont été adressées et me réjouis, à titre personnel, que ce soit une jeune femme qui ait désormais la tâche ardue mais ô combien exaltante de mener à bien les réformes que le Gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre pour l'éducation nationale.

Il y a quelques jours, vous avez annoncé vos priorités pour les mois qui viennent, dans le prolongement des chantiers de vos prédécesseurs : priorité au primaire, refonte des programmes, école numérique et réforme du collège à partir de janvier 2015.

En 1975, le collège unique naissait d'une belle ambition : ouvrir, dans un souci d'égalité, à tous les enfants d'une génération une formation jusqu'alors réservée à quelques uns. Depuis, cette ambition a toujours été réaffirmée par l'institution.

Or, aujourd'hui, le collège peine à relever le défi et est devenu, selon de nombreux observateurs, le maillon faible du système éducatif. Toutes les évaluations internationales le confirment, les inégalités s'y creusent entre les très bons élèves et ceux qui sont le plus en difficulté. Les derniers résultats de l'enquête PISA ont mis en évidence le fait que la France est l'un des pays de l'OCDE où le facteur socio-économique est le plus déterminant dans la réussite des élèves. L'ascenseur social est donc incontestablement en panne, et ce depuis de nombreuses années.

De multiples raisons expliquent ces mauvais résultats des élèves français à quinze ans ; mais il semble que les difficultés tiennent principalement à la nature même du collège, lequel, jamais clairement défini, demeure un « objet éducatif non identifié » entre l'école et le lycée. Le collège est-il le prolongement de l'école et vise-t-il, comme le premier degré, à faire acquérir à l'ensemble d'une classe d'âge un socle commun, j'allais dire un « socle républicain » qu'une génération d'enfants aura reçu en partage, ou est-il d'abord un lieu destiné à sélectionner les élèves et à préparer l'orientation de fin de troisième vers le meilleur lycée général ? Si l'on en juge par les dérogations, les contournements de la carte scolaire et les ségrégations inter-établissements à Paris, force est de constater que c'est la seconde définition qui s'est largement imposée. La compétition scolaire a atteint un niveau inégalé, et la décision prise par Nicolas Sarkozy en 2007 d'assouplir la carte n'a fait que la renforcer.

Comme l'ont montré Julien Grenet et Gabrielle Fack, dont le rapport en la matière fait autorité, l'assouplissement de la carte scolaire a accéléré l'érosion des effectifs dans les collèges des zones d'éducation prioritaire. Or la mixité sociale et scolaire des établissements est un enjeu essentiel, car ceux-ci doivent être à l'image de la société que nous voulons construire et dans laquelle nous voulons que nos enfants grandissent : une société ouverte, tolérante, diverse et généreuse.

De nombreux chercheurs ont aussi travaillé sur la ségrégation au sein même des établissements, notamment à Paris à travers la création de filières et de classes de niveau. Cette ségrégation est souvent la condition sine qua non pour que les parents des classes sociales les plus aisées acceptent d'inscrire leurs enfants dans le collège de secteur, conciliant ainsi les deux injonctions qui leur sont faites d'être, selon le mot de la sociologue Agnès van Zanten, à la fois bons citoyens et bons parents…

Cet état des lieux ne reflète sans doute pas la situation de l'ensemble des collèges, mais elle reste un sujet de préoccupation pour les 112 établissements de la capitale ; aussi j'aurais souhaité, madame la ministre, que vous précisiez vos priorités s'agissant du collège.

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Nous sommes à même, ce me semble, de juger de la qualité d'une rentrée sur le terrain ; or, dans ma circonscription, les choses se sont plutôt bien passées.

Après des difficultés en juin, la mise en oeuvre de la carte scolaire s'est améliorée en septembre, en particulier dans les territoires ruraux, qui offrent un maillage important de regroupements pédagogiques intercommunaux. Des responsables de l'éducation s'interrogent sur la pertinence de ces regroupements : avez-vous une doctrine sur ce point, qui a fait l'objet d'un courrier de la direction académique des services de l'éducation nationale dans mon département ?

Je me félicite que nos collègues de l'opposition s'inquiètent de la rémunération des enseignants, mais j'aurais aussi aimé qu'ils saluent le nouveau système de formation des maîtres, car il a facilité la rentrée. Des problèmes de lisibilité demeurent s'agissant des stagiaires issus des différents concours : peut-être pourriez-vous nous apporter un complément d'information à ce sujet, madame la ministre.

Enfin, l'orientation subie concerne aussi le passage du lycée à l'université. Certaines vocations sont empêchées à cause du tirage au sort dans certaines filières, par exemple la filière des sciences et techniques des activités physiques et sportives.

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Le plan pour le numérique à l'école affiche de grandes ambitions en matière de formation. Des structures d'éducation aux médias numériques, comme le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information, remplissent leurs missions avec succès ; cependant, dans certains pays européens, une attention particulière est portée à la question du plagiat. Ce problème se pose notamment dans l'enseignement supérieur, puisqu'il concerne l'authenticité des productions scientifiques ; mais un accompagnement en amont des élèves aux usages du numérique apparaît nécessaire dès le second degré. Il ne s'agit pas tant de sanctionner que de prévenir, afin d'aider les élèves à acquérir une compétence critique dans la manipulation des données numériques. Envisagez-vous la prise en compte de la prévention du plagiat dans la formation au numérique ?

Le plan numérique implique aussi les administrations de l'éducation nationale, avec l'usage de bases de données académiques – comme la « base élèves premier degré » – qui ne sont pas centralisées. Si le risque de fuite est actuellement sous contrôle, le plan numérique pose la question des données scolaires dépendantes de fournisseurs d'accès et d'opérateurs privés : serez-vous vigilante sur le droit effectif à l'oubli dans la mise en oeuvre de ce plan ?

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La réforme porte ses premiers fruits, observait le président. Dans mon département rural, qui est aussi celui de M. Deguilhem, on a pu constater qu'il y a plus de maîtres que de classes, et que le taux de réussite aux examens de juin a été très élevé. J'ajoute que 23 classes ont été créées dans le primaire et que les rythmes scolaires ont été étudiés avec les élus et tous les acteurs de la pédagogie. C'est aussi aux députés de porter la voix des réformes qu'ils votent et de suivre leur application dans les territoires.

Lundi dernier, à Paris, nous avons assisté, madame la ministre, aux premières journées nationales d'action contre l'illettrisme, avec l'Association nationale de lutte contre l'illettrisme. Dans le cadre de la loi de refondation de l'école, cette dernière se mobilise en effet, avec tous les acteurs, pour agir contre ce fléau. Quelles sont les actions de prévention pour les moins de seize ans ? Comment travailler davantage avec les partenaires de l'école, notamment les associations ?

J'ai été sensible à vos propos sur la valorisation des filières professionnelles à l'école, qui constituent des voies de réussite pour les jeunes. Quel est votre point de vue sur la circulaire d'octobre 2013, qui impose aux futurs stagiaires en atelier ou en entreprise de fournir un certificat d'aptitude validé par le médecin scolaire dans les huit jours suivant la rentrée ? Vous avez visiblement anticipé le problème avec les pôles de stage dans les établissements professionnels : pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

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Lors des premières journées nationales de lutte contre l'illettrisme, le 8 septembre dernier, vous avez rappelé, madame la ministre, que la présente année scolaire serait notamment celle du développement continu, de la scolarisation des enfants de moins de trois ans et du dispositif « plus de maîtres que de classes ». Ce dernier, destiné à améliorer les conditions d'apprentissage des élèves, est plébiscité par les enseignants là où il existe. Il représente un effort important de la part du Gouvernement dans un contexte budgétaire difficile. Nous vous apportons donc notre soutien pour la concrétisation de cette priorité qui devrait nous rassembler.

S'agissant de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, pour lequel 3 000 postes ont été budgétés, elle est différemment appliquée selon les territoires, à travers l'ouverture de classes de très petite section, des cours du matin ou d'autres formules. Ce dispositif, inscrit dans la loi, revêt une grande importance pour les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit en zone urbaine, rurale ou de montagne. Pouvez-vous nous détailler la montée en puissance du dispositif, qui a bénéficié jusqu'à présent de 530 postes dédiés ?

Enfin, permettez-moi de saluer, à travers vous, la nomination de la première femme à la tête du ministère de l'éducation nationale. Je salue également votre grand intérêt pour le sport scolaire.

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Quels seront les contours de la réforme de l'éducation prioritaire que vous avez évoquée ? Par ailleurs, puisque c'est aujourd'hui la journée du sport scolaire, pourriez-vous préciser les modalités de son développement et vos projets pour l'avenir ?

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Dans le second degré, le caractère national du recrutement et de l'affectation conduit des enseignants à assurer leur service loin de leur académie d'origine et de leur famille. Faute d'obtenir une mutation académique, certains d'entre eux demandent une mise en disponibilité, quand ils ne démissionnent pas. Pouvez-vous faire un état des lieux du système d'affectation ? Ne pourrait-on envisager, en lien avec les représentants du personnel, des modalités de mutation plus adaptées aux attentes des fonctionnaires de l'éducation nationale ? Cela contribuerait aussi à l'attractivité du métier d'enseignant.

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Je vous félicite à mon tour pour votre nomination à la tête de ce ministère, et vous y souhaite la meilleure réussite possible.

Cette audition permet de faire avancer le débat sur la refondation de l'école qui, grâce aux efforts du Gouvernement, est le principal moyen de lutter contre le déterminisme social.

Lors de cette rentrée, mon département de l'Essonne a eu à subir l'action de maires qui, en toute illégalité, ont cadenassé des portes de l'école de la République : certains sont allés jusqu'à changer les serrures dans la nuit – étaient-ils fiers de ce comportement ? –, quand d'autres publiaient des arrêtés municipaux fantaisistes pour s'opposer à une loi votée par le Parlement. De tels actes montrent bien la place que leurs auteurs accordent à l'éducation et à la réussite de nos enfants.

Empêcher les enfants d'accéder à l'école et les enseignants d'effectuer leur mission est intolérable et antirépublicain, d'autant que de nombreuses communes ont préféré prendre la réforme à bras-le-corps pour la réussite des enfants, plutôt que d'allumer des polémiques politiciennes au seul bénéfice d'élus en manque de notoriété.

Quel bilan tirez-vous de cette rentrée scolaire ? Quand disposerons-nous de données chiffrées à son sujet, afin qu'à la propagande d'une minorité succède une information éclairée sur une réforme majeure, qui n'aurait jamais dû devenir un sujet de polémique ?

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Je me réjouis, madame la ministre, que l'éducation numérique fasse partie de vos priorités. Dans ma région du Languedoc-Roussillon, nous avons lancé, il y a quatre ans, l'opération « LoRdi », qui met à la disposition de tous les élèves de seconde un ordinateur portable qu'ils peuvent utiliser aussi bien pendant le temps scolaire que pour leur travail personnel. Cette démarche, soutenue par les services du rectorat, permet à tous les élèves d'être reliés à un environnement numérique de travail et d'accéder à des données pédagogiques.

Cette première étape nous semble déterminante, mais les freins restent nombreux. Avec la création, en mars 2014, de la direction du numérique pour l'éducation, l'État est passé à une nouvelle étape pour cette rentrée riche de projets numériques ambitieux. La production de ressources numériques pédagogiques, les classes connectées ou la nouvelle éducation aux médias et à l'information sont autant d'innovations bienvenues, qui permettront aux élèves d'être mieux armés dans le monde contemporain. Néanmoins, elles n'atteindront leurs objectifs qu'avec un personnel éducatif bien formé et surtout un accompagnement spécifique, afin de mesurer les enjeux des nécessaires évolutions pédagogiques à mettre en oeuvre. Quelles sont les actions et formations prévues par les ESPE dans cette optique, aussi bien pour les nouveaux enseignants que pour ceux qui souhaitent se tourner vers ces nouvelles formes de pédagogie ?

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Les bourses au mérite constituaient des récompenses au service de la promotion sociale pour les enfants de familles en difficulté.

Quant aux rythmes scolaires, la principale difficulté est le financement. Certaines communes ont, de ce point de vue, plus de facilités que d'autres. Qu'en sera-t-il quand les communes et communautés de communes ne bénéficieront plus du fonds d'amorçage de l'État ? Recevront-elles une aide quelconque, sachant que leurs dotations globales de fonctionnement diminuent déjà très sensiblement ?

D'autre part, que pensez-vous des manuels scolaires numérisés ? Personnellement, je n'ai pas d'opinion arrêtée à ce sujet. Une expérimentation serait peut-être intéressante.

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Je vous souhaite à mon tour la plus grande réussite dans vos nouvelles fonctions, madame la ministre.

Dans mon département du Gard, la rentrée s'est bien passée, sans blocage d'élus : nous n'avons pas confondu école et politique.

Seulement quatre postes ont été ouverts, en 2014, au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) d'occitan, alors que six professeurs certifiés prendront leur retraite. Le président de la Fédération des enseignants de langue d'oc m'a interrogé à plusieurs reprises sur ce problème. Quelles mesures entendez-vous prendre pour y remédier ? La place des langues régionales, je le rappelle, a été confortée par la nouvelle loi sur la refondation de l'école et par la ratification de la charte européenne des langues régionales.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Je vous remercie pour votre présence nombreuse et la richesse de vos interventions. Je vais essayer de répondre à toutes vos questions, en les regroupant par thème.

Je commencerai par les conditions de travail des enseignants. Si l'on veut une école qui fasse réussir les enfants, il faut permettre à ceux qui y travaillent – les enseignants et plus largement, le personnel éducatif – d'exercer dans les meilleures conditions possibles. En la matière, je tiens à réaffirmer le volontarisme du Gouvernement. Si on parle beaucoup des 60 000 postes qu'il s'est engagé à créer, on parle un peu moins des chantiers métiers que nous avons ouverts depuis des mois. Ceux-ci prennent la forme de groupes de travail réunissant le ministère de l'éducation nationale et les syndicats pour redéfinir, métier par métier, les missions des personnels et les revaloriser, y compris en termes indemnitaires. C'est ainsi que l'année dernière, nous avons décidé de verser aux enseignants du premier degré une indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves, soit une prime de 400 euros par an qui a vocation à être reconduite. Je précise que certains personnels non enseignants seront concernés par ces chantiers métiers toujours en cours.

Soyez rassurés : le budget triennal tient compte des nouvelles dépenses que ces chantiers métiers vont entraîner. Par ailleurs, nous ferons en sorte de réduire petit à petit l'écart que des enquêtes ont encore récemment démontré entre le niveau de rémunération des personnels éducatifs du primaire et celui des personnels éducatifs du collège, ou celui d'autres pays comparables.

Mais, bien sûr, l'amélioration des conditions de travail des enseignants et la revalorisation de leur métier ne passe pas seulement par l'octroi d'indemnités. Elle passe par les décharges horaires dont pourront bénéficier les enseignants en éducation prioritaire – afin de leur permettre, par exemple, de faire du travail collectif ou de recevoir les parents – ou par le dispositif « plus de maîtres de classes », qui contribue également à rendre les conditions de travail des enseignants plus confortables. Elle passe aussi par la définition du nouveau socle commun et des nouveaux programmes. De nombreux enseignants se plaignent en effet, et à juste titre, que les derniers programmes sont trop lourds. Nous allons donc consulter les enseignants sur ces outils : ils donneront leur avis en répondant à un questionnaire précis et bénéficieront pour cela d'un temps libéré. Cette consultation, qui durera un mois et débutera le 22 septembre, devrait changer la donne. Elle passe enfin par une formation qui les prépare à exercer leur métier. On parle beaucoup de la formation initiale assurée dans les ESPE, mais on doit aussi prendre en compte d'autres sources de formation, que nous introduisons petit à petit. Nous avons ainsi réservé des crédits pour offrir aux enseignants en éducation prioritaire une formation supplémentaire et nous développons la formation continue en ligne par le processus dit « M@gistère ». La formation ne doit pas être sous-estimée, car elle permettra aux enseignants de se sentir mieux dans leur cadre de travail.

J'ai déjà dit comment je concevais les relations entre l'école et les parents. Mais concrètement, comment cela se traduit-il ? Il y a d'abord le fait de libérer du temps pour les enseignants, en les faisant bénéficier de décharges horaires : 3 heures en éducation prioritaire, notamment pour accueillir les parents, l'idéal étant d'instituer une rencontre hebdomadaire, le matin, entre les parents et les enseignants. Plus généralement, nous souhaiterions, dans tous les établissements et pas seulement en éducation prioritaire, développer des espaces d'accueil pour les parents. Certains établissements les ont d'ailleurs spontanément mis en place, et c'est à partir de ces expériences probantes que nous avons voulu généraliser le système. Il y a ensuite d'autres expériences très intéressantes, qui ont été conduites depuis quelques années et que j'aimerais également généraliser : la « mallette des parents », qui est une façon d'associer les parents très étroitement, notamment, à l'orientation scolaire ou professionnelle de leurs enfants ; ou celle du « dernier mot laissé aux parents » en matière d'orientation, qu'avait initié mon prédécesseur, et qui est en cours d'évaluation.

Je tiens à préciser que, dans tous les domaines et sur tous les sujets, nous procédons par évaluation. C'est ainsi que sur le bilan de la rentrée scolaire, la mise en place des rythmes ou les effets du décret de mai 2014, dit « Hamon », qui vise à aménager la nouvelle organisation du temps scolaire, nous disposerons d'une évaluation transparente, qui permettra de savoir dans quel sens il faut continuer, et là où il faut apporter des améliorations.

À propos de la médecine scolaire, je ne vous rappelle pas ce que vous avez adopté dans le cadre de la loi de refondation de l'école. Mais sachez qu'en ce moment même, un travail de concertation est en cours pour préciser, notamment, les conditions de réalisation des visites médicales obligatoires – confirmées dans la loi – ainsi que des dépistages. C'est un sujet qui me tient à coeur.

À propos de la réforme des rythmes scolaires, il est faux de dire que les communes sont livrées à elles-mêmes pour financer le temps périscolaire. Je suis bien placée pour le savoir : je viens d'une commune dans laquelle je suis élue et où, avant même toute réforme des rythmes scolaires, nous avions décidé de mettre en place des activités périscolaires le mercredi. Celles-ci étaient financées uniquement par la commune. La réforme des rythmes scolaires a fait de l'alternance temps scolairetemps périscolaire un principe. Toutes les communes sont donc aujourd'hui concernées, mais je tiens à rappeler ici haut et fort que l'État leur apporte son soutien : 50 euros par élève et par an, ce qui n'est pas rien ; 40 euros de plus pour les zones en difficulté, qu'elles soient rurales ou urbaines. Par ailleurs, plus de 50 euros sont apportés par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) lorsqu'un centre de loisirs agréé est mis en place pour gérer le temps périscolaire ; ainsi certaines communes reçoivent-elles entre 100 et 150 euros.

Je ne dis pas qu'il ne reste plus rien à la charge des communes. Mais sans doute peut-on se retrouver sur l'intérêt commun, évident, général des enfants dont le temps d'apprentissage scolaire se trouve mieux réparti sur la semaine, et qui peuvent accéder de façon égale à des activités artistiques, culturelles et sportives. En effet, la réforme des rythmes scolaire n'accroît pas seulement la qualité de l'apprentissage scolaire, elle met les enfants à égalité en matière d'activités périscolaires, lesquelles participent à la construction de leur personnalité, les enrichit et leur permet de trouver leur place dans la société.

Certes, tout n'est pas parfait, nous allons devoir encore y travailler. Dans certaines communes, comme Marseille, des parents restent en difficulté. Il faut trouver des solutions locales. J'ai demandé à tous les services de l'éducation nationale de s'y atteler, dans le dialogue et l'ouverture. Mais maintenant que la réforme a été adoptée, il faut faire preuve de responsabilité et faire en sorte qu'elle réussisse. De ce point de vue, je répète ici que le fonds d'amorçage est prolongé pour l'année 2015-2016.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Après, nous verrons. Nous y travaillons. Je vous invite précisément à y travailler avec nous, de façon à la fois coopérative et intelligente. Nous ferons ce qui ira dans le sens de l'intérêt des enfants, que je suis prête à défendre par-dessus tout.

Je répondrai à la fois aux questions sur le décrochage et sur l'illettrisme, même si les sujets ne sont pas exactement les mêmes. Il s'agit en effet, dans les deux cas, de savoir comment installer des savoirs fondamentaux et des apprentissages durables dès le plus jeune âge. Je crois à la pertinence des réformes que nous avons adoptées depuis deux ans, qu'il s'agisse de la formation des enseignants, de la scolarisation précoce, des réformes des programmes du socle. Il faut faire en sorte de ne pas demander l'impossible, tout en exigeant l'excellence pour tous. Cela signifie que le nouveau socle dont nous allons discuter devra assurer la réussite de tous, et pas seulement d'une élite. Mais comment faire en sorte d'avoir les mêmes exigences envers chacun des élèves ?

Quand les élèves décrochent-ils ? Nous préparons un plan de lutte contre le décrochage. Il faut d'abord prévenir le phénomène et améliorer le suivi de l'absentéisme. En la matière, nous avons des progrès à faire. La relation entre l'école et les parents sera d'une importance cruciale, puisque la meilleure façon d'améliorer la situation sera de faire que l'information passe avec les parents, et que ces derniers deviennent de véritables acteurs d'une « coéducation », sur laquelle je ne reviens pas. Lutter contre le décrochage passe aussi par l'amélioration de notre système d'orientation scolaire, et donc par le parcours d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel. Celui-ci doit permettre aux enfants d'y voir plus clair sur leurs souhaits, d'être mieux informés et de ne pas subir leur orientation. La lutte contre le décrochage fera enfin l'objet d'un décret en cours d'élaboration, qui concerne le droit, pour tous les jeunes de seize à vingt-cinq ans, à une nouvelle chance et à un retour en formation. Nous travaillons aux conditions dans lesquelles ces jeunes pourront rester pendant une année sous statut scolaire, sans devoir repasser par des salles de classe.

Vous m'avez également interrogée sur le rôle et le statut des directeurs d'école. Je vous répondrai qu'ils sont concernés par les chantiers métier que j'évoquais tout à l'heure. Un certain nombre de progrès ont d'ailleurs été ainsi obtenus. Nous avons développé l'aide qui leur est apportée – appui éducatif ou aide dans les tâches administratives. Nous leur avons attribué un temps spécifique pour exercer leur mission de directeur, notamment dans les plus petites écoles. Concrètement, dès ce mois de septembre 2014, le volume de la décharge horaire qui leur était accordée est passé de deux à quatre jours. En 2015, il passera à dix journées – certes fractionnables –, soit une journée par mois pour les directeurs des écoles maternelles et des écoles élémentaires de trois classes. Nous espérons, de cette manière, alléger la charge qui pèse sur leurs épaules. Mais au-delà, il convient aussi de redéfinir leurs missions. J'approuve ce que vous avez dit sur l'importance du rôle du chef d'établissement : lorsque tout se passe bien dans un établissement, cela tient souvent à l'action du directeur.

S'agissant maintenant des bourses au mérite, je vous avoue être un peu agacée par les procès d'intention de certains. Sur un sujet aussi important pour les étudiants que celui des bourses, on pourrait tout de même faire l'effort de regarder la réalité des chiffres et des faits avant de porter des jugements.

Les bourses servent à aider les étudiants à poursuivre leurs études dans de bonnes conditions, sans être obligés de travailler, car cela risque de porter préjudice à leurs résultats. La logique veut que ces bourses profitent au maximum d'étudiants possible. Or cela faisait des années que la précédente majorité avait promis monts et merveilles aux étudiants, en particulier un dixième mois de bourse, sans l'avoir jamais budgété ! Depuis que nous sommes là – notamment à l'occasion des deux dernières rentrées – nous avons dépensé plus de 450 millions pour augmenter à la fois le montant des bourses perçues par les étudiants et le nombre d'étudiants concernés par ces bourses. En conséquence de quoi, 135 000 étudiants considérés comme appartenant à la classe moyenne et qui passaient donc à côté du bénéfice de ces bourses reçoivent maintenant 1 000 euros par an. Mais je vous rappelle que, dans notre pays, les bourses sont échelonnées, et que les étudiants les plus en difficulté – qui sont en échelon 7 – reçoivent plus de 5 000 euros par an. Voilà ce qu'est aujourd'hui la réalité des bourses dans notre pays : des montants revalorisés et des bénéficiaires plus nombreux. Par cette réforme, nous avons conservé ce qui était le plus efficace à la réussite du plus grand nombre.

La disposition spécifique attribuant des bourses au mérite n'existe plus. Les boursiers au mérite y ont-ils perdu ? Non, parce que les bourses au mérite bénéficiaient à des étudiants retenus sur critères sociaux. Ces étudiants restent concernés par la revalorisation des bourses dans le nouveau système que nous avons adopté. Simplement, nous accordons davantage de bourses sur critères sociaux. Comment pourrait-on nous le reprocher ? Nous assumons totalement notre volonté d'offrir des bourses au plus grand nombre.

Je recevrai donc avec plaisir les étudiants qui s'interrogent sur l'avenir des bourses au mérite. Ce sera l'occasion d'évoquer avec eux un sujet sur lequel je suis prête à dialoguer : la difficulté qu'ils rencontrent à se loger, notamment lorsqu'ils sont en classe préparatoire aux grandes écoles. À cet égard, les établissements accueillant des classes préparatoires aux grandes écoles, qui disposent d'internats ou de chambres, doivent les mettre prioritairement à disposition des élèves les plus défavorisés socialement. J'y veillerai volontiers, parce que je pense que c'est important.

Je rappelle toutefois qu'en matière de logement étudiant, ce gouvernement a fait de grands pas en avant. Depuis deux ans, nous avons créé 10 000 logements, et nous nous sommes engagés sur 40 000 logements spécifiquement destinés aux étudiants. Nous avons mis en place une caution locative étudiante, qui permet à l'étudiant, qu'il se loge dans le privé ou dans le public, de n'avoir pas à débourser de caution – puisque c'est l'État qui le fait à sa place – et de n'avoir pas à trouver de garant, puisque c'est l'État qui est garant.

Il faut vraiment avoir tous les éléments d'information avant de juger, et se souvenir que depuis que nous avons réformé le système des bourses, quelque 130 000 étudiants supplémentaires en ont bénéficié, et que les 7 000 boursiers au mérite dont on nous parle depuis des semaines ne sont pas laissés de côté. Bien au contraire, ils sont mieux aidés grâce à la revalorisation des bourses.

L'une d'entre vous m'a interrogée sur l'enseignement de la langue arabe. J'observe qu'il est bon de ne pas abandonner certains sujets parce qu'ils commenceraient à faire polémique. En l'occurrence, les académies veillent à la qualité de l'enseignement de cette discipline et aux recrutements de professeurs, qui se font aussi bien au niveau de l'agrégation que du CAPES.

Je reviens à la question de l'enseignement périscolaire. Comment faire en sorte que les enfants en situation de handicap, qui sont accompagnés dans le cadre du temps scolaire, le soient aussi dans le cadre du temps périscolaire ? Certes, ce temps relève de la responsabilité des communes, mais il faut que nous y travaillions ensemble, y compris avec le ministère des affaires sociales, pour éviter une rupture de prise en charge.

À propos du pré-recrutement des enseignants, je rappellerai la mise en place du dispositif des « emplois d'avenir professeur », ouvert aux étudiants boursiers de deuxième ou troisième année de licence, que j'aimerais voir se déployer. Notre objectif est d'en avoir 10 000. Ce dispositif me semble intéressant et il mériterait d'être mieux connu.

Vous m'avez par ailleurs interrogée sur l'évaluation des élèves. Je vous ai parlé du jury composé de trente personnes : quinze professionnels, quinze usagers. Nous avons lancé un appel à projets pour y participer : en à peine deux semaines, nous avons déjà reçu 800 candidatures, ce qui est impressionnant. Il y a donc un vrai engouement, dans notre société, pour le sujet. Ce jury aura à traiter de cinq questions : comment l'évaluation peut-elle être au service des apprentissages des élèves et participer à leurs progrès ? Comment rendre compte aux familles des progrès des élèves ? Quelle place et quelle forme de la notation dans l'évaluation des élèves ? Quels doivent être les moments de l'évaluation dans les parcours des élèves ? Comment mobiliser les évaluations dans la détermination des choix d'orientation et des procédures d'affectation des élèves ? Ce sera une réflexion très riche.

La conférence sur l'évaluation des élèves se terminera au mois de décembre et me remettra ses conclusions. Il me faudra prendre des décisions à partir du début 2015, pour faire en sorte de coordonner le fruit de cette réflexion avec la réforme des programmes. Quitte à changer de programmes, autant savoir comment on les évalue.

Je tiens maintenant à rassurer ceux qui craignent que certains établissements ne pâtissent de la réforme de la carte de l'éducation prioritaire. En réalité, nous entendons consacrer plus de crédits que par le passé à certains territoires identifiés : 350 millions d'euros ont en effet été budgétés à cette fin.

Très concrètement, nous sommes en train d'élaborer la nouvelle carte de l'éducation prioritaire avec les rectorats, les élus locaux, et je tiens à ce que cela se fasse dans le dialogue. Mais pour éviter une rupture soudaine, les enseignants des établissements qui ne se retrouveraient pas dans cette carte alors qu'ils y figuraient auparavant bénéficieront d'une clause de sauvegarde pendant trois ans ; il n'y aura pas de perte sèche lors de la parution de la nouvelle cartographie de l'éducation prioritaire. En revanche, dans les établissements qui en feront partie, des moyens considérables en temps et en formation seront accordés aux enseignants. En novembre, la liste des 1 082 réseaux d'éducation prioritaire (REP) concernés devrait être fixée, de façon ce que la réforme entre en vigueur à la rentrée 2015. Je précise que 350 d'entre eux seront en « REP + », et qu'ils disposeront de moyens encore plus importants. Ce sera notamment le cas des indemnités versées aux enseignants, afin d'inciter ces derniers à y travailler et à y rester.

Je tiens également à rassurer ceux qui s'inquiètent de l'avenir de l'enseignement adapté. Nous voulons en effet conforter l'existence des structures concernées et favoriser l'orientation des élèves de SEGPA vers le CAP et le bac professionnel. C'est un sujet dont je serais très heureuse de rediscuter avec vous, madame Tolmont.

Je ferai une dernière observation à propos de la réforme des rythmes scolaires. Deux d'entre vous ont évoqué les difficultés rencontrées par les associations et le mouvement sportif. De mon côté, je ne fais pas le même constat. Les associations, et notamment le monde de l'éducation populaire, ont beaucoup à gagner à cette réforme. Comme on l'a fait remarquer, l'école doit pouvoir s'ouvrir sur son environnement, ce que le monde associatif, le monde de l'éducation populaire et le monde sportif permettent. La réforme des rythmes est donc une première étape vers une école intégrée dans son environnement, qui apprend à ses élèves le sens de l'engagement, et qui développe chez eux le goût pour la pratique d'activités associatives parce qu'ils y auront eu accès dans le cadre du temps périscolaire.

À propos de l'éducation artistique et culturelle, je ne serai pas longue. J'ai demandé au Conseil supérieur des programmes (CSP) d'élaborer un référentiel du parcours d'éducation artistique et culturel. En effet, depuis que l'on avait affirmé son importance dans la loi de refondation, on s'était contenté d'identifier et de mettre en cohérence les pratiques expérimentées ici ou là. Maintenant, il convient de mettre au point un parcours, avec un référentiel, avec un protocole, un guide. Le CSP devra me remettre sa proposition à l'automne.

J'en viens à la question des postes mis aux concours. On raconte que l'on n'arrive pas à recruter. Ce n'est pas complètement faux. Disons que la situation est contrastée.

L'année dernière, il a fallu organiser deux concours différents pour recruter de nombreux enseignants : le concours exceptionnel et le concours rénové. Entre les deux, le nombre des candidats avait déjà progressé. C'est tout à fait normal. Pendant des années, on a détruit des postes d'enseignants. Les étudiants se sont détournés des métiers de l'enseignement, puisque l'éducation nationale ne recrutait pas. Entre le moment où le nouveau gouvernement a annoncé que l'éducation nationale allait recruter et le moment où les étudiants ont adapté leur choix de cursus, forcément, un certain temps s'est écoulé. Donc, entre le premier concours exceptionnel et le concours rénové 2014, le nombre des candidats aux concours est reparti à la hausse.

Dans le premier degré, on a fait le plein. Dans le second degré, le vivier des candidats ne s'est pas encore reconstitué, notamment dans des matières comme les mathématiques ou l'anglais, qui peuvent offrir d'autres débouchés que ceux de l'enseignement. Nous pouvons comprendre que les étudiants puissent être attirés par d'autres métiers que ceux-là. C'est à nous de rendre le métier d'enseignant plus attractif, et c'est l'objet des chantiers métiers que j'évoquais tout à l'heure.

Sur la question du codage informatique, je confirme le propos de mon prédécesseur. Les élèves pourront du primaire suivre dès cette année des cours d'initiation à la programmation informatique dans le temps périscolaire ; nous avons d'ailleurs lancé un appel à projets en ce sens auprès de grandes fédérations d'éducation populaire. Le CSP envisage cependant d'intégrer cette formation dans les programmes. Nous souhaitons que cette idée se concrétise dès l'adoption de la réforme des programmes. C'est un sujet qui devrait progresser rapidement.

Cela me conduit à répondre aux questions qui concernaient le numérique. Je ne m'étendrai pas, puisque le Président de la République a souhaité conserver la primeur de l'annonce sur le détail du plan numérique. Je peux néanmoins vous dire que nous avons la volonté d'avancer rapidement en ce domaine, à la fois en termes d'équipement des établissements, de contenus et de formation, qu'il s'agisse de celle des enseignements ou des élèves. Dès cette rentrée scolaire, près de 9 000 établissements ont été équipés en très haut débit. Nous travaillons sur les manuels avec les éditeurs scolaires, que nous avons reçus il y a quelques jours encore ; il nous faut en effet accélérer la mobilisation de cette filière pour passer à un contenu numérisé. La formation des enseignants – formation au numérique et formation à l'enseignement par le numérique – est prévue dans les ESPE. Celle des élèves – initiation au codage –, qui sera assurée cette année pendant le temps périscolaire dans certains endroits, devrait être assurée pendant le temps scolaire, à compter de la réforme des programmes.

J'en viens à l'idée selon laquelle on pourrait enseigner, dans les ESPE, la pédagogie par l'expérimentation. J'y suis évidemment très sensible. De manière générale d'ailleurs, je pense qu'il faut introduire de la souplesse dans les pratiques pédagogiques. Cette pédagogie par l'expérimentation est déjà enseignée dans un certain nombre d'ESPE comme à Lyon, à Toulouse ou encore à Poitiers. On se préoccupe également de vulgarisation scientifique pour les étudiants en licence qui ne sont pas des scientifiques. L'idée fait donc son chemin, et nous avons à l'esprit le travail que Mme Maud Olivier a réalisé sur le sujet.

M. Benoist Apparu s'est préoccupé de la cohérence des cartographies diverses et variées, et notamment de celles de la politique de la ville et de l'éducation prioritaire. Je n'oublie pas que j'ai été ministre de la ville il n'y a pas si longtemps. Je serai donc extrêmement attentive à cette importante question. Nous faisons en sorte que nos indicateurs de référence soient convergents. De fait, ils le sont. En effet, les indices sociaux qui vont déterminer la nouvelle carte de l'éducation prioritaire que j'évoquais tout à l'heure sont des indices très objectifs, qui ressemblent à ceux qui ont été retenus dans le cadre de la politique de la ville, à savoir le nombre de catégories sociales défavorisées dans les publics accueillis par l'établissement, le nombre de boursiers, le nombre d'élèves en retard en sixième et le nombre d'élèves qui résident en zone urbaine sensible. On retrouve donc bien, notamment avec le dernier indice, la logique qui prévaut en matière de politique de la ville. Sachez en tout cas que j'ai demandé aux recteurs qu'ils s'associent à la signature des contrats de ville. De toute façon, le travail mené par les villes, en particulier autour des programmes de réussite éducative, sera très suivi par notre ministère.

De même que je n'ai pas oublié que j'ai été ministre de la ville il n'y a pas très longtemps, je n'ai pas oublié que j'ai été ministre de la jeunesse. Je suis très sensible à la question posée par M. Jean-Pierre Allossery sur l'engagement à l'école. Cette question fera d'ailleurs aussi partie de la réforme du collège : il est en effet envisagé d'accorder aux collégiens davantage de marge de manoeuvre pour organiser leur vie associative.

On m'a demandé ce que nous comptions faire en matière d'apprentissage. Je vous invite à suivre de près la réunion qui aura lieu vendredi prochain. Je rappelle que nous avons pris un engagement fort : 60 000 apprentis au sein de l'éducation nationale, soit une progression de 50 % par rapport à la situation actuelle. Au-delà, il faudra faire en sorte que l'apprentissage soit vraiment bien intégré dans le parcours scolaire des élèves, y compris au moment des inscriptions dans le logiciel d'admission post-bac. Il devra apparaître comme une option parmi d'autres, et les enseignants eux-mêmes, dans leur formation, devront suivre un module qui les incite à valoriser l'apprentissage, à égalité avec d'autres types de filières.

La question du plagiat et de l'utilisation, sinon frauduleuse, du moins peu éthique d'internet par les élèves a été posée. D'abord, il est d'ores et déjà prévu, dans le cadre de l'éducation aux médias et à l'information assurée par les professeurs documentalistes, de former les élèves à un usage responsable et correct d'internet. Cela comprend, entre autres, la façon dont on y « pompe » des textes, des images ou des musiques. Ensuite, les enseignants disposent d'un certain nombre d'outils de détection du plagiat numérique. Mais ce n'est pas tant le nombre d'outils supplémentaires qui est important que d'accompagner les enseignants dans leur apprentissage du numérique. Et cela rejoint ce que l'on vient de dire.

Sur le « droit à l'oubli », sachez que dans tous les établissements comportant des environnements numériques de travail (ENT), les échanges entre les élèves eux-mêmes, ou entre les élèves et les professeurs, qui sont passés par réseaux numériques sont effacés, par principe, à la fin de l'année. On conserve seulement les notes et les évaluations qui seront archivées. En général, la CNIL est assez ferme dans sa façon d'encadrer les systèmes d'information du ministère. C'est un sujet que nous suivons de près.

S'agissant des établissements privés, je tiens à lever un malentendu car hier soir, un certain journal a semé le doute dans les esprits : les établissements de l'enseignement privé sous contrat sont éligibles au fonds d'amorçage pour la réforme des rythmes scolaires quand et seulement quand ils sont passés aux nouveaux rythmes scolaires. On ne peut donc prétendre que des établissements privés pourraient bénéficier de ce fonds sans être passés aux nouveaux rythmes. C'est impossible. Pourquoi n'a-t-on pas demandé à l'enseignement privé de généraliser, comme l'enseignement public, la réforme des rythmes scolaires ? Tout simplement parce que le contrat qui nous lie à lui ne le permet pas. Juridiquement, nous pouvons lui imposer des programmes, mais pas des rythmes scolaires.

Cela étant, pour en avoir discuté, y compris avec le secrétaire général de l'enseignement catholique, je peux vous dire qu'un certain nombre d'établissements privés ont décidé eux-mêmes de passer aux nouveaux rythmes. Les évaluations restent à affiner. Il y en aurait 10 % en moyenne, le pourcentage variant selon les territoires – de 0 à 40 %. Mon sentiment est que la plupart des établissements privés vont suivre. D'abord, depuis la réforme des rythmes scolaires, les communes ont cessé de financer les centres du loisir du mercredi matin. De ce fait, les élèves des établissements privés risquent de pâtir de la disparition d'un certain nombre de prestations qui leur étaient jusqu'à présent accessibles. Ensuite et surtout, les établissements y seront incités par les effets vertueux qu'a une telle réforme sur l'apprentissage des enfants. Depuis les 4 000 communes qui sont passées en 2013 à ces nouveaux rythmes, les remontées sont quasi unanimes. Ainsi, dans l'acquisition des compétences en lecture et en écriture, les élèves prennent trois semaines d'avance par rapport aux anciens rythmes.

M. Pascal Deguilhem a évoqué les regroupements pédagogiques intercommunaux. Nous sommes allés visiter l'un d'entre eux avec le Premier ministre. Nous ferons en sorte de les soutenir. Ils constituent en effet une force et même un facteur de qualité pour l'école rurale : ils limitent le nombre de niveaux dans les classes, ce qui favorise clairement les apprentissages ; ils permettent aux directeurs d'école d'accéder à des décharges horaires de direction ; ils permettent aux communes concernées de mutualiser leurs moyens pour prendre en charge le périscolaire.

Ensuite, plusieurs d'entre vous m'ont demandé ce qu'il y aurait dans le nouveau collège. J'ai dit qu'il n'était pas question de sortir du collège unique, dans la mesure où il y aurait toujours un tronc commun. Reste que beaucoup trop d'élèves sont en difficulté, alors même que l'école maternelle a vu ses performances s'accroître ces dernières années – ce qui n'est pas encore le cas de l'école primaire. Au collège, certains élèves décrochent. Il nous faut donc prévoir, à côté du tronc commun, des modules d'enseignement complémentaire et une pédagogie différenciée pour mieux répondre aux besoins des élèves, afin que le socle commun dont on parlait tout à l'heure soit vraiment acquis par tous. Dans ce nouveau collège, les nouveaux programmes entreront en vigueur à la rentrée 2016 et le parcours d'éducation artistique et culturelle ainsi que le parcours de découverte des métiers et des formations seront mis en place. La physionomie du collège sera donc sensiblement transformée. Nous y travaillerons dès la fin de cette année en organisant des consultations.

J'ai dit précédemment que la prévention de l'illettrisme passait par une acquisition solide des compétences et des connaissances fondamentales, pour qu'elles soient durables. Je rappellerai qu'il y a plus de 2,5 millions de personnes en situation d'illettrisme dans notre pays ; ce n'est donc pas un sujet périphérique. Certaines actions ont déjà été engagées et j'aimerais que le Conseil national éducation-entreprise se penche sur la question. Il conviendrait de mener une réflexion commune sur la façon de prévenir l'illettrisme dès le plus jeune âge, mais aussi par la suite, en intervenant auprès des adultes. Il est possible de le faire dans le cadre de la formation continue lorsqu'il s'agit de salariés, ou dans le cadre des actions éducatives familiales que j'aimerais voir certains établissements scolaires développer, car on peut toucher des parents en situation d'illettrisme par l'intermédiaire des enfants.

Enfin, c'était aujourd'hui la journée du sport scolaire. Cette belle initiative a pris une grande ampleur, puisque près d'un million d'élèves a ainsi accès, grâce à des associations sportives scolaires comme l'Union nationale du sport scolaire ou d'autres, à des démonstrations ou des rencontres avec des grands champions. C'est le moyen de leur donner l'envie de pratiquer des disciplines sportives que la plupart d'entre eux ne connaissent pas. J'en profite pour insister sur l'importance de faire pratiquer du sport aux enfants dès le plus jeune âge pour qu'ils en prennent le goût et l'habitude. Pour information, une enquête récente montre qu'un quart d'heure de pratique sportive par jour permet de gagner trois ans d'espérance de vie.

Quoi qu'il en soit, nous avons décidé de fêter en beauté le fait que, dans l'année scolaire 2015-2016, auront lieu l'Eurobasket (en septembre 2015) et l'Eurofoot (en juin 2016). Nous avons proposé de faire de cette année scolaire « l'année du sport européen à l'école », en invitant tous les établissements à proposer des initiations sportives, à organiser des démonstrations et à faire travailler leurs élèves non seulement sur la question du sport, du foot ou du basket, mais aussi sur la question de l'Europe. Mais j'aurai l'occasion de vous reparler de tout cela plus en détail.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, madame la ministre, d'avoir tenu à répondre sur chacun des thèmes évoqués. Nous avons ainsi pu aborder tous les enjeux éducatifs de cette rentrée scolaire. Cette audition fut passionnante. Nous aurons le plaisir de vous retrouver pour discuter de votre budget.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt.