Madame la ministre, votre arrivée à la tête de ce ministère a été perçue comme une petite révolution, d'abord parce que vous êtes une femme et, j'ajoute, une femme de talent ; toutefois, sans vous faire offense, la véritable révolution serait, de l'avis de beaucoup, de s'attaquer à la gestion des ressources humaines de ce grand ministère. L'éducation nationale doit relever des défis majeurs. Le résultat des différentes enquêtes internationales a focalisé le regard sur les élèves. Les jeunes Français réussissent moins bien que les autres jeunes Européens, et l'école ne parvient pas à réduire les handicaps sociaux. Or ce qui se joue dans l'éducation, c'est la relation entre un maître et son élève, autrement dit « l'effet maître », ce concept reconnu qui ne figure même pas dans la loi de refondation de l'école. Le public scolaire, la société et le métier même des enseignants, à qui l'on demande tant, ont changé ; pourtant le statut, la gestion des carrières et la pratique professionnelle, eux, sont restés les mêmes. Comment le comprendre ? Le rapport « Gérer les enseignants autrement » de la Cour des comptes pointe clairement ce problème.
Les premiers signes de l'immobilisme dénoncé par ce rapport doivent être pris très au sérieux. Alors que 60 000 postes supplémentaires sont créés dans l'éducation nationale, la carrière perd de son attrait : quel paradoxe ! Le métier d'enseignant est perçu comme trop dur, trop mal payé et trop peu reconnu. Il y a là un danger majeur.
De plus, le fait que le bon enseignant ne soit pas distingué du mauvais est-il juste ? Serez-vous la ministre courageuse qui conduira la véritable refondation de l'école à travers une vraie gestion des ressources humaines, attendue par les enseignants eux-mêmes et, plus encore, par les parents ? Vous conduiriez alors la trentième réforme depuis 1958, mais sans doute l'une des plus fondamentales.