Intervention de Anne-Christine Lang

Réunion du 17 septembre 2014 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Christine Lang :

Je m'associe aux félicitations qui vous ont été adressées et me réjouis, à titre personnel, que ce soit une jeune femme qui ait désormais la tâche ardue mais ô combien exaltante de mener à bien les réformes que le Gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre pour l'éducation nationale.

Il y a quelques jours, vous avez annoncé vos priorités pour les mois qui viennent, dans le prolongement des chantiers de vos prédécesseurs : priorité au primaire, refonte des programmes, école numérique et réforme du collège à partir de janvier 2015.

En 1975, le collège unique naissait d'une belle ambition : ouvrir, dans un souci d'égalité, à tous les enfants d'une génération une formation jusqu'alors réservée à quelques uns. Depuis, cette ambition a toujours été réaffirmée par l'institution.

Or, aujourd'hui, le collège peine à relever le défi et est devenu, selon de nombreux observateurs, le maillon faible du système éducatif. Toutes les évaluations internationales le confirment, les inégalités s'y creusent entre les très bons élèves et ceux qui sont le plus en difficulté. Les derniers résultats de l'enquête PISA ont mis en évidence le fait que la France est l'un des pays de l'OCDE où le facteur socio-économique est le plus déterminant dans la réussite des élèves. L'ascenseur social est donc incontestablement en panne, et ce depuis de nombreuses années.

De multiples raisons expliquent ces mauvais résultats des élèves français à quinze ans ; mais il semble que les difficultés tiennent principalement à la nature même du collège, lequel, jamais clairement défini, demeure un « objet éducatif non identifié » entre l'école et le lycée. Le collège est-il le prolongement de l'école et vise-t-il, comme le premier degré, à faire acquérir à l'ensemble d'une classe d'âge un socle commun, j'allais dire un « socle républicain » qu'une génération d'enfants aura reçu en partage, ou est-il d'abord un lieu destiné à sélectionner les élèves et à préparer l'orientation de fin de troisième vers le meilleur lycée général ? Si l'on en juge par les dérogations, les contournements de la carte scolaire et les ségrégations inter-établissements à Paris, force est de constater que c'est la seconde définition qui s'est largement imposée. La compétition scolaire a atteint un niveau inégalé, et la décision prise par Nicolas Sarkozy en 2007 d'assouplir la carte n'a fait que la renforcer.

Comme l'ont montré Julien Grenet et Gabrielle Fack, dont le rapport en la matière fait autorité, l'assouplissement de la carte scolaire a accéléré l'érosion des effectifs dans les collèges des zones d'éducation prioritaire. Or la mixité sociale et scolaire des établissements est un enjeu essentiel, car ceux-ci doivent être à l'image de la société que nous voulons construire et dans laquelle nous voulons que nos enfants grandissent : une société ouverte, tolérante, diverse et généreuse.

De nombreux chercheurs ont aussi travaillé sur la ségrégation au sein même des établissements, notamment à Paris à travers la création de filières et de classes de niveau. Cette ségrégation est souvent la condition sine qua non pour que les parents des classes sociales les plus aisées acceptent d'inscrire leurs enfants dans le collège de secteur, conciliant ainsi les deux injonctions qui leur sont faites d'être, selon le mot de la sociologue Agnès van Zanten, à la fois bons citoyens et bons parents…

Cet état des lieux ne reflète sans doute pas la situation de l'ensemble des collèges, mais elle reste un sujet de préoccupation pour les 112 établissements de la capitale ; aussi j'aurais souhaité, madame la ministre, que vous précisiez vos priorités s'agissant du collège.

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