Intervention de Isabelle Saviane

Réunion du 4 septembre 2014 à 10h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Isabelle Saviane, directrice des ressources humaines du groupe Eram :

Notre groupe est à la fois distributeur et producteur. Mais nous sommes essentiellement des distributeurs, sous les enseignes Eram, Tati, Heyraud, Gémo, Bocage, Mellow Yellow, TBS... Si le groupe est issu d'une entreprise de fabrication de chaussures qui a longtemps tenu une des premières places dans ce secteur, il a en effet été contraint de se reconfigurer à partir des années 1980-1990 pour résister à des importations massives qui ont entraîné la quasi-disparition des fabrications nationales en un peu plus d'une décennie. Cela étant, conscient de ses responsabilités, il a opéré cette transformation en conservant l'ensemble de ses salariés, mais en les reconvertissant dans les métiers de la logistique et du commerce. Nous avons toutefois maintenu trois unités de fabrication employant un peu plus de 350 personnes et produisons un million de paires de chaussures par an en France, ce qui fait de nous le premier fabricant français. La préservation de ce savoir-faire résulte de la seule volonté des propriétaires, la famille Biotteau. Nous sommes en outre le premier employeur privé du Maine-et-Loire et nous sommes très attachés à cet ancrage territorial comme au maintien de cette activité – nous venons d'ailleurs de créer une école de la chaussure pour former à nouveau des ouvriers de fabrication en vue de combler les départs à la retraite.

Je précise que le groupe n'a jamais versé un euro de dividende : l'ensemble des bénéfices est réinvesti dans l'entreprise pour développer nos affaires, nos magasins et former nos collaborateurs. La partie industrielle n'est pas la plus rentable de nos activités, mais il y a là une forme d'engagement de cette famille vis-à-vis de ses ouvriers de maintenir des outils de production dans le Maine-et-Loire et nous avons opéré nos transformations au rythme des départs à la retraite.

Comme je l'ai dit, les contraintes propres à nos métiers ne nous ont pas permis de mettre tout le monde aux 35 heures ni de partager le travail, de nombreuses missions ou tâches n'étant pas sécables. Nous avons donc proposé des contrats d'une durée comprise entre 37 et, pour les responsables de magasins, 43 heures, étant entendu que les heures au-delà de la trente-cinquième coûtent beaucoup plus cher, ce qui a créé sans doute une crispation dans le groupe, maintenant apaisée. Reste que, quand il faut porter des contrats de 20 heures à au moins 24 heures, conformément à la nouvelle réglementation, cela nous oblige à bouleverser des plannings forcément millimétrés, d'autant que les métiers de la chaussure et de l'habillement sont historiquement à faible marge et ont en outre fortement souffert de la situation économique des six à huit dernières années. La baisse de nos revenus et l'augmentation du coût du travail nous ont ainsi amenés à faire des arbitrages qui ont été épargnés aux industries du luxe ou aux entreprises pratiquant le travail posté en trois-huit : là où on avait deux personnes dans un magasin, on n'en a parfois plus qu'une, avec le complément d'un petit contrat étudiant. Encore une fois, la loi sur les 35 heures ne nous a pas permis de partager le travail comme on l'attendait. On ne peut pas en effet se permettre d'avoir deux responsables d'un même magasin, son travail étant d'assurer l'ouverture et la fermeture, d'accompagner les vendeuses et d'être présent aux moments de plus forte affluence.

Les femmes représentent un peu plus de la moitié de nos salariés et sont présentes surtout dans les métiers de la distribution. Elles le sont en revanche insuffisamment parmi les cadres, malgré la politique volontariste que nous menons dans ce domaine.

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