Intervention de Jean-Louis Vielajus

Réunion du 23 septembre 2014 à 17h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

Jean-Louis Vielajus, président de Coordination Sud :

Coordination Sud – Solidarité Urgence Développement est la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale. Elle rassemble 150 membres représentant la quasi-totalité des grandes ONG françaises, beaucoup de moyennes ONG, et des réseaux de petites associations. Notre action vise à apporter de l'information à nos membres, à créer des espaces de travail thématique, et à dialoguer de façon régulière avec nos différents interlocuteurs politiques, nationaux et européens, sur l'humanitaire et le développement.

Les ONG françaises présentent une grande diversité – plusieurs milliers d'associations –, de Médecins sans frontières jusqu'aux petites associations bénévoles sur l'ensemble du territoire qui sont en général engagées dans une coopération avec un village ou un acteur dans un pays.

Vous avez entendu trois représentants de grandes ONG, qui ont soulevé des questions spécifiques. Nous les soutenons dans leur démarche, même si nos difficultés ne sont pas forcément de même nature.

Je tiens à souligner la reconnaissance de l'opinion publique envers les associations de solidarité internationale, comme en témoignent les millions de donateurs et les 200 000 bénévoles. Cette reconnaissance est également celle des responsables politiques, et je suis heureux de constater que le Conseil national du développement et de la solidarité internationale, promis par le Président de la République, va démarrer ses travaux dans quelques jours.

Je vais insister sur les questions de financement.

D'après nos enquêtes, une association reçoit en moyenne 55 % de financement privé et 45 % de financement public.

Les financements privés proviennent, d'abord, des donateurs individuels, ensuite, des fondations. Ainsi, le nerf de la guerre de nos ONG, ce sont les financements privés et en premier lieu les donateurs. S'agissant de la fiscalité des dons, des avancées heureuses ont été réalisées ces derniers temps au regard de la territorialité. Nous plaidons auprès de nos interlocuteurs pour l'intégration de la dépense fiscale dans l'aide publique au développement, ce qui améliorait le montant de cette dernière et réglerait cette question fiscale récurrente.

Le financement public de nos associations est, d'abord, européen et international, et ensuite, français.

Le financement européen est donc le plus important. La DG Echo, qui finance les actions humanitaires d'urgence, est un très bel instrument, sauf quand s'il s'enraye, ce qui est le cas actuellement. Il est primordial d'alerter la représentation à Bruxelles sur ce problème.

Le deuxième instrument européen est EuropeAid, qui finance des projets de développement. En 2011, cette organisation a financé 130 millions d'euros aux ONG françaises. Le problème est qu'elle élabore des appels d'offres, pour lesquels les chances de gagner sont de 6 % seulement. Dans ces conditions, il est impossible de bâtir des programmes de moyen terme avec des partenaires partout dans le monde. Face à cette incertitude, un nombre croissant d'associations souhaite se passer de ce financement européen.

La France s'est engagée depuis 2012 à multiplier par deux le financement de l'action des ONG. Dans un rapport de 2013, l'OCDE indique que l'aide publique française au développement transitant par les ONG s'établit à 99 millions d'euros, contre 263 millions d'euros pour la Belgique – deux fois et demi plus –, 713 millions d'euros pour l'Allemagne, sept fois plus, et 1,7 milliard d'euros en Grande-Bretagne, soit dix-sept fois plus !

On entend dire que les ONG françaises sont des nains par rapport à leurs collègues anglo-saxons, que nous ne comptons pas dans la compétition internationale des ONG. D'abord, nos humanitaires comptent – le « sans-frontiérisme » est le fait des humanitaires français. Surtout, d'autres États consentent des efforts significatifs pour faire passer l'aide publique au développement par le canal des ONG. Et l'enveloppe globale de 99 millions d'euros au titre de l'aide française au développement est largement inférieure à celle d'EuropeAid.

Toujours au titre des financements publics nationaux, les collectivités territoriales font des efforts certains et nous faisons des choses très intéressantes avec elles. Malheureusement, les aides sont en baisse actuellement.

Quant au Fonds d'urgence humanitaire, il est doté de 8 millions d'euros – à comparer aux centaines de millions d'euros de la DG Echo. Nous avons appris qu'il serait abondé tous les ans d'un million d'euros, mais cette augmentation n'est pas à la hauteur des enjeux – je pense à l'épidémie d'Ebola, à la situation en République centrafricaine, au Mali, etc.

Vous l'avez compris, nos associations font face à une incertitude liée à la compétition pour le financement européen et l'engorgement des guichets français.

J'ajoute que le financement se fait par enveloppe sur des projets. Nous devons donc décrire nos projets en détail, indiquer un chiffre, mais l'Union européenne refuse de financer nos salariés – elle entend payer les dépenses de terrain, pas celles de nos organisations. Ainsi, un bon projet est un projet qui n'a pas utilisé de ressources humaines européennes ou françaises et pour lequel la dépense correspond exactement à la somme prévue. Or cela n'existe pas ! Ces logiques administratives et d'enveloppe nous compliquent la vie ! Il faut faire confiance aux associations.

En outre, les associations bien gérées devraient pouvoir faire des bénéfices, consolider leur haut de bilan, avoir des fonds propres, mener des travaux de formation, de recherche. Or tout cela est impossible dans la logique actuelle des financements publics.

Enfin, pourquoi une telle défiance vis-à-vis de nos structures ? Une grande association française, non représentée ici, nous a indiqué avoir connu l'année dernière 134 audits – européens principalement, mais aussi français – sur leurs projets, ce qui a nécessité trois personnes à plein temps pour recevoir les auditeurs, qui n'ont finalement pas découvert grand-chose car il s'agit d'une grande ONG bien gérée. Aucune entreprise privée ne subit autant de contraintes en matière de contrôle, alors que nous garantissons une totale transparence financière grâce au « Comité de la charte du don en confiance » auquel nous adhérons.

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