Depuis qu'il a diversifié son offre en créant il y a dix ans une licence « Athlé Santé Loisir », l'athlétisme rencontre beaucoup moins de difficultés pour trouver des bénévoles. À côté de l'athlétisme traditionnel, celui des compétitions que l'on voit à la télévision, nous avons désormais un volet santé et bien-être. Nous avons travaillé avec de grandes fédérations de médecins – cardiologie, pneumologie, insuffisance respiratoire, plan Alzheimer – et formé des coachs « Athlé Santé ». Ces professionnels encadrent les nouveaux publics qui viennent dans nos clubs et qui, souvent, y prennent des responsabilités. Le dispositif, fondé sur une activité qui n'est pas une activité de compétition, nourrit le bénévolat. Il y a environ 10 000 bénévoles dirigeants pour 2 000 clubs d'athlétisme en France. Ce chiffre est en augmentation alors qu'il baissait régulièrement il y a une dizaine d'années.
En revanche, nous nous heurtons à un problème d'encadrement. Après les belles performances françaises aux championnats d'Europe de Zurich, une forte demande s'est fait jour chez les enfants et adolescents. Beaucoup de clubs sont pourtant obligés de limiter leurs effectifs faute d'encadrement formé – titulaires d'un brevet d'État ou d'un brevet fédéral. Avant l'été, nous avons surtout formé des animateurs destinés à intervenir dans les écoles dans le cadre du nouveau dispositif des rythmes scolaires. Ces personnes ont une formation d'animation pour des enfants de moins de douze ans, mais pas d'entraînement.
Dans la crise du bénévolat que nous observons autour de nous, nous avons, je crois, un avantage sur les autres sports : le développement de l'athlétisme hors stade, avec la course sur route, les trails, les courses de nature. Il se tient en France 8 000 courses chaque année, et neuf millions de personnes courent régulièrement. Beaucoup de clubs organisent des dix kilomètres, des marathons, des trails. Cela suppose un très grand nombre de bénévoles sur l'ensemble du parcours. Un marathon mobilise, selon son importance, entre 400 et 800 personnes. Or les clubs trouvent assez facilement ces bénévoles, dont ce sera parfois la seule action de l'année : la course du village, ou le marathon de Paris. En contrepartie, on leur offre une tenue, un casse-croûte, etc.
La reconnaissance est très importante pour le bénévole et va bien au-delà de ce « salaire » symbolique. En période de difficultés économique, beaucoup de personnes ne prennent pas de responsabilités tout simplement parce qu'il n'est pas simple, quand on est au chômage et que l'on se sent isolé, de s'investir dans une association. Nous menons des expériences avec les missions locales pour proposer à des chômeurs de moins de vingt-cinq ans des parcours de formation avec un volet à caractère sportif – marche nordique, course à pied, par exemple. Cette association avec les organisations qui s'occupent des demandeurs d'emploi pour intégrer une activité sportive au parcours de l'individu me paraît intéressante.
En matière de santé, d'ailleurs, nous travaillons avec les entreprises sur la gestion du stress, nous intervenons dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), etc. Ces activités nous permettent de trouver des ressources. Beaucoup de nos ligues ont des conventions de partenariat avec les agences régionales de santé (ARS) et proposent des activités dans les hôpitaux ou les maisons de retraite autour du volet « Athlé Santé Loisir ».
Bref, c'est cette diversification de l'offre qui nous permet de nourrir le bénévolat et d'affronter l'augmentation du nombre de licenciés, qui est de 5 % par an depuis dix ans, soit deux fois plus que la moyenne de toutes les fédérations sportives. J'ajoute que nous nous sommes investis dans l'école bien avant la réforme des rythmes scolaires, créant ainsi des passerelles entre l'école et les clubs.
J'en viens maintenant à quelques propositions pour favoriser l'implication des personnes dans les clubs.
La première concerne la reconnaissance du bénévole. On doit distinguer les personnes qui sont par ailleurs salariées et les personnes qui ne travaillent pas, retraités – ils sont très nombreux à faire du bénévolat – ou chômeurs.
Pour les salariés, des dispositifs fiscaux existent, mais ces personnes, par définition, ont beaucoup de moins de temps que les autres à consacrer à l'action publique. Pour les chômeurs, il est intéressant d'intégrer une activité associative dans le parcours de recherche d'emploi. Plus généralement, on pourrait penser à un avantage fiscal valorisant le temps passé à accompagner les enfants le week-end, à encadrer une manifestation... Après tout, il s'agit d'un engagement philanthropique qui s'apparente au mécénat. Le club exercerait évidemment une surveillance et délivrerait une attestation à la personne, qui trouverait la traduction de son engagement sur sa feuille d'impôt.
Cela représente un peu d'argent, certes, mais c'est une goutte d'eau au regard de la masse de l'impôt et le dispositif serait très valorisant pour les individus.
Je soutiens la deuxième proposition depuis longtemps, sans être entendu. Les bénévoles utilisent souvent leur voiture pour accompagner une équipe, transporter des enfants, etc. L'essence leur est parfois remboursée, quand le club a quelques moyens, mais bien en dessous du coût réel. Pour ma part, je suggère l'instauration d'un « chèque essence » ou « chèque bénévole », proposé par la puissance publique et financé par une ponction sur les vastes bénéfices des grandes sociétés pétrolières ou autoroutières. Là aussi, c'est une goutte d'eau, mais en même temps un signe de reconnaissance très fort. Il est simple de déterminer, en fonction du calendrier des championnats, les nombre de « kilomètres bénévole » parcourus chaque année, à charge pour le club de redistribuer les sommes à chaque bénévole.
Voilà pour les marques de reconnaissance – si l'on excepte la médaille de la jeunesse, des sports et de la vie associative, pas forcément demandée par le bénévole tant il est conscient du caractère humble de son action.
Un autre problème est la complexité juridique croissante à laquelle les responsables se trouvent confrontés, surtout lorsque l'association emploie une ou plusieurs personnes sans avoir les moyens de s'adjoindre un comptable. Pourquoi ne pas faire appel aux services déconcentrés – administration fiscale, URSSAF – pour assurer, une ou deux fois par an, une formation auprès des dirigeants bénévoles ? Plutôt que de faire de contrôles, ce qui arrive de plus en plus souvent dans les petits clubs et est souvent très mal vécu, mieux vaudrait se rencontrer de temps en temps dans une démarche de formation. Il en résulterait une connaissance mutuelle plus intéressante pour les uns et les autres !
D'autres efforts de formation sont nécessaires en matière de responsabilité, d'organisation, de marketing, de management, toutes choses que l'on n'apprend pas sur le terrain et que la plupart des dirigeants bénévoles n'ont pas appris à l'école non plus.
Les difficultés économiques ont des répercussions autant sur les collectivités, premiers bailleurs de fonds des associations sportives, que sur les sponsors, qui privilégient les clubs ayant une visibilité médiatique. Dans ce contexte, les « fonds propres » du club, ce sont les cotisations, pour lesquelles des aides existent localement : « coupon sport », aides spécifiques accordées par les conseils départementaux ou par les caisses d'allocations familiales. Ne pourrait-on généraliser une aide à la prise de licence que l'on attribuerait, par exemple, aux personnes qui relèvent de l'allocation de rentrée scolaire ?
Dans l'absolu, le prix de la cotisation à un club sportif n'est pas très élevé. Si on le rapporte au nombre de séances de pratique dans l'année, on arrive à quelques centimes par séance. Il s'agit, véritablement, du loisir le moins cher de France ! Les montants varient entre 50 euros pour les moins chers et 250 euros pour les sports un peu compliqués ou nécessitant des assurances coûteuses. La cotisation peut être plus élevée dans les sports plus « riches » comme le golf ou l'équitation, mais on a affaire alors à des sociétés et non plus à des associations.
Toujours est-il qu'une aide lèverait l'obstacle que peut constituer le prix de la cotisation. On éviterait que certains jeunes traînent dans les rues, on contribuerait à leur socialisation et à la prévention.
Enfin, je considère que nous devrions réfléchir à la pertinence juridique du statut d'association pour les fédérations sportives. Celles-ci bénéficient de l'agrément du ministère, voire d'une délégation, elles gèrent de gros budgets, emploient des salariés – soixante-deux pour la Fédération française d'athlétisme, sans compter les cadres techniques mis à disposition par l'État –, elles organisent des manifestations plus ou moins importantes qui relèvent du business. Par beaucoup d'aspects, elles s'apparentent à des entreprises. Mais, comme ce ne sont pas des entreprises comme les autres, je me demande si l'on ne pourrait pas passer du statut associatif au statut intermédiaire d'entreprise sociale et solidaire. Nous intervenons dans le développement territorial et dans la solidarité locale, puisque nous intégrons des enfants dans un parcours de formation sportive et citoyenne, mais nous avons également des équipes professionnelles de haut niveau et nous organisons des événements.
Ouvrir le statut d'entreprise sociale et solidaire aux fédérations sportives permettrait à celles-ci d'accéder à la reconnaissance d'utilité publique et à des avantages fiscaux qui ne leur sont pas aujourd'hui accordés en matière de charges sociales ou de bénéfices. Lorsqu'une fédération, dans sa structure actuelle, fait des excédents, elle paie des impôts comme n'importe quelle entreprise privée. Compte tenu de l'action que nous menons sur le territoire, il y a là quelque chose de pénalisant.
Pour avoir antérieurement créé des régies de quartier et des entreprises d'insertion, je connais bien le secteur de l'économie sociale et solidaire et je pense que l'activité du secteur sportif est en très proche.