M. Martial Saddier considère que les outils existants fonctionnent bien. Ils pourraient surtout fonctionner mieux : telle est l'idée de la BPI et d'une mise en commun des moyens, mieux adaptée à la lourdeur des investissements considérés. Une entreprise qui cherche de l'aide se heurte, aujourd'hui, à une relative complexité et à la dispersion des intervenants nationaux et régionaux : toutes les associations d'entrepreneurs dressent ce même constat. Or la vie d'une entreprise se compose de plusieurs phases, depuis l'amorçage jusqu'à la transmission, en passant par le développement et, dorénavant, la mutation ; chacune présente ses difficultés. La BPI devra introduire cohérence et continuité dans l'accompagnement entrepreneurial.
Le FSI s'intègre un peu, dans l'opération de regroupement, comme une mariée richement dotée. Il compte de nombreuses participations dans des ETI, sociétés à dominante familiale, aux fins d'en stabiliser le capital. Il ne s'agit pas maintenant de se désengager mais, au contraire, d'aider ces entreprises à grandir, parfois à surmonter une concurrence internationale ou à traverser une zone de dangers en apportant des fonds propres sans intervenir dans le management.
Assez hermétique, la structure de la BPI devrait éviter les conflits d'intérêts : les décisionnaires seront différents selon les catégories de décisions. Le tout sera coiffé d'une holding qui garantira l'étanchéité des divers métiers.
L'irrigation du territoire se poursuivra en recherchant la rationalisation des interventions, en évitant la concurrence entre régions et en s'appuyant sur leurs expertises. La prochaine loi de décentralisation devrait, conformément aux préconisations du rapport Gallois, attribuer le développement économique aux régions. L'État sera présent au moyen de ses services administratifs et techniques déconcentrés.
Les critères d'attribution des aides ne relèvent pas du domaine législatif. La relative sobriété du texte du projet de loi, notamment de son article 1er, résulte du rabotage que lui a fait subir le Conseil d'État : la première mouture était beaucoup plus détaillée. Toutefois, de même que la commission des affaires économiques, et probablement que la commission des finances saisie au fond, nous avons la volonté de muscler le dispositif.
Certes, nous ne pourrons édicter les critères d'attribution dans la mesure où ils dépendent de la doctrine d'intervention ; néanmoins, nous nous attacherons à les rendre stables, transparents et équitables. En outre, le dépôt d'un rapport annuel de la BPI devant le Parlement – c'est l'objet d'un de mes amendements – devrait nous permettre, à terme, d'intervenir sur cette doctrine et de la faire évoluer, en fonction aussi du rapport de forces au sein du conseil d'administration.
Quoi qu'il en soit, les interventions de la BPI s'effectueront selon une certaine continuité par rapport aux instruments déjà existants : les prêts bonifiés verts, les aides à l'innovation, les participations au capital… Ne nous attendons pas à une révolution dans ce domaine.
Comme M. Denis Baupin, je me suis interrogé sur la part à consacrer à la transition écologique : fallait-il, ou non, sacraliser une partie du budget de la BPI à cet effet ? Il m'a semblé que fixer trop précisément les choses pourrait s'avérer contreproductif. Toutefois, je propose à l'article 1er un amendement qui permet de placer la transition écologique au coeur des interventions de la banque. Affecter à la transition une fraction des investissements pourrait, d'une part, empêcher le financement de certains projets, et d'autre part, limiter des synergies avec des opérations n'intégrant qu'en partie des objectifs de transition écologique - je pense notamment à la rénovation thermique des bâtiments et à l'amélioration des performances énergétiques de secteurs tels que la cimenterie.
La BPI ne consacrera évidemment pas 100 % de ses interventions à la transition écologique, non plus qu'au sauvetage des entreprises, comme l'a indiqué M. Jean-Pierre Jouyet en parlant de « canards boiteux ». Elle sera d'abord vouée à combler les nombreuses failles du marché dans le financement de l'économie française. Aujourd'hui, en phase d'amorçage, 95 à 98 % des ressources des entreprises proviennent de soutiens publics. Passer du laboratoire à la fabrication est relativement complexe, trop risqué aux yeux du secteur privé. Cela permet de comprendre le caractère indispensable d'un mécanisme comme celui de la BPI ou ceux qui l'ont précédé.
La transition écologique repose sur deux piliers. Le premier de ces piliers est l'innovation, dont l'aspect organisationnel doit favoriser l'émergence d'une économie circulaire et d'une écologie industrielle. Le second, c'est l'accompagnement vers leur mutation de vieux secteurs, polluants mais très importants pour l'emploi, et disposant d'un substantiel savoir-faire.
Les très petites entreprises (TPE), notamment de l'artisanat et du bâtiment, devraient bénéficier des nouveaux outils, selon des modalités qui ne sont pas encore arrêtées. La rénovation thermique exigera en effet la mise en place de formations, leur financement, l'équipement des petites structures et leur optimisation territoriale. L'ADEME et la CDC Climat disposent déjà de capacités d'expertise. Il faudra les exploiter et les compléter afin de créer, au sein de la BPI, la culture nouvelle que nécessite toujours la fusion de plusieurs organismes et qu'exige la compréhension partagée des objectifs comme des instruments d'action.
Nous devrons aussi aborder la question de l'organisation de la BPI en filières, dans le prolongement de ce qui existe déjà, tout en laissant le temps à ses dirigeants et à son personnel de prendre leurs repères. Le comité national d'orientation, où siégeront des parlementaires, nous permettra de tracer quelques perspectives ; l'examen du rapport annuel au Parlement sera l'occasion d'en assurer le suivi.
Pour répondre à M. Bertrand Pancher, il convient de relativiser la concurrence éventuelle entre BPI et secteur bancaire. Nous sommes amenés à créer un outil doté d'une force de frappe importante, justement parce que les banques commerciales n'interviennent que faiblement dans le financement des PME. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : seuls 10 % des actifs de la Société générale y sont consacrés ; le reste lui sert sur les marchés. Sans intervention publique, les PME ne trouveraient guère de financements.
En outre, l'expérience d'Oséo, du FSI et de la CDC Entreprises le montre : les banques commerciales ne sont prêtes à financer les PME que si ces organismes publics les accompagnent – c'est la théorie dite de la « courte échelle ». Nous assisterons, non pas à une concurrence frontale, mais à une complémentarité qui a fonctionné jusqu'à aujourd'hui et qui se poursuivra.
Il est essentiel que la BPI soit dotée d'une licence bancaire, pour lever d'autres fonds si elle le décide. La question n'est toujours pas tranchée – je viens d'en parler avec le ministre du redressement productif. Je souhaitais proposer un amendement en ce sens, mais le texte qui nous est proposé ne s'y prête guère. Je m'en suis donc ouvert à la commission des finances. À ce stade, l'intérêt que pourrait avoir la BPI à ne pas détenir de licence bancaire ne m'apparaît pas clairement. Il peut m'échapper. Je compte sur le débat pour nous éclairer.