Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du 6 octobre 2014 à 16h00
Transition énergétique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous y voilà enfin. Après des mois de débats au sein des conférences environnementales, après le débat national pour la transition énergétique et les débats en régions, nous examinons aujourd’hui ce texte, qui propose un nouveau modèle de croissance et de développement pour la transition énergétique.

C’est peu de dire que ce texte était très attendu, notamment par ceux de nos concitoyens en situation de précarité énergétique. C’est pour témoigner de ce qu’ils vivent et des mesures qui sont prévues à leur égard que je prends la parole aujourd’hui.

La précarité énergétique concernerait un Français sur cinq. En trente ans, le poids des dépenses d’énergie dans le budget des ménages a presque doublé.

Quelque 4 millions de foyers y consacrent plus de 10 % de leurs revenus et 3 millions et demi de personnes déclarent avoir froid dans leur logement. Autre donnée éloquente : un tiers des familles monoparentales déclare un « inconfort thermique ». Notons d’ailleurs que parmi ces familles, se trouvent souvent des femmes seules qui sont davantage touchées.

Nous savons tous, sur le terrain, les conséquences sur ces 11 millions de nos concitoyens qui vivent cette situation de précarité : inconfort pour ceux qui pratiquent l’auto-restriction, coupures d’énergie pour d’autres. La précarité énergétique annonce les premiers symptômes de la précarité sociale et son cortège de souffrances.

Comment pourrions-nous prétendre faire oeuvre utile si nous n’étions pas en mesure de concilier efficacité énergétique et efficacité sociale ? Je me satisfais des dispositions de ce texte qui obéit précisément à ces deux logiques.

Le chèque énergétique, d’abord, vient répondre à l’urgence sociale, même si, personnellement, j’aurais souhaité qu’il puisse être un peu plus substantiel là où il fait un peu plus froid. La modulation géographique existe pour définir les seuils de labellisation des bâtiments basse consommation, le chèque énergétique devrait obéir à cette même logique.

Je me satisfais aussi de toutes les mesures qui incitent à l’amélioration de la performance énergétique des logements et visent à prévenir cette précarité, comme la rénovation énergétique entreprise à l’occasion de gros travaux, par exemple.

Nous avons pu aussi, avec mes collègues, dans le cadre de la commission spéciale, préciser ce que devait être un logement décent. Cela était nécessaire pour pouvoir mieux détecter, prévenir et réparer les situations de précarité énergétique. Il me semble ainsi heureux que le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent puisse être modifié, et par exemple que le diagnostic de performance énergétique serve de critère de référence pour rendre obligatoire sans délai l’amélioration thermique des logements en classe G, puis en classe F, en vue de leur mise en location.

Au regard de l’expérience qui est la mienne, je dois dire que cette avancée est très positive. En effet, comme élu d’un territoire rural, je suis confronté régulièrement à des bailleurs indélicats ou à des marchands de sommeil sans scrupules. Leur technique est connue, leur cible est clairement identifiée : les familles fragiles sur le plan social, économique et juridique.

Leur objectif est clair également : investir à moindre coût, réclamer des loyers élevés, se les faire acquitter directement par la CAF en choisissant les locataires éligibles à l’APL. La facture énergétique leur importe peu, puisque c’est le locataire qui en aura la charge. C’est ainsi que se retrouvent sur le marché des passoires thermiques.

Ces pratiques et ces situations sont insupportables : insupportables pour ceux qui les subissent, insupportables pour nous élus des territoires, parce que les textes ne nous permettent pas toujours d’agir efficacement, mais insupportables aussi pour nos concitoyens, puisque les mesures de solidarité s’activent de fait et sont coûteuses, Fonds de solidarité logement, dépenses de santé et j’en passe… Au final : de l’impôt, de l’impôt pour nos concitoyens.

Vous le savez, madame la ministre, la précarité énergétique est une forme d’insécurité – d’insécurité économique. Ses conséquences peuvent aussi être importantes en termes de santé publique. Il est heureux que ce texte s’intéresse à ceux qui la provoquent sans scrupules.

Toujours sur cette thématique, je veux aussi me féliciter de la création des programmes régionaux de l’efficacité énergétique. Il s’agit d’impulser une dynamique de guichet unique, autour des plates-formes territoriales de l’efficacité énergétique.

Par ailleurs, l’article 8 réforme le dispositif des certificats d’économie d’énergie qui seront plus simples, plus efficaces et mieux ciblés. C’est là encore une belle avancée.

Madame la ministre, chers collègues, le chantier qui est devant nous et que nous allons grandement concrétiser par ce débat public est un chantier majeur. Il nous faut agir aujourd’hui pour mieux préparer demain et décider de l’environnement que nous souhaitons léguer à nos enfants.

Il ne s’agit pas de colmater ni de retarder. Non, il nous faut agir et s’il est un domaine pour lequel cela est particulièrement vrai, c’est bien celui de la précarité énergétique. Pour conclure, je vous le redis, comment pourrions-nous prétendre faire oeuvre utile si nous n’étions pas en mesure de concilier efficacité énergétique et efficacité sociale ? Telle est la question qui se pose à nous. Force est de constater que les réponses que nous y apportons sont à la hauteur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion