La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
J’informe l’Assemblée que le président a pris acte de la cessation, le 4 octobre à minuit, du mandat de député de M. Matthias Fekl, nommé membre du Gouvernement par décret du 4 septembre 2014.
Par une communication du ministre de l’intérieur datée d’aujourd’hui, faite en application des articles L.0. 176 et L.0. 179 du code électoral, le président a été informé de son remplacement par Mme Régine Povéda, élue en même temps que lui à cet effet.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2188, 2230).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures et quarante-trois minutes pour le groupe SRC, dix heures et treize minutes pour le groupe UMP, trois heures pour le groupe UDI, une heure et quarante-quatre minutes pour le groupe écologiste, une heure et trente-quatre minutes pour le groupe RRDP, une heure et dix-neuf minutes pour le groupe GDR et quarante minutes pour les députés non inscrits.
Mercredi soir 1er octobre, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Bernadette Laclais.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le président de la commission du développement durable, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, comme mes prédécesseurs dans les prises de parole, je voudrais tout d’abord, madame la ministre, vous remercier pour ce texte qui prépare l’avenir et fait entrer notre pays de manière résolue dans la transition énergétique pour un nouveau modèle plus équilibré, plus diversifié et sécurisé. Je veux vous remercier également pour votre écoute et votre disponibilité qui vont être de nouveau sollicitées avec les amendements dont nous allons débattre.
Pour ma part je voudrais me réjouir que la commission spéciale ait validé l’importance du report modal de la route vers le rail comme un élément important et déterminant de la transition énergétique. Je défendrai également un amendement complémentaire, concernant plus particulièrement l’autoroute ferroviaire, qui est l’infrastructure moderne d’avenir, comme on le voit très bien dans les pays européens voisins.
Le deuxième sujet sur lequel je souhaiterais intervenir est celui de l’hydraulique. La France est le deuxième pays européen producteur d’hydroélectricité après la Norvège. La production en année moyenne correspond à la consommation domestique moyenne d’environ 27 millions d’habitants, soit de l’ordre de 40 % de la population française. Elle représente 12 % à 14 % de la production totale d’électricité et un tiers de l’énergie renouvelable française. De plus, et j’insiste sur ce point, l’hydroélectricité est la garante de la sécurité du système électrique par sa capacité d’intervention rapide en puissance de pointe.
Cette filière industrielle française est une filière d’excellence de rayonnement mondial, avec un nombre d’emplois non délocalisables concernés très important.
Filière composée à la fois de grands groupes et de PME performants, elle regroupe de multiples domaines nécessaires à l’électricité. Il y a aussi l’ingénierie : en Savoie, le centre d’ingénierie hydraulique fête ses soixante ans d’existence. Ses activités sont multiples, en France et à l’international, où son expertise est reconnue. Il se situe à quelques centaines de mètres de l’Institut national de l’énergie solaire – deux fleurons de l’économie savoyarde en pointe en matière d’énergie renouvelable.
Effectivement, depuis 1860 : cela ne fait pas si longtemps que cela ! Ils seraient l’un et l’autre heureux de vous accueillir.
En énergie électrique, réduire notre dépendance au nucléaire nécessite des économies d’énergie et un investissement massif dans les énergies renouvelables, les ENR. Mais celles-ci étant parfaitement intermittentes et aléatoires, il est absolument indispensable de les accompagner par des puissances équivalentes en hydraulique, seule énergie à ce jour capable de répondre instantanément aux rapides fluctuations de la demande : démarrage d’une centrale moderne en moins de cinq minutes, de zéro à la pleine puissance, et suivi de la consommation par téléréglage.
Mais les sites classiques gravitaires sont presque tous équipés. C’est pourquoi, après la réalisation de 1978 à 1985 des premières STEP – station de transfert d’énergie par pompage – comme Grand’Maison ou Super-Bissorte, le temps est venu de réfléchir à la relance de projets de STEP et aux conditions de leur réussite en termes de rentabilité.
J’ai évoqué ce sujet avec un ancien ingénieur hydraulicien, ancien maire et ancien président du Parc de la Vanoise, qui sait donc tout ce que ces barrages ont aussi apporté en termes d’emplois et de développement économique de nos vallées. Il disait : « Je ne sais si les aménagements de Roselend, du Mont-Cenis, de Villerest, de Super-Bissorte ou de Grand’Maison sont « rentables » d’après les critères officiels d’aujourd’hui, mais ce dont je suis sûr c’est que nos enfants et petits-enfants en auront absolument besoin. C’est pourquoi nous nous sommes battus pour les réaliser ». C’est toujours vrai aujourd’hui mais, trop souvent, on sacrifie le long terme au court terme et l’avenir au présent.
J’espère que vous serez sensible, madame la ministre, à plusieurs amendements déposés par de nombreux collègues pour qu’une expertise soit lancée en ce sens. De quelles capacités d’extension ou d’infrastructures disposons-nous ? Faut-il démolir des barrages existants ? Je fais bien sûr allusion au barrage du Vézins.
Enfin, évoquant les sociétés d’économie mixte – les SEM –, vous avez évoqué dans votre propos la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, et « les SEM qui s’inspirent de la CNR ».
C’est un modèle, en effet !
Au-delà de la situation d’une société, qui rassemble aujourd’hui plus de cent quatre-vingts acteurs publics, il s’agit bien évidemment pour les élus de faire en sorte que le Rhône reste le patrimoine national. L’État et les collectivités sont pleinement impliqués depuis plus de quatre-vingts ans ; à nous de trouver les solutions pour que, comme pour le reste de l’hydraulique, nous trouvions dans ce texte les moyens juridiques garantissant que ce patrimoine reste, dans un intérêt collectif, durablement géré par un outil créé par une loi de la Troisième République – outil qui a pleinement fait la preuve de sa pertinence, et dont vous avez en quelque sorte appelé à ce qu’il serve de modèle. Si cent dix élus de tous bords se mobilisent aujourd’hui, c’est certes parce qu’il s’agit d’un bien national, mais aussi d’un bien territorial. Notre amendement vise donc à trouver, au-delà de la situation de la société, par l’article 28, à intégrer 100 % de l’hydraulique française dans des sociétés d’économie mixte.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre écoute ; je vous remercie également de bien vouloir apporter les réponses aux questions qui, pour nous, restent en suspens sur les différents points que j’ai évoqués. Nous sommes à un moment historique ; à nous d’être à la hauteur et à l’écoute du terrain qui a beaucoup participé à la concertation et qui suit, aujourd’hui, nos débats avec l’espoir d’être entendu.
Efforçons-nous tous d’être à la hauteur et aussi de prendre de la hauteur en rejetant sectarisme et posture idéologique pour débattre sereinement et engager résolument notre pays dans cette étape : ne pas le faire serait une faute vis-à-vis des générations futures.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs de la commission spéciale, mesdames et messieurs les députés, dans l’exposé des motifs de votre texte, madame la ministre, vous avez affirmé qu’il était « un texte d’ambition, un texte de pragmatisme ». Vous avez salué le volontarisme énergétique de la France de l’après-choc pétrolier, qui sut s’engager dans un grand programme nucléaire. Vous avez aussi constaté l’impérieuse nécessité de se saisir du thème de l’énergie, pour qu’il ne soit pas un but en soi, mais un facteur de l’amélioration de la qualité de vie de tous les Français. Si je partage bien entendu l’ensemble de votre motivation, je regrette infiniment que vous n’ayez pas su la traduire dans ce texte.
Voyons pour l’ambition : elle est calquée sur l’artificiel « facteur 4 », qui prône la division par quatre de nos émissions d’ici à 2050 – alpha et oméga des préconisations européennes, mais imaginé à un moment où la Chine n’avait pas commencé d’intensifier sa production industrielle au charbon. Cette cible va imposer d’énormes sacrifices à nos entreprises et aux ménages, déjà fortement impactés par une politique fiscale désastreuse, et va surtout peser très lourdement sur un des seuls, un des derniers avantages compétitifs dont dispose encore notre économie, à savoir l’accès à une énergie à bas coût.
Cet objectif s’est d’ailleurs soldé, dans les pays qui l’ont aveuglément repris, par des factures d’électricité en très forte hausse, un réseau vulnérable avec un risque avéré de black-out, une dégradation de compétitivité et une augmentation très importante des émissions de CO2. Surtout, on vise cette cible sans traiter traite – et je le regrette, à l’instar de vos collègues écologistes – la question hautement stratégique du marché du carbone, point central de toute politique énergétique soucieuse d’efficacité. En validant ainsi implicitement la distribution en nombre de quotas de carbone, votre texte en accepte la quasi-gratuité, empêchant la mise en place de ce véritable marché qui, lui, serait vraiment la clé de voûte d’une politique ambitieuse.
Vous avez aussi revendiqué un certain pragmatisme ; mais cet objectif ne résistera pas lui non plus aux faiblesses évidentes du texte. Si vous aviez cherché à être réellement pragmatique, vous auriez été plus respectueuse des capacités financières de notre pays, du pouvoir d’achat des Français et de la compétitivité des entreprises. Vous auriez pu, par exemple, proposer un facteur 2, et non un facteur 4, plus proche de ce que nous sommes en mesure d’atteindre réellement à un prix acceptable. Vous auriez également pu privilégier, voire booster, l’autoconsommation par les ménages de l’électricité qu’ils seront susceptibles de produire.
Non ! S’il est vrai que vous favorisez l’éclatement de la production, vous continuez à garantir à 70 %, de façon centralisée, le prix de rachat de l’électricité : c’est donc une fausse décentralisation !
C’est une recentralisation ! Il faut aller jusqu’au bout de la logique : vous pouvez autoriser l’éclatement de la production, car c’est une excellente initiative, mais alors vous laissez les prix s’établir librement sur un marché vraiment concurrentiel ; or ce n’est absolument pas le cas.
Venons-en au volontarisme que vous avez salué, je le rappelle, comme étant celui de « l’après-premier choc pétrolier », qui nous permet, ainsi que beaucoup de collègues l’ont déjà indiqué, d’être une des économies les moins « carbonées » d’Europe – la deuxième après la Suède –, grâce à l’énergie nucléaire, bien entendu. Au lieu de capitaliser sur cet avantage de compétitivité indéniable, vous avez purement et simplement repris l’engagement électoral du candidat François Hollande de ramener à 50 % la part du nucléaire français, sacrifiant ainsi sur l’autel des coalitions électorales éphémères le pouvoir d’achat des Français et l’espoir d’une réindustrialisation de notre pays.
L’Allemagne a, elle aussi, sacrifié trop rapidement sa production nucléaire – je me permets de vous le rappeler, monsieur le président, nous en avons suffisamment parlé en commission. Elle en paye aujourd’hui le prix fort : les industriels allemands effectuent désormais les trois quarts de leurs investissements à l’extérieur de leur pays en raison de l’élévation du coût de l’énergie sur le marché intérieur : je pense que cela doit être médité également dans notre pays.
Ce sera décompté sur le temps de parole des groupes SRC et écologiste !
Sourires.
Vous avez aussi annoncé que la transition énergétique devait être un facteur d’amélioration de la qualité de vie des Français. Là encore, le texte tel qu’il nous est présenté en annonce en fait une réelle dégradation : la facture d’électricité, nous le savons tous et nous l’avons maintenant intégré, devra mathématiquement augmenter pour absorber notamment le coût de déploiement des ENR. En outre, ce texte, et ce point a été assez peu soulevé jusqu’à présent, annonce une hyperinflation normative qui entraînera de nombreux contrôles administratifs et réglementaires supplémentaires, qui seront très coûteux et entraîneront un véritable gaspillage du pouvoir d’achat des Français pour un résultat mineur et ce, alors que notre pays est déjà raillé par ses voisins comme « le pays aux quatre cent mille normes ».
L’objectif de rénovation de cinq cent mille logements, aux conditions strictes du texte, va de surcroît pousser l’administration à atteindre cette cible au mépris de la réelle efficacité des travaux entrepris. Nous le savons, le rythme de croisière des rénovations lourdes est en France de l’ordre de deux cent mille logements par an. Il eût été judicieux de sacraliser ce rythme plutôt que de pousser à un objectif démesuré qui a de fortes chances de ne pas être atteint.
Nous n’avons absolument pas les moyens de cette politique dispendieuse – en réalité, elle n’est pas tant dispendieuse que d’une efficacité coût-rendement absolument pas évaluée ni même seulement abordée dans le texte. D’ailleurs, de nombreuses organisations syndicales se sont émues durant les auditions de l’absence d’estimation financière détaillée du projet de loi.
En conclusion, madame la ministre, s’il est évident que l’objectif de réduction des gaz à effet de serre et du déploiement des énergies renouvelables est primordial, il faut le faire avec les moyens qui sont les nôtres et ne pas chercher purement et simplement à afficher des objectifs ambitieux dont on sait d’ores et déjà qu’ils ne seront pas atteints ! Car il est tout aussi primordial d’assurer un emploi à nos concitoyens, des marchés à nos entreprises, de préserver notre système de santé, de travailler à une meilleure prise en charge de la dépendance – en somme, d’être des élus responsables, de faire des choix, loin des tentations démagogiques, en toute responsabilité. Ce n’est malheureusement pas ce que nous propose ce texte : j’en suis sincèrement désolée.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à m’associer à mes collègues du groupe UMP pour dénoncer avec force les conditions inacceptables de l’examen de ce projet de loi par la commission spéciale de l’Assemblée nationale.
Ce n’est pas parce que vous avez perdu les élections sénatoriales, même en Corrèze, qu’il faut mépriser le travail de notre assemblée en la privant du temps de la délibération.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
Alors que la société civile a eu deux mois pour débattre de ce sujet capital pour l’avenir du pays, le Gouvernement ne nous laisse que deux semaines pour ratifier ce qui n’est finalement rien d’autre qu’une ordonnance.
Parce qu’au nom d’accords électoralistes, le Gouvernement veut faire de ce texte la pierre angulaire du quinquennat Hollande, vous aurez à assumer un texte bâclé et malheureusement lourd de conséquences pour la France et les Français.
Aujourd’hui les Verts ne font plus partie de votre majorité, mais ils en sont les légataires testamentaires.
Sur le principe, nous ne contestons pas la nécessité de poursuivre la transition énergétique entreprise dans le cadre du Grenelle de l’environnement et sous l’égide de Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais ce projet va à l’encontre d’un projet de transition énergétique alliant croissance économique, progrès social et environnemental.
En effet, ce projet de loi n’apporte aucun remède à notre dépendance aux énergies fossiles. Ce n’est dès lors pas une transition, mais une véritable régression énergétique que vous nous proposez.
Notre assemblée est unanime pour reconnaître l’ardente obligation de réduire la part des énergies fossiles dans notre mix énergétique. Mais cette part d’énergie carbonée, qui représente à elle seule 70 % de l’énergie que nous consommons, vous nous proposez de la réduire a minima de seulement 30 % à l’horizon 2030. On ne peut plus dès lors parler de transition énergétique.
Est-il responsable, à l’heure où les portes de l’Europe s’embrasent, alors que notre approvisionnement en gaz est suspendu au règlement du conflit russo-ukrainien et que certains puits de pétrole sont aux mains de l’État islamique, de maintenir notre mix énergétique dans la dépendance des aléas géopolitiques, comme le fait ce texte ?
Ce manque d’ambition valait bien que l’on sacrifie la transition énergétique sur l’autel de la transition électrique. Comment expliquerez-vous aux Français l’euthanasie programmée de l’énergie électrique nucléaire, qui permet pourtant aujourd’hui à la France d’être une grande puissance énergétique ?
C’est la Ve République qui a porté l’énergie nucléaire sur les fonds baptismaux. Revenir sur notre indépendance énergétique, c’est en somme revenir à la IVe République. Telle est peut-être l’ambition de notre Président de la République.
Faire passer la part du nucléaire de 70 à 50 % de la production d’énergie électrique d’ici à 2025, n’est pas qu’une simple erreur politique, c’est une faute stratégique.
La sortie progressive du nucléaire dont vous faites l’alpha et l’oméga de la transition énergétique, aura des conséquences graves pour la vie quotidienne des Français, quels que soient les discours de votre majorité, d’ailleurs divisée sur cette question.
Je suis élu d’une nation énergétiquement souveraine et d’un territoire profondément ancré dans l’excellence nucléaire française, puisque la région Centre compte les centrales de Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux, Belleville-sur-Loire, sans oublier celle de Dampierre-en-Burly, ma commune.
Je ne suis pas, à l’inverse de ce que certains prétendent, un défenseur obstiné du nucléaire, mais un élu à l’écoute du terrain, et c’est à ce titre que je vous fais part de mes très vives inquiétudes quant au devenir des bassins d’emploi où sont enracinées ces centrales qui font partie du paysage industriel de la France et sont un élément de son indépendance nationale, voire de son identité.
Même si ce débat vous gêne, madame la ministre, vous me permettrez de vous exposer deux conséquences directes de ce projet de loi.
D’abord il entraînera le vote du plus grand plan social parmi tous ceux qui ont été organisés depuis que les statistiques du chômage existent.
La filière nucléaire et ses 220 000 salariés sont manifestement la cible de votre gouvernement. Pourtant celle qui est la troisième filière industrielle de France devait créer 110 000 emplois non délocalisables d’ici à 2020. Si on y ajoute les 40 000 emplois détruits par la réduction de la part du nucléaire d’ici à 2025, c’est donc la création de 150 000 chômeurs supplémentaires que vous nous proposez.
Outre aux courriers de Pôle emploi, ces précaires de l’atome auront également droit, comme l’ensemble de leurs concitoyens, à une facture d’électricité alourdie, grevant encore un peu plus un pouvoir d’achat que vous avez déjà sapé.
Actuellement, le prix de l’électricité française est l’un des moins élevés d’Europe. En Allemagne, les ménages paient leur électricité deux fois plus cher, ce qui a pour conséquence de plonger 1,4 million de foyers allemands dans la précarité énergétique.
Ce prix de l’électricité, 40 % moins élevé que la moyenne européenne, est aussi un facteur de compétitivité pour nos entreprises. Alors que le Premier ministre proclame l’importance de la compétitivité des entreprises et que le rapport Gallois soulignait la nécessité de conserver une énergie électrique bon marché, votre projet ruine à lui seul tous les espoirs d’un redressement productif si cher à certains anciens ministres.
Pensez aux Français, madame la ministre, ne renoncez pas à l’indépendance énergétique de la France. Que la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie que vous êtes ne devienne pas celle du chômage, du recul industriel et de la précarité énergétique.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, les oeuvres des nombreux auteurs de science-fiction qui ont rêvé de l’an 2000 et du XXIe ne posent pas la question énergétique : la production y est souvent infinie, la consommation faible et tout est gratuit. Dans ces oeuvres optimistes, l’énergie n’est pas une question.
Loin de la science-fiction, ce projet de loi aborde de nombreux aspects concrets de ce que nous devons appeler la question énergétique.
Le modèle de développement né des révolutions industrielles, celle du charbon, celle de l’électricité puis celle du pétrole, a longtemps été indifférent à la question énergétique. Nous avancions sans conscience des limites ni des coûts. De cette période où le volontarisme était loi, nous avons hérité les grandes entreprises publiques de l’énergie.
Cette économie de l’inconscience s’est fracassée sur les crises pétrolières successives, la prise de conscience écologique et l’émergence du nucléaire civil.
Les enjeux ne sont pas techniques, mes chers collègues ; ils sont politiques, sinon ils seraient débattus au sein du Conseil des mines et non à l’Assemblée nationale.
Bien que les révolutions énergétiques aient toujours été des révolutions d’ingénieurs, c’est à la représentation nationale qu’il appartient de débattre des questions énergétiques…
…qu’il s’agisse des conditions de la sécurité de notre approvisionnement ou de notre souveraineté énergétiques, de celles de la protection de notre environnement, via en particulier la réduction des gaz à effet de serre, ou du coût de l’énergie, dans sa double dimension : sociale, s’agissant de définir les conditions de l’accès de tous à ce bien fondamental, et économique, s’agissant de garantir la compétitivité de l’économie nationale – je n’ai pas besoin de vous rappeler les préconisations du rapport Gallois.
Puisqu’il ne s’agit pas d’une question technique, j’aimerais la poser dans des termes politiques, madame la ministre.
Au fil des travaux préparatoires et des longues journées de travail de la commission spéciale, j’ai vu se dessiner une ligne de fracture, celle opposant, dans ce débat comme dans d’autres, les jacobins et les girondins.
Héritiers des années soixante-dix, les girondins s’imaginent épouser l’air du temps et pensent avoir encore le vent en poupe, alors que les jacobins se considèrent de moins en moins comme une arrière-garde. Le monde change, les positions relatives évoluent et il n’est pas impossible que le jacobinisme se retrouve à l’avant-garde.
Que pourrait être un jacobinisme énergétique ? D’abord un réseau national, interconnecté au niveau européen mais évitant les fragmentations régionales. Certains de nos collègues bretons qui rêvent d’une assemblée de Bretagne mesurent-ils le défi que représenterait une Bretagne énergétique ? Le rêve d’une décentralisation énergétique viendra toujours se fracasser sur la nécessité d’un réseau unique, interconnecté et alimenté par des centrales de production.
En effet, avant que d’être nucléaires ou thermiques, ce qu’on reproche aux centrales, c’est d’être des centrales. Or rien ne prouve la viabilité d’un réseau énergétique décentralisé s’appuyant sur des milliers de petites unités de production, disséminées, enracinées et bien évidemment propres.
Le réseau unique centralisé reste l’infrastructure qui garantit le mieux l’approvisionnement d’un pays comme la France et d’une économie moderne.
La défense du nucléaire n’est pas une question de foi techniciste mais d’adéquation entre les objectifs et les moyens. Il y a la géographie, madame la ministre, mais il y a aussi l’histoire. S’empresser de brader, renier ou effacer les acquis du programme nucléaire civil me semble relever d’une pulsion des plus négatives.
Cette histoire est certes courte, et si elle devait s’avérer n’être qu’une parenthèse, du moins aura-t-elle été brillante.
Cette histoire, c’est celle des ingénieurs, des ouvriers, des techniciens qui ont construit ce qui reste un atout pour notre pays. Au moment d’entamer ce débat où la sortie du nucléaire sera probablement évoquée sur certains bancs, comme elle l’a été en commission spéciale, je tiens, en tant que membre du Mouvement républicain et citoyen, à rendre hommage à celles et ceux qui ont bâti ce fleuron industriel qui permet à la France d’envisager son avenir avec sérénité. Je veux réaffirmer ici ma conviction que le nucléaire est une filière d’avenir.
Je doute cependant que jacobins et girondins puissent finir par s’entendre. Si la proposition de diversifier notre mix énergétique est intéressante, il existe quand même de forts risques d’incompatibilités entre une production centralisée et des productions locales artificiellement subventionnées.
C’est pourquoi il me semble essentiel de distinguer au sein des énergies renouvelables entre la chaleur et l’électricité. Une telle distinction serait un moyen de réconcilier jacobins et girondins.
Mais je ne suis pas sûr qu’en noyant le conflit dans un consensus un peu factice, ce texte, qui prétend satisfaire tout le monde, soit à la hauteur de cette querelle.
Pourtant, je crains bien que les hivers difficiles que RTE nous annonce pour la deuxième partie de cette décennie enlève à ce conflit tout caractère théorique. Je pense pour ma part qu’inscrire un plafond dans la loi sera non seulement inutile, madame la ministre, mais néfaste et dangereux, et pas seulement en raison des risques de coupures d’électricité. Cela l’est aussi au regard du débat relatif à la fermeture de la centrale de Fessenheim et aux solutions alternatives à cette fermeture.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous y voilà enfin. Après des mois de débats au sein des conférences environnementales, après le débat national pour la transition énergétique et les débats en régions, nous examinons aujourd’hui ce texte, qui propose un nouveau modèle de croissance et de développement pour la transition énergétique.
C’est peu de dire que ce texte était très attendu, notamment par ceux de nos concitoyens en situation de précarité énergétique. C’est pour témoigner de ce qu’ils vivent et des mesures qui sont prévues à leur égard que je prends la parole aujourd’hui.
La précarité énergétique concernerait un Français sur cinq. En trente ans, le poids des dépenses d’énergie dans le budget des ménages a presque doublé.
Quelque 4 millions de foyers y consacrent plus de 10 % de leurs revenus et 3 millions et demi de personnes déclarent avoir froid dans leur logement. Autre donnée éloquente : un tiers des familles monoparentales déclare un « inconfort thermique ». Notons d’ailleurs que parmi ces familles, se trouvent souvent des femmes seules qui sont davantage touchées.
Nous savons tous, sur le terrain, les conséquences sur ces 11 millions de nos concitoyens qui vivent cette situation de précarité : inconfort pour ceux qui pratiquent l’auto-restriction, coupures d’énergie pour d’autres. La précarité énergétique annonce les premiers symptômes de la précarité sociale et son cortège de souffrances.
Comment pourrions-nous prétendre faire oeuvre utile si nous n’étions pas en mesure de concilier efficacité énergétique et efficacité sociale ? Je me satisfais des dispositions de ce texte qui obéit précisément à ces deux logiques.
Le chèque énergétique, d’abord, vient répondre à l’urgence sociale, même si, personnellement, j’aurais souhaité qu’il puisse être un peu plus substantiel là où il fait un peu plus froid. La modulation géographique existe pour définir les seuils de labellisation des bâtiments basse consommation, le chèque énergétique devrait obéir à cette même logique.
Je me satisfais aussi de toutes les mesures qui incitent à l’amélioration de la performance énergétique des logements et visent à prévenir cette précarité, comme la rénovation énergétique entreprise à l’occasion de gros travaux, par exemple.
Nous avons pu aussi, avec mes collègues, dans le cadre de la commission spéciale, préciser ce que devait être un logement décent. Cela était nécessaire pour pouvoir mieux détecter, prévenir et réparer les situations de précarité énergétique. Il me semble ainsi heureux que le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent puisse être modifié, et par exemple que le diagnostic de performance énergétique serve de critère de référence pour rendre obligatoire sans délai l’amélioration thermique des logements en classe G, puis en classe F, en vue de leur mise en location.
Au regard de l’expérience qui est la mienne, je dois dire que cette avancée est très positive. En effet, comme élu d’un territoire rural, je suis confronté régulièrement à des bailleurs indélicats ou à des marchands de sommeil sans scrupules. Leur technique est connue, leur cible est clairement identifiée : les familles fragiles sur le plan social, économique et juridique.
Leur objectif est clair également : investir à moindre coût, réclamer des loyers élevés, se les faire acquitter directement par la CAF en choisissant les locataires éligibles à l’APL. La facture énergétique leur importe peu, puisque c’est le locataire qui en aura la charge. C’est ainsi que se retrouvent sur le marché des passoires thermiques.
Ces pratiques et ces situations sont insupportables : insupportables pour ceux qui les subissent, insupportables pour nous élus des territoires, parce que les textes ne nous permettent pas toujours d’agir efficacement, mais insupportables aussi pour nos concitoyens, puisque les mesures de solidarité s’activent de fait et sont coûteuses, Fonds de solidarité logement, dépenses de santé et j’en passe… Au final : de l’impôt, de l’impôt pour nos concitoyens.
Vous le savez, madame la ministre, la précarité énergétique est une forme d’insécurité – d’insécurité économique. Ses conséquences peuvent aussi être importantes en termes de santé publique. Il est heureux que ce texte s’intéresse à ceux qui la provoquent sans scrupules.
Toujours sur cette thématique, je veux aussi me féliciter de la création des programmes régionaux de l’efficacité énergétique. Il s’agit d’impulser une dynamique de guichet unique, autour des plates-formes territoriales de l’efficacité énergétique.
Par ailleurs, l’article 8 réforme le dispositif des certificats d’économie d’énergie qui seront plus simples, plus efficaces et mieux ciblés. C’est là encore une belle avancée.
Madame la ministre, chers collègues, le chantier qui est devant nous et que nous allons grandement concrétiser par ce débat public est un chantier majeur. Il nous faut agir aujourd’hui pour mieux préparer demain et décider de l’environnement que nous souhaitons léguer à nos enfants.
Il ne s’agit pas de colmater ni de retarder. Non, il nous faut agir et s’il est un domaine pour lequel cela est particulièrement vrai, c’est bien celui de la précarité énergétique. Pour conclure, je vous le redis, comment pourrions-nous prétendre faire oeuvre utile si nous n’étions pas en mesure de concilier efficacité énergétique et efficacité sociale ? Telle est la question qui se pose à nous. Force est de constater que les réponses que nous y apportons sont à la hauteur.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La question est simple : combien ça coûte, quelle est la cohérence et quel est le sens ?
L’autre jour, avec un certain sens du raccourci, vous avez répondu aux travaux de mon collègue socialiste Marc Goua et de moi-même au titre de la commission des finances en disant que notre travail était farfelu.
Un peu !
Déjà, vous atténuez votre propos, madame le ministre… Encore un effort !
Ce n’est pas ainsi qu’on nous qualifie principalement, en général.
Madame le ministre, combien ça coûte ? Ma question reste extrêmement simple.
Ce texte comporte deux dispositions importantes extrêmement inquiétantes. Le plafonnement de la production à 63 gigawatts entraînera, au moment du couplage avec l’EPR de Flamanville, la fermeture de deux réacteurs, à Fessenheim ou ailleurs. Vous vous êtes exprimée sur le lieu, en introduisant quelques modulations par rapport aux propos du Président de la République. Vous refusez de donner une évaluation du coût. Or, il y a, avec la fermeture anticipée d’un ou deux réacteurs, une perte d’opportunité économique qui obligera l’État à indemniser l’opérateur. Celui-ci et ses mandataires sociaux ne seraient pas dans leur rôle, économiquement et pénalement, s’ils ne réclamaient pas cette indemnisation. Vous le savez, vous en convenez en principe tout en refusant de chiffrer, en refusant d’évaluer.
En d’autres termes, vous demandez à la représentation nationale de voter une disposition sans être en aucune manière éclairée ni sur un chiffre précis, ni sur un ordre de grandeur, ni même – ce qui serait un minimum – le mode de raisonnement que vous appliquerez. Rien ! Rien n’est donné comme information à la représentation nationale. C’est inadmissible.
Au-delà, votre texte, quand il prévoit pour la programmation énergétique – conformément aux engagements que vous avez pris avec les Verts pendant la campagne présidentielle – un mix électrique limitant à 50 % la production nucléaire à l’horizon 2025, contraindra aussi la fermeture anticipée de réacteurs. Si la conjoncture est favorable et qu’il y a une bonne croissance économique, ce sera une vingtaine de réacteurs. Si la conjoncture économique est mauvaise et la croissance comparable à celle que nous connaissons aujourd’hui, ce sera plutôt une trentaine de réacteurs.
Ce que nous avons évalué avec Marc Goua, c’est une perte d’opportunité économique, en fonction d’hypothèses médianes sur Fessenheim, de 4 milliards d’euros : 2 milliards par réacteur.
Faites la multiplication par trente ! On peut considérer toutefois que les centrales les plus anciennes soient celles dont la fermeture soit la plus proche – ce qui serait le moins bête –, on est alors un peu en deçà de deux fois trente. Mais pas très en-deçà… Nous sommes dans tous les cas devant un enjeu qui se chiffre en plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Madame le ministre, vous allez demander à la représentation nationale de prendre des décisions qui, avant 2017, auront un coût d’opportunité économique d’au moins 4 milliards d’euros. Et sur les autres coûts, nous arrivons à 5 milliards pour la fermeture de deux réacteurs.
Pas du tout !
Pas du tout, dites-vous, mais donnez des chiffres ! Et en 2025, si je ne peux certifier le chiffre de 60 milliards, le coût se chiffrera de toute façon en dizaines de milliards d’euros. Voilà la responsabilité gravissime que vous prenez devant la représentation nationale et devant le peuple. Vous êtes un peu coûteuse, madame le ministre, vous et la stratégie politique que vous poursuivez.
Averti !
En effet ! Un député socialiste et un député UMP, au titre de la commission des finances – excusez notre impertinence – ont fait un travail sérieux…
Mais vous ne donnez pas de chiffres, monsieur le président. Vous ne donnez pas de chiffres !
Ma question est extrêmement simple, madame la ministre. Vous pouvez dénigrer autant que vous voudrez, la question que je vous pose est simple : qu’il s’agisse du plafonnement à 63 gigawatts ou de la limitation à 50 % en 2025, quelle somme l’État consacrera-t-il à indemniser les opérateurs, alors même que vous reconnaissez la nécessité d’une telle indemnisation au plan juridique ?
Nous nous trouvons dans une configuration comparable à celle d’une nationalisation. Une indemnisation est indispensable. Pensez-vous que l’on puisse, d’un point de vue constitutionnel, engager la représentation nationale, sans qu’elle ait ni dans l’étude d’impact, ni dans vos propos, le début du commencement d’un éclaircissement sur le montant ?
Nos chiffres, madame le ministre, monsieur le président, vous en dites ce que vous voulez. Vous avez évidemment le droit, et à quelques égards la responsabilité de les critiquer : ce débat n’aura d’intérêt qui si vous-mêmes vous engagez et vous exprimez sur un chiffrage. Ce que vous ne faites pas : il n’y a de votre part aucun chiffre, aucune méthode, alors même que ce sont des milliards et même des dizaines de milliards que le contribuable va devoir payer à cause de votre stratégie.
Voilà, madame le ministre, une politique coûteuse, ruineuse pour notre pays.
Quant au président de la commission spéciale, qui nous a habitués à davantage de clairvoyance et de rigueur intellectuelle, je regrette qu’un esprit à ce point partisan et la volonté de satisfaire des accords électoraux ruineux pour le pays…
Mais non !
… le dispensent de se montrer un peu plus exigeant quand il s’agit de gaspiller des milliards sans justification environnementale, sans justification économique, sans justification sociale et avec – je le redis – un coût ruineux pour les finances publiques.
Le jour où ces sommes seront à payer, madame le ministre, vous ne serez peut-être plus ministre de l’écologie, mais vous mesurerez sur quel chemin ruineux vous avez engagé la nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Qui a ouvert le capital d’EDF ? Qui a bradé EDF ? Vos propos sont scandaleux
La parole est à M. Jean-Marie Tetart et à lui seul, monsieur le président de la commission spéciale.
Nous sommes tous conscients de la nécessité de réduire les émissions carbonées et les émissions de micro-polluants. Nous sommes bien sûr aussi conscients de devoir anticiper la raréfaction des énergies fossiles. Nous avons conscience de l’importance des énergies renouvelables.
Cela méritait bien un grand débat, une « grande co-construction » comme vous aimez à le dire. Mais la co-construction est-elle compatible avec la procédure accélérée et le temps programmé ? La co-construction se résume-t-elle à une accumulation d’amendements du Gouvernement, que, je pense, nous découvrirons au cours des heures qui viennent ?
Dans ces conditions, cette co-construction aboutira à un texte qui, bien certainement, connaîtra le même sort que beaucoup d’autres. Il sera sans doute étrillé par le Sénat, il ne bénéficiera pas des mêmes indulgences ni des mêmes arbitrages de la commission mixte paritaire qui sera rééquilibrée. Pour ce qui en restera, une fois de plus, la loi promulguée sera remise en question, au nom du principe de réalisme que le Premier ministre a déjà appliqué à la loi ALUR.
Cela étant dit, je mettrai l’accent sur deux points de votre projet de loi. Tout d’abord, le caractère irréaliste des injonctions et du calendrier que vous proposez pour traduire votre volontarisme en échéances, qu’il s’agisse d’assurer le mix énergétique, la soumission des logements à des normes exigeantes d’isolation, le renouvellement du parc automobile ou l’équipement de la France en réseaux de ravitaillement adaptés. Je passe sur l’ensemble des échéances ainsi fixées.
Ces injonctions vont jusqu’à l’interdiction des sacs en plastique, que j’approuve par ailleurs. Nous pouvons partager ces objectifs, mais pourquoi fixer des échéances impératives sans que l’étude d’impact en justifie la pertinence ?
En fait, on a l’impression qu’il y a davantage l’affirmation, par des dates imposées, d’un volontarisme politique qu’il faut sans doute avoir, mais celui-ci n’est pas étayé par des vérifications ni par une discussion suffisante avec les filières industrielles pour savoir si elles sont capables de répondre de manière adaptée et sans se mettre en danger aux échéances ainsi fixées.
Je voudrais insister sur un deuxième point : celui de la responsabilisation des territoires dans cette nécessaire transition énergétique. Comme mon collègue Laurent, tout à l’heure, je souhaite que la gestion globale de la plus grande partie de la production énergétique, le transport de l’énergie, la régulation de ses usages, restent centralisés.
En revanche, la production d’énergies dites alternatives, qu’il s’agisse de l’éolien, du solaire, de la méthanisation, ne peut être organisée que localement. Certes, tous les Français sont favorables au principe de l’émergence de ces nouvelles formes d’énergie, mais ils témoignent, là comme ailleurs, d’une attitude NIMB, not in my backyard. Je le constate dans nos territoires : dès lors qu’un projet émerge, pour un équipement éolien ou de méthanisation, en principe tout le monde est d’accord, mais aucun village n’en veut chez lui.
Je pense donc que c’est aux territoires d’organiser la négociation locale afin de permettre l’émergence de ces unités de production d’énergies alternatives.
Ceci, à mon avis, ne peut se faire qu’en confiant aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération la responsabilité de la définition de contrats territoriaux de transition énergétique, lesquels doivent s’appuyer sur des coefficients territoriaux de transition énergétique mesurant le rapport entre la production alternative produite et la consommation d’énergie globale sur un même territoire.
Ce n’est qu’en responsabilisant et en fixant une évolution ainsi qu’une échéance donnée, négociée territorialement, quant à l’évolution de ce coefficient que l’on pourra laisser aux acteurs locaux – agriculteurs, acteurs économiques, populations, associations et élus – le soin de débattre ensemble de la priorité à accorder à l’économie d’énergie dans les bâtiments publics, les habitations, les bâtiments tertiaires, à la production locale d’énergies alternatives ou aux deux à la fois puisque, s’agissant d’un rapport, il est possible d’agir et sur le nominateur et sur le dénominateur.
C’est donc en toute responsabilité que les territoires pourraient fixer l’évolution d’un tel rapport et s’engager par le biais de contrats avec l’État sur l’objectif à atteindre à partir d’une négociation locale et à un horizon donné.
Voilà une critique forte s’agissant des échéances que vous fixez quant aux objectifs à atteindre et une suggestion que j’encourage à étudier quoique, dans le cadre de la procédure accélérée, le temps du débat sera tel qu’il faudra sans doute renvoyer cela au Sénat, ce que je m’empresserai de faire dès demain parce qu’une seule lecture ne permettra pas, ici, d’aborder intégralement les questions qui se posent.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui répond à un enjeu crucial pour la planète et pour notre pays.
En effet, face au dérèglement climatique, ce texte constitue la première étape du changement de modèle de développement voulu par le Président de la République et engagé aujourd’hui par le Gouvernement et par vous-même, madame la ministre.
La France se doit en effet d’être exemplaire car c’est à Paris que se tiendra en 2015 la Conférence Climat « COP 21 ».
Pour réussir cette échéance internationale, nous devons à la fois être une référence et aboutir, d’ici là, à rassembler nos partenaires de l’Union européenne autour d’objectifs et de propositions communes. Grâce à ce texte, c’est ce que nous ferons, madame la ministre.
Parce qu’il s’agit d’un défi majeur pour notre pays, je voudrais revenir sur trois points qui, pour la majorité, sont autant de marqueurs.
La précarité énergétique tout d’abord.
La lutte contre la précarité énergétique constitue l’un des piliers de ce texte, ce qui implique une action résolue pour augmenter le pouvoir d’achat et réduire les inégalités grâce à une série de dispositifs qu’a rappelés notre collègue co-rapporteure Sabine Buis mercredi dernier.
Ces mesures s’ajoutent à celles déjà prises depuis juin 2012 – elles sont trop souvent méconnues – comme l’élargissement du nombre des bénéficiaires des tarifs sociaux de l’énergie, passés de 1,2 à 4 millions de ménages, soit, 8 millions de personnes, ainsi que l’instauration de la trêve hivernale, c’est à dire, l’interdiction des coupures de gaz et d’électricité entre le 1er novembre et le 15 mars.
Ensuite, le rôle des collectivités locales, qui est déterminant dans cette formidable mutation.
Dès aujourd’hui, ce sont nos collectivités et nos territoires qui prennent des initiatives, qui lancent des expérimentations et qui, de fait, engagent une dynamique que la loi ne va cesser d’amplifier et d’accélérer.
En donnant l’initiative aux élus, aux citoyens et aux territoires, c’est une mise en mouvement de toute la société que nous voulons pour changer de modèle.
Qu’il s’agisse du développement des énergies renouvelables, de la rénovation thermique des bâtiments, des incitations à faire évoluer nos réseaux de transports publics vers une énergie propre ou de développer les véhicules électriques, les collectivités seront un formidable accélérateur de l’évolution du modèle de développement que nous voulons en mobilisant sur le terrain les forces vives de notre pays.
On le voit aujourd’hui avec les bornes électriques dont le déploiement est très rapide depuis le vote de la proposition de loi portée par notre collègue Frédérique Massat puisque l’objectif de 7 millions de bornes inscrit dans la loi ne semble plus inaccessible, contrairement à ce que certains avaient voulu prétendre il y a quelque temps encore.
Enfin, le troisième point – c’est un marqueur de ce texte pour la majorité et pas le moindre car c’est pour nous une question de principe – consiste à préserver le caractère public de la production d’hydroélectricité…
…mais aussi de la maintenance et de la sous-traitance de nos centrales.
S’agissant plus particulièrement de l’hydroélectricité, le texte répond aux questions posées depuis plusieurs années par ce secteur en mettant en place des outils qui permettent d’apporter des solutions adaptées aux différentes vallées en respectant leurs spécificités.
Les dispositions du projet de loi assurent la maîtrise publique de ce formidable outil qu’est pour nous et notre pays l’hydroélectricité tout en assurant – c’est un point important – l’égalité de traitement de tous les opérateurs. Issues d’un lourd et long travail mené avec acharnement par notre collègue Marie-Noëlle Battistel, aujourd’hui co-rapporteure du texte, elles constituent également une victoire pour la majorité, je tenais à le dire ici.
Chers collègues, nous devons relever le défi qui est devant nous parce que nous avons beaucoup tardé et que nous avons aujourd’hui la responsabilité de construire un nouveau modèle qui ne met pas en péril la planète, ses ressources et ses habitants.
Alors, comme nous y a invités François Brottes, président de la commission spéciale, allons-y tous ensemble et rassemblons-nous autour de cette loi de mobilisation générale pour la planète !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la ministre, le texte que nous examinons présente deux axes forts, mais, hélas incompatibles.
Le premier – la nécessité d’économiser l’énergie et de réduire l’usage des énergies fossiles – peut convenir à tout le monde.
Ainsi proposez-vous de « décarboner » les transports en promouvant le véhicule électrique. Vous avez raison.
Ainsi proposez-vous également d’améliorer l’isolation des bâtiments. Là encore, vous avez raison. Fallait-il toutefois aller jusqu’à l’obligation de travaux ? Non. Hormis cette remarque, tout cet ensemble de propositions est cohérent.
L’autre axe dominant ce texte est cette idée irrationnelle, passionnelle même, visant à réduire la part de l’électricité d’origine nucléaire à 50 % de notre production.
Cette proposition est insensée car incompatible avec la volonté de diminuer la production de gaz à effet de serre, avec l’objectif de maintien de notre compétitivité et de préservation du pouvoir d’achat des ménages.
Même en quinze ans, on ne peut simultanément réduire le nucléaire et la production de C02.
Pour vous en convaincre, observez l’exemple allemand.
Alors qu’avec une puissance nucléaire installée de 63 gigawatts la France produit 75 % de son électricité, avec une puissance installée – éolien et photovoltaïque – de 60 gigawatts, l’Allemagne en produit 13 % seulement.
Les Allemands n’ont pas le choix, ils doivent faire l’appoint avec des centrales thermiques.
Résultat : aujourd’hui, ils produisent en moyenne cinq fois plus de C02 par kilowattheure produit que nous.
En d’autres termes, si vous baissez le nucléaire dans les proportions annoncées, vous aussi devrez faire comme nos voisins et recourir à l’énergie fossile car le renouvelable ne suffira pas.
Ah, cette Merkel ! Quel boulet, votre copine, celle-là même qui soutenait Sarko !
Rappelons, au passage, qu’une centrale thermique c’est 300 000 tonnes de cendres par an, 8 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère et 400 tonnes de métaux lourds, dont 5 tonnes environ d’uranium contenant 35 kg d’uranium 235 qui sont répandus dans la nature.
Une autre désillusion vous attend.
Vous allez devoir créer des installations éoliennes en grande quantité. Je vous souhaite bonne chance. Gageons que vous épuiserez assez rapidement les joies de la démocratie participative !
Enfin, il faudrait répondre clairement, dès aujourd’hui, à la question suivante.
Si vous diminuez la production nucléaire du tiers, allez-vous démanteler le tiers des centrales ou bien les garderez-vous toutes en réduisant d’un tiers la production annuelle de chacune ?
Si vous choisissez la première option, il faudra prévoir un budget de deux milliards par réacteur, M. Mariton vient de le dire. Si vous choisissez la seconde, vous maintiendrez le risque nucléaire – tel, en tout cas, que le conçoivent les écologistes – au même niveau ainsi que les frais fixes.
Le prix de revient unitaire de l’électricité nucléaire augmentera donc, augmentation qui viendra s’ajouter à celle, très élevée, de la contribution au service public de l’électricité – CSPE – induite par le développement du photovoltaïque et de l’éolien. Les consommateurs paieront et le chèque énergie n’y suffira pas.
Bref, convenez-en madame la ministre, il faudra choisir entre la peste ou le choléra.
Parce que, dans l’enthousiasme d’une campagne, le chiffre magique de 50 % a été prononcé, on s’apprête à démanteler une filière d’excellence, dynamique, exportatrice, participant à notre compétitivité industrielle alors qu’il faudrait, au contraire, engager cette filière dans une démarche de recherche et développement en matière de sécurité, de nouveaux process, de nouvelles technologies.
Et tout cela pour satisfaire un encombrant allié politique qui semble ne pas se contenter d’avoir mis à genoux la filière du bâtiment avec sa loi ALUR !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La France ne peut se permettre une telle fantaisie, pas plus qu’elle ne peut renoncer, en matière énergétique, au principe de subsidiarité.
Envisager une politique européenne de l’énergie revient à nous aligner sur le modèle allemand.
On comprend que les écologistes en rêvent mais on ne saurait l’accepter : notre politique énergétique doit rester nationale. Je n’espérais pas vous satisfaire, mesdames et messieurs les écologistes !
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quel doit être notre objectif de législateur en matière de transition énergétique ? Telle est la question.
Il consiste, à mon sens, à établir à partir de notre mix énergétique actuel une politique qui réponde à deux préoccupations essentielles : d’une part, la maximisation de la compétitivité de notre économie et, d’autre part, la préservation du modèle économique français garantissant une énergie à faible coût, socialement acceptable tout en respectant nos engagements environnementaux internationaux.
Sur la base de ces principes, il s’agit plus de réfléchir à une stratégie énergétique pour les décennies à venir que de fixer des seuils idéologiques de réduction de la consommation d’énergie ou des objectifs qui reprennent les engagements de campagne de M. Hollande.
En effet, ce sont des actes que nous attendons et, notamment, des précisions sur les moyens juridiques ou financiers relatifs aux engagements inscrits dans ce projet de loi.
L’exemple de la réduction à 50 % de la part du nucléaire à l’horizon 2025 est le plus significatif de l’état d’esprit avec lequel ce texte a été abordé.
Notre objectif est de rendre notre modèle énergétique plus compétitif, et non d’engager des dépenses que nous ne pourrons pas tenir.
Je tiens également à appeler votre attention sur les problèmes que rencontrent des secteurs comme celui de l’éolien et du photovoltaïque. Lorsqu’il vente, il vente sur l’ensemble de notre territoire, et lorsqu’il fait soleil, il fait soleil sur l’ensemble de notre territoire, ce qui crée des surtensions sur notre réseau, qu’il faut gérer. Bien souvent, nous avons de forts à-coups de production électrique à un moment où la consommation est faible, mais lorsque nous avons besoin d’énergie et que le vent ou le soleil fait défaut, l’énergie n’est pas au rendez-vous…
Je regrette que seule soit évoquée la transition électrique, sans référence aux énergies fossiles, ni à l’arbitrage entre nucléaire et émissions de gaz à effet de serre. Aucune référence n’est faite, dans le projet de loi, au pétrole, ni au gaz de schiste ; et rien n’est dit non plus sur le logement, qui constitue pourtant le premier poste de dépenses énergétiques, ni sur la politique des transports !
Dans un esprit constructif, madame la ministre, je souhaiterais à présent appeler votre attention sur deux points particuliers.
Le premier concerne le chapitre II du titre VII, relatif à la régulation de la tarification des marchés de l’électricité et du gaz, et porte sur la place d’Électricité-Réseau-Distribution-France, ERDF, dans le nouveau système. Le projet de loi prévoit une évolution du tarif d’utilisation du réseau public d’énergie. Par ailleurs, les dispositions des articles 39 et 42 permettent à la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, d’élargir ses prérogatives dans le choix de la méthode de rémunération des gestionnaires de réseau de distribution d’électricité.
Il importe donc que ce texte définisse un cadre tarifaire stable, lisible et incitatif, à un moment où la diversification des sources de production exige des investissements croissants dans le réseau de distribution. En tant que gestionnaire du réseau de distribution électrique national, ERDF assure le raccordement de tous, ainsi que la qualité et la sûreté de la distribution. ERDF est responsable du bon fonctionnement d’un réseau auquel se raccordent aujourd’hui 95 % des énergies renouvelables, et de la bonne qualité de la desserte sur 35 millions de sites. Le réseau électrique, qui couvre l’ensemble du territoire, est donc indissociable du processus de transition énergétique ; il est l’un des lieux physiques importants de cette transition. ERDF doit donc être le garant des investissements qui faciliteront la transition énergétique – investissements qui devront naturellement se réaliser en toute transparence.
Par ailleurs, l’article 56 fixe comme objectif l’engagement de deux cents expérimentations de territoires à énergie positive, ou TEPOS, d’ici à 2017. Il importe que ERDF accompagne la dynamique des TEPOS, tout en préservant la solidarité entre les territoires, l’objectif étant de faire bénéficier l’ensemble des collectivités du foisonnement des ressources, plutôt que de viser l’autonomie énergétique locale. La production électrique doit s’intégrer dans l’optimisation nationale de l’équilibre entre production et consommation, gage de la solidarité nationale et support de la péréquation tarifaire. Les TEPOS devront être raccordés à un réseau public de distribution d’électricité pour bénéficier de la sécurité d’alimentation et de la qualité du courant distribué.
Mon second point porte sur le développement des véhicules électriques. Ce type de véhicule offre de multiples avantages, et pas seulement en termes de qualité de l’air et de pouvoir d’achat. En effet, le véhicule électrique est une opportunité substantielle de développement de la filière industrielle française, avec des répercussions importantes en termes de croissance et d’emploi. La France est aujourd’hui pionnière en la matière, même si le volume des ventes reste encore très faible, du fait de la persistance de blocages psychologiques. Je me réjouis donc que des dispositions de ce texte prévoient, conformément à la récente directive européenne, le déploiement des bornes de recharges pour ces véhicules.
La généralisation de l’obligation d’équipement des bâtiments neufs, également prévue par ce texte, devrait elle aussi contribuer à encourager l’acquisition de ces véhicules. J’aurai d’ailleurs l’occasion de défendre plusieurs amendements visant à préciser la notion et les modalités de précâblage des immeubles et à accélérer le calendrier de mise en oeuvre de cette mesure.
L’objectif de 7 millions de points de charge à l’horizon 2030 sera atteint, non seulement grâce à l’équipement des particuliers et des collectivités, mais également, et en grande partie, grâce à l’acquisition de véhicules par les entreprises. Il serait donc intéressant de prévoir également une forme d’incitation financière à destination des professionnels, et notamment des petites structures. Je pense par exemple à l’idée d’un taux réduit de TVA sur les installations de recharge, ou encore à la mise en place d’un programme de certificats d’économies d’énergie destiné à accompagner l’équipement des entreprises.
Je tiens également à souligner l’importance de la communication et de la pédagogie dans la mise en oeuvre des mesures de développement du véhicule électrique. En effet, de récentes études montrent qu’en dépit de son image positive, le véhicule électrique souffre encore d’une méconnaissance qui lui porte aujourd’hui préjudice. Il conviendrait, pour y remédier, de lancer des campagnes de communication sur les caractéristiques, les avantages et les aides aux véhicules électriques, afin d’inciter les Français à se tourner vers ce type de véhicule.
Enfin, la mise en place d’un réseau national de bornes de recharge rapide, complémentaire de celui des réseaux urbains et périurbains, constituerait une avancée non négligeable pour les automobilistes, qui pourraient ainsi rouler sur le réseau national sans crainte de tomber en panne. Cette mesure fait partie des trente-quatre plans pour la Nouvelle France Industrielle. Il serait opportun que ce dispositif voie le jour rapidement, afin que le véhicule électrique devienne le véhicule principal des ménages français. Les dispositifs d’aide à l’acquisition des véhicules, tels que les primes à la conversion et les crédits d’impôt, devront également être renforcés ; nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion du projet de loi de finances.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je tiens d’abord à remercier les trente-trois orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale et qui se sont exprimés sur le sujet majeur qu’est la transition énergétique pour la croissance verte.
Le hasard a voulu, et j’en suis heureuse, que nous nous exprimions aujourd’hui devant la nouvelle génération, puisque des écoliers sont présents dans les tribunes. Je leur souhaite la bienvenue, car c’est pour les plus jeunes que nous travaillons aujourd’hui. Quelle planète allons-nous leur laisser, à eux et à leurs enfants ? C’est eux qui vivront demain dans le nouveau modèle énergétique français dont nous sommes en train de débattre.
Comment pourront-ils être davantage citoyens de leur consommation énergétique, davantage citoyens d’un pays plus responsable de sa production énergétique, et davantage engagés ? Nous allons prendre des décisions à l’échéance de 2030 ou 2050 : c’est donc vraiment pour ces jeunes générations que nous travaillons, et cela fait honneur au Parlement.
Mais nous cherchons également à agir de manière immédiate, et je veux insister sur ce point : ce texte cherche à inventer de façon concrète le futur proche et lointain, mais il vise aussi à nous donner les moyens d’agir immédiatement, en suivant notamment l’exemple de territoires qui ont pris de l’avance, d’entreprises qui ont anticipé cette transition énergétique, ou de citoyens qui sont déjà engagés dans cette voie. C’est l’honneur du Parlement, et c’est une façon citoyenne de débattre, que de chercher, par un texte intelligent, à généraliser de bonnes pratiques au plan national. C’est déjà le cas, par exemple, du concept de territoire à énergie positive, que plusieurs régions ont déjà adopté.
Je voudrais remercier les députés de la majorité pour leur soutien, et en particulier les membres de la commission spéciale, dont les rapporteurs, ici présents, ont fait un travail remarquable, sous la houlette du président François Brottes. Nous avons très bien travaillé ensemble.
L’opposition a également contribué à nos travaux. Certains de ses amendements ont été adoptés par la commission spéciale…
…et d’autres recevront également un avis favorable du Gouvernement au cours du débat.
Il importe de souligner cet esprit de co-construction et d’écoute mutuelle, que nous avons recherché, sur un sujet, qui, tout en étant difficile et parfois très technique, est aussi porteur de valeurs fondamentales. Ces valeurs, ces grands principes, ce sont l’indépendance énergétique, la montée en puissance d’énergies moins polluantes et la conception d’une citoyenneté mondiale, en lien avec la maîtrise du réchauffement climatique. La France a donné l’exemple en prenant l’engagement, sur la scène internationale, de limiter à deux degrés le réchauffement climatique à la fin de ce siècle. C’est absolument nécessaire, si nous ne voulons pas faire subir aux générations qui viennent des désastres et des catastrophes climatiques.
Ce projet de loi est aussi un moyen de créer de l’emploi, et c’est bien l’ambition première de ce texte : il s’agit, à travers la transition énergétique, de déclencher la croissance verte. Il s’agit de faire de ce qui constitue un défi, une alerte et un risque, une chance à saisir pour changer notre modèle de développement économique, et surtout pour créer des emplois liés à la croissance verte, et en tout premier lieu dans le domaine du logement, des travaux publics et du bâtiment.
Il faut que les débats, qui ont été de qualité en commission spéciale, se poursuivent de la même manière en séance publique, car ce texte, n’est pas un texte comme les autres.
C’est la première fois que le Parlement est invité à débattre de l’avenir énergétique du pays.
Je ne peux donc qu’inviter les parlementaires de l’opposition à rejoindre le mouvement et à ne pas rester en marge d’une transition énergétique à laquelle les Français adhèrent déjà, puisque 75 % des chefs d’entreprise disent croire dans la transition énergétique et attendre avec impatience, non seulement le dispositif législatif, mais aussi les mesures d’accompagnement qui sont prévues. Chacun d’entre vous a pu, quelle que soit son étiquette politique, mesurer dans sa circonscription combien ce texte est attendu, par les artisans, par les PME, par les collectivités territoriales et par les citoyens. Ces derniers sont 65 % à dire adhérer à la transition énergétique et aux énergies renouvelables. Ils ont compris le cercle vertueux qui est sous-tendu par cette oeuvre législative et par les mesures concrètes qui l’accompagnent, à savoir : des logements bien isolés, une facture allégée et la planète préservée.
Plusieurs d’entre vous ont posé des questions précises qui vont, pour la plupart, faire l’objet d’amendements. Je vous propose donc de répondre concrètement à ces questions à l’occasion de la discussion des amendements. Je me limiterai ici à rappeler l’esprit d’un texte qui mérite mieux que certaines des caricatures qui en ont été faites. La dynamique démocratique m’invite à répondre prioritairement à ce qu’en a dit l’opposition : j’ai entendu tantôt que ce texte allait trop vite, tantôt qu’il était trop lent ; tantôt qu’il était trop ambitieux, tantôt qu’il ne l’était pas assez… Ce qui m’a frappé, c’est que les critiques qui ont été faites, dont certaines, du reste, sont tout à fait respectables, n’étaient que rarement, et pour ainsi dire jamais, accompagnées de propositions alternatives pour redéfinir notre modèle énergétique.
Certains ont posé très légitimement la question du coût de ce projet, mais ce qui coûterait terriblement à la France, ce serait le statu quo…
…ce serait de ne rien faire, en laissant croire au pays que tout peut continuer comme avant ; ce serait de ne pas donner aux filières industrielles du futur la chance de se développer, et de perdre ainsi des marchés considérables, au plan international, dans le secteur des énergies renouvelables, qui est en train de se développer à toute vitesse. Certains pays, concurrents de la France, commencent à se positionner de façon puissante. J’en veux pour preuve ce que j’ai entendu à New York, à l’occasion du sommet sur le climat : Barak Obama a poussé les entreprises américaines à investir puissamment et rapidement le secteur considérable des nouvelles technologies, des industries renouvelables, des transports propres et des compteurs intelligents.
Et nous, Français, nous devrions rester l’arme au pied, immobiles, sous prétexte que nous avons l’industrie nucléaire ? Ce serait gravissime pour notre pays et pour nos entreprises, car qui n’avance pas recule. Le choix de ce texte, c’est d’avancer, et d’avancer vers un futur qui nous permette de déployer nos savoir-faire, de créer des activités et des emplois dans nos grands groupes, comme dans nos entreprises de petite et de moyenne taille, ainsi que chez nos artisans, et en particulier ceux du bâtiment. Le choix que fait ce texte, c’est d’anticiper et de ne pas subir.
Il y a quarante ans, nous avons engagé le programme nucléaire en réaction au choc pétrolier. C’est à ce moment également que fut créée l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Aujourd’hui, nous devons faire face au choc climatique, d’une bien plus grande ampleur, ainsi qu’au choc de l’indépendance énergétique et à la préoccupation de la sécurité nucléaire. Ce sont des questions mondiales qui se posent : le nucléaire requiert aussi des importations d’uranium.
Et n’oublions pas que le nucléaire – vous feignez de ne pas y penser – pose aussi le grave problème de la gestion des déchets nucléaires et des déchets radioactifs que nous laisserons aux générations futures.
Toute énergie a ses avantages et ses inconvénients. Le choix fait dans ce texte est courageux, car il n’oppose pas les énergies les unes aux autres. Il faut le souligner pour éviter toutes les caricatures qui ont été faites.
Ce texte ne concerne pas que l’électricité, comme on l’a entendu. Au contraire, il concerne tous les aspects de la vie : la construction, la façon d’habiter, de se déplacer et de consommer.
Ce projet rend au nucléaire sa juste place dans notre mix énergétique : un moyen sécurisé de couverture de notre consommation de base. Je n’entrerai pas dans des querelles sur la question énergétique. Il s’agit d’une industrie de notre pays, qui a créé notre identité. Elle fait partie de notre identité énergétique, avec la qualité des salariés, des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers qui y travaillent. C’est une industrie qui constitue la base de notre modèle énergétique et qui le restera. Il faut désormais lui donner sa juste place afin de diversifier notre mix énergétique, c’est une question d’intérêt national, d’intérêt général, de visibilité et de clairvoyance sur les enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Ce texte s’accompagne de moyens et d’actions concrètes qui permettront aux Français de constater son incidence positive sur leur vie quotidienne. J’ai eu l’occasion de le dire devant la commission spéciale et je le répéterai lors de nos débats : ce texte ne se suffit pas à lui-même. Il représente déjà un travail législatif considérable, mais il n’a de sens que parce qu’il est accompagné des moyens de son financement et de la dynamique d’engagement des collectivités territoriales dont témoigne le partenariat avec les régions et les communautés de communes, et l’ensemble des collectivités territoriales qui se mettent en mouvement. J’en veux pour preuve que le président actuel de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, a été le premier à signer l’emprunt de 5 milliards d’euros accordé par la Caisse des dépôts et consignations et que j’ai mis en place afin que les collectivités locales passent très rapidement les commandes aux entreprises du bâtiment et des travaux publics afin de les faire profiter de la transition énergétique.
Les Français attendent de ce texte qu’il améliore leur vie quotidienne, qu’il leur permette de récupérer du pouvoir d’achat, de réduire la facture industrielle. Mais surtout, ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la structuration de puissantes filières industrielles fondées sur la croissance verte, porteuses d’avenir. Je veux que la France soit la nation de l’excellence environnementale et de l’excellence industrielle, qu’elle montre le chemin et qu’elle puisse conquérir les marchés internationaux afin de se déployer économiquement sur l’ensemble des activités et des emplois.
La France investit fortement pour accompagner cette transition énergétique, ainsi que le prouvent les trente-quatre plans industriels du futur, dont onze concernent directement la transition énergétique, le stockage de l’énergie, les transports propres, les énergies renouvelables, les compteurs intelligents, entre autres domaines. La France peut devenir un modèle pour définir ce que les pays européens pourront mettre en commun en termes de recherches et de filières d’investissement. Le stockage de l’énergie, en particulier, va constituer la prochaine révolution énergétique, dès lors que les pays européens auront été capables d’unir leurs moyens de recherche pour être les premiers à se positionner au niveau mondial sur cette question majeure.
La majorité d’aujourd’hui a su, lorsqu’elle était dans l’opposition, reconnaître les avancées proposées par le précédent gouvernement, à l’abri de tout sectarisme.
Elle s’était associée positivement au Grenelle de l’environnement porté par Jean-Louis Borloo. Aujourd’hui, le Gouvernement entre dans ce débat sans esprit partisan. Il l’a prouvé lors des discussions devant la commission spéciale.
Toutes les initiatives constructives ont été les bienvenues et continueront de l’être quelle que soit l’étiquette politique des parlementaires desquelles elles émaneront.
C’est la raison pour laquelle je me réjouis de la discussion qui commence. J’ai la conviction de contribuer, avec vous tous, à l’une de ces oeuvres majeures qui feront date dans l’histoire de notre politique énergétique, mais aussi de notre citoyenneté.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Nous proposons tout simplement de modifier le titre, en utilisant l’expression « stratégie énergétique » plutôt que « transition énergétique ».
Nous faisons presque cette proposition afin de vous rendre service, madame la ministre, parce qu’elle introduit un peu de souplesse dans l’idée générique qui prévaut dans ce texte. Vous venez de dire que ce texte était courageux, c’est sans doute vrai, à l’instar de beaucoup d’autres textes, mais nous lui reprochons d’afficher des objectifs qui nous semblent inatteignables.
Je tiens en main un fascicule que nous venons de recevoir : « L’éolien dans la transition énergétique : la parole aux élus régionaux ». Vous en avez rédigé la préface, madame la ministre, et nous tous les présidents de régions y donnent leurs pronostics pour les vingt ans à venir. Nous passerions ainsi d’une puissance installée de 9 gigawatts à 30 gigawatts. Or votre projet ne prévoit pas de tripler ou de quadrupler la capacité éolienne mais de la multiplier par huit. Alors que ces présidents de régions sont loin de vous être hostiles, on note déjà qu’il manque la moitié entre le potentiel espéré et le potentiel affiché dans ce texte. Et nous nous plaçons dans l’hypothèse où tout se réalise comme prévu, mais je doute que cela soit le cas.
Permettez-moi de vous faire une petite carte postale pour illustrer mon propos. Je suis député du Lunévillois, territoire que vous connaissez bien. Dans le secteur du Bayonnais – que vous connaissez encore mieux – il y avait un projet d’implantation d’éoliennes, soutenu par les élus. Ce projet recevait l’assentiment général, y compris du député, mais il a été rejeté. Une batterie d’opposants s’est levée : les protecteurs des chauves-souris, du paysage, de l’agriculture, et ainsi de suite. Chacun s’y est mis. Et le chef de file, celui qui dirigeait l’offensive était le maire d’une commune ne comptant que quelques habitants ! Il a gagné, le projet est abandonné. C’est pour cela que je vous disais tout à l’heure que la démocratie participative n’allait pas être simple : je savais de quoi je parlais, madame la ministre.
Aux arguments pratiques qui ont été évoqués par mon collègue, je souhaiterais ajouter des éléments de sémantique. Nous pensons que le terme de transition énergétique est mal choisi car nous ne sommes pas d’accord sur le sens que nous donnons à cette transition énergétique.
Si l’on s’intéresse aux travaux académiques, il apparaît que certains désignent par ce terme la baisse à venir de l’approvisionnement en pétrole et en gaz et, de manière plus générale, l’évolution vers une économie décarbonée. D’autres désignent par ce terme le fait d’un remplacement souhaité du nucléaire par autre chose. Les significations en termes d’objectifs, de moyens ou de conséquences si cette transition devait advenir ne sont pas les mêmes.
Dans le petit Larousse, la transition est définie comme « le fait de passer d’un état à un autre ». En d’autres termes, nous ne sommes pas d’accord sur les états qu’il convient de cibler par ce terme, et peut-être pourrez-vous préciser dans votre réponse la signification que vous donnez à la transition énergétique : s’agit-il de décarboner l’économie ou de sortir du nucléaire ? Nous vous avons démontré lors de la discussion générale que la volonté de l’Allemagne de sortir du nucléaire a eu pour effet de recarboner son économie, ce qui prouve qu’il ne s’agit pas simplement d’un problème théorique, mais bien d’un problème concret.
Passer d’un état à un autre, comme le signifie le terme de « transition » signifierait que certains sont convaincus que l’état actuel du mix énergétique français est mauvais. Comme votre texte porte principalement sur l’électrique, c’est une forme de critique du nucléaire. Or dans l’état d’incertitude technologique où nous nous trouvons et compte tenu de l’horizon que vous nous donnez, il n’est pas certain qu’en 2025 la France ait besoin de se trouver dans une situation où le nucléaire devrait représenter 50 % ou moins de la production électrique.
Par conséquent, nous préférons le terme de stratégie énergétique qui, toujours selon le petit Larousse, signifie l’art de coordonner des actions, de manoeuvrer habilement pour atteindre un but. Ainsi, en parlant de stratégie énergétique, nous gardons un spectre d’instruments. L’objectif est pour nous clair : il s’agit de décarboner l’économie. Il s’agit donc bien d’un objectif, contrairement à sortir du nucléaire qui est un moyen – et parfois même une idéologie.
C’est pour cela que nous préférons le terme de stratégie énergétique. Il exprime l’idée qu’en réalité, nous n’allons pas d’un point A à un point B. Vous le savez, madame la ministre, puisque vous êtes une spécialiste de ce secteur : la transition énergétique est permanente, nous sommes tout le temps en transition énergétique. Il vaudrait donc mieux parler d’une stratégie qui devra s’améliorer au fil du temps, voire se réorienter si des ruptures technologiques devaient nous y contraindre.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques.
Par ces amendements, il est proposé de supprimer la référence à la transition énergétique au profit des termes : « stratégie énergétique ». Il s’agit pourtant bien là du projet de loi relatif à la transition énergétique et, au-delà, de l’impulsion politique que nous souhaitons donner, nous sommes bien à l’aube d’une nouvelle ère qui nécessite une mutation de notre modèle énergétique. C’est donc bien d’une transition dont nous voulons parler et, pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
Ces amendements sont satisfaits. L’article 48 du projet de loi mentionne la stratégie bas-carbone. Elle est donc bien intégrée au texte. La programmation pluriannuelle de l’énergie est une trajectoire, c’est un outil de cette stratégie. Cette stratégie fait partie d’une transition énergétique, c’est-à-dire un changement de modèle.
Je rappelle que dans cet article premier, il s’agit de fixer les grands objectifs de la politique énergétique : la préservation de la santé et de l’environnement, la croissance verte, la sécurité d’approvisionnement, le coût compétitif, la cohésion sociale et territoriale, la lutte contre la précarité énergétique ainsi que la mise en place d’une politique énergétique européenne. C’est bien autour de ces grands objectifs que s’articule l’ensemble de ce nouveau modèle énergétique.
Cet article premier donne un horizon stable pour agir dès maintenant en inscrivant dans la loi les engagements que nous devrons tenir grâce à cette programmation pluriannuelle de l’énergie et cette stratégie bas-carbone. Ce mot auquel vous tenez beaucoup est donc déjà inscrit dans le projet de loi.
Nos engagements sont de réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et de les diviser par quatre d’ici à 2050 par rapport à la référence de 1990. Il s’agit ensuite de réduire de moitié la consommation d’énergie à l’horizon 2050 par rapport à 2012. Je proposerai d’ailleurs un amendement pour fixer un objectif intermédiaire afin que les Français comprennent bien que d’ici à 2050, il va falloir faire un effort très important pour atteindre 20 % d’ici 2030. Enfin, il s’agit de stabiliser le potentiel nucléaire pour réduire à 50 % sa part dans la production d’électricité à l’horizon 2025. Mais contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, cela se fera dans le cadre d’un volume maintenu à 63,2 gigawatts. C’est donc parce que les énergies renouvelables vont monter en puissance et que la performance énergétique va être au rendez-vous que ce mix énergétique pourra être promu.
Par ailleurs, cet article fixe un objectif ambitieux : porter la production d’énergies renouvelables de 13 % à 32 % de notre consommation énergétique finale d’ici à 2030. Enfin, l’article premier inscrit pour la première fois dans la loi la notion de croissance verte et crée le concept de territoire à énergie positive, deux éléments concrets majeurs de ce texte qui soulignent sa préoccupation première : la croissance verte créée des emplois, et les territoires à énergie positive représentent l’engagement des collectivités locales et de tous les acteurs de proximité dans la transition énergétique.
Par conséquent, ces deux amendements identiques sont satisfaits. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Je n’avais pas soutenu cet amendement lors de l’examen du projet de loi en commission, mais les arguments avancés par nos collègues Lamblin et Aubert m’ont convaincu de m’y associer. En effet, rien dans ce texte ne laisse apparaître un quelconque modèle de transition énergétique. Au contraire, aucun des chiffres annoncés ne repose sur une quelconque réalité. Ce sujet reviendra constamment lors de nos discussions : on voit bien que les objectifs poursuivis par ce projet de loi sont totalement irréalistes.
Tout à l’heure, madame la ministre, en répondant aux orateurs de la discussion générale, vous avez joué un grand numéro : à un moment, nous avions même l’impression que vous y croyiez,…
…ce qui est un peu inquiétant pour nous ! Compte tenu de la progression moins rapide des énergies renouvelables et d’une attention moins forte portée aux politiques d’incitation aux économies d’énergies, notamment dans le domaine des certificats d’économie d’énergie, il est impensable de ramener à 50 % la part de l’énergie nucléaire en 2025. Tous les indicateurs de la croissance verte sont au rouge : rien ne fonctionne !
Vous nous annoncez un grand texte sur la transition énergétique mais, en réalité, la France décroche dans tous les domaines. Ce projet de loi n’apporte absolument aucune garantie en termes de moyens. On ne voit pas pourquoi nous ferions mieux demain qu’aujourd’hui : il serait donc préférable d’abandonner l’expression « transition énergétique » et de parler plutôt de « stratégie énergétique », à condition que cette dernière soit quelque peu étayée par un minimum de moyens, ce qui est tout aussi discutable.
Mme la rapporteure expliquait donc que nous étions à l’aube d’une mutation énergétique, et qu’il convenait donc d’employer l’expression « transition énergétique » dans le titre de ce projet de loi. Or le rôle du Parlement n’est pas d’acter le prochain changement de notre environnement stratégique, mais de définir le positionnement et l’approche de la France par rapport à cet environnement. C’est pourquoi l’expression « stratégie énergétique » est beaucoup plus adaptée : nous débattons pour déterminer la stratégie de notre pays, non pas face à une seule mutation, madame la rapporteure – c’est toujours l’idée du grand soir, mais il n’y a pas de grand soir en matière énergétique –, mais face à toute une série de ruptures ou de révolutions technologiques et géopolitiques susceptibles d’entraîner des adaptations successives.
Le Parlement vote une loi pour s’adapter à cet avenir que nous percevons comme instable, et non pour acter une sorte de manipulation chimique qui nous ferait passer d’un état gazeux à un état liquide, même si j’ai parfois l’impression, en vous écoutant, madame la ministre, de voir une sublimation.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Remettez-vous, monsieur Aubert ! Redescendez sur terre !
Vous constaterez que l’opposition fait des efforts pour rendre ces longues heures de débat beaucoup plus agréables à vos oreilles.
Néanmoins, madame la ministre, je me dois de souligner une forme de désaccord. Vous nous permettrez d’estimer nous-mêmes si nos amendements sont satisfaits ou non. Je ne peux pas vous laisser dire que, parce que le terme de « stratégie » apparaît dans le texte, nos amendements sont satisfaits ; ils le seraient, vous en conviendrez, si vous acceptiez de remplacer l’expression « transition énergétique » par les mots « stratégie énergétique ».
Par ailleurs, vous ne répondez pas sur le fond du problème. Vous arguez du fait que les mots « stratégie bas-carbone » figurent déjà dans le texte. C’est vrai. D’ailleurs, nous pourrions trouver un compromis si vous acceptiez de parler, au lieu de « stratégie énergétique », d’une « stratégie bas-carbone pour une croissance verte » : dans ce cas, je signe des deux mains !
Si je tiens absolument à maintenir mon amendement, c’est parce que vous ne répondez pas au fond du problème. Quelle est votre définition de la transition énergétique ? Consiste-t-elle à sortir du nucléaire, ou à sortir de l’énergie fossile et à verdir la croissance ? Si votre transition énergétique correspond à une stratégie énergétique bas-carbone pour décarboner la croissance, alors nous vous soutenons. Mais nous ne sommes pas d’accord sur le moyen : à notre sens, vouloir absolument diminuer la part du nucléaire dans le mix énergétique revient de facto à recarboner l’économie. C’est pourquoi ce projet de loi nous pose un grand problème.
Vous n’avez pas répondu non plus à nos remarques sur l’exemple allemand qui se caractérise, je le rappelle, par une sortie du nucléaire et une augmentation des émissions de CO2. Ce ne sont pas là des théories, mais des faits. Nous ne comprenons pas pourquoi vous prétendez vouloir décarboner l’économie en utilisant, pour principal instrument, une stratégie de sortie du nucléaire qui va recarboner l’économie ! Je ne comprends pas votre raisonnement : c’est pourquoi nous maintenons notre amendement.
Cet amendement vise à reconnaître l’importance de la compétitivité dans la réussite de la transition énergétique et à la consacrer comme l’un des objectifs de la politique énergétique européenne. En effet, comme je l’ai déjà dit lors de la discussion générale, il nous semble important que la compétitivité soit pleinement prise en compte : il est fondamental que le secteur énergétique soit considéré comme un atout en termes de compétitivité, et non analysé uniquement sous un angle environnemental.
Par cet amendement, monsieur Abad, vous souhaitez ajouter dans l’intitulé du titre Ier la notion de compétitivité économique. Je vous rassure, nous sommes tous convaincus que la transition énergétique permettra de renforcer la compétitivité de notre pays.
Néanmoins, le titre Ier est relatif à la définition des grands objectifs de la politique énergétique, au premier rang desquels figurent la lutte contre le changement climatique et le renforcement de l’indépendance énergétique. À ce stade, il ne paraît pas pertinent d’ajouter ici une référence à la compétitivité économique, qui est par ailleurs induite dans chaque article de ce projet de loi. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement est satisfait, puisque la compétitivité apparaît très clairement à l’alinéa 6 de l’article 1er – j’y ai évidemment veillé très attentivement, puisque cette notion est cohérente avec la croissance verte. À partir du moment où vous avez satisfaction, je vous demande, monsieur Abad, de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Là encore, madame la ministre, madame la rapporteure, nous avons un problème de méthode. Vous répondez que cet amendement est satisfait et que l’ensemble du texte favorisera la compétitivité.
Or, en matière énergétique, la compétitivité dépend du coût de l’énergie. Aujourd’hui, nos industries hydraulique et nucléaire permettent de produire de l’énergie à bas coût. Il est donc compliqué de considérer comme inutile l’introduction de l’objectif de restaurer la compétitivité de ce pays, alors que ce texte touche au nerf même de la compétitivité de notre secteur énergétique, qui repose sur la production d’une électricité à bas coût. Alors que ce projet de loi provoquera une augmentation du prix de l’énergie, il apparaît donc contradictoire de vouloir nier la nécessité de mettre la compétitivité au coeur de notre réflexion.
L’amendement no 1334 n’est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
La parole est à M. Christian Bataille.
L’article 1er définit et récapitule les objectifs à poursuivre pour réussir la transition énergétique. Il insiste, à juste titre, sur la nécessité de renforcer l’indépendance énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique.
L’énergie nucléaire répond justement à trois objectifs.
Le premier est d’ordre écologique, puisqu’elle est une énergie décarbonée qui ne provoque pas d’effet de serre et n’émet pas de gaz carbonique.
Ensuite, l’énergie nucléaire assure notre indépendance énergétique, au moment où certains pays voient leur indépendance nationale menacée – c’est en particulier le cas de l’Allemagne, que les importations de gaz russe placent en situation de dépendance.
Enfin, le coût modéré de l’électricité constitue un avantage compétitif pour nos industries et contribue à limiter le coût de l’électricité pour les ménages.
Le choix historique du nucléaire en France et cet effort national ancien sont à l’origine d’une situation positive dans le pays. On ne le dit pas assez !
À ce moment du débat, je veux dire à certains de nos collègues de l’UMP qu’ils ont tort de vouloir caractériser l’option nucléaire par un choix exclusivement gaulliste qui aurait été fait à partir de 1958. En effet, c’est sous la IVe République qu’un effort de recherche et de développement de l’énergie nucléaire a été engagé résolument, notamment par les gouvernements de Pierre Mendès France et de Guy Mollet, c’est-à-dire par des républicains de gauche et des socialistes. Les gouvernements successifs du général de Gaulle, j’en conviens, ont ensuite repris et amplifié ces efforts, qui ont été confirmés par les gouvernements de droite et de gauche qui ont suivi, en dépit de toutes les alternances, et en particulier sous la présidence de François Mitterrand.
Pour s’en apercevoir, il suffit de regarder le calendrier de construction et d’inauguration des centrales depuis trente-cinq ans : on en a inauguré autant sous la droite que sous la gauche. Un véritable consensus s’est imposé, au plus grand bénéfice de notre pays.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, mon propos veut, sans polémique, rétablir des faits historiques. La politique énergétique est une politique de long terme, dont l’horizon est de l’ordre d’une cinquantaine d’années,…
…infiniment plus que le quinquennat dans lequel nous nous inscrivons. Notre réflexion actuelle doit donc s’inscrire dans la durée. Plus que d’autres, la politique énergétique doit s’inscrire dans le long terme : elle ne saurait souffrir de coups d’accordéon néfastes. La continuité a été jusqu’alors un atout et un avantage, dans un contexte embrouillé d’absence de politique européenne : efforçons-nous de conserver cette avance en France.
Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ne serai ni le premier ni le dernier à rappeler aujourd’hui que les effets néfastes du réchauffement climatique s’imposent à nous, plus tôt et de manière plus importante que ce que nous laissaient envisager jusque-là nos prévisions.
Une fois ce constat posé, il nous faut agir avec détermination et efficacité pour « prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge » – vous me permettrez d’emprunter cette formule de Churchill. Je ne détaillerai pas l’ensemble des mesures du projet de loi – nous avons eu l’occasion de le faire dans la discussion générale –, mais je souhaite simplement revenir sur quelques points essentiels de l’article 1er, qui expose clairement les buts poursuivis par ce texte.
Quels sont les objectifs prioritaires que nous assignons à notre politique énergétique ? Ils ont la simplicité de leur nécessité : sécurité des approvisionnements, accès de tous à l’énergie, importance de la recherche, préservation de la santé. J’insisterai surtout sur ce dernier point, crucial à mes yeux, du fait de la diversité des problématiques qu’il recouvre. Inclure la santé dans la transition énergétique, c’est par exemple traiter la question de la précarité énergétique. Le baromètre annuel du médiateur national de l’énergie, rendu public la semaine dernière, indique ainsi que près d’un ménage sur deux a volontairement restreint son chauffage l’hiver dernier, faute de pouvoir payer les factures correspondantes. Il est donc urgent d’agir.
Mais cette urgence ne doit pas nous exonérer d’une réflexion plus approfondie sur les avantages et les inconvénients de chaque énergie, quelle que soit son origine. Ce n’est pas parce qu’une énergie est renouvelable qu’elle est forcément bénéfique ou neutre pour la santé humaine, voire pour la santé animale. Nous devons pousser un peu plus loin l’analyse ; je défendrai un amendement en ce sens un peu plus tard.
Certains semblent penser que faire de la préservation de notre environnement une priorité est dogmatique. Eh bien non, c’est simplement vital. Comme le rappelait très justement François Mauriac il y a déjà bien des années, « il ne sert de rien à l’homme de gagner la lune s’il vient à perdre la terre ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame et messieurs les rapporteurs, je déplore que ce projet de loi arrive un peu tard et je souhaite rappeler qu’il a une histoire. Beaucoup de gens en effet ont cru en la possibilité d’un changement et d’une réforme structurelle de la politique énergétique et c’est d’abord à eux que je souhaite rendre hommage. Je tiens, en mon nom personnel, à remercier tous les acteurs du débat national sur la transition énergétique, en particulier ceux qui ont animé cet exercice de réflexion et de délibération collectives : Bruno Revel, Jean Jouzel, Laurence Tubiana, Anne Lauvergeon, Alain Grandjean, Michel Rollier, Georges Mercadal et Thierry Val.
Je veux saluer leur travail. Ce sont leurs travaux et leur engagement qui ont conduit à fixer l’objectif à long terme d’une division par deux de la consommation d’énergie à l’horizon de 2050. Leur travail a permis de faire la démonstration que cette condition était indispensable pour atteindre le facteur 4, c’est-à-dire permettre que la France soit au rendez-vous de la lutte contre le changement climatique. Or atteindre cet objectif n’est pas possible sans la division par deux de la consommation d’énergie.
La perspective est-elle bonne ? La réponse est oui. Nous dotons-nous des moyens pour y parvenir ? La réponse est non, ce qui pose la question de la crédibilité de ce texte.
Quelle est la leçon du Grenelle ? C’est qu’il ne suffit pas de fixer des objectifs pour les atteindre. Le Grenelle avait lui aussi fixé des objectifs, notamment les fameux « trois fois vingt » : 20 % d’économies d’énergie, 23 % d’énergies renouvelables, 20 % de réduction des gaz à effet de serre. Or une bonne partie de ces objectifs n’a pas été atteinte. Lorsque l’on propose aujourd’hui de fixer un objectif de 20 % d’économies d’énergie à l’horizon de 2030, cela représente en fait un report de dix ans par rapport aux objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement pour 2020.
S’agissant des moyens, le débat national sur la transition énergétique avait montré que pour réussir cette transition, il fallait investir 14 milliards d’euros par an. Il avait également établi que l’effort de départ – le pied d’appel, pour prendre une métaphore sportive – est déterminant pour réussir la transition énergétique. Autrement dit, pour réussir, il faut que cela soit un élément central de la politique économique et budgétaire du gouvernement. Au moment où nous discutons de ce texte, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit, hélas de nouveau, une diminution de 5,8 % des crédits du ministère de l’écologie et alors que le projet de loi de finances rectificative avait amputé de plus de 200 millions d’euros les investissements d’avenir, normalement réservés à la transition énergétique.
Vous connaissez comme moi les situations que nous rencontrons sur le terrain, notamment pour ce qui concerne le programme de l’Agence nationale de l’habitat « Habiter mieux » pour financer les travaux d’économies d’énergie. Dans plusieurs départements, on nous demande de retirer des dossiers de travaux d’efficacité énergétique, pour des ménages modestes, faute de crédits.
Autrement dit, j’ai le sentiment que l’on fait le contraire de ce que l’on dit.
Cette loi n’est ni pire ni meilleure que les précédentes. Mais il y a un mot qui a disparu.
L’engagement du Président de la République était clair, il s’agissait de proposer une loi de programmation pour la transition énergétique. Or le mot de « programmation » a disparu. Sur certains points, je déplore les reculs inscrits dans ce texte, notamment pour ce qui concerne la mise en concurrence des barrages hydrauliques, car selon moi, un contrôle public n’est pas la même chose que la propriété publique. Privatiser la première source d’énergie renouvelable en France, de manière totale ou partielle, – je sais les efforts de Mme la rapporteure sur ce point pour essayer de limiter les dégâts – est à mes yeux inacceptable et risque de conduire à une hausse des prix de l’électricité.
Je m’inquiète aussi pour l’avenir des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables qui ne sont pas clairement définis. Beaucoup d’incertitudes demeurent. Pour ce qui est de la diminution de la part du nucléaire, on nous annonce maintenant que Fessenheim ne sera probablement pas fermé alors que l’engagement en avait été pris devant les Français en toute clarté et toute transparence.
Enfin se pose une question fondamentale que le texte laisse de côté : celle de la souveraineté énergétique. À cet égard, je souhaite interroger Mme la ministre sur un point précis. Au mois de juillet dernier est intervenue une vente de 3 % du capital de GDF sans que le Parlement ne soit consulté. Michel Sapin vient d’annoncer que 4 milliards d’actifs de l’État allaient être cédés. Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, qu’il n’est pas question et qu’il ne sera pas question de vendre une partie du capital d’EDF et de diminuer la part de l’État dans le capital de cette entreprise ?
Avant de m’exprimer sur l’article 1er, je souhaite vous présenter mes excuses pour ne pas avoir participé aux débats de la commission spéciale, ayant mal anticipé l’agenda. Je m’adresse bien sûr à Mme la ministre, au président François Brottes, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la commission.
Avec Patrice Carvalho, nous avions pris des engagements dans nos circonscriptions, car initialement, ce devait être une semaine de suspension des travaux parlementaires. Pour autant, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas pour nous, qui sommes de dignes héritiers de Marcel Paul, de nous désintéresser de ces questions.
Le titre Ier du projet de loi définit les grands principes de la politique énergétique de notre pays. L’objectif partagé est bien d’assurer une transition énergétique afin de lutter contre le changement climatique et de renforcer l’indépendance énergétique de la France. Il comporte, sans que cela n’apparaisse dans son intitulé, des ambitions essentielles en matière de lutte contre la précarité énergétique et en matière de cohésion sociale au regard de l’accès à l’énergie.
Nous partageons l’essentiel des grandes ambitions de la politique énergétique présentées dans les premiers alinéas du texte. Toutefois, nous souhaitons apporter un certain nombre de précisions avec plusieurs amendements de fond, que nous regrettons de ne pas avoir pu – mais la responsabilité nous en incombe – défendre en commission.
Nous proposons notamment de réaffirmer le besoin d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie. Il s’agit là d’un axe politique fondamental qu’il nous paraît indispensable d’inscrire dans ce texte au regard des enjeux soulevés par la transition énergétique et des conséquences de la libéralisation du secteur engagée depuis plusieurs années.
La politique énergétique de notre pays, cela a été dit par certains orateurs précédents, a besoin de cohérence, de transparence et par-dessus tout d’une véritable solidarité nationale sans laquelle nous risquons de perdre tous les atouts qui ont fait la force de notre système énergétique.
Rappelons qu’après la Libération, c’est ce système énergétique qui a assuré la base d’une cohérence et d’une solidarité nationale indispensables au redressement et au développement du pays. En disant cela – après d’autres – mon intention n’est pas de verser dans un quelconque passéisme. Elle est de servir de façon objective nos points forts. Dans ce domaine, notre point fort est la maîtrise publique, laquelle parviendra à assurer efficacement la transition énergétique vers un modèle répondant aux besoins, à savoir un modèle solidaire, juste et sobre en carbone.
Dans la continuité de l’exigence de la maîtrise publique, nous avons trouvé dans ce texte de graves motifs d’inquiétude quant à la pérennité des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. La volonté de soumettre au marché ces deux énergies de réseau est à peine masquée. Il s’agit pourtant de l’une des garanties les plus fondamentales du rôle de la puissance publique en faveur de la maîtrise des dépenses des ménages en matière d’accès à l’énergie. C’est aussi un puissant moyen de lutte contre la spéculation dans ce secteur.
Aussi, en complément de l’objectif de lutte contre la précarité énergétique, nous souhaitons à l’alinéa 6 que le maintien des tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz soit clairement inscrit dans les dispositions principales de la politique énergétique du pays. Par ailleurs, nous souhaitons aussi que l’article L 101 du code de l’énergie reconnaisse un véritable droit d’accès pour tous à l’énergie. C’est un droit fondamental de l’être humain, puisqu’il conditionne d’autres droits fondamentaux comme la santé ou l’éducation.
Nous considérons que nul ne peut être privé pour cause de pauvreté ou d’exclusion de l’accès à l’énergie et qu’un pays comme le nôtre ne pourrait que s’enorgueillir d’avoir concrétisé dans ce texte l’inscription de l’accès à l’énergie comme un droit fondamental. Le travail de la commission a permis d’inscrire la nécessité d’une politique européenne de l’énergie. C’est un premier pas, mais cela implique une véritable coopération énergétique européenne.
Des politiques en matière d’énergie existent au sein de l’Union pour de nombreux secteurs avec des objectifs parfois très précis. En revanche, ce qui manque, c’est une véritable coopération mutuellement avantageuse pour les États qui ont des mix et des systèmes énergétiques très hétérogènes avec des priorités qui varient d’ailleurs d’un pays à l’autre.
Si chaque pays porte la responsabilité d’assurer sa propre sécurité énergétique, seule une coopération efficace est à même de donner de la cohérence à un secteur qui conditionne l’avenir environnemental, social et économique de 500 millions d’Européens. Il nous paraît ainsi indispensable de sortir l’énergie d’un cadre de concurrence libre et non faussée manifestement incompatible avec la satisfaction de l’intérêt général climatique. C’est notamment l’objectif de l’amendement complétant l’alinéa 10 de l’article 1er.
La deuxième partie de l’article 1er propose la réécriture de l’article L 102 du code de l’énergie. Ce faisant, il revient sur le rôle particulier de l’État au regard de la politique énergétique suivie. Sa rédaction doit être extrêmement précise au regard des priorités d’action de l’État car il traduit inévitablement le contenu que nous donnons au principe général de transition énergétique.
Aussi, nous proposons par amendement que le premier principe d’intervention de l’État repose sur l’objectif de réduction du recours aux énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre. C’est, si j’ose dire, et beaucoup l’ont déjà dit avant moi, la priorité des priorités au regard des conséquences désastreuses du réchauffement et des changements climatiques – vous l’avez au demeurant, madame la ministre, rappelé en commission.
De notre point de vue, cette priorité pour l’État ne peut être noyée dans le corpus législatif et juxtaposée aux côtés d’autres enjeux d’importance. J’ajouterai qu’à quelques mois de la Conférence de Paris 2015 sur le climat, l’accent mis sur cette priorité dans le texte permet de faire la clarté sur nos intentions et notre engagement aux niveaux national et international.
Nul ne peut contester qu’il s’agit aussi du levier prioritaire pour renforcer l’indépendance énergétique de la France et limiter le déficit de sa balance commerciale puisque l’importation de pétrole, de gaz et de charbon coûte à notre pays quelque 70 milliards d’euros, cela a été rappelé en commission. Nous gagnerions en clarté en plaçant cet objectif en tête de nos priorités d’action.
Enfin, je voudrais revenir sur l’indispensable cohérence des objectifs de la politique énergétique nationale présentés dans la dernière partie de l’article 1er.
Ce sujet fait l’objet de plusieurs amendements de notre groupe, Patrice Carvalho l’a indiqué dans son intervention. Il s’agit d’un point saillant du texte qui ne doit pas laisser de place à l’à-peu-près, avec des interprétations que je qualifierais de biaisées. La définition stricte de la part du nucléaire dans le mix électrique français ne saurait être un tabou, mais elle ne peut pas non plus être détachée des réalités énergétiques du pays.
Pourquoi faire référence à l’horizon 2025 pour ce secteur de la production alors que tous les autres objectifs visent 2030 ou 2050 ? Pourquoi bloquer arbitrairement une part du mix énergétique à 50 % à cet horizon sans connaître de façon objective l’évolution des consommations électriques,…
…sans connaître les prospectives, complexes, puisqu’elles seront fonction du taux de croissance de l’économie, du poids futur de l’activité industrielle, des reports souhaitables de recours à l’énergie carbonée vers l’électricité, des résultats des efforts consentis en matière d’efficacité et de sobriété énergétique ?
Cet objectif, figé dans le marbre à l’horizon 2025, nous paraît non seulement déconnecté de l’ensemble des autres objectifs du texte, mais aussi tout à fait aléatoire. Il peut être la source de renoncements, voire d’incompatibilités, notamment en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Même si nous souhaitons le retrait de cet alinéa, nous considérons qu’il est à tout le moins indispensable de le conditionner au strict respect des autres engagements, spécifiquement de ceux qui engagent notre pays en matière de réduction des gaz à effet de serre.
Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi vise à faire entrer pleinement la France dans la transition énergétique, en ayant de moins en moins recours aux combustibles fossiles et au nucléaire.
Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, c’est une chance de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de contribuer activement à la lutte contre le dérèglement climatique.
C’est aussi une chance de mieux assurer notre indépendance et notre souveraineté énergétiques, en préparant l’après pétrole et en réduisant les coûts d’importation qui grèvent lourdement notre balance commerciale.
C’est également une chance de stimuler l’innovation, par laquelle nous ne manquons pas d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et de développer des filières d’avenir taillées pour la compétition internationale et capables d’y conquérir de nouveaux marchés.
C’est enfin une chance de créer des emplois non délocalisables, d’alléger la facture énergétique des ménages et de mieux protéger la santé publique. Par cet article sont mis en place des objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance de la France et lutter contre le réchauffement climatique.
C’est ainsi qu’il favorise, grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte, l’émergence d’une économie sobre en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois.
De plus, en assurant la sécurité d’approvisionnement et en maintenant des prix de l’énergie compétitifs, en préservant la santé humaine et l’environnement, et enfin en garantissant la cohésion sociale et territoriale par l’accès de tous à l’énergie, ce texte est pour moi l’un des premiers pas pour permettre, à terme, de faire de notre pays l’un des plus engagés dans la voie de la transition énergétique.
Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, une loi de transition énergétique, comme son nom l’indique, a pour objet de changer de modèle, de faire passer d’un modèle de gaspillage, fondé sur la voracité des énergies fossiles et sur le nucléaire – lequel a d’ailleurs entraîné un certain laxisme dans notre consommation d’énergie d’électricité, car la France est l’un des pays d’Europe qui en consomme le plus –, à une société de sobriété énergétique.
Certains de mes collègues de la majorité et de l’opposition ont évoqué les bienfaits de ce texte, tout en défendant avec vigueur le maintien du nucléaire et en s’interrogeant sur les raisons de la sortie progressive proposée par le Gouvernement et cette majorité.
Je rappelle à ceux de nos collègues qui considèrent le nucléaire comme une énergie indépendante qu’il s’agit là d’une contrevérité : il n’y a pas un gramme d’uranium sur le territoire français. Or, pour faire fonctionner les centrales nucléaires, il faut ce minerai, que nous allons chercher principalement dans des pays que nous avons colonisés. Souvenez-vous des discussions que nous avons eues dans cet hémicycle pour faire en sorte qu’Areva respecte enfin l’État du Niger et lui paye ce à quoi il avait droit. Le nucléaire est une énergie sale, qui produit des déchets dont nous ne savons pas quoi faire, qui peuvent durer des centaines de milliers d’années et dont nous ne savons toujours pas vérifier la vie et la nocivité.
Par ailleurs, personne n’est aujourd’hui en mesure de chiffrer précisément le coût du démantèlement d’une centrale nucléaire.
La Cour des comptes elle-même donne à ce propos des chiffres différents de ceux du Gouvernement et toutes les sociétés entrées dans le capital d’EDF ont refusé d’assurer le démantèlement des centrales. On ne peut donc pas nous dire, comme l’a fait tout à l’heure M. Bataille, que ce projet de loi de transition énergétique s’inscrit dans une logique qui n’excède pas la durée d’un quinquennat.
Une sortie progressive du nucléaire – qui n’est du reste pas le seul outil de la transition énergétique – s’inscrit dans le long terme. Monsieur Chassaigne, si l’horizon a été fixé à 2025, c’est parce que les centrales nucléaires ont été construites pour une durée d’une durée de vie maximale de 30 ans. Or, nous en sommes déjà à 40 ans.
Depuis la catastrophe de Fukushima, les autorités de sûreté ont défini des normes « Fukushima », qui coûtent des milliards d’euros. La question est donc de savoir si nous voulons garantir l’avenir de nos enfants et la bonne gestion de l’argent public ou si nous sommes prêts à gaspiller des milliards d’euros dans la mise en soins palliatifs de centrales nucléaires vieillissantes,…
…plutôt que dans l’investissement dans les économies d’énergie, dans l’efficacité énergétique et dans la recherche et l’innovation sur les énergies renouvelables.
De nombreuses contre-vérités ont été dites. Monsieur Aubert, le premier exportateur net d’électricité en Europe est l’Allemagne. En effet, en cas de pic de consommation, les centrales nucléaires françaises ne peuvent pas fournir d’électricité, ce qui nous contraint à en acheter à l’Allemagne au prix le plus élevé.
L’Allemagne, qui a décidé de sortir du nucléaire et qui pratique les vrais prix de l’énergie, consomme aujourd’hui 20 % d’énergie de moins que la France.
La priorité d’une loi sur la transition énergétique n’est donc pas de nous demander si nous allons construire des milliers d’éoliennes ou des champs de panneaux photovoltaïques – encore que cela soit nécessaire –, mais de rechercher l’efficacité énergétique. Or, cela ne figure pas dans le texte.
Ainsi, l’étalement urbain, qui est l’une des causes de la dépense énergétique, n’est pas seulement lié à des questions d’environnement, ce qui prouve qu’une loi sur la transition énergétique doit donc tenir compte également des conditions sociales des gens. L’absence de mixité sociale, relègue les familles modestes loin des villes, sur des terres qui pourraient être employées pour la production agricole, ce qui raccourcirait le chemin entre le producteur et le consommateur.
Il y a bien plus de complexité dans un tel projet et dans les questions que posent les écologistes que dans des raisonnements et des réponses simplistes.
Quant à savoir quel est l’avis des écologistes sur cette question, je rappelle que nos deux représentants à la commission spéciale, M. Denis Baupin et Mme Cécile Duflot, ont énormément travaillé et obtenu des avancées notables, même s’ils n’ont pas réussi à vaincre une caste d’État : le corps des ingénieurs des mines, qui détermine la politique énergétique de la France depuis des décennies. En effet, nous n’avons pas obtenu que soit inscrite dans la loi la limitation à 40 ans de la durée de vie des centrales nucléaires. Un certain nombre de cliquets et de verrous ont cependant été imposés par nos représentants. Nous avons ainsi obtenu un certain nombre de choses.
Comme l’a rappelé tout à l’heure Mme Delphine Batho, ce projet de loi, présentée au début du quinquennat comme une loi de programmation, se résume aujourd’hui à une loi d’objectifs.
Les objectifs sont certes séduisants – nous avons notamment obtenu de fixer une étape intermédiaire à 2030 pour la réduction de notre consommation –, mais ce qui nous a été présenté comme un passage de 13 % à 32 % de la part des énergies renouvelables n’est rien d’autre que l’application des directives européennes, domaine dans lequel nous ne sommes pas les champions.
Ce projet de loi de transition énergétique est un pas, même s’il n’est pas aussi important que nous aurions pu l’envisager. L’heure de vérité ne sonnera cependant pas le 14 octobre, lorsque nous serons appelés à nous prononcer sur ce projet de loi, mais lors de l’examen du budget, où nous saurons quels seront les moyens mis à la disposition de ces nobles objectifs – ce sera une autre discussion.
Pour l’instant, où il est question des objectifs, le groupe écologiste souhaite que cette loi ne soit pas une loi pour rien. Il ne s’agit pas de nous inscrire dans une stratégie de bas carbone, sans enlever la perfusion des énergies fossiles dont nous sommes les voraces consommateurs, mais de nous engager dans une politique de transition énergétique, c’est-à-dire d’efficacité et d’économies d’énergie.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sans revenir sur nos conditions de travail, dont nous avons déjà largement débattu, je formulerai cependant, avec mes collègues, le voeu que nos débats de cette semaine ne reproduisent pas l’image inquiétante du Parlement qui a été donnée lors des travaux de la commission spéciale.
À titre personnel, je suis bien évidemment favorable à ce que la République, le Gouvernement et le Parlement engagent une réflexion sur la transition énergétique et sur l’avenir du mix énergétique de notre pays. Cependant, les propos que nous avons entendus jusqu’à présent sur cet article 1er montrent que majoritairement, notre hémicycle est parcouru de grandes inquiétudes – je pense notamment à l’intervention de M. Chassaigne. Quant à l’énième discours du groupe Écolo, il reprend grosso modo la position qui est systématiquement celle de ce groupe sur tous les textes depuis deux ans, à savoir qu’il n’a pas obtenu ce qu’il voulait, que les objectifs ne vont pas assez loin mais qu’in fine, il votera quand même le projet de loi.
À titre personnel, j’éprouve de grandes inquiétudes au moment d’aborder l’article 1er.
Tout d’abord, comme nous l’avons prouvé en commission, il exprime des objectifs très irréalistes qui ne sont étayés en rien dans l’étude d’impact proposée par le Gouvernement et qui visent seulement à s’assurer qu’une majorité vote ce texte.
Au-delà des objectifs, les décisions qui se dessinent – et qui, heureusement, s’inscrivent dans le temps, de telle sorte que la représentation nationale pourra, je l’espère, rééquilibrer certaines décisions irréalistes – remettent clairement en cause la sécurité d’approvisionnement de notre pays en électricité. Si les choses n’étaient pas si graves, peut-être pourrions-nous regarder autrement le texte qui nous est présenté.
Comme cela a été dit avant moi, nous n’avons reçu aucune réponse quant à la prise en compte de la croissance de la population d’ici à 2050, ni des nouvelles technologies qui permettraient, au même horizon, de consommer moins d’énergie, ni des enjeux industriels dont le souci est partagé sur tous les bancs et qui sont chaque jour dans la bouche du Premier ministre et des membres du Gouvernement. Compte tenu du poids de la consommation énergétique dans l’outil de production, ce n’est pas un texte voué à faire exploser le coût de l’électricité qui relancera ce dernier.
Quant à nos pauvres concitoyens et amis, les Françaises et les Français qui nous regardent, assassinés depuis deux ans par cette majorité sur le plan fiscal, osez donc leur avouer que, comme nous ne nous ferons pas faute de le répéter, la dernière lame du rasoir sera, après les travaux rendus obligatoires dans les logements, l’explosion de leur facture énergétique.
Vous n’avez cessé de montrer du doigt les collectivités territoriales et de faire croire qu’elles seraient responsables, pour une part importante, des 2 000 milliards d’euros de dette de notre pays. Or, 9 % seulement de la dette, soit 180 milliards d’euros, sont imputables aux collectivités territoriales, qui votent du reste systématiquement des budgets en équilibre.
Votre texte superpose les schémas et les démarches de complexification administrative.
Même si, madame la ministre, je vous accorde que vous n’avez eu de cesse de rappeler en commission que vous souhaitiez la simplification, il apparaît in fine qu’entre les belles paroles d’entrée et la sortie, on aura bien, une nouvelle fois, une complexification administrative qui se traduira par des coûts supplémentaires et par un engagement financier des collectivités territoriales. Le Gouvernement et la majorité font porter, avec ce texte, le coût de la transition énergétique sur les ménages, sur les collectivités territoriales et sur l’outil de production alors que les entreprises traversent déjà les plus grandes difficultés.
Je voudrais enfin rappeler, et je l’ai à de multiples reprises évoqué en commission, que manquent deux volets stratégiques.
Le premier, c’est celui de l’efficacité énergétique. En effet, il ne suffit pas de mieux isoler un appartement ou une maison si, par exemple, la chaudière a quarante ans et qu’elle est une véritable passoire en termes de consommation de fioul, catastrophique sur le plan de l’efficience énergétique et sur celui de la qualité de l’air et de l’environnement. Il devrait y avoir dans ce texte de loi un volet consacré à l’efficacité énergétique pour permettre à nos concitoyens, parallèlement à une meilleure isolation de leur logement, de renouveler les appareils de chauffage défectueux.
De même, le volet routier a été totalement écarté. Certes, je peux en partie le comprendre car si vous aviez évoqué les transports de marchandises, sachant la position de certains sur les grandes infrastructures de transfert des marchandises vers le rail, votre majorité aurait tout simplement explosé. Même si, là aussi, je vous donne acte, madame la ministre, de votre volonté d’instaurer une prime au renouvellement des véhicules les plus polluants, il n’y aura pas d’effet levier significatif pour changer les treize millions de véhicules les plus polluants, alors qu’ils se trouvent surtout dans les familles les moins aisées, qui ont besoin de les prendre tous les matins pour aller travailler. Nous passons à côté d’une chance historique.
Ce projet de loi met en danger la sécurité d’approvisionnement de notre pays, qui a fait sa force depuis l’après-guerre et grâce à laquelle la France est la cinquième puissance mondiale.
Ce projet de loi, j’en suis persuadé, fera porter sur les ménages, sur les entreprises, sur les collectivités territoriales, un surenchérissement inacceptable du coût de l’énergie.
Je suis heureux d’entendre les voix de la raison s’exprimer dans toutes les parties de l’hémicycle. Ce que nous disons à l’UMP est repris à l’UDI ainsi que dans les propos du député Bataille et même par l’extrême-gauche car il s’agit d’un discours de réalisme. Même si nous avons des divergences du fait de nos sensibilités politiques évidemment différentes et d’un vocabulaire pas totalement similaire, nous portons le même diagnostic : de même que l’on dit que le poisson pourrit par la tête, ce texte de loi débute bien mal avec un premier article tout à fait irréaliste. Je reproche en effet à celui-ci la multiplicité des objectifs mêlée à une multiplicité d’objectifs intermédiaires ou d’instruments, et ce sans moyens.
On a dit qu’il s’agissait d’une loi de programmation alors qu’en réalité, c’est plus une loi de déprogrammation nucléaire. J’en veux pour preuve la charge menée par certains de nos collègues écologistes, charge qui montre qu’au-delà d’un effet de fumée visant à masquer le véritable objectif, chacun y voit ce qu’il veut y trouver. Mais nous n’avons pas tous la même vision de ce que doit être une transition énergétique. Il y a beaucoup d’objectifs, beaucoup d’instruments… et peu de moyens. C’est la meilleure manière de ne pas parvenir au but recherché. Je rappelle qu’en politique monétaire, la loi de Taylor établit qu’à un objectif doit correspondre un instrument et que si on commence à multiplier le nombre d’objectifs par instrument, c’est le meilleur moyen de ne pas parvenir à gouverner la masse monétaire. Il en va de même en politique énergétique : en fixant des objectifs dans tous les sens, on peut être certain que le citoyen n’y comprendra rien – il n’y aurait qu’à faire un petit sondage. Et puis entre les horizons multiples, les objectifs d’émission de gaz à effet de serre, les objectifs en énergie finale, en énergie primaire, en électricité, en parts de nucléaire et d’énergies fossiles, on s’impose tant de contraintes que tout cela sera tout à fait irréalisable. Il faudrait plutôt parler de « loi GGPM », une loi « grand genre, petits moyens ».
Le principal point négatif de cet article, c’est évidemment l’horizon 2025. Nous ne sommes pas accrochés au nucléaire par idéologie.
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
Sourires.
La seule idéologie présente dans cet hémicycle s’exhale des bancs écologistes qui sont là pour faire un retour sur investissement puisque l’accord que ceux-ci ont conclu avec Martine Aubry leur permet d’être ici en nombre et de représenter ainsi de manière pléthorique leurs 2 % d’électeurs (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste),…
…avec un coût pour la transition énergétique de 290 milliards d’euros, ce qui fait tout de même très cher du député écologiste.
Mêmes mouvements.
Nous défendons le nucléaire parce que nous pensons que c’est la meilleure manière d’avoir une énergie à bas coûts à la fois pour le consommateur et pour nos entreprises. La date butoir de 2025 pour limiter le nucléaire à 50 % de la production d’électricité est irréalisable parce que supprimer 20 gigawatts d’origine nucléaire en dix ans signifie fermer deux centrales par an, débuter dès maintenant et mettre en place un plan très massif.
Monsieur Mamère, vous m’avez interpellé en citant quelques chiffres : permettez-moi de vous en soumettre quelques autres. Savez-vous combien d’éoliennes seraient nécessaires pour remplacer 20 gigawatts d’origine nucléaire ? Il en faudrait 20 000 ! Je rappelle qu’il faut huit années pour instruire un dossier de construction, et vous voulez en construire 20 000 en douze ans ! 20 gigawatts, c’est 657 kilomètres carrés de panneaux photo-voltaïques, monsieur Mamère ! Savez-vous ce que cela représente ? 70 % des toits orientés vers le Sud dans notre pays. Qui peut croire que c’est réalisable en dix ans ? Qui peut croire qu’on n’est pas là devant un délire maoïste, de Grand bond en avant avec des objectifs de Gosplan et sans aucun moyen derrière.
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
Il est possible d’atteindre le seuil de 50 % de nucléaire, mais pas en 2025. Vous auriez proposé, madame le ministre, la date de 2040, quand l’allongement de la durée de vie des centrales sera achevé et que se posera la question de la quatrième génération, pour réfléchir si on ne doit pas avoir moins de nucléaire dans le mix énergétique français, je vous aurais répondu oui. Mais le problème n’est pas l’objectif, mais la méthode, celle qui consiste à vouloir faire, en dix ans, le Grand soir énergétique en coupant à sec un tiers de l’appareil industriel nucléaire de ce pays qui fait vivre 200 000 à 300 000 Français. Ceux-ci doivent se demander aujourd’hui ce qu’ils ont bien pu faire pour que le Parlement, dans un contexte où notre économie n’est pas très compétitive, veuille absolument le faire à marches forcées ! Cette méthode du « marche ou crève » aura malheureusement des conséquences sur l’emploi.
Un autre des grands défauts de cet article, c’est bien évidemment qu’il embrasse des objectifs réels de nature différente. Il y a celui défendu par Mme le ministre : elle répète à l’envi qu’il s’agit de décarboner et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Notre collègue André Chassaigne a eu raison de dire que le seul véritable enjeu de la transition énergétique doit être la réduction de ces émissions. C’est un objectif consensuel, pour lequel nous sommes prêts à nous battre. Mais nous pensons que cet objectif est mal appréhendé quand l’on veut absolument transiter par une baisse de la part du nucléaire. Monsieur Mamère, vous avez cité l’exemple allemand. Mais vous avez oublié beaucoup de choses à ce sujet. Vous auriez pu, par exemple, préciser que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 2 % en 2013 en Allemagne,…
…alors qu’elles baissaient de 2 % sur l’ensemble de l’Europe. Vous avez aussi oublié de dire que le plan énergétique allemand est estimé entre 500 milliards et 1 000 milliards d’euros. De même, vous avez omis de rappeler que les besoins de consommation des industries intermittentes électriques allemandes ont provoqué un afflux de charbon, et que la multiplication des énergies intermittentes suscite un risque de black out que nous, Français, pallions en arrêtant nos centrales pour absorber le trop-plein, quitte parfois à acheter l’électricité allemande à un prix quasiment négatif.
Vous oubliez de rappeler tout cela, aveuglé par votre volonté idéologique de sortir du nucléaire.
Mesdames, messieurs les écologistes, vous avez fait non seulement le procès d’une industrie mais, plus grave encore, celui d’une « caste », selon votre expression. Permettez-moi de vous dire que quand on veut s’en prendre aux experts, aux scientifiques, aux gens qui ont fait la prospérité de ce pays par des attaques ad hominem sur les bancs de l’hémicycle parce qu’on veut détruire une filière, c’est grave parce que, par-delà cette filière, il y a des familles et la compétitivité de la France. De même qu’en d’autres époques, des forces plus obscures, plus idéologiques, voulaient faire reculer la science, je vous répondrai à mon tour : « Et pourtant, elle tourne. » Par conséquent, vous aurez beau taper sur la filière nucléaire, elle subsistera et continuera à apporter une énergie à bas coûts à notre pays. Vouloir sortir du nucléaire tout en voulant plus d’énergie décarbonée est, nous l’avons déjà montré, complètement contradictoire.
Et puis j’ai noté dans vos propos, monsieur Mamère, l’esquisse d’une autre idéologie lorsque vous avez évoqué un modèle nouveau, celui de la sobriété énergétique. Au passage, je remarque que vous avez attaqué le nucléaire parce que cette filière utilise de l’uranium importé, mais cela ne vous choque pas que les panneaux photo-voltaïques soient fabriqués en Chine,
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste
ni que l’éolien demande des terres rares, concentrées à 90 % dans ce même pays. Vous restez obstinément sur votre vision de l’uranium, semblant oublier que la quatrième génération du nucléaire, dont vous deviez être fier, permettra de recycler à l’envi une grande partie des déchets et d’utiliser l’uranium au maximum, ce qui réduira considérablement le problème scientifique que vous avez évoqué.
Nous voulions préciser les termes de « transition énergétique » car derrière cette expression, c’est en réalité une autre économie que vous voulez : vous défendez un modèle anticapitaliste fondé sur les stratégies altermondialistes, un modèle dit de « sobriété énergétique », en fait un modèle de décroissance.
C’est pourquoi nous voulons faire sortir le renard du terrier en mettant le feu devant.
Sourires.
Nous pensons que derrière les termes fumeux de « transition énergétique », il y a en réalité plusieurs types de philosophie, et nous ne voulons pas de la vôtre, monsieur Mamère.
L’article 1er est mal construit parce qu’il vise des objectifs contradictoires et paradoxaux : décarboner l’économie tout en sciant la banche sur laquelle est assis le projet de loi, c’est-à-dire la filière du nucléaire. Monsieur Mamère, saviez-vous que les émissions de carbone par habitant en France ne sont qu’aux deux tiers du niveau allemand et que le prix du kilowatt-heure français est à 90 % d’origine décarbonée ? Posez-vous la question de savoir d’où cela vient.
Au-delà des déclarations, parfois un peu enflammées, de mes collègues, il est très frappant de constater que quasiment tous disent à peu près la même chose.
Je veux d’abord évidemment rendre hommage à Delphine Batho, qui a rappelé, avec beaucoup d’émotion, l’engagement de l’ensemble des acteurs du grand débat sur la transition énergétique en disant en conclusion que les moyens n’étaient pas au rendez-vous des nombreux objectifs. Pour sa part, André Chassaigne a partagé la même analyse : les objectifs n’inspirent guère confiance parce que l’on se demande comment il sera possible de les atteindre. Quant à Noël Mamère, il a insisté, et je suis complètement d’accord avec lui, sur le fait qu’il fallait à tout prix y rester fidèles, qu’on ne pouvait les remettre en cause, mais qu’il faudra voir lors de la prochaine loi de finances si les moyens seront disponibles pour nous permettre de les atteindre.
Or nous voyons bien, depuis deux ans, que les moyens ne sont pas au rendez-vous pour poursuivre ces objectifs à court terme. C’est pourquoi nous doutons fortement que ce projet de loi serve à quelque chose.
En effet, en matière d’économie verte, les résultats que nous enregistrons depuis deux ans sont très décevants. Ainsi, nous n’avons jamais rénové aussi peu de logements anciens en France : 160 000 par an seulement, alors que le Président de la République s’était donné le bel objectif d’en faire rénover 500 000. Or le nombre de rénovations ne cesse de chuter, tout simplement parce que les moyens adéquats ne sont pas là.
Il en est de même s’agissant des nouvelles infrastructures de transport. Ce n’est pas la majorité précédente qui s’est abstenue de pousser l’application de la taxe poids lourds, mais vous qui l’avez abandonnée. Les appels d’offres étaient engagés, la société Écoumouv’ prête à fonctionner, mais à un moment donné, sur un coup de tête, on a « laissé du temps au temps », en laissant passer les élections municipales afin de ne pas choquer les élus bretons, puis en décidant de poursuivre ce projet par d’autres voies. Or les fédérations de transporteurs routiers ont poussé la contestation jusqu’au bout, certaines qu’elles parviendraient à tout faire caler. C’est ce qui s’est passé : comme en matière de logement, on ne fait plus rien dans le domaine des infrastructures de transport.
Restaient les énergies renouvelables, à propos desquelles, je m’en souviens, la majorité précédente a été beaucoup critiquée. « Le rythme de construction d’éoliennes diminue », a-t-on entendu. Peut-être. Mais on érigeait à l’époque environ 350 nouveaux mâts chaque année. En construit-on plus aujourd’hui ? Pas du tout.
De même, on nous avait reproché la baisse du nombre d’installations photovoltaïques. Où en sommes-nous aujourd’hui dans ce domaine ? Il n’y a plus rien !
Or ce n’est pas ce projet de loi qui va permettre de relancer les énergies renouvelables, dans la mesure où rien de suffisant n’est prévu en termes de tarifs de rachat de la production.
Comment, dès lors, voulez-vous que l’on croie que les objectifs définis par l’article 1er vont être atteints ? L’opinion publique le constate elle-même, nous décrochons dans tous les domaines. Malgré tous vos efforts de communication sur le sujet, madame la ministre, nous n’y croyons pas. L’eau que vous battez contient si peu de lessive que la mousse disparaît très vite. Vos objectifs, c’est du vent, que l’on ne peut même pas espérer – faute d’un tarif de rachat adapté – voir transformer en énergie renouvelable !
L’article 1er est un peu le coeur du réacteur, mais ce réacteur est en panne. Nous sommes donc très sceptiques quant à ses effets.
Pour résumer, je vous renvoie à la réflexion d’un responsable d’une très grande organisation environnementale, que je ne citerai pas afin de ne pas le mettre en difficulté : les objectifs de politique énergétique sont formidables à très long terme, et ambitieux à moyen terme, mais à court terme, il n’y a rien du tout !
Je ne peux qu’abonder dans le sens des orateurs précédents : l’article 1er est celui de toutes les frustrations. La majorité n’y trouve pas son compte – Delphine Batho le dit elle-même –, et l’opposition est frustrée par vos choix en matière d’énergie.
Pourtant, une enquête du Médiateur national de l’énergie montre tout le travail qu’il nous reste à faire – et c’est pourquoi il est regrettable d’avoir ainsi escamoté le débat parlementaire. La transition énergétique reste largement méconnue et incomprise : seuls 18 % des ménages français savent réellement de quoi il s’agit, et 22 % d’entre eux ont entendu parler de cette notion sans bien en comprendre le sens. Dans le même temps, et malgré la douceur de l’hiver dernier, un ménage sur deux admettait la nécessité de restreindre la consommation de chauffage.
Cela montre bien l’effort que nous devons consentir collectivement pour faire connaître aux Français la transition énergétique et ses conséquences. Pour ceux qui rêvaient du « grand soir énergétique », d’un grand texte sur le sujet, nous sommes loin du compte.
C’est d’abord le cas parce que les objectifs fixés vont être sources de plus de frustrations que de résultats.
Ces frustrations irrémédiables porteront atteinte, une fois encore, à la crédibilité des politiques dans leur ensemble.
Ensuite, et comme l’ont d’ailleurs dit Julien Aubert et Delphine Batho, il ne s’agit plus d’une loi de programmation, dans la mesure où les moyens n’y sont pas. Je sais bien que ces derniers relèvent traditionnellement de la loi de finances. Cela tombe bien : la semaine prochaine, après la transition énergétique, nous allons examiner le projet de loi de finances pour 2015. Il serait donc intéressant de comparer les deux textes et de vérifier comment se traduisent concrètement dans le second les dispositions du premier. Pouvez-vous nous en dire un mot, madame la ministre ?
Je regrette par ailleurs le parti pris idéologique qui a conduit à définir des objectifs a priori. Pourquoi vouloir fixer d’emblée un objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique ? Selon nous, cette part sera la conséquence de choix politiques effectués au préalable. Vouloir la fixer dès aujourd’hui revient à nous enfermer dans le débat sur l’éventuelle fermeture de Fessenheim, sur le nombre de réacteurs qu’il faut arrêter, etc. Pour ma part, je suis prêt à discuter du niveau de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique s’il résulte de décisions politiques préalables. C’est une erreur de vouloir la fixer dès l’origine : le débat est alors malheureusement biaisé.
En politique, il est nécessaire d’être ambitieux. Mais de l’ambition à l’irréalisme, il n’y a qu’un pas ; or les objectifs fixés à l’article 1er sont irréalistes. Et en même temps, cet article a des lacunes ; il y a des trous, nous le verrons en examinant les amendements.
J’ai déjà pointé l’absence de référence à la compétitivité. On me répond qu’elle est sous-entendue dans tout le texte de l’article. Mais pourquoi ne pas l’exprimer clairement ? Pourquoi ne pas convenir que l’énergie ne peut être abordée sous le seul angle de l’environnement ? L’environnement est important, et même fondamental, c’est entendu. Mais il ne doit pas faire oublier d’autres aspects. Il est également indispensable d’aborder l’énergie comme une filière, un secteur d’activité, une industrie à part entière. Il aurait donc été souhaitable que la notion de compétitivité soit prise en compte dès l’article 1er.
Il en va de même s’agissant de la sécurité des approvisionnements. Mon collègue Saddier en a déjà parlé, je n’y reviens donc pas.
Par ailleurs, on ne peut occulter la dimension européenne de cette question. Nous devons nous diriger tous ensemble vers l’idée d’une communauté européenne de l’énergie. Il faut l’affirmer dès aujourd’hui ! Le moment était idéal pour adresser un signal fort à nos partenaires européens sur ce sujet. Je sais que tout ne relève pas de la loi nationale, qu’il ne faut pas tout inscrire dans la loi. Mais entre tout et rien, un équilibre doit être trouvé.
Enfin, la dernière faiblesse – et non la moindre – de l’article est l’absence de hiérarchisation des objectifs. En politique comme dans la vie, il faut savoir faire des choix – ce qui, bien sûr, peut signifier ne pas se faire que des amis. Je regrette de devoir attendre leur sortie du Gouvernement pour que certains disent la vérité et s’expriment sur les choix énergétiques qui nous engagent.
M. Chassaigne l’a dit : la réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être notre ambition prioritaire, pour laquelle nous devons définir des actions ciblées. Plutôt que se fixer une multitude d’objectifs flous, disparates, voire contradictoires, il eut été préférable de se donner un but précis, prioritaire – quitte à fixer ensuite des objectifs secondaires. Cela nous aurait permis d’espérer plus de résultats que de frustrations. Je crois malheureusement, madame la ministre, que l’article 1er, comme l’ensemble du texte, entraînera au contraire plus de frustrations que de résultats. C’est bien dommage pour les Français.
En principe, l’article 1er d’un projet de loi comme celui-ci, qui se donne pour ambition d’être un texte révolutionnaire, la référence en matière de transition énergétique, se doit de raconter une belle histoire, de façon à engager nos concitoyens dans un chemin vertueux, un véritable mouvement philosophique et culturel. Or, à lire attentivement ses trente-six alinéas – dont le nombre trahit son caractère technique –, on s’aperçoit que cet article n’est, en fait, qu’une addition de contraintes nouvelles posées par l’État.
Je concentrerai mon propos sur les bâtiments basse consommation, une norme que vous souhaitez généraliser à l’horizon 2050. Or il y a un grand risque à la rendre obligatoire. Nous savons en effet que les normes précédentes, telles que les différentes réglementations thermiques – RT 2012, puis RT 2015 – n’ont jamais fonctionné dans le secteur du bâtiment : peu de maîtres d’oeuvre sont parvenus à obtenir les performances exigées. C’est pourquoi inscrire définitivement la norme BBC comme une norme nationale de construction, outre que c’est irréaliste, comporte un risque majeur, celui de gaspiller du pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Je l’ai dit, cet article ne raconte pas une belle histoire mais se contente d’additionner des normes et des contraintes nouvelles dont nous ne sommes pas en état de financer l’application. Il est donc impensable d’imposer un tel système.
En résumé, l’article ne parvient pas à exprimer de manière facilement compréhensible par nos concitoyens les présupposés philosophiques de la transition énergétique.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Les débats qui ont eu lieu pendant la discussion générale montrent que quatre points essentiels n’ont pu être abordés avec la sérénité requise, non seulement en raison d’un calendrier trop serré – je n’y reviens pas –, mais aussi, et surtout, faute d’une volonté gouvernementale de rechercher un consensus à leur sujet. Un tel consensus était pourtant nécessaire sachant que l’examen d’un projet de loi sur l’énergie implique de construire l’avenir et de raisonner sur une échelle de temps se comptant en décennies.
Tout d’abord, nous n’avons pas clairement abordé la question du prix du kilowattheure.
Or comme l’ont rappelé mes collègues, les décisions que nous prenons auront un impact très lourd sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens comme sur l’économie de nos entreprises.
Cela, nous n’avons pas pu l’aborder de manière sereine. Il ne faut pas envisager la question énergétique uniquement sous l’angle de l’environnement, et je fais d’ailleurs partie de ceux qui pensent qu’elle ne devrait pas relever du ministère de l’environnement, car il s’agit d’une problématique bien plus large.
Deuxième point dont nous n’avons pas débattu : l’impact sur le climat. Il est surprenant de noter que nos amis Verts citent abondamment l’exemple de l’Allemagne, alors qu’ils le rejettent dans d’autres domaines ! On voit bien quels sont les différents effets sur le réchauffement climatique – d’ailleurs le rapport du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le montre clairement. On nous dit qu’il existe des énergies propres – le photovoltaïque, l’éolien –, mais le sont-elles vraiment ?
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
Je travaille avec une collègue du Sénat, Delphine Bataille, sur les terres rares… (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe écologistes.)
Chères collègues, vous pourriez écouter au lieu de vociférer !
Mêmes mouvements.
Je reprends : que constatons-nous ? Qu’il faut énormément de terres rares pour réaliser des éoliennes. Or on pollue pour réaliser ces extractions. On nous parle d’énergies « propres », mais elles ne le sont pas tant que cela. On a de ces questions une vision manichéenne, et osons le dire, obscurantiste !
Mêmes mouvements.
Nous avons besoin de science, et aussi d’experts. Or que fait le groupe écologiste ? Il vilipende les « X-Mines », en dénonçant une « caste ». Eh bien, chers collègues, sachez que les « X-Mines » ont permis que, dans ce pays, la science contribue pleinement au progrès et au bien-être de nos concitoyens : c’est quelque chose qu’on ne peut pas balayer d’un revers de la main !
Troisième point, la disponibilité de l’énergie. Encore une fois, la question est : comment stocke-t-on l’énergie ? Ce qui est sûr, c’est qu’il convient de considérer en priorité des énergies qui permettent d’éviter le black out. On sait qu’aujourd’hui, cela n’est pas possible avec le photovoltaïque et l’éolien.
Nous n’avons pas réussi non plus à avoir un débat serein sur les risques liés à chaque énergie. Évidemment, il y en a – mais ce qui serait intéressant, ce serait de les mettre en perspective.
En définitive, j’estime que le présent texte n’est pas du tout à la hauteur des enjeux. Il convient que l’irrationnel et l’obscurantisme soient combattus par la raison, le rationalisme, la science. Nous aurions eu besoin de revenir aux fondamentaux, ceux des pères fondateurs de notre République, qui ont permis que la science contribue au progrès de nos sociétés. Dans ces conditions, nous aurions pu aboutir à un consensus. Hélas, nous en sommes très loin !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
À ce stade de nos débats, alors que nous attendons de commencer l’examen des amendements de l’article 1er, je voudrais, comme nous y invitait Mme Rohfritsch, raconter une belle histoire.
À moins qu’il ne s’agisse, monsieur Hetzel, d’évoquer une forme d’obscurantisme ?
Je veux saluer l’intervention de M. Abad ; j’ai écouté avec attention les arguments qu’il a développés, et cela relevait vraiment du débat, et d’un débat authentique et sincère. En revanche, ce qui a été dit à côté aurait peut-être pu être compilé dans cette prise de parole.
En tant que président de la commission spéciale, je reste au banc pour veiller au bon déroulement de nos travaux. Permettez-moi de signaler – mais chacun l’aura compris – qu’une stratégie « bas débat » s’organise. Le groupe UMP a déjà utilisé quelque 30 % de son temps de parole, alors que nous n’avons pas commencé à débattre de l’article 1er. Certes, c’est son droit – d’ailleurs, je rappelle que le temps programmé, qui est appliqué pour l’examen du présent projet de loi, est une invention de l’UMP.
Cependant, s’il advenait qu’un communiqué de presse soit publié, plutôt que d’affirmer : « Nous n’avons pas pu débattre des amendements parce que nous n’avions plus de temps de parole disponible », il faudra plutôt écrire : « Nous avons fait le choix de ne pas débattre des amendements parce que nous avons consacré tout notre temps de parole à une discussion générale » !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.– Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
C’est en effet ce qui est en train de se passer !
Je le signale d’ores et déjà pour que ce ne soit pas une surprise plus tard. Il s’agit d’un choix stratégique de la part du groupe UMP – une stratégie librement consentie et respectable, et que je respecte.
Il s’agissait donc, madame la présidente, d’une forme de rappel au règlement, visant à indiquer aux collègues de l’UMP que 30 % de leur temps de parole est épuisé alors que nous n’avons pas encore commencé à examiner les amendements.
Sourires.
S’il s’était bien agi d’un rappel au règlement, je vous l’aurais volontiers donnée, monsieur Aubert.
Sourires.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-huit.
Merci, madame le président.
Sur la base de l’article 58-1, je rappelle que la réponse du président de la commission doit s’exercer sur le fond du débat, et non sur la manière dont l’opposition intervient.
Je note en outre un peu de mauvaise foi : voilà moins d’une heure, Mme le ministre en appelait à la co-construction et la coopération, et maintenant, on nous explique que nous sommes de trop !
Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Par ailleurs, je vous ferai remarquer, monsieur le président de la commission, que 30 heures de débat pour 2 200 amendements, cela représente 0,8 minute par amendement. En fixant le temps programmé à 30 heures, vous saviez donc déjà, que, sauf à hacher le débat, nous ne pourrions pas examiner tous les amendements. Ce qui s’est produit en commission spéciale se reproduira donc dans l’hémicycle.
Quant aux prises de parole sur l’article, vous aurez noté que l’opposition n’a pas été la plus prolixe !
Il ne s’agissait nullement pour moi de polémiquer, monsieur Aubert : je me suis contenté de faire un constat, en précisant que c’était la liberté de chaque groupe de procéder comme il voulait.
Mais comme nos travaux sont publics, je voudrais rappeler que le temps programmé comprend aussi une heure de plus par président de groupe – soit un total de six heures supplémentaires – et que ni le temps de parole de la ministre, ni ceux du président de la commission et des rapporteurs ne sont comptabilisés. Nous avons donc largement le temps d’aborder tous les amendements.
Il reste que si un groupe décide de consommer une grande partie de son temps de parole pour la discussion hors amendements, cela laissera moins de temps pour la suite. Après, il ne faudra pas venir le déplorer.
Voilà ce que je voulais préciser, madame la présidente.
suite
Nous en venons maintenant à l’examen des amendements à l’article 1er.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 2273 .
Cet amendement a pour objet d’instaurer une autre hiérarchisation des différents objectifs assignés à la politique énergétique, une meilleure hiérarchisation, oserai-je même dire. En effet, la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne doit pas être sacrifiée aux enjeux nouveaux qui sont au coeur du projet de loi. Alors qu’elle vise un accord mondial relançant la lutte contre le changement climatique, la France ne peut apparaître en retrait lors de la conférence de Paris sur le climat qui se tiendra au mois de décembre 2015.
J’ajoute que l’électricité nucléaire, dont nous parlons depuis un moment déjà, est l’une des énergies électriques les moins chères d’Europe, avec cinquante euros par mégawatts. Exportée, l’électricité nucléaire contribue à améliorer le solde de notre balance commerciale et à réduire notre déficit. Enfin, la France rejette près de deux fois moins de CO2 dans l’atmosphère que l’Allemagne, qui a fait le choix de la sortie du nucléaire.
La faible émission de CO2 par la France s’explique par la nature de notre industrie électrique ; la Cour des comptes l’a souligné dans un récent rapport. Elle repose pour une part prépondérante sur le nucléaire, mais aussi sur l’hydroélectricité.
Voilà pourquoi je suggère d’ordonner différemment les priorités de la politique énergétique. En premier, il s’agirait d’assurer « la souveraineté énergétique et la sécurité d’approvisionnement du territoire national ». En deuxième, il s’agirait naturellement de préserver la santé humaine. En troisième, il s’agirait de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de lutter contre le réchauffement climatique. En quatrième, viendrait l’objectif qui concerne les filières industrielles. En cinquième position, viendrait le maintien d’un prix compétitif qui contribue à la politique de redressement productif de la France.
Les objectifs définis à l’article L. 100-1 du code de l’énergie ne sont pas hiérarchisés. Ils ont tous la même valeur. Il n’est donc pas utile de procéder à la réorganisation de ces dispositions.
Lors de nos débats en commission, nous avions d’ailleurs modifié l’ordre initial. J’avais déjà émis, alors, un avis défavorable, pour la même raison que maintenant. Je ne crois effectivement pas pertinent de modifier sans cesse l’ordre des objectifs, qui doivent tous être l’objet de la même attention.
La commission émet donc un avis défavorable.
Même avis.
J’essaierai de m’exprimer rapidement, de manière que le président Brottes ne puisse pas suggérer que nous faisons de l’obstruction.
Dans un esprit d’ouverture et de co-construction, et comme j’ai bien compris que l’idée est de trouver des formes de rapprochement entre la droite et la gauche de cet hémicycle, le groupe UMP trouve excellent l’amendement de notre collègue socialiste.
Il permet effectivement de répondre à l’une des principales critiques adressées à ce texte : il poursuit plusieurs lapins, et, en pareil cas, la fable le dit, on n’en attrape aucun. Par conséquent, nous souhaitons soutenir cet amendement, et nous appelons les députés de la majorité à faire de la co-construction législative et à envoyer, par cette union, un signal à ceux qui nous regardent : l’énergie reste un sujet consensuel.
Moi aussi, je veux remercier notre collègue Laurent. En fait, il a répondu, sur le fond, à toutes les interventions faites sur cet article 1er, quels que soient les bancs où siégeaient ceux qui les ont prononcées, ce que n’a pas fait le président Brottes.
Je rappelle que celui-ci est l’auteur d’un rappel au règlement d’un genre tout à fait inédit : il a reproché aux parlementaires de s’être inscrits sur l’article. À mon tour, je veux dire à toutes celles et tous ceux qui nous regardent que, pour tous les textes, la coutume et le droit prévoient la possibilité que les députés de la majorité et de l’opposition s’inscrivent sur les articles.
Nous avons posé des questions, qui concernaient l’absence de hiérarchisation entre ces objectifs, par ailleurs totalement inatteignables et utopiques, le coût pour les citoyens, la compétitivité de nos entreprises, qui repose en partie sur le coût de l’énergie, et les nouveaux enjeux, avec les gaz à effets de serre.
Nous aurions presque pu ajouter la question de la qualité de l’air. En effet, nous voyons aujourd’hui, en Allemagne, que l’arrêt du nucléaire provoque une explosion des émissions de particules fines, les PM10 et les PM2,5, liées aux centrales à charbon. Je voulais donc, comme l’a fait mon collègue Aubert, saluer cet excellent amendement.
L’amendement no 2273 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1785 .
L’amendement no 1785 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 1480 .
Il s’agit tout simplement de revenir à l’expression consacrée depuis fort longtemps, depuis 1955 en fait, par notre législation, l’expression « sûreté nucléaire ». Le texte de la commission lui substitue la notion de maîtrise du risque. Ce n’est pas tout à fait la même chose. La sûreté nucléaire, c’est beaucoup plus complet.
Il est vrai que la notion de maîtrise du risque est utilisée par certains organismes – AREVA, le CEA, EDF – et je pense que c’est sans doute par référence à ceux-ci que la formule a été introduite dans ce texte. Pour justifier des dispositions techniques, ces organismes ont pour objectif affiché la maîtrise du risque, mais cela me paraît finalement plutôt réducteur.
Voilà pourquoi je propose de remplacer la maîtrise du risque par la sûreté nucléaire.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée nationale, étant entendu que garantir la sûreté suppose bien sûr de maîtriser le risque.
Il ne me semble pas que les deux termes soient contradictoires, sachant que le retrait de la mention de la maîtrise de risque pourrait être mal interprété. Cette mention fait suite à l’adoption, dont nous nous étions félicités, d’un amendement écologiste en commission spéciale. Je voudrais donc proposer, si M. Chassaigne veut être rassuré quant à la sûreté, qu’il n’y ait pas substitution mais adjonction, et que les deux membres de phrase puissent coexister.
Toujours dans un esprit d’ouverture, je pense que M. Chassaigne a raison. Ou alors, si l’on veut être logique, il faut débaptiser l’Autorité de sûreté nucléaire et l’appeler Autorité de maîtrise des risques nucléaires. Soyons plutôt cohérents avec la terminologie généralement retenue, mais la proposition de Mme Duflot est aussi une proposition de bon sens.
Nous nous en remettons donc à la sagesse du président Chassaigne.
Je ne suis pas opposé à cette proposition, même si la sûreté nucléaire inclut la maîtrise du risque. S’il s’agit de satisfaire des personnes qui, pour des raisons diverses, tiennent à retrouver dans le texte la formule « maîtrise du risque », pourquoi pas ? Mais peut-être serait-il alors plus logique de parler de « sûreté nucléaire, dont la maîtrise du risque ». Cependant, ce sera répétitif.
Vous venez de le dire vous-même, monsieur Chassaigne : la sûreté nucléaire englobe la maîtrise du risque. Je sais bien qu’on prend aujourd’hui certaines libertés et que la loi est extrêmement bavarde, mais un peu de rigueur ne nuirait pas dans un tel débat.
La notion de sûreté inclut celle de maîtrise du risque, à moins qu’on ne préfère une espèce de bouillie législative. Je sais bien que certains obscurantistes veulent s’engager sur ce terrain, mais le terme précis me paraît bien être celui de sûreté.
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement oral, sachant que l’alinéa se terminerait alors par les mots : « en maîtrisant le risque et en garantissant la sûreté nucléaire ».
Pour m’exprimer, il faut que je connaisse la position de M. Chassaigne sur ce point.
S’il s’agit de dire deux fois la même chose, je n’en prendrai pas personnellement la responsabilité.
Si mon amendement est l’objet d’un sous-amendement, votons sur ce sous-amendement, puis sur l’amendement éventuellement sous-amendé, mais s’il faut à tout prix dire deux fois la même chose dans un texte de loi, j’estime, pour ma part, que cela frôle le ridicule. Certes, il m’arrive d’être ridicule, mais je ne voudrais pas l’être trop.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Votre proposition, madame Duflot, est de nature alternative. Pour être mise aux voix, elle devrait donc être l’objet d’un amendement, lequel n’a pas été déposé. Je ne peux donc pas la mettre aux voix.
La parole est à Mme Cécile Duflot.
J’ai bien compris, et c’est pour cette raison que je proposais un sous-amendement. Comme je connais l’esprit d’ouverture du président Chassaigne, je l’invite, même s’il pense que c’est redondant, à s’inscrire dans le fil des propos qu’il tenait tout à l’heure : pour un certain nombre de gens, ce ne serait pas redondant, ce serait une précision utile.
Je le sollicite donc pour qu’il modifie son amendement en ce sens. Pour l’heure, son amendement prévoit une substitution, ce qui m’ennuie. S’il avait prévu un ajout au texte issu des travaux de la commission, j’aurais volontiers exprimé notre accord.
Monsieur Chassaigne, acceptez-vous de rectifier votre amendement, comme vous y invite Mme Duflot ?
On pourrait ne pas être trop ridicules en optant pour une expression comme « garantir la sûreté nucléaire, dont la maîtrise du risque ». Dans ce cas, ce serait plus acceptable –…
…je ne veux pas non plus perdre mon temps de parole !
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement qui deviendrait l’amendement no 1480 rectifié , sachant que l’alinéa 3 de l’article 1er se terminerait ainsi par les mots : « en garantissant la sûreté nucléaire, dont la maîtrise du risque ».
Je suis plutôt défavorable car introduire le pronom relatif« dont » conduit à oublier beaucoup de choses.
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale.
Monsieur Chassaigne, maintenez-vous votre amendement no 1480 qui a reçu l’avis favorable de la commission, le Gouvernement s’en remettant à la sagesse de l’Assemblée, ou acceptez-vous de le modifier, sachant que cet amendement qui deviendrait alors l’amendement no 1480 rectifié a reçu un avis défavorable de la commission ?
Pour ne pas continuer à perdre mon temps de parole, qui est limité, je propose que le groupe écologiste présente un sous-amendement. Arrêtons de tergiverser.
Cela n’est pas possible, puisqu’aucun sous-amendement n’a été déposé. Vous en tenez-vous donc à votre amendement no 1480 , monsieur Chassaigne ?
Si M. Chassaigne s’en tient à son amendement, c’est parfait. Retrouvons la raison ! On n’arrête pas de dire qu’on fait des lois complètement alambiquées, que plus personne n’y comprend rien et qu’on ne fait qu’ajouter des mots à d’autres. En l’occurrence, c’est exactement ce qui se passe. Franchement, si on diffusait nos échanges sur internet, ce serait le symbole même de ce qu’il ne faut pas faire !
Je suis désolé, madame Duflot, mais la sûreté nucléaire, cela englobe la maîtrise du risque. En français, quand un concept en englobe d’autres, on retient la solution la plus simple.
Ne modifiez donc pas votre amendement, monsieur Chassaigne, tout le monde le votera, ce sera parfait.
Prenons un exemple : on dit que les Verts font partie de la majorité, mais on ne dit pas « la majorité, dont les Verts ». Arrêtons donc de perdre du temps, et votons.
Si ajouter « dont la maîtrise du risque » ne convient pas, je propose qu’on écrive « la sûreté et la maîtrise du risque nucléaire ».
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous sommes en train d’écrire la loi, et il est difficile d’improviser à ce stade. M. Chassaigne n’ayant pas accepté la modification proposée par Mme Duflot, nous nous en tenons donc à son amendement no 1480 , que je mets aux voix.
L’amendement no 1480 est adopté.
Étant donné le temps que nous venons de consacrer à une question complètement futile, je retire l’amendement no 1335 au profit de l’amendement no 928 que je défendrai ultérieurement. Ce n’est qu’en agissant ainsi que nous redeviendrons crédibles, et que les travaux de l’Assemblée nationale auront du sens.
L’amendement no 1335 est retiré.
Cet article met en avant le développement de filières industrielles grâce à une économie dite sobre en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois. Le projet de loi limite cet objectif aux filières industrielles de la croissance verte, alors qu’il serait bon d’encourager l’ensemble de l’économie à devenir efficace en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois.
Cette modification permettrait donc de tenir les objectifs de réduction de la consommation énergétique des entreprises. Il s’agit de soutenir l’ensemble de l’économie : toutes les filières doivent donc prendre en compte les progrès technologiques pour devenir efficaces en énergie et en ressources. La modification de cet article permettrait donc à l’ensemble des entreprises de profiter des avantages de la transition énergétique.
Cet amendement est identique à celui que vient de présenter M. de Ganay. Cela relève un peu de la même logique que l’amendement no 1480 : nous proposons une formulation plus générale, de manière à englober toutes les filières, pour que l’ensemble de l’économie soit encouragé à devenir plus efficace en énergie et en ressources, et pas seulement l’économie de la croissance verte. Comme l’amendement de M. Chassaigne, cet amendement propose une rédaction plus englobante et plus efficace.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
Sous couvert de procéder à une simplification rédactionnelle, cet amendement supprime les dispositions indiquant que la politique énergétique « favorise l’émergence d’une économie sobre en énergie, en ressources et en carbone »…
…« en se fondant notamment sur la croissance verte. » J’ai déjà eu l’occasion de rappeler que la croissance verte est au coeur de ce projet de loi, comme l’illustre d’ailleurs son titre. Il s’agit bien d’engager une mutation vers un nouveau modèle économique, sobre en énergie, en ressources et en carbone, c’est-à-dire plus durable et respectueux de notre environnement.
Monsieur Aubert, vous citiez tout à l’heure M. Jacques Chirac.
Rappelez-vous son discours à Johannesburg, le 2 septembre 2002, lorsqu’il s’écria : « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs. » J’invite les auteurs de ces amendements identiques à se remémorer cet avertissement et à retirer leurs amendements pour agir enfin, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.
Même observation : ces amendements identiques sont satisfaits. L’alinéa premier du futur article L. 100-1 du code de l’énergie précise bien qu’il s’agit de « la mobilisation de toutes les filières industrielles » – je dis bien : toutes les filières – « notamment celles de la croissance verte », pour favoriser « l’émergence d’une économie sobre en énergie, en ressources et en carbone, compétitive et riche en emplois. »
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Je ne comptais pas prendre la parole sur cette série d’amendements identiques, mais puisqu’on m’a nommément cité, il faut bien que je réponde !
Tout d’abord, l’économie ne se limite pas à l’industrie, madame le ministre : nous avons eu, par exemple, des débats forts intéressants sur le méthane dans l’agriculture. Peut-être vous en rappelez-vous ? Je pense donc que le mot « industrie » limite le champ de cet article.
Ensuite, ces amendements permettraient d’escamoter le terme « sobriété », dont nous avons souligné pendant nos débats qu’il ne signifie en réalité pas grand-chose. Vous insistez toujours sur le fait que la croissance verte favorise forcément l’émergence d’une économie sobre. Qu’elle favorise une économie décarbonée, c’est vrai : il faut le rappeler, le marteler. C’est d’ailleurs, madame le rapporteur, le sens des propos tenus par Jacques Chirac au sujet des gaz à effet de serre.
Mais regardez l’Allemagne : à cause de sa sortie du nucléaire, elle augmente ses émissions de carbone. L’Allemagne brûle, et vous regardez ailleurs !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Considérez d’une part le nucléaire, d’autre part les énergies fossiles, notamment le charbon : vous verrez qu’il y a là un moyen de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
Au-delà de cette idée de croissance verte, il y a ce projet d’alter-économie, d’économie circulaire, dont personne ne peut vraiment dessiner les contours. On y met beaucoup de choses, c’est un peu fourre-tout !
La notion de sobriété témoigne d’une forme de jansénisme énergétique qui consiste à dire : les ressources sont finies. Avouez quand même que la chose a un côté ridicule : vous expliquez qu’il faut changer de modèle parce que les ressources sont finies, alors même qu’on exploite des énergies dites renouvelables qui, par définition, sont infinies !
C’est un paradoxe rationnel : ce n’est d’ailleurs pas le premier. Nous avons déjà entendu pareils paradoxes à propos du nucléaire et de la décarbonisation de l’économie ; aujourd’hui, vous promouvez un modèle fondé sur des ressources finies, tout en expliquant que nous pourrons alimenter pour moitié ce pays en électricité produite grâce à des ressources non finies. Je laisse à la sagacité et à la sagesse de l’Assemblée la charge d’élucider ce paradoxe !
Cet amendement vise également à supprimer la référence à la croissance verte. La commission y est donc défavorable, comme pour les amendements précédents.
Même avis que Mme la rapporteure.
L’amendement no 238 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer cette référence exclusive à la croissance verte. Les enjeux vont en effet bien au-delà de cela. Le projet de loi limite l’objectif de la croissance verte aux filières industrielles, alors qu’il serait de toute évidence bon de soutenir l’ensemble de l’économie pour que toutes les filières deviennent plus efficaces aussi bien en énergie qu’en ressources, plus compétitives et plus riches en emploi.
Ce tropisme est très ennuyeux. Comme notre collègue Julien Aubert l’a rappelé, vous voulez mettre l’accent sur la croissance verte, mais il vaudrait mieux avoir une approche plus systémique. Se focaliser uniquement sur la croissance verte serait même contraire à toute dynamique économique : c’est pourquoi il serait important d’envoyer un signal plus large à l’ensemble de notre économie. Les experts contestent d’ailleurs les estimations du Gouvernement quant à l’impact de cette croissance verte en termes de création d’emplois. Les emplois potentiels sont sans doute à chercher ailleurs que du côté de cette prétendue croissance verte.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 1578 .
Nul ne nie, bien évidemment, que les filières de la croissance verte – entre autres : les véhicules décarbonés, les énergies marines, les agrocarburants – doivent jouer un rôle essentiel dans la transition énergétique et l’émergence d’une économie verte. Toutefois, construire un système économique qui, à long terme, utiliserait moins – ou mieux – les ressources énergétiques et les matières premières non renouvelables, une économie à la fois sobre et décarbonée, ne saurait prendre appui sur ces seules filières.
S’il s’agit d’émettre beaucoup moins de gaz à effet de serre et de privilégier l’ensemble des technologies dont l’emploi est moins néfaste pour l’environnement, alors c’est l’ensemble des filières industrielles qu’il faut mobiliser. C’est pourquoi nous jugeons un peu superflu le privilège accordé par ce projet de loi aux filières de la croissance verte : nous recommandons donc de supprimer les mots « notamment celles de la croissance verte ».
La croissance verte se définit comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement. Contrairement à ce qui est sous-entendu par les auteurs de ces amendements, les filières de la croissance verte ne sont pas seulement les industries directement liées à l’environnement, comme l’assainissement de l’eau, le recyclage, la valorisation énergétique des déchets, la dépollution des sites, les énergies renouvelables, mais aussi les secteurs traditionnels comme le transport, l’agriculture et le bâtiment. Le champ de ces industries est donc très large : c’est l’ensemble de l’économie qui sera soutenu et amené à évoluer de manière respectueuse de l’environnement. L’avis de la commission est donc défavorable.
Je propose une nouvelle rédaction de la fin de l’alinéa 4 qui me semble consensuelle. Il est question, à cet alinéa, d’économie sobre en énergie – la même problématique se retrouve à l’alinéa 6. Il me semble donc intéressant d’introduire la notion de compétitivité et de richesse en emplois, mais également de réconcilier les deux termes de « sobriété » et d’ « efficacité » dans cet article. On peut toujours débattre du sens de chacun de ces termes, mais je crois qu’ainsi nous inscririons dans la loi qu’ils ne s’opposent pas, qu’ils ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Cela permettrait, à mon sens, d’améliorer le texte.
Si cet amendement était adopté, la fin de l’alinéa 4 serait donc ainsi rédigée : « l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone. »
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 2464 .
Ce projet de loi se veut ambitieux et laisse espérer la création d’un grand nombre d’emplois, notamment en outre-mer. Il aura en outre pour effet de relancer plusieurs activités économiques, de stimuler l’innovation, d’exiger de nouvelles technologies, de répondre à de nouvelles normes, et de permettre d’adapter des technologies aux spécificités – notamment climatiques – de nos territoires.
C’est donc l’occasion rêvée pour nos jeunes de se former dans les domaines de la conception, de l’installation, de la maintenance, de l’audit énergétique, du génie climatique, de l’éco-construction, de la qualité, des structures métalliques, de la mécanique, de l’environnement, etc. La logique voudrait que ces emplois bénéficient à une main-d’oeuvre locale, plus singulièrement aux jeunes, qui représentent en Martinique 47 % des chômeurs, sachant que le taux de chômage des moins de 26 ans y est de 65 %. Il est donc important que cette jeunesse obtienne les moyens adéquats pour se qualifier dans un secteur dans lequel elle aspire à travailler et dont elle connaît la réalité sur le terrain.
Je ne crois pas que la politique énergétique ait pour objet d’anticiper les besoins en main-d’oeuvre et de donner aux collectivités territoriales les moyens d’y pourvoir en favorisant l’emploi local.
D’abord, il semble que cet enjeu indéniable relève davantage de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle – j’appelle à cette occasion votre attention sur le fait que l’article 52 de ce projet de loi, dont j’estime qu’il devrait être renforcé, aborde cette question. Ensuite, il me semble difficile de prévoir, par un amendement, le financement intégral par l’État des actions de formation professionnelle menées par les collectivités territoriales. Enfin, certaines collectivités territoriales se sont déjà emparées de ce sujet : il me semble important de leur laisser une certaine souplesse.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, auquel la commission est défavorable.
Même avis que Mme la rapporteure. Je vous suggère, monsieur Nilor, de retirer cet amendement, car il est satisfait : cette question est intégrée à l’article 2, alinéa 3, de ce projet de loi. Je préférerais voir cet amendement retiré plutôt que rejeté.
J’accepte de retirer cet amendement, mais je crois qu’il soulève un véritable problème qu’il faudra tôt ou tard régler, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, ou peut-être plus tard. Malheureusement, on renvoie toujours les questions importantes aux calendes grecques ! Je retire donc cet amendement, tout en insistant sur son importance, notamment dans nos territoires.
L’amendement no 2464 est retiré.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1304 rectifié , 1782 et1481 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 1304 rectifié .
Je reviens sur l’importance de l’industrie dans notre pays. Il n’y a pas si longtemps, l’on pensait pouvoir se passer d’industrie en Europe, notamment en France. Rappelez-vous, l’on nous expliquait alors que l’économie de la France et de la plupart des pays européens ne pourrait reposer que sur des services et que cela serait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Fort heureusement, ce temps est révolu ; même si certains parlementaires y pensent encore, une large majorité est convaincue que la puissance économique de la France dans le monde reposera sur un certain nombre de facteurs, parmi lesquels une capacité industrielle, qui a été tant mise à mal ces dernières années.
Le coût de l’énergie est l’un des éléments permettant à un pays de disposer d’une industrie forte. Dans la comparaison avec l’Allemagne, on oublie souvent de rappeler que ce pays a une politique interne favorisant un coût de l’énergie extrêmement bas pour l’industrie. Il convient de rappeler le principe selon lequel les industries françaises doivent prendre toute leur part à l’efficacité énergétique et à la réduction de leur émission de gaz à effet de serre, comme l’a d’ailleurs très bien fait le Conseil national de l’industrie dans sa motion du 8 juillet 2014. Parallèlement, nous devons veiller à ce que les coûts énergétiques n’assassinent pas notre industrie ; à défaut, elle risquerait de disparaître. Tel est l’objet de mon amendement.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1782 .
En commission, ont été adoptés trois amendements visant à préciser que la politique énergétique maintient un coût de l’énergie compétitif, alors que la rédaction initiale du texte faisait référence au prix de l’énergie. Pourtant, si l’on peut penser que la réduction du coût de l’énergie aura nécessairement un effet sur le prix, il existe un risque, si l’on se focalise uniquement sur le coût, d’entraver le développement de nouvelles filières de production d’énergie encore immatures. Ainsi, certaines énergies renouvelables présentent encore aujourd’hui un coût important au regard d’énergie moins propre.
Par ailleurs, ce qui importe est avant tout le maintien d’un prix compétitif pour le consommateur, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une entreprise. Cet amendement vise donc à réintroduire l’objectif de maintien d’un prix de l’énergie compétitif. De plus, il est proposé d’ajouter une disposition relative à la maîtrise des dépenses en énergie des consommateurs, et ce afin de satisfaire la préoccupation exprimée par les auteurs des amendements adoptés en commission et ayant conduit à la modification de la rédaction initiale.
La rédaction de cet amendement devrait satisfaire M. Saddier. Je lui propose donc de retirer le sien.
Je rappelle que l’avis de la commission doit intervenir après l’examen de l’ensemble des amendements en discussion commune.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 1481 .
Il faut effectivement introduire la question du prix. Je suis donc d’accord avec la proposition de modification de la rédaction actuelle du texte de la commission. Je suis de l’avis des collègues de droite, qui craignent que l’ouverture à la concurrence ne puisse, par l’augmentation des profits et de la rentabilité, conduire à des hausses déraisonnées de prix.
Il faut maîtriser tout cela. La proposition faite à l’instant me satisfait complètement.
L’amendement no 1481 est retiré.
Dans un esprit de coproduction intense, cet amendement, ou en tout cas l’industrie française, aurait peut-être mérité une cosignature de l’ensemble des parlementaires. Madame la rapporteure, vous êtes souveraine : à vous d’en décider.
Je le maintiendrai si l’amendement de Mme la rapporteure ne peut pas être cosigné.
Les amendements sont en discussion commune : nous ne pouvons en adopter qu’un seul.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1304 rectifié et 1782 ?
Dans un esprit de co-construction avec l’opposition, le Gouvernement émet un avis favorable à l’amendement de M. Saddier et s’en remet à la sagesse de l’Assemblée nationale pour l’amendement de Mme Battistel.
Sourires.
Sourires.
Il est important de faire référence à la notion de prix de l’énergie compétitif. Cette question est fondamentale pour nos entreprises, notamment dans la filière industrielle. La « Plastics vallée », à côté d’Oyonnax, se situe dans ma circonscription. Nous avons beaucoup d’industrie de sous-traitance, que ce soit dans le domaine de la plasturgie ou de la cosmétique. Beaucoup d’entre elles ont besoin d’un prix de l’énergie compétitif pour assurer les emplois et leur propre croissance.
Dans un esprit de coproduction législative, ou de co-construction, il serait bon qu’un amendement global soit adopté à l’unanimité. Tout le monde en sortirait grandi ! Il faut rédiger un amendement qui permette de rassembler tout le monde sur cette idée centrale de compétitivité des prix de l’énergie.
Pour n’entraver le temps de parole d’aucun groupe, je demande en ma qualité de président de la commission spéciale, une suspension de séance.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.
Tout d’abord, je remercie Mme la ministre, le président de la commission et Mme la rapporteure. Si nous n’hésitons pas à exprimer nos désaccords, nous tenons à saluer les efforts pour parvenir à un consensus dans l’intérêt de la France et de nos concitoyens.
Je propose donc un sous-amendement no 2593 à l’amendement no 1782 de Mme Battistel, qui vise à insérer après le mot : « compétitif », les mots : « et attractif au plan international ». Je retire donc l’amendement no 1304 rectifié .
L’amendement no 1304 rectifié est retiré.
Favorable.
Le sous-amendement no 2593 est adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 1566 .
Nous sommes, comme vous, madame la ministre, favorable à la mise en place d’une politique énergétique européenne, d’une Europe de l’énergie, mais nous considérons que l’Europe doit rompre avec la libéralisation du secteur énergétique, la suppression des services publics nationaux et la hausse des tarifs pour les consommateurs. Il serait plus que temps, selon nous, de tirer le bilan des déréglementations du secteur de l’énergie en France et en Europe, afin de réorienter la politique vers des logiques de long terme et de maîtrise publique, de garantir le principe d’égalité de traitement et de péréquation tarifaire.
Au regard des enjeux du secteur énergétique, nous proposons de longue date la création d’un pôle public de l’énergie qui pourrait mobiliser, dans une même dynamique et de manière efficace, tous les acteurs industriels, publics comme privés, pour la mise en oeuvre d’une politique énergétique visant le progrès social et répondant aux grands défis écologiques posés en ce début du troisième millénaire.
L’essentiel nous semble aujourd’hui d’enclencher un processus de coopération industrielle et d’harmonisation sociale qui se substituerait à la concurrence économique et au dumping social. Ainsi, le présent amendement vise à ce que la politique énergétique réaffirme le besoin d’une maîtrise publique du secteur, qui conditionne la mise en oeuvre des coopérations que nous appelons de nos voeux.
Le projet de loi entend précisément redonner les moyens à la puissance publique de piloter la politique énergétique nationale, d’autant que le titre V prévoit des dispositions pour renforcer le rôle des collectivités territoriales. Votre amendement me semble donc partiellement satisfait. Avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 1566 n’est pas adopté.
Cet amendement pourrait, à première vue, apparaître comme uniquement rédactionnel, mais en fait il va beaucoup plus loin que cela, en ne se limitant pas à mentionner l’accès à l’énergie, et en substituant à celui-ci un véritable droit d’accès.
Comme je l’ai dit lors de mon intervention sur l’article premier, il s’agit d’affirmer, dans ce projet de loi, un droit fondamental : celui de l’accès à l’énergie.
La parole est à Mme Suzanne Tallard, pour soutenir l’amendement no 2007 .
Cet amendement vise à compléter la rédaction existante de la loi que nous examinons en s’alignant sur les dispositions de l’article premier de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.
Un droit d’accès au compte bancaire a été institué en France en 1984, puis un droit à l’eau, donc, en 2006, ainsi que, en 2007, un droit d’accès au logement.
Il n’existe pourtant pas, de manière formelle, dans notre pays, de droit d’accès à l’énergie. Certes, il existe une obligation de service public assurant à toute personne physique la possibilité d’être raccordée au réseau électrique, mais cela ne garantit pas un accès effectif à l’énergie.
Un droit d’accès à l’énergie permettrait d’équilibrer davantage les relations commerciales existantes entre fournisseurs d’énergie et consommateurs. Cet amendement ne vise pas à créer un droit opposable à l’énergie mais cherche à garantir son accès effectif, dans la continuité de ce que propose le présent projet de loi.
Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer en commission spéciale, je partage bien évidemment cet objectif d’instaurer un droit à l’énergie, ou d’un droit d’accès à l’énergie.
Néanmoins, il semble que les dispositifs existants, s’ils ne sont pas parfaits, permettent d’assurer à nos concitoyens l’accès à l’énergie. En effet, dans le cadre de la loi dite Brottes, ou de la loi ALUR, les outils de protection des plus précaires ont été renforcés, notamment par un meilleur encadrement des coupures et par un allongement de la trêve hivernale.
Vous le savez, la création d’un droit n’emporte pas forcément que des effets positifs. Elle génère parfois des frustrations et des contentieux. Il s’agit en tout cas d’une question lourde, qui mériterait d’être davantage étudiée avant d’être transcrite dans notre droit. Dans l’attente, je propose à leurs auteurs de retirer leurs amendements, sinon l’avis de la commission sera défavorable.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Sur cette question qui n’est pas nouvelle, j’ai en tête des droits fondamentaux qui ont été votés comme le droit au logement, dans le cadre de la loi DALO. Malheureusement, il ne s’applique que dans les communes où des logements se trouvent disponibles. Il ne peut s’appliquer dans celles qui n’en offrent pas.
J’allais dire qu’en l’occurrence nous nous sommes faits plaisir en votant une disposition que ne répond pas à la vraie demande sociale du pays. Par contre, le droit à l’énergie – question sur laquelle je travaille depuis très longtemps, avec un certain nombre de nos collègues – existe de fait dans la loi, et ce projet de loi l’améliore. La rapporteure vient de le dire.
La trêve hivernale pour tous, qu’elle concerne des ménages chauffés au gaz ou à l’électricité, est une disposition forte, qui a permis que l’hiver dernier nous ne connaissions aucun des épisodes dramatiques des hivers précédents.
Nous disposions du tarif social. Avec ce texte – nous en discuterons par la suite – nous mettrons en place le chèque-énergie, qui offre aux plus précaires, et quelle que soit la source d’énergie qu’ils utilisent, un véritable droit à l’énergie.
Le fioul, par exemple, ne donnait pas jusqu’à présent droit aux tarifs sociaux. Le chèque-énergie couvrira l’ensemble des sources d’énergie : il sera donc universel.
Le droit au raccordement existe, cela a été rappelé par la rapporteure. Toutes ces dispositions, auxquelles il faut ajouter le tarif unique, cher à beaucoup d’entre nous dans cet hémicycle, concourent à garantir, dans notre pays et comme nulle part ailleurs, un droit à l’énergie. D’autres droits, qui ont été consacrés par la loi, n’offrent pas une telle garantie. Ils ne garantissent rien, comme madame la rapporteure l’a dit. Pour ce qui concerne le droit au logement, cette garantie n’est effectivement pas apportée dans les communes où aucun logement ne se trouve disponible.
Nous nous trouvons en présence d’apports successifs qui nous amène à disposer d’un droit réel à l’énergie.
Je préfère qu’on s’en tienne, en la matière, au cumul d’acquis, notamment pour les plus précaires, plutôt que de préférer les grandes déclarations qui, a posteriori, n’apportent rien et fragiliseraient ce droit qui est aujourd’hui réel.
J’adhère complètement aux propos du président Brottes. Nous avons besoin d’un droit réel, et non d’un droit absolu qui ne nous apporterait ici qu’un plaisir fugace.
Je suis simplement un peu surpris, madame la ministre, par votre réponse, qui a consisté à s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. Un sujet comme celui-là mérite une position claire du Gouvernement.
Je vais vous la donner.
Madame la rapporteure l’a dit, comme le président Brottes, je crois que, si le principe et l’objet de cet amendement sont louables, force est de constater que, dans les faits, son adoption ne résoudrait aucun problème.
Elle entraînerait, surtout, un risque réel de contentieux, qu’il faut prendre en compte.
Je souhaite également vous dire que, dans une société, j’aime bien que les droits et les devoirs s’équilibrent. Donner des droits à tout le monde est une bonne chose, mais il me paraît tout aussi important que naissent, parallèlement à eux, des devoirs.
Je crois qu’il vaut mieux, comme l’a dit le président Brottes, travailler sur un droit à l’énergie en tant que tel plutôt que sur le droit d’accès et d’usage pour tous qui nous proposé. Sur le principe c’est très bien, mais, encore une fois, comme je l’ai dit dans mon intervention sur l’article 1er, lorsqu’on se fixe des objectifs inatteignables ou surréalistes, on crée de la frustration. Nous savons à quoi aboutit la frustration en politique…
Je regrette, encore une fois, que la ministre n’ait pas, au nom du Gouvernement, exprimé une position claire sur ce sujet qui est d’importance.
Au risque de plomber l’ambiance, j’émets toutes les réserves quant à des droits sans moyens : c’est intéressant, beau, grand, noble, mais cela ne sert pas à grand-chose.
Nous débattrons, ces prochains jours, du chèque-énergie, qui constitue une proposition intéressante, sous réserve qu’on y mette les moyens et qu’on fasse en sorte qu’elle devienne crédible.
Il est très difficile de faire part de réserves sur cet amendement : chers collègues, madame la députée, son principe est noble.
Mais je rejoins la position exprimée par Mme la rapporteure ainsi que par le président de la commission spéciale : je pense qu’objectivement chaque majorité a successivement amélioré les dispositifs qui permettent d’accompagner les familles en plus grande difficulté, et fait en sorte que, petit à petit, le droit à l’énergie devienne effectif sur tout le territoire, ou en tous cas sur sa plus grande partie.
Mais, dans l’ensemble des arguments en défaveur de cet amendement, j’en ajoute un, qui ne peut laisser monsieur Chassaigne insensible : ouvrir, par voie d’amendement, un droit qui s’imposerait à tous, sans aucune restriction et sur l’intégralité du territoire, aurait des conséquences graves. En zone de montagne, imaginez que certains de nos concitoyens exigent un accès à l’énergie là où existent des possibilités alternatives et respectueuses de l’environnement. Leur faire droit, alors qu’ils habitent au sein d’espaces extrêmement protégés, serait totalement contraire au respect des paysages, et totalement disproportionné en termes de coût économique pour la collectivité, en particulier pour les familles les plus précaires. Tout cela pour ne desservir qu’une ou deux habitations !
Encore une fois, le principe est louable, mais il faudrait aller beaucoup plus loin dans l’analyse avant que le Parlement ne puisse voter une disposition d’une portée aussi générale.
J’entends ce que disent le président de la commission spéciale ainsi que M. Saddier. Pourtant, j’ai un peu de mal à comprendre leur position parce que le droit au raccordement, distinct du droit à l’énergie, existe en France.
J’entends qu’il existe différents dispositifs qui protègent les plus fragiles de nos concitoyens face à la précarité énergétique. J’aimerais que nous portions nos regards sur la façon dont les choses se passent pour les familles les plus fragiles.
J’ai des scrupules à demander au Gouvernement un énième rapport.
Mais je pense, dans le même temps, que nous avons besoin de travaux d’observation sur ce sujet : c’est l’objet de ma demande à Mme la ministre.
Les dispositifs que j’ai évoqués tout à l’heure constituent de droits : ils figurent dans la loi. Il ne s’agit pas de dispositifs réglementaires à la merci d’une décision du Gouvernement.
Vous avez évoqué le droit au compte bancaire. Connaissez-vous le nombre de personnes qui sont interdits de chéquier, ou qui ne disposent pas de carte bancaire ? Le droit à la bancarisation existe dans la loi, depuis 1984 je crois, mais son application reste relativement modérée, pour ne pas dire mal adaptée aux populations qui se trouvent en difficulté.
L’énergie représente le secteur dans lequel on a inscrit dans la loi le plus de droits, sans pour autant que l’on se soit laissé aller à écrire dans celle-ci, de façon majestueuse, qu’il existe un doit à l’énergie. En réalité, il est de fait.
Tout le monde est favorable au droit à l’énergie. Mais ce dont j’ai peur, c’est que ce droit devienne, au même titre que le droit au logement ou le droit au compte bancaire, une garantie qui soit loin d’être absolue pour tous ceux qui en ont le plus besoin.
Tout ce qui est voté dans la loi aujourd’hui donne naissance, au contraire, à des droits absolus…
…à des garanties absolues offertes à tous ceux qui sont concernés par l’application de ces droits. Ces dispositifs sont constitutifs de droits.
J’écoute des propos qui me font penser que les révolutionnaires de 1789, quand ils ont voté la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ont commis une grave erreur ! Que lorsque, à la suite des travaux du Conseil national de la résistance (CNR), l’Assemblée constituante a voté, en 1946, la Constitution et son préambule, elle a commis de graves excès !
Ce qui gêne, en définitive, dans l’inscription dans le marbre de la loi du droit à l’énergie, c’est de faire s’éloigner une autre perspective, que plusieurs d’entre vous ont en tête : celle de la privatisation de l’énergie et de l’ouverture au marché.
Vous savez bien que cette ouverture au marché provoquera une augmentation des prix, au nom d’abord de la concurrence. Puis viendront des profits et des dividendes qui seront versés.
Si l’on considère que l’énergie est un bien commun de l’humanité, on ne doit pas l’ouvrir au marché et donc inscrire le droit à l’énergie dans la loi. C’est cela qui est gênant.
Derrière tous les arguments utilisés, qui reposent sur la caractère prétendument raisonnable de cette inscription, se profile l’avancée – que certains d’entre nous souhaiteraient très rapide – vers la marchandisation de tout ce qui fait notre société.
Je vous remercie madame le président. Monsieur Chassaigne, vous avez terminé votre intervention par la marchandisation. Je trouve cela intéressant car il y avait hier, dans la rue, un grand débat sur la marchandisation de l’être humain.
Je pense que nous vivons dans une société où l’argent tient une place de plus en plus importante, et où la sphère marchande s’étend de plus en plus.
Si, monsieur Chassaigne, votre enjeu majeur demeure le service public, et une certaine idée de la manière dont l’énergie doit être gérée en France, je vous propose de voter l’amendement déposé par le groupe UMP et qui montre que nous sommes de bonne foi.
Nous avons en effet souhaité inscrire dans la loi sur la transition énergétique que le service public devait prendre toute sa place dans cette évolution. Or cet amendement a été rejeté par la commission spéciale.
Nous espérons que, dans l’hémicycle, nous obtiendrons gain de cause, car nous vous rejoignons sur ce plan.
En France, le service public – il ne s’agit pas seulement d’avantages acquis – se rattache à une certaine conception du service, de l’économie, et des engagements que l’État prend vis-à-vis des citoyens.
Donc le droit à l’énergie, et je suis en accord avec Martial Saddier, n’a pas de réalité. Je peux encore comprendre ce que recouvre un droit d’accès à l’énergie. Mais l’énergie est un terme vaste : vous pensez au nucléaire et à l’électricité, mais le soleil et le vent en font également partie. Et l’on pourrait vous rétorquer que nous y avons accès tous les jours ! Cela n’a donc pas de réalité concrète.
Je crains un peu, comme le président Brottes, que le droit à l’énergie ne se traduise pas dans les faits. En revanche, acter le principe du service public dans la loi revient à défendre un modèle social à la française.
Je vous inviterai donc, monsieur Chassaigne, à nous rejoindre sur ce point, ce qui vous permettra de faire preuve de votre volonté de co-construction avec la droite et d’atteindre votre objectif qui est de lancer un signal d’alerte à l’égard de la marchandisation du secteur énergétique.
J’entends bien ce que vous dites, monsieur Chassaigne, et je connais votre attachement à ces droits fondamentaux, que vous avez raison de rappeler. Ayant moi-même proposé dans cette assemblée la trêve hivernale, votée à l’unanimité, je ne me suis pas senti concerné pas vos propos.
Cela dit, vous comprenez bien que, dès l’instant où l’on pose le principe d’un droit à l’énergie, il faut en définir le contenu. S’il s’agit de conforter les droits existants – le chèque énergie, qui concernera toutes les énergies, le droit au raccordement, le prix unique, la trêve hivernale –, très bien, mais, si c’est un droit à l’énergie même si l’on ne paie jamais ses factures, on peut avoir un problème.
Si l’approche en question était retenue par le Gouvernement, il conviendrait alors que l’on définisse le périmètre de ce droit pour que l’on sache bien de quoi l’on parle, à savoir ne jamais exclure les plus modestes et les plus pauvres de nos concitoyens de ce droit fondamental à l’énergie, qui est un bien essentiel. C’est cela qui est en fait derrière votre demande ; il ne s’agit pas de permettre à ceux qui ont les moyens de payer leurs factures de ne plus jamais les payer.
Il faut bien cadrer les choses de façon qu’il n’y ait pas ensuite d’abus de la part de gens qui ne seraient pas forcément de bonne foi. Je crois que c’est cela la question qui est posée et qui doit être éclairée grâce à notre débat.
Monsieur le président, vous avez passé beaucoup plus de temps que moi en commission.
Sourires.
En tout cas, le texte encadre les choses en la matière puisqu’il est prévu au 5° de l’article que la politique énergétique « garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ». Nous proposons simplement qu’elle garantisse cette cohésion en assurant un droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages.
C’est vrai qu’au-delà du simple accès, c’est l’affirmation de ce que l’on peut appeler un droit fondamental, mais il n’y a absolument pas de dérive puisque la fin de l’alinéa est, je pense, suffisamment claire. Je suis donc vraiment très satisfait que nous puissions nous retrouver sur les limites que vous posez pour accepter notre amendement.
La question, d’ailleurs fort intéressante, qui est posée, c’est de savoir comment l’on trouve un équilibre entre l’affirmation d’un grand principe, un objectif idéal, et les moyens de le réaliser. Sont inscrits dans la Constitution le droit au travail et le droit à la santé, et on connaît la réalité.
Dans le texte que j’avais proposé, la politique énergétique devait garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages. Cela concilie les deux préoccupations : l’affirmation d’un objectif, avec les précautions que le président de la commission vient de rappeler : il s’agit d’instaurer non pas un droit gratuit d’accès à l’énergie mais un droit à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages, ce qui signifie bien que les ménages vont payer ce droit à l’accès. Comme l’a expliqué M. Chassaigne, la fin de l’alinéa me semble répondre aux préoccupations de François Brottes.
Qu’est ce que le droit d’accès à l’énergie ? On pourrait le définir comme l’assurance pour tous d’avoir accès à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages.
En fait, un tel principe est déjà inscrit dans nos textes, et ce n’est donc pas un problème de le rappeler. Il existe un service public de l’électricité, qui garantit à tous un raccordement depuis la loi fondatrice de 1946. Il existe également des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, et, bientôt, grâce au projet de loi si vous le votez, un chèque énergie permettra aux précaires énergétiques de payer leurs factures d’énergie. Par ailleurs, la loi Brottes a étendu la trêve hivernale à l’électricité et au gaz. Enfin, les actions de rénovation énergétique visent en priorité les ménages les plus précaires, grâce, notamment, aux actions de l’ANAH, que le Gouvernement vient de compléter puisque leur succès avait épuisé les fonds de l’ANAH.
Les bases juridiques actuelles suffisent donc pour mener des actions concrètes, et il n’est donc pas indispensable de le rappeler, mais, en même temps, il n’est pas contradictoire d’évoquer un droit d’accès à l’énergie pour compléter le texte que le Gouvernement vous propose, droit modéré par la fin de la phrase selon laquelle les ménages paieront évidemment l’énergie mais proportionnellement à leurs moyens, ce que les différents gouvernements ont mis en place depuis 1946.
Nous pouvons donc améliorer, accélérer la mise en oeuvre de nos politiques publiques, c’est d’ailleurs l’objectif d’une grande partie de ce texte. J’ajoute que le principal pilier de la loi, qui porte sur les travaux de performance énergétique des bâtiments, bénéficiera aussi aux familles en situation de précarité. J’espère que les bailleurs sociaux s’engageront fortement dans la construction de bâtiments à énergie passive et à énergie positive. Il y a des freins, qui doivent être supprimés. Le logement social doit vraiment être exemplaire de ce point de vue. Les chantiers d’isolation aussi devront bien sûr bénéficier prioritairement aux ménages en situation précaire.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.
Après ces débats riches et dans la mesure où le périmètre est précisé par Mme la ministre, je peux donner un avis favorable aux amendements.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly