Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 6 octobre 2014 à 16h00
Transition énergétique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

Nous sommes tous conscients de la nécessité de réduire les émissions carbonées et les émissions de micro-polluants. Nous sommes bien sûr aussi conscients de devoir anticiper la raréfaction des énergies fossiles. Nous avons conscience de l’importance des énergies renouvelables.

Cela méritait bien un grand débat, une « grande co-construction » comme vous aimez à le dire. Mais la co-construction est-elle compatible avec la procédure accélérée et le temps programmé ? La co-construction se résume-t-elle à une accumulation d’amendements du Gouvernement, que, je pense, nous découvrirons au cours des heures qui viennent ?

Dans ces conditions, cette co-construction aboutira à un texte qui, bien certainement, connaîtra le même sort que beaucoup d’autres. Il sera sans doute étrillé par le Sénat, il ne bénéficiera pas des mêmes indulgences ni des mêmes arbitrages de la commission mixte paritaire qui sera rééquilibrée. Pour ce qui en restera, une fois de plus, la loi promulguée sera remise en question, au nom du principe de réalisme que le Premier ministre a déjà appliqué à la loi ALUR.

Cela étant dit, je mettrai l’accent sur deux points de votre projet de loi. Tout d’abord, le caractère irréaliste des injonctions et du calendrier que vous proposez pour traduire votre volontarisme en échéances, qu’il s’agisse d’assurer le mix énergétique, la soumission des logements à des normes exigeantes d’isolation, le renouvellement du parc automobile ou l’équipement de la France en réseaux de ravitaillement adaptés. Je passe sur l’ensemble des échéances ainsi fixées.

Ces injonctions vont jusqu’à l’interdiction des sacs en plastique, que j’approuve par ailleurs. Nous pouvons partager ces objectifs, mais pourquoi fixer des échéances impératives sans que l’étude d’impact en justifie la pertinence ?

En fait, on a l’impression qu’il y a davantage l’affirmation, par des dates imposées, d’un volontarisme politique qu’il faut sans doute avoir, mais celui-ci n’est pas étayé par des vérifications ni par une discussion suffisante avec les filières industrielles pour savoir si elles sont capables de répondre de manière adaptée et sans se mettre en danger aux échéances ainsi fixées.

Je voudrais insister sur un deuxième point : celui de la responsabilisation des territoires dans cette nécessaire transition énergétique. Comme mon collègue Laurent, tout à l’heure, je souhaite que la gestion globale de la plus grande partie de la production énergétique, le transport de l’énergie, la régulation de ses usages, restent centralisés.

En revanche, la production d’énergies dites alternatives, qu’il s’agisse de l’éolien, du solaire, de la méthanisation, ne peut être organisée que localement. Certes, tous les Français sont favorables au principe de l’émergence de ces nouvelles formes d’énergie, mais ils témoignent, là comme ailleurs, d’une attitude NIMB, not in my backyard. Je le constate dans nos territoires : dès lors qu’un projet émerge, pour un équipement éolien ou de méthanisation, en principe tout le monde est d’accord, mais aucun village n’en veut chez lui.

Je pense donc que c’est aux territoires d’organiser la négociation locale afin de permettre l’émergence de ces unités de production d’énergies alternatives.

Ceci, à mon avis, ne peut se faire qu’en confiant aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération la responsabilité de la définition de contrats territoriaux de transition énergétique, lesquels doivent s’appuyer sur des coefficients territoriaux de transition énergétique mesurant le rapport entre la production alternative produite et la consommation d’énergie globale sur un même territoire.

Ce n’est qu’en responsabilisant et en fixant une évolution ainsi qu’une échéance donnée, négociée territorialement, quant à l’évolution de ce coefficient que l’on pourra laisser aux acteurs locaux – agriculteurs, acteurs économiques, populations, associations et élus – le soin de débattre ensemble de la priorité à accorder à l’économie d’énergie dans les bâtiments publics, les habitations, les bâtiments tertiaires, à la production locale d’énergies alternatives ou aux deux à la fois puisque, s’agissant d’un rapport, il est possible d’agir et sur le nominateur et sur le dénominateur.

C’est donc en toute responsabilité que les territoires pourraient fixer l’évolution d’un tel rapport et s’engager par le biais de contrats avec l’État sur l’objectif à atteindre à partir d’une négociation locale et à un horizon donné.

Voilà une critique forte s’agissant des échéances que vous fixez quant aux objectifs à atteindre et une suggestion que j’encourage à étudier quoique, dans le cadre de la procédure accélérée, le temps du débat sera tel qu’il faudra sans doute renvoyer cela au Sénat, ce que je m’empresserai de faire dès demain parce qu’une seule lecture ne permettra pas, ici, d’aborder intégralement les questions qui se posent.

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