Rappelons qu’après la Libération, c’est ce système énergétique qui a assuré la base d’une cohérence et d’une solidarité nationale indispensables au redressement et au développement du pays. En disant cela – après d’autres – mon intention n’est pas de verser dans un quelconque passéisme. Elle est de servir de façon objective nos points forts. Dans ce domaine, notre point fort est la maîtrise publique, laquelle parviendra à assurer efficacement la transition énergétique vers un modèle répondant aux besoins, à savoir un modèle solidaire, juste et sobre en carbone.
Dans la continuité de l’exigence de la maîtrise publique, nous avons trouvé dans ce texte de graves motifs d’inquiétude quant à la pérennité des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. La volonté de soumettre au marché ces deux énergies de réseau est à peine masquée. Il s’agit pourtant de l’une des garanties les plus fondamentales du rôle de la puissance publique en faveur de la maîtrise des dépenses des ménages en matière d’accès à l’énergie. C’est aussi un puissant moyen de lutte contre la spéculation dans ce secteur.
Aussi, en complément de l’objectif de lutte contre la précarité énergétique, nous souhaitons à l’alinéa 6 que le maintien des tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz soit clairement inscrit dans les dispositions principales de la politique énergétique du pays. Par ailleurs, nous souhaitons aussi que l’article L 101 du code de l’énergie reconnaisse un véritable droit d’accès pour tous à l’énergie. C’est un droit fondamental de l’être humain, puisqu’il conditionne d’autres droits fondamentaux comme la santé ou l’éducation.
Nous considérons que nul ne peut être privé pour cause de pauvreté ou d’exclusion de l’accès à l’énergie et qu’un pays comme le nôtre ne pourrait que s’enorgueillir d’avoir concrétisé dans ce texte l’inscription de l’accès à l’énergie comme un droit fondamental. Le travail de la commission a permis d’inscrire la nécessité d’une politique européenne de l’énergie. C’est un premier pas, mais cela implique une véritable coopération énergétique européenne.
Des politiques en matière d’énergie existent au sein de l’Union pour de nombreux secteurs avec des objectifs parfois très précis. En revanche, ce qui manque, c’est une véritable coopération mutuellement avantageuse pour les États qui ont des mix et des systèmes énergétiques très hétérogènes avec des priorités qui varient d’ailleurs d’un pays à l’autre.
Si chaque pays porte la responsabilité d’assurer sa propre sécurité énergétique, seule une coopération efficace est à même de donner de la cohérence à un secteur qui conditionne l’avenir environnemental, social et économique de 500 millions d’Européens. Il nous paraît ainsi indispensable de sortir l’énergie d’un cadre de concurrence libre et non faussée manifestement incompatible avec la satisfaction de l’intérêt général climatique. C’est notamment l’objectif de l’amendement complétant l’alinéa 10 de l’article 1er.
La deuxième partie de l’article 1er propose la réécriture de l’article L 102 du code de l’énergie. Ce faisant, il revient sur le rôle particulier de l’État au regard de la politique énergétique suivie. Sa rédaction doit être extrêmement précise au regard des priorités d’action de l’État car il traduit inévitablement le contenu que nous donnons au principe général de transition énergétique.
Aussi, nous proposons par amendement que le premier principe d’intervention de l’État repose sur l’objectif de réduction du recours aux énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre. C’est, si j’ose dire, et beaucoup l’ont déjà dit avant moi, la priorité des priorités au regard des conséquences désastreuses du réchauffement et des changements climatiques – vous l’avez au demeurant, madame la ministre, rappelé en commission.
De notre point de vue, cette priorité pour l’État ne peut être noyée dans le corpus législatif et juxtaposée aux côtés d’autres enjeux d’importance. J’ajouterai qu’à quelques mois de la Conférence de Paris 2015 sur le climat, l’accent mis sur cette priorité dans le texte permet de faire la clarté sur nos intentions et notre engagement aux niveaux national et international.
Nul ne peut contester qu’il s’agit aussi du levier prioritaire pour renforcer l’indépendance énergétique de la France et limiter le déficit de sa balance commerciale puisque l’importation de pétrole, de gaz et de charbon coûte à notre pays quelque 70 milliards d’euros, cela a été rappelé en commission. Nous gagnerions en clarté en plaçant cet objectif en tête de nos priorités d’action.
Enfin, je voudrais revenir sur l’indispensable cohérence des objectifs de la politique énergétique nationale présentés dans la dernière partie de l’article 1er.
Ce sujet fait l’objet de plusieurs amendements de notre groupe, Patrice Carvalho l’a indiqué dans son intervention. Il s’agit d’un point saillant du texte qui ne doit pas laisser de place à l’à-peu-près, avec des interprétations que je qualifierais de biaisées. La définition stricte de la part du nucléaire dans le mix électrique français ne saurait être un tabou, mais elle ne peut pas non plus être détachée des réalités énergétiques du pays.
Pourquoi faire référence à l’horizon 2025 pour ce secteur de la production alors que tous les autres objectifs visent 2030 ou 2050 ? Pourquoi bloquer arbitrairement une part du mix énergétique à 50 % à cet horizon sans connaître de façon objective l’évolution des consommations électriques,…