Ces frustrations irrémédiables porteront atteinte, une fois encore, à la crédibilité des politiques dans leur ensemble.
Ensuite, et comme l’ont d’ailleurs dit Julien Aubert et Delphine Batho, il ne s’agit plus d’une loi de programmation, dans la mesure où les moyens n’y sont pas. Je sais bien que ces derniers relèvent traditionnellement de la loi de finances. Cela tombe bien : la semaine prochaine, après la transition énergétique, nous allons examiner le projet de loi de finances pour 2015. Il serait donc intéressant de comparer les deux textes et de vérifier comment se traduisent concrètement dans le second les dispositions du premier. Pouvez-vous nous en dire un mot, madame la ministre ?
Je regrette par ailleurs le parti pris idéologique qui a conduit à définir des objectifs a priori. Pourquoi vouloir fixer d’emblée un objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique ? Selon nous, cette part sera la conséquence de choix politiques effectués au préalable. Vouloir la fixer dès aujourd’hui revient à nous enfermer dans le débat sur l’éventuelle fermeture de Fessenheim, sur le nombre de réacteurs qu’il faut arrêter, etc. Pour ma part, je suis prêt à discuter du niveau de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique s’il résulte de décisions politiques préalables. C’est une erreur de vouloir la fixer dès l’origine : le débat est alors malheureusement biaisé.
En politique, il est nécessaire d’être ambitieux. Mais de l’ambition à l’irréalisme, il n’y a qu’un pas ; or les objectifs fixés à l’article 1er sont irréalistes. Et en même temps, cet article a des lacunes ; il y a des trous, nous le verrons en examinant les amendements.
J’ai déjà pointé l’absence de référence à la compétitivité. On me répond qu’elle est sous-entendue dans tout le texte de l’article. Mais pourquoi ne pas l’exprimer clairement ? Pourquoi ne pas convenir que l’énergie ne peut être abordée sous le seul angle de l’environnement ? L’environnement est important, et même fondamental, c’est entendu. Mais il ne doit pas faire oublier d’autres aspects. Il est également indispensable d’aborder l’énergie comme une filière, un secteur d’activité, une industrie à part entière. Il aurait donc été souhaitable que la notion de compétitivité soit prise en compte dès l’article 1er.
Il en va de même s’agissant de la sécurité des approvisionnements. Mon collègue Saddier en a déjà parlé, je n’y reviens donc pas.
Par ailleurs, on ne peut occulter la dimension européenne de cette question. Nous devons nous diriger tous ensemble vers l’idée d’une communauté européenne de l’énergie. Il faut l’affirmer dès aujourd’hui ! Le moment était idéal pour adresser un signal fort à nos partenaires européens sur ce sujet. Je sais que tout ne relève pas de la loi nationale, qu’il ne faut pas tout inscrire dans la loi. Mais entre tout et rien, un équilibre doit être trouvé.
Enfin, la dernière faiblesse – et non la moindre – de l’article est l’absence de hiérarchisation des objectifs. En politique comme dans la vie, il faut savoir faire des choix – ce qui, bien sûr, peut signifier ne pas se faire que des amis. Je regrette de devoir attendre leur sortie du Gouvernement pour que certains disent la vérité et s’expriment sur les choix énergétiques qui nous engagent.
M. Chassaigne l’a dit : la réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être notre ambition prioritaire, pour laquelle nous devons définir des actions ciblées. Plutôt que se fixer une multitude d’objectifs flous, disparates, voire contradictoires, il eut été préférable de se donner un but précis, prioritaire – quitte à fixer ensuite des objectifs secondaires. Cela nous aurait permis d’espérer plus de résultats que de frustrations. Je crois malheureusement, madame la ministre, que l’article 1er, comme l’ensemble du texte, entraînera au contraire plus de frustrations que de résultats. C’est bien dommage pour les Français.