Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous féliciter de votre réélection à la présidence de la commission des affaires culturelles. Je vous remercie de votre accueil chaleureux et ai bien pris note de la pression que vous avez exercée en faveur d'une grande loi sur le sport, dans la lignée de celle née du travail exceptionnel de Mme Marie-George Buffet, membre de votre commission.
Mesdames, messieurs les députés, trop d'inégalités, trop de défiance ont manifestement fragilisé notre République. Un certain nombre de nos compatriotes ont cessé de croire en l'idéal dont nous sommes les garants et l'on peut se demander s'ils ont encore confiance dans l'action publique pour changer leur vie quotidienne. Cette forme de désillusion, vous l'avez comme moi constatée. Au-delà des clivages partisans, nous partageons la volonté farouche d'y remédier et de rétablir ce lien invisible qui unit les Français : la cohésion. Or la cohésion est le point commun des diverses politiques que j'ai l'honneur de conduire dans mon ministère : jeunesse, sport, vie associative, politique de la ville, éducation populaire.
C'est avec cette ambition en ligne de mire que je souhaite vous présenter mes principaux axes de travail s'agissant des sujets qui concernent directement votre commission.
Je commence par ce qui est la priorité du Président de la République, la jeunesse. Je poursuis le travail de mes prédécesseurs, qui s'est notamment traduit par la création d'un comité interministériel de la jeunesse, tout en l'amplifiant.
À la jeunesse, nous devons systématiquement offrir une solution d'emploi ou de formation. Des dispositifs importants ont été créés. L'enjeu est leur montée en puissance.
L'engagement de créer 150 000 emplois d'avenir a été tenu. Ce sont autant de jeunes à qui l'on a mis le pied à l'étrier. Mon ministère y a contribué activement avec la signature de 17 500 contrats. Peut-être faut-il aller encore plus loin ? Je vous renvoie à la réponse de M. le ministre du travail lors de la séance des questions au Gouvernement d'aujourd'hui.
La « garantie jeunes » s'adresse, elle, aux jeunes sans diplôme, sans expérience, sans réseau, qui ont absolument besoin de la puissance publique pour s'insérer. Elle bénéficie de l'apport substantiel de crédits européens dans le cadre de l'Initiative pour l'emploi des jeunes en Europe. Ce dispositif doit monter en puissance pour atteindre 100 000 bénéficiaires en 2017 et est appelé à s'étendre sur le territoire, compte tenu de l'intérêt qu'il suscite parmi le public visé.
Offrir des solutions, c'est aussi aider les jeunes à s'orienter. La mise en place d'un service public régional d'orientation répond à cette exigence. Nous engageons par ailleurs le rapprochement des dispositifs « Nouvelle chance » comme le suggéraient les députés Juanico et Poisson. Les missions locales, l'École de la deuxième chance, l'Établissement public d'insertion de la Défense (EPIDE), le service militaire adapté (SMA) sont autant de dispositifs intéressants qu'il nous faut coordonner.
La deuxième priorité est de permettre à la jeunesse de s'exprimer et de décider.
C'est pourquoi j'ai décidé de lancer chaque année une grande consultation au cours de laquelle les jeunes seront appelés à faire des propositions puis à voter pour l'une d'elles. Le projet retenu sera concrétisé dans l'année.
Je veux avancer en matière d'attributs classiques de la citoyenneté, à commencer par le sujet délicat de la condition d'âge pour le droit de vote. À seize ans, on peut connaître l'isolement, mais qu'en est-il de l'isoloir ? Nous aurons aussi à nous pencher sur le sujet plus consensuel de l'inscription sur les listes électorales. À l'heure de la dématérialisation des procédures, il faut aller au-delà de la date butoir du 31 décembre. Techniquement, il est possible de procéder à des inscriptions jusqu'à dix jours avant l'échéance électorale. Voici une mesure qui ne coûterait rien à la collectivité et qui viendrait renforcer l'accès à la citoyenneté. Autre proposition : solenniser la remise de la carte d'électeur, comme cela se fait dans certaines communes aujourd'hui, afin de transformer un acte aujourd'hui banalisé, d'ordre strictement administratif, en un moment d'adhésion fort aux valeurs de la République.
La jeunesse sera en outre une préoccupation constante des politiques publiques puisque nous allons introduire une « clause d'impact jeunesse » dans chaque proposition ou projet de loi.
La troisième priorité vise à proposer à la jeunesse des expériences formatrices en dehors de l'école. Nous disposons pour cela de plusieurs outils.
Je veux faire de l'éducation populaire le pendant de l'éducation nationale en retrouvant des chemins aujourd'hui disparus, qui ont pourtant formé et formaté notre République. La réforme des rythmes scolaires est une superbe opportunité de faire découvrir aux enfants d'autres horizons, d'autres manières d'apprendre et de se développer. L'essor des projets éducatifs territoriaux est une réponse forte des pouvoirs publics en matière d'insertion par l'éducation. J'avais coutume de dire, lorsque j'étais président du conseil général du Nord, que ce que l'on n'investit pas en matière éducative, on en paie le prix en réparations sociales, et lourdement.
Ces expériences se feront également à travers Erasmus +, le nouveau programme lancé il y a quarante-huit heures par M. François Rebsamen, Mme Najat Vallaud-Belkacem et Mme Geneviève Fioraso. Il permettra aux jeunes, y compris ceux n'ayant pas les diplômes qui étaient requis auparavant, de découvrir concrètement l'Europe. C'est un dispositif extrêmement vertueux sur lequel j'aurai peut-être l'occasion de revenir en répondant à vos questions.
Enfin, nous comptons susciter l'engagement. Pour cela, notre fer de lance sera le service civique. Certes, nous devons évaluer qualitativement ce qu'apporte ce dispositif aux jeunes mais j'ai la conviction qu'il est pour eux une formidable expérience, à même de souder une génération et de leur apporter compétences et valeurs.
Le thème de l'engagement me permet de faire le lien entre la jeunesse et la vie associative. L'engagement est la grande cause de l'année 2014. Nous avons en France un tissu exceptionnel d'associations – 1,3 million – auquel je veux donner la possibilité de se consolider et de se développer car c'est une chance pour notre démocratie.
Le dispositif « La France s'engage » répond à cet objectif. Il consiste à donner plus d'envergure et de force à des initiatives ayant déjà fait leur preuve, initiatives qui doivent être originales, explorer de nouveaux horizons. « La France s'engage » fonctionne comme un accélérateur de projets d'utilité sociale, soutenus par le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse.
Dans cette optique, je veux avancer avec vous sur la création d'un congé pour engagement. Il faut prendre au sérieux l'idée que l'engagement est une richesse pour notre pays et intégrer cette modalité de participation à l'intérêt général dans le parcours de vie des citoyens. Nous devons pour cela créer les conditions économiques de son développement. Cette ambition n'est pas sans complications, juridiques ou financières, mais nous ne sommes pas là pour choisir la facilité.
Autre action de soutien à la vie associative : la transposition du choc de simplification dans le champ associatif. Le chantier a largement été engagé auprès des entreprises mais les associations aussi ont besoin de voir leurs relations avec les administrations facilitées et leurs financements pérennisés, afin de pouvoir se concentrer sur leur activité, sur leur raison d'être, et se projeter dans l'avenir.
La volonté politique de simplification est claire, elle est portée par le Président de la République et le Premier ministre. Il se trouve qu'ont été réunis au sein du ministère dont j'ai la charge les secteurs de la ville, de la jeunesse et du sport qui justifient l'essentiel des subventions de l'État aux associations, ce qui me donne une responsabilité particulière en la matière. Nous avons une occasion de mener à bien ce chantier de la simplification que je ne laisserai pas passer. Le rapport de votre collègue Yves Blein nous aidera dans cette démarche.
J'en viens maintenant au sport, sujet dans lequel vous vous êtes particulièrement investis.
Je tenais en premier lieu à saluer le travail que vous avez mené à travers, d'une part, le rapport sur le fair-play financier européen de M. Thierry Braillard, Mme Marie-George Buffet, M. Pascal Deguilhem et M. Guénhaël Huet et, d'autre part, le rapport du même Guénhaël Huet et de M. Régis Juanico sur la politique de soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur.
Le sport est au carrefour d'enjeux sociaux, économiques, sanitaires, éducatifs, ce qui implique des défis nombreux et considérables : développer la pratique sportive, soutenir l'accès de tous les publics, inscrire l'activité physique dans l'ensemble des dispositifs publics de santé, renforcer l'intégrité sportive, soutenir l'excellence française dans le sport de haut niveau, valoriser les filières économiques du sport.
Je résumerai en trois axes ce qu'il nous faut accomplir : faire du sport un vecteur de cohésion, faire du sport un vecteur de rayonnement pour la France, protéger les sportifs du point de vue de leur santé comme de leur carrière.
Faire du sport un vecteur de cohésion est un objectif que j'aimerais éclairer d'un chiffre : 42 % des Français déclarent ne jamais pratiquer une activité sportive. Je veux encourager la pratique sportive dès le plus jeune âge, surtout chez les publics qui rencontrent des entraves : les jeunes filles des quartiers prioritaires ou les personnes handicapées, par exemple. Mon action passera notamment par la mise en oeuvre de plans de féminisation au sein des fédérations, portant sur les licenciés, les dirigeants, les cadres techniques, mais aussi sur les arbitres. Il ne faut pas distinguer les publics qui font l'objet de ces plans : les progrès dans ce domaine sont contagieux parce qu'ils contribuent à changer les mentalités.
Le Centre national du développement du sport (CNDS) devrait maintenir ses efforts dans les prochaines années en matière de développement du sport pour tous et continuer à soutenir les projets associatifs à la même hauteur qu'auparavant. Compte tenu de sa situation financière, qui n'a pas toujours été brillante, cela implique un recentrage de ses missions sur cet aspect en particulier.
Enfin, je tiens à ce que nos concitoyens puissent accéder aux spectacles sportifs à un prix décent. Les grandes rencontres sportives s'adressent à tous et cela doit se traduire de manière concrète. À cet égard, l'abaissement de la TVA sur la billetterie à 5,5 % est une réponse cohérente. J'ai aussi commencé à poser le problème des droits de retransmission télévisuelle des grandes compétitions.
Nous entendons par ailleurs faire du sport un vecteur de rayonnement pour la France, enjeu important puisque nous allons organiser plusieurs manifestations sportives d'ampleur mondiale chaque année jusqu'en 2018. Je souhaite que la France soit en mesure de porter une candidature olympique. Il ne s'agit pas d'atteindre cet objectif à tout prix mais de se donner les moyens de réussir.
Une mission a été confiée à M. Jean-Pierre Karaquillo en vue d'optimiser les moyens de l'État dans son ciblage vers le sport de haut niveau, mais aussi de mieux prendre en compte les spécificités du statut des sportifs de haut niveau.
Cela m'amène directement à la question du sport professionnel, sur lequel les deux excellents rapports issus de votre commission se sont longuement penchés. J'ai compris que l'essentiel pour vous était de garantir son développement par des mesures visant à assurer la pérennité des clubs, l'équité des compétitions et la solidarité avec le monde amateur. La régulation du sport professionnel – je pèse mes mots – est en bonne voie. Elle doit aujourd'hui être sécurisée sur le plan juridique, qu'il s'agisse de la question des déficits et de l'endettement ou de celle des joueurs formés localement.
Nous voulons protéger les sportifs. Les affaires de dopage, de paris truqués, de manipulation de la pratique sportive discréditent le sport et menacent l'intégrité des sportifs. J'ai demandé à M. Thierry Braillard de signer très rapidement la convention internationale sur la lutte contre les manipulations sportives. Cela devrait être chose faite dès cette semaine.
Le nouveau code mondial antidopage doit être transposé avant le 1er janvier 2015. Un projet de loi habilitant le Gouvernement à le transposer par voie d'ordonnance sera discuté le 14 octobre au Sénat. Pour être dans les temps, nous devons en discuter rapidement à l'Assemblée nationale. En outre, la France reçoit sur son territoire le prochain comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage en novembre. Nous avons donc la chance d'accueillir la planète de l'antidopage, événement qui se déroulera à l'Assemblée nationale, à l'invitation de M. Claude Bartolone. Permettez-moi de saluer ici la nomination de Mme Valérie Fourneyron à la présidence de son comité médical.
Faut-il légiférer pour mener à bien cette feuille de route ? Plus précisément, faut-il élaborer une grande loi-cadre sur le sport ? Je suis ministre depuis trop peu de temps pour vous répondre de manière affirmative ou négative. Je voudrais d'abord me forger une opinion. Certains sujets ne peuvent être portés que par des dispositifs législatifs : réforme du contentieux sportif, assurances de responsabilité civile dans les fédérations ou encore gouvernance des autorités indépendantes. Mais nous devons encore définir deux ou trois mesures phares, compréhensibles du public, pour justifier un projet de loi sur le sport.
J'ai bien pris note de votre intérêt pour ce sujet, monsieur le président, intérêt manifestement partagé par vos collègues. Je suis bien évidemment prêt à en discuter avec vous. Encore faut-il déterminer si, grâce à ce projet de loi, nous pouvons apporter une véritable valeur ajoutée au monde sportif. Si vous pensez que la représentation nationale peut encourager cette démarche aux côtés de l'exécutif, je me tiens à votre disposition.
Je ne serai pas plus long car je veux céder la place à la discussion, laquelle est au coeur de votre méthode de fonctionnement. Sachez que je suis heureux de m'exprimer aujourd'hui devant vous et que je veillerai à vous répondre dans les meilleures conditions, y compris sous forme écrite, le cas échéant.