Mesdames et Messieurs les députés, vous avez fait des propositions qui sont un enrichissement pour celui qui vous parle, je vous le dis sans flagornerie aucune. Vous m'avez posé plus de quatre-vingts questions. Il me sera donc difficile de vous répondre dans le temps qui m'est imparti. En accord avec M. le Président Patrick Bloche, je vous propose de faire des réponses globales et de communiquer ensuite à chacun d'entre vous une réponse par écrit. Dans un second temps, je pourrai vous recevoir au ministère par petits groupes, sur telle ou telle thématique, pour enrichir la réflexion de l'exécutif.
La politique de la ville touche naturellement aux sujets que vous avez évoqués. Elle concerne 1 300 quartiers prioritaires, 5 millions d'habitants, dont 2 millions de jeunes, des populations parfois en désespérance et des crédits sanctuarisés dans le projet de loi de finances. Je reviendrai devant vous en commission élargie pour présenter mon budget dans les jours qui viennent. Il n'y a pas de doute sur la priorité du Gouvernement en la matière. Des crédits viendront améliorer les conditions de vie de nos concitoyens par le biais du nouveau programme national de rénovation urbaine (PNRU 2), conforté par 5 milliards d'euros d'investissements portés par l'État et ses partenaires et devant a priori aboutir à 20 milliards d'euros de travaux.
S'agissant du sport, vos remarques m'incitent à pencher sur l'opportunité d'une loi-cadre. Vous avez, en effet, pointé des éléments de complexité, qu'il faudrait peut-être traiter par voie législative.
L'Euro 2016 n'est pas qu'un événement sportif. Il concourt aussi au rassemblement de la nation autour du sport et, nous l'espérons, des résultats de l'Équipe de France. La commande qui m'a été faite par le Président de la République et par le Premier ministre est très simple. L'Euro 2016 durera un mois, du 10 juin au 10 juillet 2016, regroupera 24 équipes qui disputeront 51 matchs, dans 10 villes hôtes : cet événement doit rassembler les forces vives de notre nation et permettre d'accueillir entre 5 et 7 millions de visiteurs avec un savoir-faire d'excellence qui démontrera la qualité de notre pays et sera de nature à favoriser d'autres candidatures.
Je rappelle que les Jeux olympiques ne sont pas portés par un pays, mais par le mouvement sportif et par une ville. Il y a donc des conditions à réunir avant de pouvoir candidater. Je suis, pour ma part, intimement convaincu que la France est capable d'organiser enfin les Jeux olympiques d'été, mais en 2024, nous serons concurrencés par de très grandes villes américaines. La question de l'opportunité d'une candidature française se posera à un moment donné et, quel que soit le pouvoir exécutif en place à l'automne 2017, il ne serait bon pour personne que la France échoue. Tout doit être réuni pour que la candidature de la France puisse être gagnante. Je ne peux m'engager ni au nom du Maire de Paris ni au nom du Président de la République ou du Premier ministre, mais je sais qu'il y a sur le sujet une appétence d'autant plus forte que la France est reconnue comme étant une terre d'excellence pour organiser de très grands événements sportifs. Avec, entre autres, la Coupe Davis dans quelques semaines, l'Euro de basket en 2015 et l'Euro de football en 2016, nous allons vivre, d'ici à 2018, deux à trois événements mondiaux en termes d'impact médiatique. C'est une chance pour notre pays.
Certains d'entre vous ont évoqué le caractère économique de cette dimension sportive : le sport est en effet créateur de richesses, non seulement à travers les emplois liés aux entreprises sportives, mais aussi du fait de notre capacité à exporter notre savoir-faire à l'étranger. Aujourd'hui, par exemple, l'Azerbaïdjan s'intéresse fortement à notre savoir-faire pour candidater à différentes manifestations sportives. C'est une bonne chose pour notre commerce extérieur.
Le Centre national pour le développement du sport (CNDS), cher au coeur de Mme Marie-George Buffet, est désormais sorti des problèmes financiers. Il est vrai qu'on a fait porter au CNDS de nombreuses missions qui, aujourd'hui, devraient relever d'une répartition des rôles entre l'État – qui doit être un État stratège en matière de sports – et les collectivités territoriales, qui doivent apporter leur contribution.
Le CNDS est le bras armé de l'État en matière de politique sportive, mais il doit se concentrer sur l'essentiel. Je ne suis pas certain que des subventions d'investissement, intervenant ici ou là sur des équipements sportifs de proximité, soient la vocation du CNDS. Un rapport de l'inspection générale a montré que les équipements avaient été très souvent réalisés sans l'aide du CNDS. En revanche, en contribuant à la réalisation de grands équipements structurants, le Centre est un élément majeur de l'aménagement du territoire par le sport. Nous l'avons démontré au travers du financement des stades qui vont accueillir l'Euro 2016.
Au passage, je me vois mal défendre, dans le cadre de la loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), l'idée que le sport serait une compétence exclusive des collectivités territoriales. Ce serait pour moi un non-sens, car les financements croisés, tant dénoncés et tant décriés, sont parfois bien utiles lorsqu'une collectivité se désengage – je ne fais là aucune allusion à une ville du Pas-de-Calais après les dernières élections… Les financements croisés peuvent donc être une forme de sécurisation des financements des structures associatives en général, et sportives en particulier. Mais il faut un chef de file. À cet égard, j'ai l'intention de proposer la décentralisation des Centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) auprès des régions et de conserver l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) comme outil d'excellence au niveau de l'État. Les CREPS peuvent être les outils de la régionalisation de la politique sportive, sachant que, lorsqu'on est un chef de file, il faut une file, et que la responsabilité de la collectivité régionale sera de s'assurer que les politiques sportives puissent irriguer l'ensemble des territoires, y compris ruraux. Le président de conseil général, que je ne suis plus depuis une quinzaine de jours, a toujours considéré que le rôle de la puissance publique était d'éviter les phénomènes de relégation, notamment dans le secteur rural.
Certains d'entre vous ont évoqué la gouvernance en matière sportive. Depuis un mois, je mesure le poids que représente le Comité national olympique sportif français (CNOSF) et l'appétence du mouvement sportif à considérer l'État comme un partenaire qu'il faudrait minorer. Je le dis clairement, l'État gardera toute sa place, en partenariat avec le mouvement sportif. Je crois en l'équilibre des relations entre le mouvement sportif et l'État, sans oublier les collectivités territoriales et leur politique volontariste au niveau communal, départemental, régional, voire intercommunal. Je m'attacherai à donner toute sa place au mouvement sportif, qui doit néanmoins respecter la place de l'État. J'en prends l'engagement devant cette commission.
J'en viens à la diplomatie sportive. Il faut considérer le sport comme un élément potentiel de développement sur la scène internationale. M. Laurent Fabius, en sa qualité de ministre des affaires étrangères, a intégré la diplomatie sportive dans ses priorités et a nommé un ambassadeur pour le sport, M. Jean Lévy, qui aide à la popularisation du sport à l'étranger. Ce n'est pas qu'un enjeu culturel visant à développer les spécialités françaises en matière sportive dans des pays émergents. En Inde, par exemple, le cricket représente 80 % des pratiques sportives. Dans un pays qui compte 1,2 milliard d'habitants, il est sans doute possible, si nous sommes capables de valoriser les expériences françaises, de voir se développer la pratique d'autres sports. La diplomatie sportive est aussi un enjeu économique. Je pourrais vous parler de Luc Doublet ou d'Oxylane-Décathlon. Nous avons tous intérêt à promouvoir à l'étranger le sport à la française et l'excellence française.
Le redressement des clubs sportifs par l'URSSAF est une question qui empoisonne les clubs dans nos quartiers. La règle est la suivante : les sommes versées aux bénévoles pour la participation ou l'accompagnement des manifestations sportives ne sont pas assujetties aux cotisations sociales si elles n'excèdent pas 120 euros par manifestation, dans la limite de cinq manifestations par mois.
Le problème posé est en fait bien plus large. Il s'agit, pour les associations, de pouvoir encadrer leurs activités sportives avec des bénévoles qui n'ont pas toujours les diplômes nécessaires au regard des réglementations en vigueur, mais qui, pour autant, assurent une véritable mission d'intérêt général. Deux pistes d'évolution devraient permettre de les aider sur ce sujet. À la suite d'un rapport de l'inspection générale, nous nous sommes tout d'abord engagés dans une réforme des diplômes délivrés par le ministère de la jeunesse et des sports. Je rappelle toutefois que ces diplômes fonctionnent bien puisque 80 % de leurs titulaires trouvent actuellement un emploi dans les sept mois. Le recours à des groupements d'employeurs constitue un deuxième élément de réponse. En effet, il est très compliqué, pour des petites associations, d'être compétentes sur le plan administratif et financier, d'embaucher du personnel, etc. Les groupements d'employeurs pourraient être une bonne formule pour éviter les désagréments qui ont été évoqués concernant l'URSSAF.
S'agissant de la place des femmes dans le sport, 70 % des fédérations ont mis en place un plan de féminisation. La loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes a été rappelée à juste titre. Je vous propose de définir une feuille de route commune au ministère et au mouvement sportif afin de parvenir à une véritable politique d'objectifs et de moyens. La politique de la ville doit aussi intégrer la question de la féminisation, car la place des femmes dans les quartiers très défavorisés pose aujourd'hui une vraie difficulté en termes d'équivalence, d'équité et d'égalité. C'est une préoccupation que je porte, avec Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État en charge de ce secteur.
Le feuilleton de Luzenac est indigne, eu égard aux sportifs, aux bénévoles et au maire de cette ville. Je n'ai pas à faire de commentaire sur la décision de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Toutefois, il faut absolument, dans le cas d'une situation similaire, réduire les délais – c'est M. Thierry Braillard qui portera ce dossier – afin de ne pas créer un no man's land pour les clubs qui n'ont pas démérité sur le plan sportif mais que leur fragilité structurelle empêche d'entrer dans la cour des grands.
Pour ce qui concerne les piscines, je répondrai par écrit sur le « savoir-nager ».
S'agissant du dopage, l'Agence de prévention et de lutte contre le dopage (APLD) est indépendante. Le cyclisme a bien travaillé en la matière. Aujourd'hui, quelles que soient les disciplines, l'objectif est de mieux cibler les contrôles. Je m'appuierai, en la matière, sur les travaux de l'Agence mondiale antidopage (AMA), d'autant que nous avons sur place, avec Mme Valérie Fourneyron, une ambassadrice de choc, dont chacun connaît l'engagement sur ce sujet.
Le service civique est le bras armé du Gouvernement pour sa politique en matière de jeunesse. Certains défendent farouchement la généralisation du dispositif à toute une classe d'âge, soit 700 000 jeunes. Cela pourrait rappeler, aux plus anciens, une forme de conscription et la capacité de certains à échapper à ladite conscription… Pour ma part, je ne crois pas utile de recourir à la contrainte dans ce domaine. L'engagement des jeunes passe nécessairement par le volontarisme.
M. Yves Durand a évoqué le PEDT. Les pouvoirs publics doivent faire en sorte que ce parcours se déroule dans de bonnes conditions, et le service civique fait partie des conditions nécessaires à sa réussite. Mais attention : ce n'est pas un outil d'insertion professionnelle ! Nombreux sont ceux qui font la confusion, y compris dans le secteur associatif. Le service civique est un outil de citoyenneté, un engagement qui, au bout de six mois ou un an, peut, certes, constituer sur un CV un élément favorisant l'insertion professionnelle du jeune, mais ce n'est pas, en soi, un outil d'insertion professionnelle.
Cela étant, il faut développer le service civique, car il représente une véritable opportunité pour de nombreux jeunes. Depuis sa création, le service civique, dont M. Martin Hirsch a la paternité, est souvent utilisé par des jeunes ayant un niveau culturel et universitaire assez élevé, voire très élevé. Aujourd'hui, l'objectif est de diffuser le service civique, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, auprès de jeunes qui n'ont pas toutes ces possibilités. Cela me conduit à évoquer Erasmus +, un outil dont se sont dotés les pouvoirs publics pour permettre à des jeunes de se former à l'étranger, quels que soient les difficultés ou les parcours chaotiques qu'ils ont pu connaître pendant leur scolarité. C'est un enjeu majeur, et je m'engage à ce que, dans chaque quartier de ville recensé parmi les 1 300 quartiers prioritaires, ou dans chaque commune regroupant plusieurs quartiers, il y ait un point d'entrée permettant à un jeune de solliciter le dispositif Erasmus +.
La sécurisation des financements du service civique est un engagement du Président de la République. Nous devons atteindre les 100 000 jeunes à la fin de ce mandat. Je ne vous cacherai pas que les arbitrages budgétaires demanderont de ma part une certaine force de conviction, que j'exprimerai au travers d'amendements gouvernementaux. Je ne veux pas que le service civique soit, comme d'autres politiques à caractère social, une variable d'ajustement des équilibres budgétaires de l'État, car c'est un enjeu de société. On ne peut pas laisser une partie d'une génération sur le bord du chemin. L'objectif de 100 000 jeunes ne représente qu'un septième de cette classe d'âge. En revanche, la généralisation du dispositif, qui représente une dépense publique de 3 milliards d'euros, ne me paraît pas envisageable aujourd'hui. Je reste donc lucide sur ma capacité à mener à bien cette politique. À nous de montrer suffisamment de pertinence pour que cette politique publique soit bien répartie sur le territoire, et notamment dans les quartiers de la politique de la ville.
J'en arrive au secteur associatif. Comment le sécuriser sur le plan des financements ? Comment envisager sa capacité à se réformer et à se regrouper ?
Le secteur associatif n'est pas qu'un secteur occupationnel : c'est aussi un secteur économique important. Aujourd'hui, mon objectif, en lien avec ses représentants, est de pouvoir mener, au travers d'outils tels que le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), ou le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP), une réflexion globale sur le monde associatif, qui intervient dans le domaine économique.
Voici un exemple concret : historiquement, c'est le secteur associatif, à but non lucratif par définition, qui a pris en charge en France le maintien à domicile sur l'ensemble des territoires, urbains ou ruraux. Or ce secteur est aujourd'hui difficulté. Je n'ai pas de commentaire à faire sur la loi de M. Jean-Louis Borloo, qui, en 2005, a permis au secteur privé d'intervenir dans un champ relevant jusqu'alors du secteur non-lucratif. Cela étant, nous avons créé une forme de dérégulation qui a fragilisé le secteur. Son sauvetage passera par des regroupements nécessaires à une plus grande pertinence sur le plan économique.
Certains d'entre vous m'opposeront la liberté associative. La notion d'appel à projets a également été évoquée tout à l'heure. Certes, l'appel à projets ne doit pas perturber la liberté du projet associatif. Le sujet n'est pas facile mais il suffit de comparer le secteur associatif intervenant dans un petit territoire avec de grandes associations qui emploient 1 500 ou 2 000 collaborateurs pour comprendre la complexité du cadre juridique concernant un secteur qui doit être développé et qui constitue un outil majeur, notamment pour l'éducation populaire.
J'attends beaucoup du rapport de M. Yves Blein sur la simplification, l'allégement des contraintes administratives, la responsabilité des dirigeants associatifs, leur statut et la manière pour eux de faire reconnaître leur engagement. C'est un sujet sur lequel je reviendrai devant vous, Mesdames et Messieurs les députés, car aujourd'hui, nous demandons beaucoup au secteur associatif en matière de maintien du lien social. Nous leur demandons même d'essayer de parvenir à une forme de pacification sociale dans certains de nos quartiers, sans que soit accordée aux dirigeants associatifs et aux bénévoles une reconnaissance de la part des pouvoirs publics. Cela pourrait éventuellement aller jusqu'à se traduire par des trimestres de cotisations de retraite. C'est une idée que j'avais portée dans le département du Nord mais qui méritera bien sûr un débat parlementaire soutenu.
La réforme des rythmes éducatifs a été critiquée et contestée, mais elle est aujourd'hui mise en place et représente une véritable opportunité. Je mesure l'effort financier qu'elle représente pour de nombreuses villes, mais faire de la politique, c'est faire des choix. Or, quel plus beau choix que celui d'investir pour notre jeunesse ? Face à la baisse des dotations, certains maires se plaignent d'avoir à supporter une charge supplémentaire. Peut-on dire que s'occuper d'enfants constitue une charge supplémentaire ? La réforme permettra aux enfants de bénéficier d'un environnement éducatif de qualité et de s'épanouir. Elle va également contribuer à la création de richesses : je pense aux animateurs qui seront formés et aux emplois qualifiés, durables et non délocalisables, qu'elle générera dans le secteur de l'éducation populaire.
Cette réforme, présentée par beaucoup comme une charge, est au contraire une chance pour les grands équilibres sociaux dans nos communes. J'espère qu'avec le temps, et surtout avec la preuve par l'exemple, nous montrerons, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, que nous offrons là une politique d'équité républicaine, coconstruite entre l'éducation nationale, les mouvements associatifs, l'éducation populaire et les collectivités territoriales. Cette réforme, que j'ai soutenue dans mes précédentes fonctions, je continue à la défendre comme étant préparatrice d'avenir pour nos quartiers.