Bien que désapprouvant les notions de cycles et de déficits structurel et conjoncturel, M. de Courson pourrait trouver une information dans les enquêtes de conjoncture. Par exemple, en observant l'indicateur, construit depuis près de cinquante ans, qu'est le taux d'utilisation des capacités de production, on s'aperçoit que la France se situe aujourd'hui à un point bas comparable au niveau de 2009. Pour autant, la situation n'est pas comparable, car elle ne permet pas les mesures de relance que tous les pays européens avaient prises à l'époque, même avec des déficits déjà élevés. Or il est plus facile de relancer avec une économie à l'équilibre, comme en Allemagne, qu'avec des déficits excessifs.
Pour sortir de la récession européenne, il faut être très attentif à la demande. On a appliqué partout des politiques d'austérité en pensant qu'elles auraient un effet multiplicateur faible et qu'elles suffiraient à réduire les déficits publics. Or lorsque le taux de sous-utilisation des capacités de production est très élevé et que les entreprises sont avant tout confrontées à un problème de demande, l'effet multiplicateur des politiques de réduction des déficits – qu'elles passent par des hausses d'impôts ou par des réductions de dépenses – est si fort qu'il remet en cause l'amélioration attendue : on perd en recettes ce que l'on croyait gagner en dépenses. Aujourd'hui, si l'Europe veut sortir de la récession et réduire ses déficits, mieux vaudrait qu'elle en sorte rapidement. Je plaide en faveur d'une année blanche de réduction des déficits structurels en Europe, seule manière, à mon avis, de revenir à une situation normale.
Observez l'écart considérable qui s'est creusé entre l'Europe et les États-Unis, qui sont sortis de la crise en menant une politique monétaire massive et inédite, et une politique budgétaire bien moins restrictive qu'en Europe. L'Europe, c'est terrible, est en train de reproduire la situation des années 1930 : le cocktail de politiques économiques mis en oeuvre sur notre continent est le même qui a conduit aux années de déflation européenne. Il vaudrait mieux ne pas rester trop longtemps dans cette situation pour remonter quelque peu dans le cycle. J'espère que l'on ne perpétuera pas une situation aberrante au regard des différentes politiques macroéconomiques possibles. Selon les éditorialistes du New York Times, ce n'est pas un hasard si l'Europe s'enfonce à nouveau dans le marasme : c'était prévisible dans la mesure où elle conduit toujours les mêmes politiques erronées qui l'ont conduite à la récession. J'espère que l'on saura mener une politique suffisamment intelligente à l'échelle de l'Europe pour pouvoir nous en sortir. M. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), a indiqué avec pertinence qu'il faisait ce qu'il fallait du point de vue monétaire, mais que, de notre côté, nous devions agir sur le plan budgétaire.