Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 9 octobre 2014 à 15h00
Vote par voie électronique des français de l'étranger à l'élection présidentielle et à l'élection des représentants au parlement européen. — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, 1 642 953 de nos compatriotes sont inscrits au registre mondial des Français établis hors de France au 1er janvier 2014, nombre en augmentation de 2 % par rapport à l’année précédente. En réalité, cette population, difficilement quantifiable, compterait plus de 2,5 millions de Français présents sur tous les continents. En effet certains ne s’inscrivent pas auprès de nos consulats, ne gardant ainsi que peu de lien avec la France, ce qui est regrettable car ils représentent une force politique non négligeable.

Grâce au phénomène de mondialisation et à la circulation aisée des informations, des biens et des services, nos compatriotes établis à l’étranger jouent aujourd’hui dans notre vie politique un rôle plus important et plus actif que dans le passé.

Dans ce monde en mouvement constant, leur dynamisme, leurs talents et leur courage sont autant d’atouts pour la France.

La capacité d’un État à s’ouvrir au monde a toujours été un ressort fondamental de son rayonnement. Dans tous les domaines, économique, culturel, linguistique, associatif, l’expatriation est un facteur irremplaçable de la réussite de la France.

À cette époque incertaine pour l’avenir de notre pays, ces Français du monde ont un rôle essentiel à jouer. Ils sont une force, une richesse pour la France. Grâce à la présence de communautés françaises dans le monde, notre expertise, nos compétences et nos savoir-faire sont reconnus sur la scène internationale, la langue française est parlée et enseignée sur les cinq continents, et nos valeurs sont partagées. Ils reflètent parfaitement l’insertion de la France dans la mondialisation.

C’est parce que j’ai toujours été convaincu de leur importance que, depuis plus de treize ans, au sein du RPR puis de l’UMP, j’ai fait le choix de me consacrer à ces Français qui se sont établis hors de nos frontières. Je connais, tout comme les autres députés des Français de l’étranger ici présents, leurs préoccupations quotidiennes et leurs attentes.

Déjà en 2008, convaincu qu’ils sont non pas une partie mais une partie intégrante de notre nation, j’avais défendu la création des onze sièges de députés des Français de l’étranger afin qu’ils soient représentés à l’Assemblée nationale comme ils l’étaient au Sénat.

Ce projet avait d’ailleurs – j’en souris maintenant – été vigoureusement combattu par le groupe socialiste, qui avait, à l’époque, déposé un amendement visant à supprimer la création de ces députés jugeant cette représentativité « plus que douteuse », pour reprendre les termes qui avaient été alors utilisés. je me permets de vous rappeler que cet amendement avait été présenté par un certain Arnaud Montebourg et défendu par un député qui a fait du chemin depuis puisqu’il s’agissait de François Hollande...

Je me réjouis donc aujourd’hui que l’existence de députés représentant les Français établis hors de France fasse finalement consensus dans notre assemblée, chacun des quatre principaux groupes parlementaires en comptant en leur sein. J’espère d’ailleurs que cette représentativité ne sera pas remise en cause à l’avenir, monsieur le secrétaire d’État.

En effet, ils ne doivent plus être des Français à part mais des Français à part entière. Nous devons, aujourd’hui plus que jamais, leur montrer que la France tient à eux, afin qu’ils tiennent à nous.

La proposition de loi que j’ai déposée va dans ce sens. Je tiens, à cette occasion, à remercier particulièrement notre rapporteur Patrice Verchere, pour le travail remarquable qu’il a accompli pour la présenter.

Elle vise à permettre aux Français de l’étranger, compte tenu de leur situation particulière face à l’accès au vote, de voter par voie électronique à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen.

Force est de constater que les électeurs établis hors de France sont parfois contraints de parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour aller voter, ce qui empêche pratiquement certains d’entre eux de prendre part au scrutin. Pour eux, aller voter représente une sérieuse contrainte de temps, sans parler du coût de déplacement, parfois important.

Je pense à certains Français établis en Australie. Ceux qui habitent en Tasmanie, par exemple, doivent se rendre en avion à Melbourne, à plus de 600 kilomètres de leur lieu de résidence, pour aller voter.

Je pense à certains de nos compatriotes établis en Chine ou en Russie. Un Français résidant à Vladivostok doit parcourir 6 000 kilomètres pour aller voter à Moscou.

Je pense également aux difficultés rencontrées par certains de nos compatriotes établis dans des pays dont la superficie est plus réduite, mais où le problème est le même en raison de leur particularisme géologique ou de leur caractère insulaire, comme l’Indonésie, la Thaïlande ou les Philippines. Un Français établi à Cebu et qui doit se rendre à Manille pour voter est soumis à des contraintes de transport similaires.

Aussi, la logique de cette proposition de loi, parfaitement défendue en commission par notre collègue Patrice Verchere, est de répondre à leur situation particulière en facilitant leurs démarches.

Depuis 2003, les Français établis à l’étranger peuvent utiliser le vote par voie électronique pour élire les instances chargées de les représenter. Je me félicite que, pour la première fois dans le cadre d’une élection nationale, les Français de l’étranger aient pu voter par voie électronique lors des législatives de juin 2012.

Cette modalité de vote a connu un grand succès puisque plus de la moitié des électeurs ayant voté ont choisi de l’utiliser de préférence aux trois autres possibilités d’expression du suffrage : le vote à l’urne, le vote par procuration et le vote par correspondance.

En effet le vote par internet a été choisi par 57 % des votants, au premier tour, et par 54 % d’entre eux au second tour, Ce succès s’est confirmé lors des élections législatives partielles de 2013, où 65 % des électeurs ont choisi ce mode de scrutin au premier tour et 70 % au second.

Même si certaines améliorations sont souhaitables – j’espère notamment que les services du ministère auront résolu les dysfonctionnements de Java d’ici les prochaines élections –, le vote par voie électronique a satisfait à toutes les exigences de sécurité, ce dispositif de vote ayant fait l’objet de contrôles rigoureux.

Pourtant cette nouvelle modalité de vote fait encore débat, et ce, alors qu’internet connaît une croissance exceptionnelle. Les entreprises, les administrations publiques, les citoyens dépendent tous, aujourd’hui, d’internet, qui fait partie de notre quotidien.

Internet a naturellement suscité de l’intérêt comme facteur d’accessibilité au processus électoral parce qu’il transforme les modes de prestation de services et crée des espaces participatifs.

Ainsi, force est de constater que ce vecteur de communication a d’ores et déjà une place importante dans le domaine électoral, permettant le recrutement de nouveaux militant, l’organisation des manifestations et des campagnes électorales, l’accès à l’information pour les médias et les citoyens, et il continuera sans doute à avoir un grand impact sur la nature de la démocratie dans le monde.

Aussi, compte tenu de la particularité de la situation des Français établis hors de France, il semble utile d’explorer davantage la capacité d’internet d’améliorer leur processus électoral.

Je tiens cependant à préciser que cette proposition de loi organique ne prétend pas pour autant lancer un débat de principe sur le vote par internet. Cette démarche est strictement destinée à nos compatriotes établis hors du territoire national. Sa logique est de répondre à leur situation particulière afin qu’ils puissent, dans les meilleures conditions, exercer pleinement leur droit de vote.

L’utilisation de la voie électronique lors de l’élection du Président de la République, de celle de nos représentants au Parlement européen et des référendums présenterait des avantages non négligeables : simplicité du vote, facilité d’accès au scrutin, augmentation de la participation et instantanéité de la prise en compte du suffrage.

Il paraît nécessaire de faciliter les droits des Français résidant à l’étranger afin d’encourager leur participation à ces élections. Cette nouvelle façon de voter est susceptible de simplifier le processus électoral et de le rendre plus accessible aux électeurs. Grâce au vote à distance par internet, on peut exercer son droit de vote à partir de n’importe quel ordinateur connecté à internet et offrir aux électeurs la possibilité de voter à toute heure.

Cette modalité de vote pourrait aussi favoriser la participation des électeurs considérés comme les plus difficiles à atteindre, surtout à l’étranger, particulièrement les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Familiers de cette technologie, ils en sont les plus fréquents utilisateurs et sont sans doute ceux qui profiteraient le plus de la mise en place du vote à distance.

Autre avantage non négligeable, la mise en application de cette proposition permettrait de simplifier et de moderniser les modalités de vote. En effet, nombre de nos compatriotes ont parfois du mal à s’y retrouver d’une élection à l’autre. Peu lisible, la diversité des modalités d’expression du suffrage est souvent une source d’incompréhension.

J’ai ainsi été, comme mes collègues, maintes fois interpellé par des électeurs trouvant très étonnant de pouvoir voter par internet pour les élections consulaires mais pas pour les européennes, alors même que les élections se déroulaient le même jour.

Malgré tous ces avantages, qui ne font que confirmer la légitimité de la présente proposition, certains sceptiques brandissent encore le problème de la sécurité, alors même, comme je l’ai déjà souligné et comme notre rapporteur l’a rappelé, qu’aucun problème n’a été à déplorer lors des élections législatives ou consulaires.

Il est d’ailleurs paradoxal, si la question de la sécurité remet en question le principe même de cette modalité de vote, de l’autoriser pour d’autres consultations. Il y a une contradiction évidente entre les mesures prises récemment pour les élections consulaires et les arguments évoqués par ces détracteurs. Voilà un nouvel illogisme de la majorité actuelle.

Si des pays comme l’Estonie, précurseur en la matière, ont réussi à instaurer à l’échelle nationale cette modalité de vote en l’assortissant de toutes les mesures de sécurités nécessaires, nous devrions logiquement arriver à la mettre en place pour les Français de l’étranger.

Je demande donc à l’actuelle majorité de faire preuve du bon sens qui lui avait fait défaut au moment de la création de sièges de députés des Français de l’étranger, alors que cette réforme lui a finalement permis de gagner six postes de députés supplémentaires. Je l’appelle à dépasser les clivages partisans : faciliter l’exercice du droit de vote de nos compatriotes établis hors de France est avant tout une démarche citoyenne qui devrait nous réunir, quelles que soient nos sensibilités politiques.

Vous m’opposez, monsieur le secrétaire d’État, le fait que le vote électronique n’aurait pas permis d’élever le taux de participation aux élections. J’affirme à l’inverse que cette nouvelle modalité de vote a permis de stabiliser un taux de participation en baisse constante jusqu’alors.

Telles sont les raisons pour lesquelles, avec mes collègues de l’opposition, nous défendons cette proposition de loi que j’ai eu l’honneur de déposer.

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