Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 9 octobre 2014 à 15h00
Vote par voie électronique des français de l'étranger à l'élection présidentielle et à l'élection des représentants au parlement européen. — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Les oppositions au vote électronique sont sérieuses et légitimes. Je les partage en partie, je l’ai dit en commission. Il n’y a d’ailleurs pas de parti ou de groupe politique dans notre assemblée pour en proposer la généralisation. Et cette proposition n’en prévoit pas la généralisation sur le territoire national non plus. Nul ici ne conteste les considérables avantages du vote à l’urne : secret et indépendance du vote, transparence des opérations, garanties de contrôle.

Les critiques contre le vote électronique lors des élections législatives n’ont pas, paradoxalement, conduit le gouvernement à améliorer le système en vigueur. Elles n’ont pas conduit le législateur, lors de la dernière réforme, à s’interroger pour améliorer le dispositif.

Vous avez prétendu, monsieur le secrétaire d’État, que le vote électronique ne favorisait pas la participation, vous référant aux dernières législatives. Mais vous omettez de rappeler les mésaventures que nos compatriotes ont vécu avec le dispositif Pnyx, qui repose sur une application Java et qui était inaccessible à tous les internautes ayant téléchargé la dernière mise à jour du langage de programmation Java 1.7. Il fallait en effet désinstaller Java 1.7 pour installer la bonne version, Java 1.6, et pouvoir voter. C’est ce qui explique en grande partie que la mise en place du vote électronique pour les législatives de 2012 n’ait pas amélioré substantiellement le taux de participation, puisqu’il fallait un minimum de compétence technique pour voter.

La perception de l’importance de l’élection joue, bien sûr, mais pas plus ni pas moins que sur le territoire national, où la participation à l’élection présidentielle est traditionnellement plus élevée.

Voter depuis son ordinateur personnel est en effet un autre risque : l’ordinateur personnel offre en effet peu de garanties de sécurité et est facilement attaquable. Il est donc tout à fait possible que certains se voient dépossédés de leur vote ou que le secret du vote soit violé.

L’aspect technique du dispositif à l’oeuvre pour les opérations de vote des Français de l’étranger pose également un problème : en effet, le dispositif a été conçu par des prestataires privés. Il est donc inutile de demander que des techniciens du ministère des affaires étrangères interviennent : ils n’ont pas eu la main.

Certains logiciels ont été développés par des sous-traitants privés en-dehors de tout contrôle citoyen direct. La mise en place et l’administration du système de vote électronique sont en effet réalisées par une entreprise privée basée à Barcelone, qui n’a pas de bureau en France. Les serveurs web qui ont accueilli les électeurs sont eux-mêmes en Espagne. C’est donc la première fois qu’une élection est ainsi partiellement sous-traitée et même délocalisée. C’est un peu ennuyeux, d’autant qu’en 2010, la CNIL estimait « hautement souhaitable que les serveurs et les autres moyens informatiques centraux du système de vote électronique soient localisés sur le territoire national afin de permettre un contrôle effectif des opérations par les membres du bureau de vote ».

Et ce n’est pas tout, puisque le contrôle du résultat est aussi problématique. Sans tomber dans la théorie du complot, il faut rappeler que, dans un scrutin classique, des assesseurs, des représentants des partis politiques et même de simples citoyens vérifient que le vote se déroule selon les règles de la démocratie et qu’il n’y a aucune fraude. Or, le bon déroulement du vote électronique des citoyens français résidant à l’étranger n’offre pas les mêmes garanties de contrôle, contrairement à ce que j’ai pu entendre. En effet, un arrêté publié le 8 mai 2012 au Journal officiel prévoit que l’expertise indépendante, « destinée à vérifier le respect du secret du vote, de la sincérité du scrutin et de l’accessibilité du suffrage », sera conduite par « un informaticien spécialisé dans la sécurité » et « n’ayant pas d’intérêt financier dans la société qui a créé le dispositif de vote ». Une seule et unique personne pour contrôler la régularité de l’ensemble du scrutin !

Nombre de réclamations avaient été enregistrées par le ministère et les postes qui avaient en charge du déroulement des opérations de vote en 2012, et le système est resté le même pour les élections consulaires, sans que le ministère ni l’administration des affaires étrangères ne s’en émeuvent.

L’organisation d’un scrutin en ligne pour les élections législatives présente donc d’évidentes faiblesses, nous l’avons dit, faiblesses auxquelles il convient d’ajouter la fracture numérique. Le niveau et la qualité de connexion est très inégal et varie en fonction des territoires.

J’étais présent, mardi dernier, quand vous vous êtes adressé à l’Assemblée des Français de l’étranger, et vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, qu’un nouvel appel d’offres pour le vote électronique allait être lancé. J’espère que les remarques que je viens de formuler, qui ont été faites par d’autres ici même, seront prises en compte dans le cahier des charges, pour garantir le bon déroulement des scrutins à venir.

M. Popelin, au nom du groupe socialiste, a soulevé de nouvelles objections lors du passage du texte en commission. L’élection présidentielle a lieu dans le cadre d’une circonscription nationale unique, nous a-t-il précisé. Il est probable que l’ouverture de modalités de vote différentes soit considérée comme une rupture d’égalité devant le vote, une partie des Français ayant la faculté de voter par voie électronique quand la grande majorité du corps électoral ne l’aurait pas. Mais ne trouvez-vous pas, chers collègues, qu’il y a déjà rupture d’égalité lorsque, dans un pays comme le Brésil, on ne compte qu’une dizaine de bureaux de vote et qu’il faut à certains de nos compatriotes faire des milliers de kilomètres et débourser plusieurs centaines d’euros pour exercer leur droit de vote ?

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