Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le vote est un acte civique, un geste citoyen par lequel chaque Français participe à la vie démocratique de notre pays. Le fait de se rendre physiquement aux urnes pour donner sa voix revêt évidemment un caractère symbolique très fort – nous sommes tous d’accord là-dessus. Il est la concrétisation d’un moment important de notre démocratie.
Le vote aux urnes, dit traditionnel, doit donc évidemment demeurer la règle sur le territoire national, et la proposition de loi de mon collègue Thierry Mariani ne pose pas la question d’une généralisation du vote électronique pour l’ensemble des élections. En revanche, en raison du caractère spécifique du vote à l’étranger, l’instauration du vote électronique à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen semble se justifier à plusieurs titres.
Tout d’abord, nous ne pouvons que déplorer le fort taux d’abstention aux élections à l’étranger. Si l’on constate aussi ce phénomène sur le territoire national, il est toutefois beaucoup plus important à l’étranger. Rappelons que le taux de participation y avoisine traditionnellement les 20 % d’électeurs inscrits ! Le vote par internet connaît indéniablement un grand succès auprès des électeurs vivant à l’étranger : lors des dernières élections législatives, 57 % des votants au premier tour, puis 54 % au second tour, ont choisi ce mode de vote. Cette préférence a été encore plus flagrante lors des élections législatives partielles, puisque ce sont alors 65 à 70 % de nos compatriotes qui ont voté par internet. À ce rythme, j’imagine qu’aux prochaines élections législatives, nous gagnerons encore 10 ou 15 %.
Un rapport d’information du Sénat a certes souligné qu’une décennie de mise en oeuvre du vote électronique pour certaines élections n’a pas suffi à augmenter le taux de participation. Ce constat doit cependant être nuancé, puisqu’on ne peut évidemment pas comparer la participation à l’élection présidentielle avec la participation aux élections législatives, pour lesquelles le vote électronique est déjà possible. L’élection présidentielle, sur le territoire national comme ailleurs, demeure celle qui mobilise le plus d’électeurs ; c’est l’élection majeure chez nous. En outre, comme l’a indiqué le rapporteur, le vote électronique aux élections législatives n’a été expérimenté qu’une seule fois. Attendons d’en voir les effets sur le long terme.
Nous aurions tort de ne pas encourager, par cette réforme qui n’est évidemment ni de gauche, ni de droite, les électeurs de l’étranger à aller voter, en particulier lors des élections européennes, qui recueillent le plus fort taux d’abstention. Ce qui serait inacceptable, ce serait de ne pas donner à ceux qui souhaitent le faire, la possibilité de voter. Certains de nos concitoyens sont contraints – je le constate à chaque élection – de parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre dans un bureau de vote, ce qui nécessite parfois un déplacement par avion ou par bateau. Dans de telles situations, le coût du trajet constitue encore un frein supplémentaire à l’exercice du droit de vote. Ce trajet peut même s’avérer dangereux dans certaines régions du monde.
Je vais être concret et prendre des exemples dans ma propre circonscription, la huitième. En Turquie, les Français résidant à Antalya se trouvent à 450 kilomètres du bureau de vote le plus proche, celui d’Izmir. Cette distance rend quasi impossible l’accomplissement de l’acte citoyen le plus essentiel, même si d’aucuns le font. En Israël, pays qui compte 70 000 inscrits au consulat, et 150 000 citoyens français, on ne compte que sept bureaux de vote, ce qui oblige nos compatriotes à faire plusieurs heures de trajet pour aller voter. C’est extraordinaire ! Ne pas voter cette loi, c’est interdire à des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes d’aller voter ! La distance et le nombre de bureaux de vote sont de puissants facteurs d’inégalité d’accès au vote.