Intervention de Patrice Verchère

Séance en hémicycle du 9 octobre 2014 à 15h00
Vote par voie électronique des français de l'étranger à l'élection présidentielle et à l'élection des représentants au parlement européen. — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Verchère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

S’il n’y avait pas eu de vote électronique, peut-être la participation aurait-elle été moindre ? En fait, personne n’a autorité pour dire ce qu’il en aurait été.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres de participation, ils ont déjà longuement été cités.

En ce qui concerne le problème constitutionnel, nous ne pouvons nous substituer au Conseil constitutionnel. Il se prononcerait s’il était saisi, et la situation des Français établis à l’étranger étant différente, peut-être ferait-il application de sa jurisprudence sur le principe d’égalité, qui permet de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes.

Sur ce sujet, le Conseil d’État a considéré en 2010 : « eu égard à l’extrême difficulté, voire à l’impossibilité pratique, auxquelles peuvent se heurter les Français établis hors de France non seulement pour se rendre dans les bureaux de vote, mais encore pour donner procuration à un compatriote de confiance, et compte tenu par ailleurs des carences pouvant affecter le courrier dans certains pays, () le vote par voie électronique pouvait apparaître, dans nombre de cas, comme le seul moyen pour les Français résidant hors de France d’exercer effectivement un droit qu’ils tiennent désormais de la Constitution ».

Ce raisonnement, qui a prévalu pour l’élection des députés et que votre majorité a étendu aux conseillers consulaires, mériterait aujourd’hui d’être transposé à l’élection du Président de la République et aux représentants de la France au Parlement européen.

Une telle mesure n’imposerait en rien que la même possibilité soit offerte à l’ensemble des électeurs résidant en France. Néanmoins, comme vient de le rappeler notre collègue de Polynésie française et comme le disait Daniel Gibbes en commission des lois, il existe des situations dans les DOM-TOM qui pourraient amener à développer ce vote électronique. Commencer par cette extension, par cette expérience complémentaire, permettrait de répondre demain à des exigences qu’ont rappelées nos collègues de l’outre-mer.

S’agissant de la sécurité du vote, il est vrai qu’il peut y avoir des questionnements légitimes. Il y a eu quelques dysfonctionnements, comme l’a rappelé Frédéric Lefebvre, mais en aucun cas le Conseil constitutionnel, qui a été saisi à l’occasion des élections législatives, n’a relevé d’irrégularité. Et aucune des élections législatives des Français de l’étranger n’a été remise en cause du fait du vote électronique.

À entendre les uns et les autres, j’ai l’impression que nous avons peur d’une attaque électronique contre les opérations de vote, notamment lors de l’élection présidentielle. Il nous appartient de pouvoir y répondre techniquement. Nous donnons l’impression de ne pas souhaiter, par facilité, explorer de nouvelles voies pour améliorer cette technique de vote. J’aimerai que l’on puisse améliorer la situation, faire des propositions. Il y a peut-être des risques, mais nous pouvons y travailler. Les élections législatives et présidentielles ne sont pas prévues tout de suite – les législatives peuvent intervenir plus tôt que prévu, mais probablement pas les présidentielles… – nous avons donc du temps pour nous préparer. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous rassurer en déclarant que vos services travaillent sur ces questions, et que vous mettez les moyens pour régler les difficultés techniques, parce que c’est une facilité qui est offerte à nos compatriotes.

Si vraiment il existe des risques sur le vote, il va falloir accepter de déposer un projet de loi supprimant les autres possibilités de vote électronique. Nos collègues députés des Français de l’étranger souhaitent qu’il n’y ait aucun doute sur leur légitimité. Insidieusement, refuser l’extension de ce vote pour des motifs de sécurité instillerait le doute sur leurs conditions d’élection : peut-être doivent-ils leur élection à l’intrusion, via internet, de personnes qui ont manipulé le scrutin ? Il faut être prudent en maniant ces arguments.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous le répète, vous avez une belle occasion, alors que c’est le premier texte dont vous débattez dans cet hémicycle, d’obtenir un vote unanime. Ce serait une belle performance, et dans le contexte actuel, cela ferait du bien à l’Assemblée nationale que nous nous retrouvions ensemble à voter ce texte.

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