Intervention de Harlem Désir

Réunion du 9 septembre 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Harlem Désir, secrétaire d'état aux affaires européennes :

En tout état de cause, ce choix aidera la Pologne à être davantage en phase avec les décisions les plus ambitieuses de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la politique monétaire commune ou des objectifs en matière climatique, même si l'on sait que la Pologne, dont 80 % de l'électricité est produite à partir de charbon, fait partie des pays auxquels la transition énergétique demandera un effort très important. Nous pouvons ainsi espérer qu'un accord unanime ambitieux sera trouvé sur le paquet énergie-climat. Parce qu'elle est soumise à des risques en matière de sécurité d'approvisionnement, la Pologne est plus sensible aux questions de sécurité énergétique et d'investissements dans les réseaux qu'aux objectifs climatiques. Mais, dès lors que l'un de ses responsables préside le Conseil européen, elle doit prendre en charge l'ensemble des objectifs de l'Union : les objectifs climatiques ne doivent pas être détachés des objectifs énergétiques. Les deux sujets doivent être traités ensemble : il faut mener simultanément une politique d'intégration du marché européen en matière d'énergie, d'interconnexion, d'investissement dans les énergies nouvelles et d'efficacité énergétique.

En ce qui concerne les investissements, vous souhaitiez savoir quelles mesures concerneraient spécifiquement l'emploi des jeunes. La politique de l'emploi est le quatrième pilier, que j'ai omis de mentionner tout à l'heure, monsieur Glavany. Le taux de chômage des jeunes reste supérieur à 25 % dans beaucoup de pays de l'Union, en particulier dans l'Europe du sud mais aussi dans plusieurs régions françaises, même si le taux moyen de chômage des jeunes y est passé sous les 25 %. Nous devons donc nous assurer que l'on ne passe de la génération ERASMUS à une génération sacrifiée. Nous avons renforcé le programme ERASMUS pour les jeunes qui suivent une formation universitaire, car c'est un immense succès tant en matière de formation qu'en matière de citoyenneté, mais il faut consentir des efforts beaucoup plus importants pour ceux qui sont sortis du système scolaire sans qualification et qui sont sans emploi. Tel est l'objet de la « garantie pour la jeunesse », que nous avons commencé à mettre en oeuvre en France et pour laquelle nous avons obtenu un budget européen de 6 milliards d'euros sur les deux prochaines années, dont 600 millions pour la France. Cette dernière a été l'un des premiers pays – elle a été suivie par l'Italie et le sera bientôt par l'Espagne – à signer son programme opérationnel. Il faut maintenant utiliser ce fonds destiné à tous les jeunes qui sont depuis quatre mois sans formation ou sans emploi.

L'Union doit avoir pour objectif prioritaire de mettre en oeuvre des dispositifs volontaristes destinés à accompagner le retour à l'emploi de ces jeunes, que ce soit par la formation ou par l'immersion en entreprise. C'est un devoir moral, mais il y va aussi de la crédibilité de l'Union et de la relance économique, car lorsque la moitié d'une classe d'âge est exclue du marché du travail, c'est non seulement un désastre social, mais aussi un handicap majeur pour la vie économique du pays, incompatible avec la relance européenne que nous souhaitons. La politique de l'emploi en direction des jeunes est donc une priorité absolue.

Monsieur de La Verpillière, vous voulez voir dans notre insistance pour que l'Europe crée un cadre favorable à la croissance le révélateur de notre faiblesse dans la mise en oeuvre des réformes. Non ! Les réformes sont engagées : le pacte de responsabilité et de solidarité a été voté par votre assemblée et se traduit d'ores et déjà par des mesures favorables à la compétitivité des entreprises et à la réduction de la dépense publique. Le budget pour 2015, qui sera bientôt soumis au Parlement, complétera les dispositions que vous avez déjà adoptées dans le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative pour la Sécurité sociale pour 2014.

Les réformes en matière de finances, de compétitivité, d'allégement du coût du travail et de simplification ainsi que la réforme territoriale sont, je le répète, engagées, en France comme dans tous les pays de l'Union européenne. Il est vrai que certains d'entre eux ont fait ces réformes plus tôt que d'autres : c'est le cas de l'Allemagne, qui a pris des mesures visant à améliorer sa compétitivité entre 2002 et 2005, sous le gouvernement de Gerhard Schröder ; elle en tire aujourd'hui les bénéfices.

En France, c'est le gouvernement actuel qui entreprend ces réformes. En Europe, tout le monde le sait, et on ne lui reproche pas de faire le travail qui n'a pas été fait précédemment. Toutefois, chacun doit être conscient que ces réformes peuvent mettre du temps à produire leurs effets. Certaines d'entre elles sont d'application immédiate, comme le crédit d'impôt compétitivité emploi, qui permet d'ores et déjà d'alléger le coût du travail en diminuant l'impôt sur les sociétés et dont je rappelle qu'il porte sur l'ensemble des rémunérations versées aux salariés n'excédant pas 2,5 fois le SMIC. D'autres dispositions s'appliqueront progressivement, dont certaines à partir du 1er janvier prochain, notamment la baisse des cotisations sociales pour les entreprises. Par ailleurs, plusieurs millions de ménages n'entreront pas dans l'impôt sur le revenu ou verront celui-ci baisser, ce qui est une façon de redistribuer du pouvoir d'achat. Quant aux mesures concernant la compétitivité, elles auront des effets à plus long terme.

En demandant une certaine flexibilité, nous cherchons, non pas à éviter de faire les réformes, mais à créer le cadre européen favorable à leur réussite, car celle-ci dépend aussi de la croissance. Personne ne peut interpréter les décisions qui ont été prises comme un aveu de faiblesse ou comme le signe que la voix de la France n'est pas entendue. Je l'ai dit tout à l'heure mais je veux être encore plus précis : certains avaient imaginé, au début de la réunion du Conseil européen du 30 août que l'on n'y traiterait pas de la situation économique, ce qui était, pour nous, inconcevable. La France a donc fait en sorte, avec la présidence italienne, que ce sujet soit à l'ordre du jour. En outre, les rencontres qui ont été annoncées et qui auront lieu au cours de l'automne ont été décidées sur l'initiative de la France, qu'il s'agisse du sommet de la zone euro, de la rencontre sur l'emploi et la croissance ou du débat sur les priorités en matière d'investissement. La voix de la France est donc entendue ; la phrase que j'ai citée tout à l'heure est extraite des conclusions du Conseil européen, dont je rappelle qu'elles ont été adoptées à l'unanimité.

Sur la situation en Ukraine, vous avez entendu M. Laurent Fabius. La France est à l'initiative de la première rencontre qui a eu lieu entre MM. Porochenko et Poutine, le 6 juin, en Normandie. Les ministres allemand, français, russe et ukrainien des affaires étrangères se sont rencontrés à plusieurs reprises durant l'été pour des réunions à quatre. Des contacts téléphoniques réguliers ont lieu entre le Président de la République et la chancelière Merkel, de même que, de l'autre côté, avec MM. Poutine et Porochenko. C'est par ce processus qu'a abouti le cessez-le-feu.

Monsieur Le Borgn', dans la Commission européenne dont le mandat s'achève, un même commissaire était en charge de la politique européenne d'élargissement et de la politique de voisinage, qui inclut le partenariat oriental, les relations avec l'Ukraine ou encore la question moldave. Ces deux politiques méritent d'être bien distinguées. Une procédure d'adhésion est déjà engagée pour certains pays, tels la Serbie et le Monténégro, la perspective européenne étant un facteur de stabilité dans les Balkans. Même si Jean-Claude Juncker a annoncé qu'il n'y aurait pas de nouvelle adhésion dans les cinq ans à venir, le processus de rapprochement est en cours, ce qui permet de conjurer la menace d'une répétition des conflits qu'ont connus les Balkans il y a vingt ans.

Il ne faut pas entretenir de confusion entre cette politique d'élargissement et le partenariat oriental ou la politique de voisinage visant à apporter une plus grande stabilité aux frontières de l'Union européenne. Pour les États tiers limitrophes, aucune décision d'adhésion n'est prise. Élargissement et voisinage sont deux vocations qui ne se superposent pas. L'Union européenne ne pourra s'élargir jusqu'à l'Oural ; elle n'en a ni les moyens, ni la vocation.

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